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Les
Touareg
Les Touareg constituent
la population emblématique du Sahara central. Le nom sous lesquels ils
sont connus est celui que les Arabes nomades ont donné à ces les Berbères
voilés du Sahara. Eux se désignent sous le terme d'Imoucharh (au
singulier, Amacherh).
Les Touareg (nous
continuerons à leur donner ce nom) sont une branche de la nation berbère
des Zanag ou Sanhadja, jadis répandue dans tout le Maghreb. Plusieurs
tribus nomades de cette nation, chassées des fertiles provinces
du Tell au temps de la domination carthaginoise
ou à l'époque de la conquête romaine, émigrèrent, avec leurs troupeaux,
dans le Sahara septentrional; mais, incommodés dans leurs courses tant
par l'éblouissante lumière des hamadas que par le souffle embrasé des
vents du sud, les émigrants imaginèrent de rabattre, sur leurs yeux,
en forme de visière, un pli de leur turban, et de se couvrir d'un voile
la partie inférieure du visage. Cet usage entra bien vite dans les moeurs
et, comme l'a dit justement Hanoteau, il s'y rattache encore au. jourd'hui
une idée de dignité qui le fera longtemps respecter.
Lorsque Okba ben
Nafi pénétra dans le Maghreb-el-Aksa (VIIe
siècle), il se trouva en contact avec
des voilés établis dans le Sous; ceux-ci embrassèrent l'islam; puis,
poussés à leur tour par le prosélytisme, ils conquirent le Sahara et
une partie du Soudan (836 ap. J.-C;,
222 de l'Hégire) et imposèrent la religion nouvelle, ou tout on moins
ses formules de profession de foi, aux peuples de ces contrées.
Ce fut d'une tribu
de voilés sahariens, les Lemtouna, que sortirent, vers le milieu du XIe
siècle, ces fameux Marabouthinn
(Almoravides) que le plus ardent fanatisme
transforma en héros, et qui englobèrent le Maghreb et l'Espagne dans
leur immense empire. On sait qu'épuisés par les conquêtes et corrompus,
du reste, par l'exercice du pouvoir, les Almoravides furent renversés,
vers le milieu du XIIe
siècle, par les Mouahhedoun (unitaires),
autres sectaires berbères que les Espagnols nous ont fait connaltre sous
le nom d'Almohades.
Cependant, le plus
grand nombre des Sanhadja voilés étaient restés au désert. Le lien
qui les rattachait à l'empire musulman une fois rompu (ils avaient été
déclarés hérétiques par les Almohades), ils se trouvèrent eux-mêmes
divisés en différents groupes de tribus, sortes de confédérations dont
les rivalités facilitèrent l'établissement des Arabes nomades dans les
meilleurs sites du Sahara septentrional.
Les Touareg devinrent
les maîtres de la partie du Sahara comprise de l'Est à l'Ouest entre
entre le Fezzan, le pays des Tebbous (Tibous) et l'océan Atlantique, et
du Nord au Sud entre le Soudan et le région de pâturages occupée au
Nord par les Arabes nomades, c'est-Ã -dire jusqu'Ã une ligne courbe partant
de Ghadamès, passant par le Touât et allant aboutir vers le cap Youbi.
Dans cet immense
espace, ils ont formé quatre confédérations principales : les Oulad
Delim ou Fils de la Nuit, dont le nom berbère nous est inconnu, à I'Ouest;
les loulemedenn, au Sud-Ouest, entre le Hoggar et le Niger; les Ahhaggarenn,
qui occupent les parties centrale et occidentale du Hoggar et rayonnent
jusqu'au Touât et au Sahara algérien; les Azgher, qui habitent le Hoggar
oriental et poussent leurs, courses jus qu'à Ghadamès, au Fezzan et au
pays de l'Aïr. Les Kel Aïr, que certains classent au nombre de Touareg,
sont des Noirs sahariens.
Échanges
Nord-Sud
Avec la période
d'expansion de l'Islam
commence un « processus » nouveau : les Arabes envahissent, d'abord infinitésimalement
le Sahara, puis en plus grand nombre; ils entrent en lutte d'influence
avec les Berbères, et c'est longtemps un flux et un reflux continuels;
enfin, dans ce combat toujours renouvelé, la victoire demeure indécise
: le triomphe reste aux Berbères, qui sont bien toujours la population
la plus solidement implantée au Sahara, mais le triomphe social est aux
Arabes, dont Ia langue, la religion, les idées et institutions l'emportent
décidément.
L'occupation arabe
du Sahara offre sans doute des caractères divers. Cependant, ses traits
essentiels ne se trouvent pas altérés par la forme locale quelle a pu
revêtir. Au début, elle s'est effectuée par une infiltration lente.
Les Arabes, jusqu'au Ve
siècle de l'hégire, ont été surtout
des missionnaires de l'Islam .
A peine ont-ils formé de petites colonies dans quelques centres. Interrompu
par le soulèvement des Berbères du Maghreb et les conquêtes des Almoravides ,
le mouvement commencé a repris avec une intensité nouvelle, et sous forme
d'invasion, par l'exode des tribus hymiarites d'Égypte
au XIe
siècle. Lancées par les
califes
fatimides
contre leurs sujets révoltés de l'Afrique du Nord, elles s'y dispersèrent.
Celles qui occupent aujourd'hui le Sahara y étaient arrivées pour la
plupart dès le XIIIe
siècle. Elles eurent à soutenir des
luttes souvent acharnées pour s'imposer à la fin aux autochtones. En
se mélangeant aux populations berbères, dont quelques-unes à peine conservèrent
leur indépendance, elles ont formé une population nouvelle essentiellement
métisse, mais dans laquelle le premier rang appartiendra, sous le rapport
politique, aux fractions dont la descendance arabe s'est maintenue la plus
intacte. A côté des tribus ainsi constituées, et où les familles dites
Hassan,
de sang pur, dominent les fractions plus mélangées, vivront, sur un pied
d'égalité, quelques groupes berbères, descendants directs des anciennes
branches souveraines des Sanhadja sahariens ou des premiers
Morabethyn
(= Almoravides ).
Les autres rameaux de la population primitive, restés rétifs à tout
métissage, formera une caste vassale de la première, les Hassan.
En outre, contemporaine
de l'invasion arabe, il s'est produit, du XIe
au XIIIe
siècle, une immigration de Berbères
fixés d'abord sur la limite septentrionale du Sahara. Quelques fractions
maraboutiques ont gardé leur autonomie pendant que les autres se métissaient
ou subissaient à leur tour la suprématie des maîtres du pays. Tels sont
les éléments constitutifs de la population actuelle du Sahara. Mais,
indépendamment de quelques migrations temporaires ou plus récentes qui,
aux XVIIe
et XVIIIe
siècles, ont légèrement accru l'importance
numérique de l'élément arabe, il y a lieu de faire la part d'un courant
de relations très suivies, établies pendant la même période entre l'empire
du Maroc
et la vallée du Niger septentrional. La conquête de Rouma, faite au nom
et pour le compte des sultans de Fès, n'a pas
eu d'influence durable sur les destinées politiques de la région. Mais
si momentanée qu'ait été l'occupation marocaine, elle n'en a pas moins
suffi pour déterminer des rapports suivis entre le Maroc et la zone frontière
du Soudan occidental : ces rapports, qu'ont resserrés encore les alliances
contractées par les soldats de Djedar et leurs descendants, se sont maintenus
jusqu'à l'époque coloniale. Ils ont été assez importants pour donner
droit de cité aux Chorfa de Fès, dans tout le moyen Niger.
Pendant que le Sahara
devenait un champ clos entre les populations d'origine arabe et celles
d'origine berbère, et que les unes et les autres agissaient dans le Soudan
septentrional, tant comme guerriers que missionnaires de l'Islam ,
et y répandaient peu à peu le domaine de la religion musulmane et celui
de la langue arabe, les Soudaniens envahissaient, eux aussi, de temps en
temps, le Sahara. De grands empires subsahariens ont ainsi dominé certaines
parties du désert : l'empire de Ghana ,
fondé par Soninké ou Asouanek, domina de vastes régions du Soudan occidental.
Plus tard, les Mandé (Mandingues, Malinkés ),
étendirent, au XIIIe
siècle, leur pouvoir sur le désert,
de Tombouctou (Mali) jusqu'au Touat (en
Algérie). Après quoi, les Songhaï ,
ayant leur capitale à Gao ,
riveraine du Niger, annexèrent aussi de grands morceaux du Sahara, jusqu'Ã
toucher le Maroc
et l'Algérie .
Ces invasions, ajoutées à la traite des esclaves fixa dans les oasis
sahariennes de plus en plus de populations d'origine subsaharienne jusqu'Ã
la fin du XIXe
siècle, pratiquement.
La
colonisation
Les rivalités nationales
entre les grandes puissances européennes à partir des deux dernières
décennies du XIXe
siècle ont trouvé dans l'Afrique un
champ de bataille privilégié. La politique d'expansion menée ainsi par
la France au Sahara à cette époque est d'ordre stratégique : elle s'explique
davantage par le souci de damer le pion aux autres puissances en occupant
le terrain que par l'idée, par exemple, qu'il y aurait eu là des ressources
à exploiter. Il s'agissait donc d'établir une continuité de territoire
entre l'Algérie
(au Nord de Ghardaïa), où la France était présente depuis 1830,
et les possessions françaises en Afrique Subsahariennes, au Sénégal
et dans le Golfe de Guinée. En 1890,
une convention avec l'Angleterre reconnut aux Français la possession du
Sahara entre l'Algérie-Tunisie d'une part, le Niger et le lac Tchad, d'autre
part; dès lors, et avec plus d'esprit de suite qu'auparavant, la France
s'occupa d'entrer réellement en possession des territoires venus dans
sa sphère de domination en Sahara et en Soudan. Ses tentatives, presque
toutes couronnées de succès, eurent pour lieux de départ, au Nord l'Algérie,
au Sud-Ouest le Sénégal, au Sud le Congo. Ce grand espace prendra, Ã
partir de 1904,
le nom d'Afrique occidentale française (A.O.F).
Le Nord.
Les expéditions
visant plus spécialement le Sahara s'organisèrent naturellement en Algérie .
Tout d'abord, les Français avancèrent vers le Sud la ligne des postes
du Sahara d'Algérie, qui, de l'Est à l'Ouest, étaient : El-Oued, dans
le Souf; Biskra, dans les Ziban; Touggourt, dans l'Oued-Rir; Ghardaïa,
dans le pays des Béni-Mzab; Ouargla, dans la
dépression où s'unissent les bas-fonds de l'oued Mia et de la chebka
du Mzab, Laghouat, en arrière de Ghardaïa; El-Goléa, en avant d'Ouargla,
sur le chemin du Touat; Géryville et Aïn-Sefra, au versant méridional
de l'Atlas du Sud Oranais. El-Goléa, que les Français n'avaient jamais
occupé à demeure, devint un poste réel, avec profusion d'eau, même
avec un lac, depuis le forage de puits artésiens donnant ensemble 107
à 108 litres par seconde (1891).
Le poste de Hassi-Inifel, à 400 kilomètres en droite ligne au Sud-Sud-Est.
d'El-Goléa, fut installé dans le val de l'oued Mia, comme une précaution
contre les Touatiens du Tidikelt ,
avant de devenir une menace (1892).
De même, et la même année, comme garantie et menace contre les Touatiens
du Gourara, installation du poste de Mac-Mahon, à 180 kilomètres au Sud-Est
d'El-Goléa. En 1893,
création du fort de Hassi-Mey, près de Berresof, en Sahara de Tunisie ;
en 1894, fondation du fort Miribel, à 140 kilomètres un peu à l'Ouest
d'El-Goléa, à l'Est-Sud-Est du fort Mac-Mahon, route du Touat; en 1894également,
le fort Lallemand s'élève dans le sillon de l'lgharghar ,
au Sud de Touggourt, au Sud-Ouest d'Ouargla. Mais, semble-t-il, c'était
une démonstration, par une sorte d'ostentation, plutôt qu'une préparation
réelle, puisque aucun départ de troupes pour l'archipel touatien ne suivit
l'établissement de ces forts sahariens; or, à mesure que la France avait
l'air de renoncer à ces précieuses oasis, l'empereur du Maroc
les revendiquait plus que jamais.
Les Touareg
étaient entrés en relations avec la France après la conquête de l'Algérie.
Henri
Duveyrier vécut parmi les Azdjer en
1861,
et le 26 novembre 1862
fut signé un traité de commerce à Ghadamès
entre le commandant Mircher et deux cheikhs des Azdjer; mais ce traité
demeura lettre morte, quoique les Azdjer aient été moins ouvertement
hostiles à la France que les Hoggar. L'assassinat des explorateurs Dournaux-Duperré
et Joubert en 1874,
de la grande mission Flatters en 1880,
des Pères Richard et Kermabon en 1881, de Morès
en 1896,
servira de prétexte à l'usage de la force contre eux.
-
Une tribu
en voyage dans le Sahara
Ain-Mahdy, vendredi,
juillet 1853
« Les cavaliers
étaient armés en guerre et costumés, parés, équipés comme pour un
carrousel; tous avec leurs longs fusils à capucines d'argent, ou pendus
par la bretelle en tra-
vers des épaules,
ou posés horizontalement sur la selle, ou tenue de la main droite, la
crosse appuyée sur le genou. Quelques-uns portaient le chapeau de paille
conique empanaché de plumes noires : d'autres avaient leur burnous rabattu
jusqu'aux yeux, le haïk relevé jusqu'au nez; et ceux dont on ne voyait
pas la barbe ressemblaient ainsi à des femmes maigres et basanées; d'autres,
plus étrangement coiffés de hauts kolbaks sans bord en toison d'autruche
mâle, nus jusqu'à la ceinture, avec le haïk roulé en écharpe, le ceinturon
garni de pistolets et de couteaux, et le vaste pantalon de forme turque
en drap rouge, orange, vert ou bleu, soutaché d'or ou d'argent, paradaient
superbement sur de grands chevaux habillés de soie comme on les voyait
au moyen âge, et dont les longs chelils, ou caparaçons rayés et tout
garnis de grelots de cuivre, bruissaient au mouvement de leur croupe et
de leur queue flottante. Il y avait là de fort beaux chevaux; mais ce
qui me frappa plus que leur beauté, ce fut la franchise inattendue de
tant de couleurs étranges. Je retrouvais ces nuances bizarres si bien
observées par les Arabes, si hardiment exprimées par les comparaisons
de leurs poètes. - Je reconnus ces chevaux noirs à reflets bleus, qu'ils
comparent au pigeon dans l'ombre; ces chevaux couleur de roseau, ces chevaux
écarlates comme le premier sang d'une blessure. D'autres, d'un gris foncé,
sous le lustre de la couleur. devenaient exactement violets; d'autres encore,
d'un gris très clair, et dont la peau se laissait voir à travers leur
poil humide et rasé, se veinaient de tons humains et auraient pu audacieusement
s'appeler des chevaux roses.
Au rentre de ce brillant
état-major, à quelques pas en avant de l'étendard, chevauchaient l'un
près de l'autre et dans la tenue la plus simple, un vieillard à barbe
grisonnante, un tout jeune homme sans barbe. Le vieillard était vêtu
de grosse laine et n'avait rien qui le distinguât que la modestie même
et l'irréprochable propreté de ses vêtements, sa grande taille, l'épaisseur
de sa tournure, l'ampleur extraordinaire de ses burnous, surtout le volume
de sa tête coiffée de trois ou quatre capuchons superposés. Enfoui plutôt
qu'assis dans la vaste selle en velours cramoisi brodé d'or, ses larges
pieds chaussés de babouches, enfoncés dans des étriers damasquinés
d'or, et les deux mains posées sur le pommeau étincelant de la selle,
il menait à petits pas une jument grise à queue sombre, avec les naseaux
ardents et un bel oeil doux encadré de poils noirs. Un cavalier nègre,
en livrée verte; conduisait en main son cheval de bataille, superbe animal
à la robe de satin blanc, vêtu de brocart et tout harnaché d'or, qui
dansait au son de la musique et faisait résonner fièrement les grelots
de son chélil, les amulettes de son poitrail et l'orfèvrerie splendide
de sa bride. Un autre écuyer portait son sabre et son fusil de luxe.
Le jeune homme était
habillé de blanc et montait un cheval tout noir, énorme d'encolure, Ã
queue traînante, la tête à moitié cachée dans sa crinière. Il était
fluet, assez blanc, très pâle, et c'était étrange de voir une si robuste
bête entre les mains d'un adolescent si délicat. Il avait l'air efféminé,
rusé, impérieux et insolent. Il clignotait en nous regardant de loin.
Il ne portait aucun insigne, pas la moindre broderie sur ses vêtements;
et de toute sa personne, soigneusement enveloppée dans un burnous blanc
de fine laine, on ne voyait que l'extrémité de ses bottes sans éperons
et la main qui tenait la bride, une petite main maigre ornée d'un gros
diamant Il arrivait renversé sur le dossier de sa selle en velours violet
brodé d'argent, escorté de deux lévriers magnifiques, aux jarrets marqués
de feu, qui bondissaient gaiement entre les jambes de son cheval.
Aussitôt qu'il aperçut
ce vieux grand seigneur et son fils, le petit Ali fit un mouvement pour
se jeter à terre et courir se prosterner devant eux; mais le lieutenant
lui posa la main sur l'épaule; l'enfant étonné comprit et ne bougea
pas. Pendant ce temps je regardai ce jeune cavalier à mine impériale,
au milieu de son cortège barbare, avec des guerriers pour valets et des
vieillards à barbe grise pour pages je considérai assez tristement la
tenue du lieutenant : j'imaginai ce que devait être la mienne pour un
oeil difficile en fait d'élégance, et je ne pus m'empêcher de dire au
lieutenant : - Comment trouvez-vous que nous représentons la France?
Le vieillard passa
et nous salua froidement de la main; nous y répondîmes avec autant de
supériorité que nous le primes. Quant au jeune homme, arrivé à deux
pas de nous, il fit cabrer sa bête; l'animal, enlevé des quatre pieds
par ce saut prodigieux où excellent les cavaliers arabes , nous frôla
presque de sa crinière et alla retomber deux pas plus loin; le petit prince
s'était habilement dispensé du salut, et son escorte acheva de défiler
sans même jeter les yeux sur nous. »
(E.
Fromentin, Un été au Sahara, III. Tadjemont-aïn-Madhy).
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Le Sud.
Mais la France faisait
des progrès immenses dans la région soudanienne voisine du Sahara méridional
et dans ce Sahara lui-même. Elle avait lentement, mais très sûrement,
imposé sa domination aux Maures de la rive droite du Sénégal, indomptables
jusque-là , et, fait bien autrement symbolique dans l'histoire de l'Afrique,
pris Tombouctou, le 10 janvier 1895
: Tombouctou, à l'époque l'une des places fortes des Touaregs et la plus
grande porte du désert; en vain les Touaregs massacrèrent-ils avec son
état-major le colonel Bonnier, qui venait de conquérir la célèbre ville
commune au Sahara et au Soudan, elle resta française, et de là se soumirent
peu à peu les Maures et Touaregs du moyen Niger. En 1896,
le commandant Hourst descendit le Niger jusqu'Ã son embouchure, et en
route il obtint des Aouellimiden la reconnaissance du protectorat de la
France.
De son côté,
Foureau
convertit le gouvernement à ses idées de pénétration « en force-»,
et il se mit en route en 1898
avec une escorte de 310 hommes et deux canons aux ordres du commandant
Lamy. Les Touareg se montrèrent sur son passage, mais ne le brusquèrent
pas d'abord; il franchit le Ahaggâr, se reposa dans l'Aïr où il repoussa
de haute lutte une attaque en force des Touaregs, et finit par arriver
dans le Damerghou, à Zinder, où il se rencontra avec la mission Joalland-Meynier,
venue du Niger, et continua sa marche vers le lac Tchad et le Chari; lÃ
il a revu le drapeau français, hissé sur ce fleuve par des expéditions
venues du Congo, là aussi, son compagnon, le commandant Lamy, fut tué
dans une lutte contre le sultan Rabah ( L'histoire
du Bornou ).
Ainsi se réalisa la jonction des trois grands tronçons de l'empire français
d'Afrique (Madagascar à part) : Algérie-Tunisie et Sahara, Sénégal
et Niger, Congo-Oubangui et Tchad.
Pendant que la mission
Foureau-Lamy
traversait ainsi le Sahara, une convention nouvelle avec l'Angleterre complétait
celle du 5 août
1890.
Elle est à la date du 20 mars 1899.
Elle délimitait la frontière saharienne des possessions françaises comme
suit : à l'Est, la limite orientale du désert occupé par les Français
part de la frontière tripolitaine
(Fezzan) au point de rencontre du 13° 40'
longitude Est avec le tropique du Cancer; elle se dirige au Sud-Est jusqu'au
11° 40' de longitude, puis suit ce méridien vers le Sud jusque vers le
15° parallèle Nord, d'où, longeant vers l'Ouest la frontière du Darfour,
elle va rejoindre la limite à déterminer (de 18° 40' à 20° 40' Est)
entre cette province «-Égyptienne
» et le Ouadaï, reconnu français. Par cet arrangement, la France entrait
en possession du Tibesti, de l'Ouanyanga, de l'Ennedi, du Bornou ,
du Kanem, de l'Ouadaï, soit de tous les pays à l'Est, au Nord-Est, au
Nord du lac Tchad.
Enfin, et c'est
avec la prise de Tombouctou ,
l'événement le plus marquant de la main-mise sur le Sahara, les Français
sont entrés à In-Salah le 29 décembre
1899,
par le fait de la mission Flamand : mission officiellement pacifique, mais
accompagnée de 140 hommes commandés par le capitaine Pein, Saharien éprouvé.
Peu de temps après, le Touat entier fit sa soumission.
Ajoutons qu'au moment où les puissances
européennes ont commencé à s'emparer de l'empire du Maroc ,
l'Espagne s'est octroyée de son côté deux portions du Sahara occidental,
une petite enclave autour d'Ifni, une crique de la côte marocaine, Ã
30 kilomètres au Nord-Est de l'embouchure de l'oued Noua dans l'Atlantique,
et un territoire plus vaste, nommé Rio de Oro, plus au Sud, face aux Îles
Canaries .
L'Espagne légitimait l'implantation à Ifni par les travaux des érudits
espagnols, qui ont quelquefois identifié ce point avec le port de Santa
Cruz de Mar Pequeña que mentionnent les documents du XVIe
siècle et qui faisait un grand commerce avec les Canaries.
Ce fut l'opinion de la commission envoyée en 1878,
à bord du vaisseau Blasco de Garay, pour rechercher ce point que
l'Espagne s'était réservée par le traité de 1860
avec le Maroc. Quelques vestiges d'un ancien établissement espagnol ou
portugais existent en effet à Ifni; mais certains auteurs pensent que
Santa Cruz se trouvait plus au Sud. Quoi qu'il en soit, le gouvernement
marocain ratifia en 1883la cession
d'Ifni à l'Espagne, qui en 1884,
manda la troupe pour s'emparer aussi de la région du Rio de Oro, qui possédait
une zone de pêche très riche le long de sa côte.
Et après...
L'implantation coloniale au Sahara a commencé
à se déliter dès le lendemains de la Seconde
guerre mondiale. Par exemple, la Mauritanie devient un territoire d'outre-mer
dès 1946; la Libye devient indépendante
de l'Italie en 1951, et la montée
des nationalisme s'exprime un peu partout dès les années
1950.
La dislocation de l'AOF deviendra effective en 1960.
Entre les mois d'août et novembre de cette année-là , de nouveaux États
indépendants sont formés, au Sud du Sahara : Tchad, Niger, Mali, Mauritanie.
L'Algérie gagne son indépendance en juillet 1962.
Comme ailleurs en Afrique, les limites de ces pays ont été définies
à partir du tracé qui leur a été imposé à l'époque coloniale, et
n'a cessé de poser, depuis, des difficultés. Les Touaregs se trouvent
partagés entre divers États (Algérie, Libye, Mali, Niger, Burkina Faso)
qui leur ont la plupart du temps réservé un sort difficile, d'où la
révolte touareg de 1962 dans l'Adrar
des Ifoghas
au Mali, ou encore la guerre des sables de mai 1990
au Mali et au Niger, recommencée l'année suivante dans l'Aïr (Niger).
De leur côté, les Toubou du Tibesti (rattaché
au Tchad) ont été portés à des revendications séparatistes, et mêlés
aux revendications libyennes sur la bande d'Aozou.
Enfin, après la fin de la dictature franquiste
en Espagne (1975), l'ancien Rio de
Oro ou Sahara espagnol, devenu le territoire du Sahara Occidental à l'appétit
de ses voisins. La Mauritanie en revendique d'abord une partie, puis y
renonce en 1979; le Maroc, l'annexe
de fait, d'abord par une invasion pacifique (la marche verte) dès
novembre 1975, puis par la construction
d'un mur délimitant le territoire jugé économiquement intéressant (gisements
importants de phosphates, minerai de fer). Les Sahraoui qui demandent leur
indépendance, ont quant à eux constitué un mouvement de libération,
le Front Polisario, et proclamé la formation, en 1977,
d'un État, la République arabe sahraoui démocratique (RASD), mais restent
prisonniers des rivalités entre le Maroc
et leur principal allié, l'Algérie ,
et de l'indécision internationale. (O. Reclus / A.-M. B.
/ A. Le Chatelier / E. Cat.).
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