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Les langues
sémitiques, aujourd'hui représentées principalement
par l'arabe et l'hébreu,
forment un des rameaux des langues afrasiennes.
Ces langues présentent une très grande fixité dans
leur mécanisme; elles sont restées à peu près
identiques à la langue primitive dont elles sont issues. Aussi sont-elles
très rapprochées les unes des autres : on les a même
parfois considérées comme des dialectes d'une même
langue; au moins, lorsque l'on possède l'une d'entre elles, on peut
apprendre facilement les autres. Les langues sémitiques s'écrivent
généralement de droite à gauche (le maltais
s'écrit cependant avec l'alphabet latin,
de gauche à droite).
On peut donner les indications suivantes
sur le système général de langues sémitiques.
Les racines
sémitiques sont composées de trois consonnes fixes et de
deux voyelles variables; mais il est vraisemblable qu'un examen plus attentif
ramènera ces racines à une forme monosyllabique (deux consonnes
et une voyelle), fera retrouver la voyelle fondamentale et déterminera
le rôle de chacune des voyelles variables dans la flexion qui est
extrêmement importante dans la morphologie sémitique.
La dérivation s'opère aussi
par préfixes et même par suffixes; l'emploi des suffixes parait
plus récent que celui des préfixes. Le nom avait les trois
genres, mais le neutre a cessé de bonne heure d'être en usage;
le féminin est caractérisé par at final. Les trois
nombres ont persisté: le pluriel paraît formé par un
suffixe en m et le duel par un en n. Il n'y avait que trois cas distingués
par u (nominatif), i (génitif) et a (accusatif). Les pronoms personnels,
qui s'incorporaient aux substantifs (arabe, kitâb-i « mon livre
») et aux verbes (araméen, sabagtâ-ni « tu m'as
abandonné »), semblent avoir pour prototypes ni, ki ou ék,
hu; à la seconde et à la troisième personnes, il y
a deux formes, l'une pour le masculin et l'autre pour le féminin.
Le pronom interrogatif est en m. Le verbe avait treize formes ou voix dérivées
actives : fondamentale, QaTaLa « il a écrit » ; intensive
QaTTaLa « il a écrit énergiquement »; causative
'aQTaLa « il a fait écrire »; réfléchie
TaQTaLa « il a écrit à lui-même », etc.,
et treize voix dérivées moyennes ou passives correspondantes
: QuTaLa, QuTTaLa, 'uQTaLa, etc. Il n'y a que deux temps : le parfait indiquant
l'action accomplie et l'aoriste (présent ou futur) indiquant l'action
non accomplie; ils se distinguent par la position du signe personnel sujet
(cf. arabe KaTaB-Ta « tu as écrit» et Ta-KTaBa «
tu écris, tu écriras »). Deux traits grammaticaux à
signaler sont
1° les pluriels brisés
de l'arabe qui sont une flexion compliquée : TiFL « enfant
», pl. aTFâL;
2° l'état construit, c.-à-d.
qu'un mot écrit à la suite d'un autre en dépend, le
qualifie, le détermine : dans BiN-IâMN « le fils de
la droite », Benjamin, le mot iâmin est à l'état
construit.
On suppose que la région d'origine
des langues sémitiques fut le Nord et le centre de l'Arabie. La
langue primitive avait, selon les linguistes, trois cas : le nominatif,
le génitif et l'accusatif; elle formait son pluriel soit par l'addition
d'un suffixe, qui était n ou m, soit en modifiant l'intérieur
du mot sans lui ajouter aucun suffixe. Cette dernière manière
de former le pluriel est ce que l'on appelle le pluriel brisé. Le
féminin a pour caractéristique le suffixe at que l'on ajoute
au masculin. Le verbe n'a que deux temps, le passé et le futur.
Chaque forme verbale peut exprimer le masculin ou le féminin; mais
le verbe est pauvre en modes, et le nombre des voix est considérable
puisque dans certaines langues on en compte treize. Les mots peuvent être
mis en relation les uns avec les autres au moyen d'un procédé
grammatical particulier que l'on a appelé l'état construit.
C'est en vertu de cette règle que quand deux mots, l'un déterminant,
l'autre déterminé, sont en présence, on place le déterminé
avant le déterminant. L'état construit est surtout employé
pour rendre l'idée de possession et dans la formation du génitif.
Les notions très succinctes que nous venons d'exposer touchant le
mécanisme grammatical (les Sémites s'appliquent à
leur langue primitive, car chacune d'elles, quoique s'étant peu
modifiée dans le cours des siècles, a gardé tel procédé
que telle autre a abandonné. Aussi, malgré la grande analogie
qu'elles offrent entre elles, les a-t-on groupées de la manière
suivante :
1°
Sémitique oriental.
Ce groupe est seulement représenté
par des langues mortes, parmi lesquelles l'akkadien, qui était parlé
en Mésopotamie et correspond à la langue de la troisième
colonne des inscriptions des Achéménides et dont le texte
est écrit en alphabet cunéiforme. On y ajoute le babylonien
et l'assyrien. L'assyrien, qui était l'idiome sémitique le
plus septentrional et le plus oriental, nous a été conservé
par de très nombreuses inscriptions cunéiformes; l'écriture
assyrienne, qui se lit de droite à gauche, est formée de
signes idéographiques précisés parfois par des compléments
phonétiques comme c'est l'usage en japonais, et de signes syllabiques
assez nombreux.
2° Sémitique
occidental.
Ce groupe
comprend d'une part la famille du cananéen, et d'autre part la famille
de l'araméen. Le cananéen était proche de l'ougaritique,
du moabite, du phénicien et
de l'hébreu, qui est la seule
langue de ce groupe encore parlée. Le phénicien, dont un
dialecte, le punique, fut longtemps parlé à Carthage et sans
doute sur les côtes de l'Espagne, est très proche parent de
l'hébreu. Les vingt-deux lettres du phénicien, adaptées
par l'hébreu, étaient primitivement des dessins représentant
une tête de boeuf (aleph), une maison (bêth),
un chameau (gamel), etc. ; on sait également que de cette
écriture dite phénicienne viennent tous les alphabets de
l'Inde et de l'Europe. Cette écriture avait le défaut de
ne pas transcrire les voyelles. L'hébreu est une des plus altérées
de la famille; le verbe n'y a plus que cinq formes dérivées
actives et cinq passives.
L'araméen a surtout été
un idiome populaire; c'est celui que parlaient Jésus et ses adeptes;
les Juifs l'avaient rapporté de Babylone après leur captivité.
A l'araméen se rattachent le nabathéen, la langue des
mandaïtes, le samaritain, ainsi que le chaldéen et le syriaque.
Le chaldéen s'étendait sur la plus grande partie de la Babylonie
et de l'Assyrie et n'a pas laissé de littérature, si
ce n'est certaines parties de la Bible. Ces textes remontent au
Ve ou au VIe
siècles av. J.-C. et sont écrits dans ce que l'on appelle
le chaldéen biblique. Le syriaque, dont l'aire géographique
s'étendait sur la Mésopotamie et la Syrie est notamment connu
par des textes littéraires qui ne remontent pas au delà des
premiers siècles de l'ère chrétienne. Les inscriptions
de Palmyre datent des trois premiers siècles et la traduction de
la Bible dite pechito est du IIe
siècle. Aujourd'hui, le syriaque n'est plus qu'une langue liturgique.
3°
Sémitique méridional.
Ce groupe est représenté
par l’arabe
et par les les langues sud-arabiques, qui rassemblent les anciens dialectes
minéen, himyarite et sabéen,
les modernes mahri, shauri, dialecte de Socotra, etc.), ainsi que
plusieurs langues parlées en Ethiopie et en Erythrée (le
ghèze ou éthiopien, qui n'est plus qu'une langue liturgique,
l'amharique, le tigré, le harari ou harara et quelques autres langues
dont le vocabulaire semble avoir subi d'importantes altérations
et effectué de nombreux emprunts).
• L'arabe, dont il n'est pas besoin de
rappeler la haute valeur littéraire, l'importance historique et
géographique, est la mieux conservée de toute la famille.
Grâce à la religion dont elle est l'instrument, il s'est répandu
et a porté son écriture et son vocabulaire depuis la Malaisie
jusqu'au centre de l'Afrique. L'alphabet arabe, fabriqué sur celui
de l'araméen, est fort mal commode et par l'omission régulière
des voyelles et par la ressemblance de plusieurs signes différenciés
par des points. On distingue l'arabe littéral et l'arabe dialectal.
Cette distinction est arbitraire, car l'arabe littéral, langue des
livres, correspond à un état ancien de la langue. C'est dans
le dialecte koréïchite, du centre de l'Arabie, qu'est écrit
le Coran, et c'est ce dialecte qui a pris la prééminence
sur tous les autres. La langue des Moallakâts n'est pas autre chose
que de l'arabe littéraire. L'arabe dialectal, où les formes
grammaticales sont simplifiées et réduites, compte plusieurs
dialectes dont les principaux sont ceux d'Arabie, de Syrie, d'Egypte et
du Maghreb.
On rapporte à l'arabe plusieurs
autres langues, qui peuvent en être considérés aussi
comme des dialectes : le safaïte, connu par les inscriptions
du désert de Safa, à l'est de Damas, et le thémoudite,
dont on possède aussi quelques lambeaux épigraphiques, recueillis
sur la côte du Tihama (ces dialectes antiques s'écrivaient
avec des alphabets d'origine sabéenne), le Maltais,
qui est une langue composite où le vocabulaire arabe entre pour
une forte part, et le mozarabe du Sud de l'Espagne, qui a disparu au XVIIIe
siècle. (A19).
• L'amharique, comme d'ailleurs le tigrigna
et le tigré sont issues toutes trois du geez (guèze) qui
est une langue morte à usage aujourd'hui purement liturgique. Le
guèze s'était formé à partir du sabéen,
langue des premiers colons venant de la rive asiatique de la mer Rouge,
avec une écriture qu'on trouve sur les vestiges archéologiques
deux rives, au Yémen et en Ethiopie-Erythrée. L'écriture
actuelle de ces langues est une forme évoluée du sud-arabique
qu'utilisaient les sabéens de l'actuel Yémen (mais aussi
les habitants d'autres royaumes d'Arabie du sud utilisant la même
écriture pour écrire des langues différentes. Le vocabulaire
amharique a fait des emprunts à des langues couchitiques, notamment
l'oromifa parlé par les oromo, mais l'essentiel est demeuré
sémitique : exemples : wolde (arabe ouled,ould, fils),
biet
(même mot que l'hébreu et l'arabe pour maison),
zeit
(idem pour olivier), ras (même mot que ras ou raïs
pour chef, cap, sommet). (Riojan). |
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