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Le mot église signifie assemblée, et comme ce mot fut employé par les premiers chrétiens pour désigner leurs réunions le plus souvent secrètes et aussi les confréries ou groupes religieux qu'ils organisèrent dans les différentes parties de l'empire romain pendant les trois premiers siècles de notre ère, au temps des persécutions, ce mot prévalut plus tard pour désigner les édifices qu'ils construisirent sur un plan spécial en vue de célébrer en commun et au grand jour les mystères de leur religion. Le sens de ce mot église indique déjà la grande différence qui dut exister, même à l'origine, entre les temples consacrés par les Grecs et les Romains à leurs dieux et les églises que les chrétiens élevèrent au leur. En effet, dans l'Antiquité, les prêtres et ceux qui participaient aux cérémonies religieuses pouvaient seuls entrer dans les temples, lesquels n'étaient, à proprement parler, que la maison de la divinité représentée par sa statue et où l'on gardait les plus riches des offrandes qui lui étaient apportées, tandis que, dès l'ère nouvelle, tous les fidèles, même avant le baptême qui les faisait chrétiens, pouvaient et devaient se réunir dans les églises et y accomplir certains offices communs. De là le nombre et l'étendue des églises dans les grands centres de population. De cette participation plus ou moins grande des ministres du culte et des assistants aux cérémonies ainsi que de la nature même de ces cérémonies et du symbolisme particulier à la nouvelle religion, découlèrent les dispositions intérieures et les formes extérieures des églises, lesquelles devinrent beaucoup plus compliquées que celles des temples grecs ou romains. Ce ne fut cependant pas immédiatement après que Constantin eut, par l'édit de Milan en 313, proclamé le christianisme religion de l'Empire, que les lieux d'assemblée des chrétiens prirent le nom d'églises; car, parmi les premiers fidèles, si ceux qui vivaient dans les cités, dissimulés au milieu de la société civile, se réunissaient dans des catacombes, comme à Rome, ou dans des locaux écartés et dont rien ne trahissait la destination, comme dans nombre de villes de l'Empire, et si ceux qui vivaient dans la solitude où ils habitaient des cellules, comme les plus anciens religieux des déserts de la Thébaïde, se construisaient, à proximité de leurs cellules, une cellule plus grande où ils se rendaient à certaines heures pour prier en commun, d'où le nom d'oratoire appliqué à ce premier sanctuaire des moines, quand les chrétiens purent pratiquer librement leur religion, ils ne manquèrent pas d'aller au plus pressé et d'approprier aux besoins de leur culte les édifices, si nombreux et en partie abandonnés par suite de la dépopulation considérable, qui, sous le nom de basiliques, servaient, près des forums des villes, à rendre la justice, et les chrétiens conservèrent leur ancienne dénomination à ces édifices auxquels ils donnèrent ainsi une destination nouvelle. L'église de Sana (Haute-Garonne). © Serge Jodra. La basilique romaine se prêtait au reste à merveille aux données du culte chrétien primitif, ce qui explique, la tradition aidant, comme, malgré d'importantes modifications, ses principales dispositions se perpétuèrent dans les édifices chrétiens, qui furent érigés par la suite. L'église devant représenter la barque de saint Pierre, l'ancien pêcheur, l'avenue centrale de la basilique fut appelée nef, et cette nef fut divisée en plusieurs parties à l'aide de balustrades basses de bois, de pierre ou de marbre; dans la partie près de l'entrée, délimitée parfois dans les grandes basiliques par une colonnade parallèle à la façade, se tenaient les catéchumènes n'ayant pas encore reçu le baptême, et les pénitents retranchés provisoirement de la communauté, lesquels ne pouvaient, les uns et les autres, assister à tout le sacrifice, tandis que, dans la partie milieu, sa réunissaient ceux appartenant à la communion des fidèles, et que, plus en avant, était le choeur occupé par tout le personnel des serviteurs de l'église, ceux qui n'étaient pas ordonnés, tels que les diacres, pour lesquels étaient disposés des ambons ou pupitres destinés à la lecture de I'Epître et de l'Évangile, les chantres, les instrumentistes, etc.; enfin, au haut bout de la nef, au milieu du chalcidique ou transept, lequel formait avec la nef un T qui, pour les chrétiens primitifs, figurait la croix, fut placé l'autel et derrière cet autel, dans l'hémicycle ou abside, sur le banc circulaire où siégeaient autrefois le préteur et ses assistants, étaient assis les prêtres ordonnés, à droite et à gauche de l'évêque ou de son délégué. Ce dernier occupait, au milieu de ce banc, un siège plus élevé, chaire ou cathedra, lequel donna plus tard son nom à l'église cathédrale, la principale église d'un épiscopat ou d'un archiépiscopat. Dans les avenues latérales, nefs latérales, basses nefs ou bas-côtés, se groupait l'assistance, laquelle, dans les temps primitifs plus rapprochés du judaïsme, observait la séparation des sexes, les hommes occupant la droite et les femmes la gauche de la nef centrale. Fig. 1. - Plan de l'ancienne basilique de Saint-Pierre, à Rome. Mais autant les Grecs et les Romainsélevaient les façades de leurs temples presque sur la voie publique, autant les chrétiens s'efforcèrent, à l'origine et même assez avant dans le Moyen âge, d'isoler leurs églises de cette voie publique, et, dans ce but, ils les faisaient précéder d'une cour carrée entourée de portiques, dont un plus large juxtaposé à la façade de l'église et, dans cette cour comme plus tard dans les mosquées musulmanes, une fontaine servait aux ablutions. La basilique de Saint-Clément, à Rome, reconstruite dans la première moitié du IXe siècle, et surtout l'ancienne basilique de Saint-Pierre, dans la même ville, et dont le plan nous a été conservé par Fontana (fig. 1, ci-dessus), donne bien l'idée de ce que pouvait être une grande basilique chrétienne de l'ère latine, vaste édifice au corps principal duquel s'ajoutaient des tours pour les cloches qui appelaient les fidèles; des absidioles ou petites absides, à l'extrémité des nefs latérales, pour recevoir des autels consacrés à des martyrs dont ces autels recouvraient le tombeau ou des reliques; des pièces à usage de sacristie, de trésor, de bibliothèque, d'école, de salle synodale et même, autour d'un cloître, des habitations pour les prêtres et les clercs, des logettes pour les pénitents, etc. L'intérieur de l'église saint-Aignan, à Chartres. © Serge Jodra. Mais un autre type, commun à la fois à l'Occident et à l'Orient, vint apporter un nouvel élément des plus importants dans la composition du plan ainsi que dans la construction et par suite dans la forme extérieure des églises. Les chrétiens, tout en s'appropriant, pour célébrer les cérémonies de leur culte, les basiliques romaines au plan rectangulaire et à la couverture à deux versants, voulurent cependant, dès le IVe siècle de notre ère, créer des édifices distincts et sur des plans différents du plan des basiliques, et ces édifices, mausolées, baptistères, oratoires, utilisés aussi comme églises, affectèrent en plan des formes rondes, carrées ou polygonales, pendant que, pour leur couverture, il était fait appel à la coupole, cet élément connu de toute antiquité, dont le Panthéon d'Agrippa, à Rome, offrait un type qui n'a pas été surpassé, mais dont les architectes chrétiens devaient, surtout en Orient, multiplier les exemples et aussi modifier la structure. Parmi ces édifices des premiers siècles du christianisme, le mausolée de Sainte-Constance, à Rome, l'église de Sainte-Sophie, à Constantinople, et l'église primitive de Saint-Marc, à Venise, tous édifices construits du IVe au Xe siècle, servirent de types à des églises bien différentes comme plan des basiliques romaines et dans lesquelles des modifications profondes, comme dispositions intérieures, comme construction et comme aspect extérieur; découlèrent du rôle dominant qu'y joua la coupole. L'intérieur de l'église du Saint Sépulcre, à Jérusalem. Source : The World Factbook. Cependant, dans l'érection de l'église du Saint-Sépulcre, à Jérusalem, église comprenant juxtaposés un mausolée de forme circulaire et une basilique rectangulaire, on vit au IVe siècle, réunis en un seul édifice, les deux types qui devaient, pendant plus de quinze siècles, servir de modèles à l'architecture d'une grande partie du monde. Nous ne suivrons pas, dans leurs développements successifs, ces deux formes principales des églises et, tout en constatant qu'a toutes les époques et dans toutes les régions, furent érigées, dans les campagnes, des églises de peu d'importance consistant en une seule salle, parfois ronde, polygonale ou carrée, mais le plus souvent rectangulaire, nous renverrons aux articles spéciaux Abside, Bas-côtés, Chapelle, Choeur, Clocher, Narthex, Nef, Porche, Transept, etc., pour tout ce qui concerne les diverses parties des églises, et aux divers articles de construction, de décoration ou d'ameublement, pour tout ce qui se rapporte à la structure des églises, à leur aspect extérieur et intérieur, ainsi qu'à leur aménagement. Eglise en bois (Laerdal, Norvège). © Serge Jodra. Exemples d'églises. La cathédrale d'Angoulême. Fig. 2. - Plan de la cathédrale d'Angoulême. La cathédrale de Worms. Fig. 3. - Plan de la cathédrale de Worms. La cathédrale de Noyon. Fig. 4. - Plan de la cathédrale de Noyon. La cathédrale de Reims. « la superbe expression des inventions antérieures des constructeurs de l'Aquitaine et de l'Anjou réunies à celles des architectes de l'île-de-France. Elle est la manifestation la plus complète de leurs efforts persévérants pour établir un système de construction qui a comme principe de maintenir en équilibre un édifice dont les poussées des voûtes, sur croisée d'ogives, sont contrebutées par des arcs-boutants extérieurs. »Quelles que soient les critiques méritées que l'on puisse faire à un pareil système de construction, le plan si bien étudié, malgré quelques hésitations ou retouches, de la cathédrale de Reims, oeuvre de Robert de Coucy, frappe par les masses puissantes de son périmètre et la légèreté de ses points d'appui intérieurs ainsi que par la disposition logique de ses contreforts (plan, fig. 5). - Fig. 5. - Plan de la cathédrale de Reims. Et Corroyer ajoute : « Ce qu'il faut admirer sans réserve à Reims, c'est la magnifique ordonnance de sa façade occidentale et la parfaite convenance de l'ornementation, étudiée et appliquée avec autant de sobriété que de justesse, qui fait de la statuaire, des chapiteaux, des frises, des crochets et des fleurons autant d'exemples de l'art décoratif du Moyen âge. »Afin de donner une idée de ce qu'aurait pu être une cathédrale française de cette époque, complètement conçue et achevée dans les données de composition et dans le style architectural de la cathédrale de Reims, Viollet-le-Duc a dessiné une vue cavalière que nous réduisons (fig. 6) et qui montre bien l'importance relative du grand portail, ou portail occidental, avec ses deux hautes flèches reliées à la base par une galerie, et des portails du transept avec leurs flèches de moindre hauteur et aussi de la tour centrale sur la partie carrée de laquelle viennent se buter les combles de la nef et du transept et que surmonte un clocher accompagné de clochetons. Fig. 6. - Vue cavalière d'une cathédrale du XIIIe siècle, (d'après Viollet-le-Duc). Quoique due tout entière à l'imagination de cet artiste, archéologue sans rival dans l'étude de l'architecture religieuse du Moyen âge, cette composition fait concevoir la masse imposante et élégante à la fois d'une cathédrale française qui aurait été conçue et achevée au XIIIe siècle, sans les défaillances et aussi les incendies qui en entravèrent souvent la construction. Il est cependant une cathédrale, sinon française, du moins française d'inspiration, remontant au milieu du XIIIe siècle, et dont le XIXe siècle a vu terminer l'oeuvre architecturale d'une parfaite régularité et d'une remarquable exécution de détail. C'est la cathédrale de Cologne : Cathédrale de Cologne. Fig. 7. - Plan de la cathédrale de Cologne. D'autres églises. Fig. 8. - Plan de l'église du Temple, à Londres (d'après Britton). Mais, malgré le grand enthousiasme excité dans les pays du Nord de l'Europe par les grandes cathédrales de style gothique et par leurs admirables sculptures faisant si bien corps avec les lignes de leur architecture et en augmentant l'effet monumental, l'Italie et surtout la ville de Rome, siège de la papauté, n'avait jamais cessé, malgré les guerres continuelles qui désolèrent ce pays pendant tout le Moyen âge, de conserver un certain culte des édifices antiques, et se mit à chercher, aussi bien dans leurs ruines que dans les constructions byzantines de l'empire grec, dans les salles des thermes romains comme à Sainte-Sophie de Constantinople ou au Saint-Sépulcre de Jérusalem, la solution du problème que présentait aux architectes chrétiens la nécessité de réunir les fidèles autour ou tout au moins en vue d'un autel principal dont la position serait accusée extérieurement par une masse architecturale imposante. Aussi, pendant que, dans le Nord de l'Europe, les maîtres d'oeuvres du XVIe siècle s'efforçaient de décorer d'ordres classiques des églises dans la construction desquelles entraient, comme dans l'église Saint-Eustache de Paris, les éléments de l'architecture ogivale, la coupole reprenait faveur dans l'Italie centrale et, après Buschetto et la cathédrale de Pise au XIIe siècle et Brunelleschi et Sainte-Marie-des-Fleurs de Florence au commencement du XVe siècle, Michel-Ange élevait, à Saint-Pierre de Rome, au XVIe siècle, le dôme du Panthéon d'Agrippa au-dessus du centre de la croix grecque que Bramante avait donnée pour plan primitif à cette basilique suprême du catholicisme. L'église Saint-Nicolas, à Prague (République Tchèque). Photo : © Angel Latorre, 2008. L'influence exercée dans le monde entier par ce retour aux traditions classiques et par leur application aux églises chrétiennes fut des plus considérables et dure encore. Toutes les grandes villes métropolitaines voulurent posséder un ou plusieurs sanctuaires dans lesquels des ordres antiques décorèrent des nefs et les bras d'un transept dont la croisée fut surmontée d'une coupole, et, entre autres exemples, Paris put s'enorgueillir, à la fin du XVIIIe siècle, de la nouvelle église Sainte-Geneviève, aujourd'hui le Panthéon. Le plan de cet édifice (fig. 9) figure exactement une croix grecque précédée d'un vaste portique et au centre de laquelle s'élève, sur un tambour monumental, une triple coupole dont l'une, inférieure et hémisphérique, tronquée à son sommet, laisse voir les peintures décorant une seconde coupole ovoïde que recouvre une troisième coupole, également ovoïde, portant la couverture. Fig. 9. - Plan du Panthéon, à Paris. Les églises protestantes (temples protestants). Fig. 10. - Plan de l'église Saint-Paul, à Malmö (Suède). En outre, il est facile, avec un tel plan, de faire converger les différents pans de la couverture vers le cintre au-dessus duquel une lanterne vitrée éclaire l'église par le Les catégories d'églises. Une église du Tabasco (Mexique). © Serge Jodra. Les églises de paroisse desservies par un curé s'appellent paroissiales. Les églises de communautés qui font office de paroisses, sont dites conventuelles; celles qui sont le siège d'un abbé ou d'un prieur, abbatiales ou priorales. Pour les lieux de culte d'un ordre inférieur voyez la page Chapelle. A ces divers titres correspondent des droits sacerdotaux, des droits liturgiques, des droits lucratifs, des préséances et des honneurs minutieusement énumérés par les canonistes. Il n'y a plus en France d'églises collégiales ni d'églises conventuelles proprement dites. A ces anciennes distinctions la politique des papes a ajouté une hiérarchie nouvelle, en attribuant à quelques églises le titre de basilique, aujourd'hui fort prisé par le clergé ultramontain et comportant certains insignes et certains privilèges. Dans les basiliques majeures, appelées aussi patriarchales ou sacrosaintes, le maître-autel est dit autel papal, parce que le pape seul peut y célébrer. Les basiliques mineures possèdent préséance sur toutes les autres églises, à l'exception des cathédrales. Elles se classent outre elles selon l'ancienneté de la concession, sans tenir compte du qualificatif perinsignis donné à quelques-unes. Le qualificatif insignis est concédé à certaines collégiales. Les privilèges des basiliques mineures, les seules qu'on trouve en France, résultent des deux décrets de la Sacrée Congrégation des Rites du 29 mai 1817 et du 27 août 1836. Le premier est la préséance, dont il vient d'être parlé et qui vaut même en dehors du diocèse. Leur insigne le plus important est le pavillon, immense parasol, dont l'armature est recouverte de bandes alternativement rouges et jaunes. Ces couleurs, .qui sont celles du gouvernement pontifical, attestent une sujétion plus immédiate au pape. Le pavillon est porté, en tête de toutes les processions, par un employé de l'église, vêtu d'une grande robe ou sac de toile blanche, lié à la taille par un cordon blanc ou une lanière de cuir. Le second insigne est la clochette, appareil d'une structure et d'une ornementation compliquées, qui dans les processions précède toujours le pavillon. Elle est portée et tintée par un homme vêtu comme le porteur du pavillon. Le pavillon et la clochette appartiennent de droit à toutes les basiliques mineures. Le troisième insigne ne peut être porté que là où il existe un chapitre. C'est la cappa canoniale, qu'il faut distinguer de la cappa épiscopale. (Charles Lucas / E.-H. V.).
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