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L'anatomie
L'anatomie artistique
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L'anatomie artistique
On donne le nom d'anatomie artistique ou d'anatomie des beaux-arts ou d'anatomie des formes, à cette partie de l'anatomie qui s'enseigne aux peintres, aux sculpteurs, et en général à tous ceux qui s'occupent de figurer d'une façon quelconque l'humain ou les autres animaux, vivants ou morts. Sous cette dénomination, rentrent donc des études assez diverses. En effet, la forme d'un être quelconque dépend de plusieurs facteurs parmi lesquels nous distinguerons les proportions du squelette dans son ensemble et dans ses parties; les proportions des parties charnues, c.-à-d. des muscles et de leurs terminaisons, les tendons; enfin, la physiologie de ces muscles, soit qu'il s'agisse de l'expression du visage, soit qu'il s'agisse des attitudes, chez l'être vivant ou mort. Anatomie humaine et comparée des os et des muscles, physiologie des muscles, voilà ce qui constitue essentiellement l'anatomie des beaux-arts. L'ostéologie fournit les données premières, elle donne littéralement la carcasse de l'être que le peintre ou le sculpteur veulent figurer. La myologie (étude des muscles) montre à l'artiste quels sont les muscles qu'il lui faut superposer à cette carcasse; quelle en est l'épaisseur, quelles en sont les attaches. Mais ces deux données ne fournissent que les éléments nécessaires à figurer l'être mort. Du moment où l'on veut représenter un être vivant, du moment où l'on s'attache à figurer un être en état d'activité, il faut une nouvelle donnée : c'est la physiologie des muscles et de leurs leviers, les os. Cette donnée qui est indispensable dans les cas où l'artiste figure un être mourant, ou qui vient d'expirer (scènes de crucifiement, de bataille, d'agonie naturelle, etc.), est, on le conçoit, non moins indispensable quand il s'agit de représenter un animal ou un humain vivant et agissant, tant pour composer son attitude que pour marquer les passions dont il peut être animé et qui se reflètent sur son visage, c'est-à-dire, en définitive, pour en composer la psychologie qui est le but final que se propose l'artiste. Cette psychologie est donc la résultante des facteurs que nous venons d'examiner : de la bonne coordination de ceux-ci dépend la netteté de la première. C'est assez dire l'importance de l'anatomie des beaux-arts, dans son ensemble. Il s'agit maintenant de définir l'importance des parties énumérées plus haut. 

Considérons d'abord l'ostéologie et son annexe indispensable, dont nous n'avons pas encore parlé, l'arthrologie (étude des articulations). L'ostéologie fournit la longueur relative des parties osseuses, leur volume, leur forme. C'est un point important, mais il faut joindre à son étude celle des articulations, sans quoi l'on risque de commettre de grossières erreurs. En effet, l'arthrologie montre quels sont les mouvements possibles, et quels sont ceux dont la production est impossible, sauf fracture ou luxation : elle montre jusqu'où peut aller la flexibilité de la colonne vertébrale, la rotation de la tête, la flexion du pied sur la jambe, la rotation du torse sur les cuisses, etc.; en un mot, elle donne la limite des mouvements possibles sur le squelette seul. Mais c'est là une limite à laquelle l'artiste peut rarement atteindre, les parties charnues s'opposant dans beaucoup de cas à ce que les mouvements puissent avoir l'amplitude que permettrait le squelette. L'ostéologie fournit donc à l'artiste un certain nombre de données fondamentales, concernant les proportions du corps, et les attitudes possibles. Comme bon exemple des erreurs que peut entraîner l'ignorance du facteur que nous venons de nommer, nous citerons une des figures de la fontaine Cuvier, à Paris, en face de l'hôpital de la Pitié, et à côté d'une des entrées du Jardin des Plantes. C'est le crocodile qui se trouve sur un des côtés et qui tourne le cou : ce mouvement est impossible, tel qu'il est figuré, par suite de la disposition ostéologique des vertèbres de cet animal. 

Arrivons maintenant à la myologie. Son étude donne le nombre et la position respective des muscles du corps, leur volume, leurs saillies. Étant donnée telle ou telle face de telle on telle partie du corps, l'artiste doit savoir quels sont les muscles qui se trouvent entre la peau et les os, il en doit connaître les proportions relatives, la direction : il doit savoir où cesse le muscle et où commence le tendon, il doit savoir encore dans quelle mesure la quantité des muscles vient accentuer, modifier, ou dénaturer la forme que les os seuls imprimeraient à tel membre, à telle partie du corps. Ainsi, par exemple, les muscles de la cuisse changent beaucoup la forme fournie par le fémur: à l'avant-bras, les muscles la changent en partie, dans le tiers supérieur; au pied, ils la changent peu; à la face, ils la changent beaucoup. Les données que fournit la myologie sont assurément très importantes : il faut cependant les compléter au moyen d'une étude qui peut se faire assez rapidement, et qui se rattache à celle de la myologie; il faut savoir dans quelles parties se localise et s'amasse de préférence le tissu adipeux, et quelles modifications ce tissu fait subir aux formes extérieures. C'est qu'en effet, il est des organes où ce tissu devient rarement abondant (oreille, nez), il en est d'autres au contraire qu'il envahit avant tous autres : tels sont l'abdomen, la poitrine, la face.
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Canon de la figure humaine, d'après Albrecht Dürer.

Les facteurs que nous venons d'examiner permettent déjà l'exécution de certaines oeuvres; mais pour aborder la représentation de l'être vivant, il faut un élément de plus : il faut de la physiologie. Soit qu'il s'agisse d'un agonisant, comme dans le crucifiement, soit qu'il s'agisse d un gladiateur en plein combat, soit qu'il s'agisse d'un penseur immobile, la physiologie est indispensable. II faut l'avouer, elle est défectueuse chez beaucoup d'artistes. Il suffit, pour constater ce fait, d'étudier quelques crucifiements. On y voit des contradictions flagrantes : ici le torse est mort, et les jambes vivent encore, là tout le corps est mort sauf les bras : très souvent le vivant et le mort s'entremêlent au mépris de la physiologie la plus élémentaire. Dans les représentations de figures vivantes, c'est la même chose : ici la figure tout entière est posée de telle façon que l'équilibre en est impossible: dans telle attitude, tel muscle qui devait se contracter reste flasque : au contraire tel autre muscle qui doit rester inactif est démesurément gonflé. Toutes ces erreurs tiennent à des connaissances physiologiques imparfaites. En outre, beaucoup d'entre les erreurs générales commises par un artiste tiennent à une connaissance défectueuse de l'harmonie générale des attitudes, c.-à-d. au contre-coup que doit avoir forcément sur le reste du corps l'attitude ou le geste de telle ou telle partie. C'est ainsi qu'un bras sera très bien posé, mais que le reste du corps ne sera pas dans une attitude en harmonie avec celle du bras : de là une impression choquante. En résumé, si l'ostéologie et la myologie fournissent à l'artiste des données fondamentales, sans la physiologie celui-ci n'arrive à rien. Il faut l'avouer, la physiologie des mouvements, des attitudes et des expressions est loin d'être la partie la plus aisée à apprendre, dans l'anatomie des beaux-arts.
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Canon de la figure humaine, d'après Léonard de Vinci.

Ceci dit sur l'importance de l'anatomie des beaux-arts, il nous faut voir de quelle façon cette étude peut être faite, et à quelles règles elle a déjà pu conduire. L'ostéologie, l'arthrologie, la myologie ne s'apprennent réellement bien que par la dissection encore y faut-il du temps. Quant à l'étude théorique au moyen des livres, elle ne peut pas donner de bons résultats : rien ne vaut l'étude pratique, sur le cadavre. Même chose pour la physiologie : cependant il est certains livres, tels que ceux de Duchesne, de Boulogne, de Darwin, de Mantegazza, qui sont de la plus haute importance pour quiconque étudie le mécanisme de l'expression des émotions. Ajoutons que l'observation pure et simple des mouvements de toute catégorie exécutés sous l'oeil de l'artiste, sera d'un grand secours à ce dernier. Donc, pratique ou dissection, étude théorique et observation quotidienne, voilà les trois modes selon lesquels doit se faire l'éducation anatomique d'un artiste. Les études anatomiques se trouvent un peu simplifiées, en ce sens que de nombreux artistes et anatomistes ont déjà pu, de leurs études qui remontent à une haute antiquité, déduire certaines formules générales, qui dispensent l'artiste d'aujourd'hui de l'étude de certains sujets. C'est ainsi que la question des proportions relatives des diverses parties du corps, se trouve presque codifiée. Il y a plusieurs méthodes pour déterminer ces proportions. Ainsi Dürer divisait la figure en dix espaces égaux, ou nombres; chaque nombre se divisait en dix portions; chaque portion en dix minutes. Son système, trop compliqué, n'est pas suivi. Une vieille figure égyptienne (L'art dans l'Égypte ancienne) représentée par Lepsius en 1852, et dont nous donnons ici la reproduction, est le canon le plus ancien que l'on connaisse. On remarquera que l'intervalle des lignes 7 et 8 est précisément égal à la longueur du médius, qui se trouverait être ainsi l'unité de mesure appliquée à la figure tout entière.
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Canon égyptien.

Ch. Blanc pensait que ce canon a été connu des Grecs, et que Polyclète s'en est servi pour établir son Doryphore : beaucoup d'auteurs sont d'un avis différent. Un autre canon a été proposé par Vitruve : cet auteur considère l'intervalle entre la menton et le haut du front, comme étant la dixième partie du corps humain, et il met le centre du corps au nombril. Léonard de Vinci, Dürer ont adopté en partie les idées de Vitruve, en ce qu'ils regardent la face comme la dixième partie du corps. J. Cousin prend pour type la longueur du nez, égale au quart de la longueur de la tête, et il divise le corps en 8 têtes ou 32 nez . D'autres artistes ont réduit la hauteur du corps à 7 têtes et demie, ce que Gerdy a critiqué, en se basant sur des données expérimentales. Plus tard Sappey a admis 7 têtes et demie, contrairement à Gerdy. En général, les artistes adoptent tantôt l'une, tantôt l'autre proportion.

Il  serait d'ailleurs aussi ridicule de vouloir imposer certaines proportions aux artistes, qu'il est impossible d'imposer une taille uniforme à l'humanité. On peut leur fournir des moyennes et des limites minima et maxima : à eux de choisir selon les types qu'ils veulent représenter. Les travaux dont nous venons de parler se rapportent aux proportions de l'homme adulte bien constitué : mais il y a des différences inhérentes au sexe et à l'âge. A l'égard des variations et modifications que doit imposer le sexe, il y a peu à dire : les proportions varient peu de l'homme à la femme, comme l'enseigne Salvage. Les variations dues à l'âge sont importantes, soit qu'il s'agisse de l'enfant, soit qu'il s'agisse du vieillard. La question des proportions générales n'est pas la seule sur laquelle les artistes qui ont donné dans la peinture ou la sculpture académiques on pu disposer de données scientifiques et précises : l'expression des émotions et le mécanisme de la physionomie humaine ont été, eux aussi, étudiés d'une façon très précise. C'est Duchesne de Boulogne qui a, sur ce point, fourni les faits les plus intéressants. On ne s'attend pas à ce que nous puissions aborder ici cette question qui comporte des développements considérables: nous nous contenterons de l'indiquer.  (Dr H. de Varigny).


Canon de la figure humaine d'après J. Cousin.


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