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L'histoire de la Pologne
Les plaines qu'arrose la Vistule furent envahies au VIe siècle de J.-C. par les Lechites, peuple slave, divisé en plusieurs tribus. Celle des Polanes ou Slaves de la plaine s'établit sur les bords de la Wartha, et celle des Mazoviens ou Masures vers le milieu du cours de la Vistule. Les Polanes ayant acquis la prépondérance sur les autres tribus, leur nom prévalut, et devint celui du pays, qui s'appela Pologne. Lech, à qui les Polonais font remonter la fondation de leur Etat, est un personnage fabuleux. Les temps dont l'histoire devient plus assurée commencent pour la Pologne en 842, lorsqu'un simple paysan, Piast, en fut élu souverain. Il eut pour successeur son fils Ziemovit, et Mieczyslas, arrière-petit-fils de Ziemovit, qui était païen, comme tous les Polonais, embrassa le christianisme vers 965. La population le suivit ensuite dans cette conversion, à laquelle coopéra aussi le zèle de saint Adalbert, archevêque de Prague. Boleslas Ier, dit Chrobry, c. à-d. vaillant, ou le Grand, affranchit la Pologne de la suzeraineté de l'empereur d'Allemagne, prit le titre de roi, et fut reconnu par l'empereur Othon III. Il fonda des églises et des couvents, donna à son peuple une organisation militaire, et fit de la Pologne le boulevard de la chrétienté à son extrémité orientale. Mais il eut un faible successeur dans son fils Mieczyslas II, dont le règne fut suivi d'une anarchie. Casimir Ier rétablit l'ordre. Boleslas II termina par des excès une vie consacrée d'abord à pacifier la Hongrie et la Bohème et à conquérir la Russie Rouge. Il força le pape à l'excommunier et à interdire le titre de roi aux souverains de la Pologne. 

Vladislas Hermann, frère de Boleslas Il, fut gouverné par son favori Sieciech, et laissa à sa mort, en 1102, la Pologne livrée à la guerre civile par le partage que s'en firent ses deux fils. Mais Boleslas III la réunit tout entière sous son autorité en 1107, et continua le règne des princes qui agrandirent la Pologne par leurs conquêtes. A sa mort, en 1139, commence, avec le partage qu'il fit de ses Etats entre ses quatre fils, la période de division de la Léchie, nom général du pays, en plusieurs duchés, au nombre desquels était celui de Pologne. A la faveur des dissensions des princes, l'aristocratie substitua sa puissance à celle du souverain, durant cette période de 1139 à 1333. Vladislas II voulut dépouiller ses frères de leurs apanages, et fut renversé par eux. Boleslas IV céda, en 1158, au fils de son frère, Vladislas II, la Silésie, qui demeura séparée de la Pologne. Sous Casimir II, le Juste, frère cadet de Vladislas II et de Boleslas IV, les évêques et les hauts fonctionnaires, c.-à-d. les palatins et les castellans, constituèrent un sénat qui partagea le pouvoir avec le prince. Leszek le Blanc, fils aîné de Casimir, demeura maître du duché de Pologne, quoique la possession lui en fût opiniâtrement disputée par son oncle Mieczyslas III, et ensuite par Vladislas aux jambes grêles, fils de cet oncle, et la souveraineté passa ainsi de la branche aînée à une branche cadette de la maison de Piast. Il fut assassiné en 1227.

Son fils, Boleslas V, le Chaste, s'enfuit devant l'invasion des Mongols, qui fondirent sur la Pologne en 1240. Leszek le Noir, petit-fils de Conrad, deuxième fils de Casimir II, laissa tomber la Pologne dans l'anarchie, et ne sut pas la défendre contre une nouvelle irruption des Mongols en 1287. Après sa mort, en 1289, plusieurs prétendants se disputèrent le duché jusqu'en 1295, où Przemislas, dernier rejeton de la branche de Mieczyslas III fut proclamé et couronné roi. Il fut assassiné en 1296, et eut pour successeur Vladislas Lokiétek, qui fut déposé en 1300 et remplacé par Venceslas, roi de Bohème. Mais il fut rétabli en 1304, réunit toute la Pologne sous son autorité, fut sacré roi en 1520, et prépara la grandeur de son pays. Il tint en 1331 une diète générale, où il appela pour la première fois la noblesse à délibérer, avec les sénateurs, sur les affaires du pays. Ce fut le premier acheminement vers la république nobiliaire, qui devint plus tard la constitution du pays. 

Avec Casimir III, qui fut le législateur de son peuple, commença en 1353 l'époque florissante de la Pologne, qui dura jusqu'à la fin du XVIe siècle, et avec lui aussi s'éteignit en 1370 la dynastie de Piast, qui régnait depuis 528 ans. Hedwige, fille de Louis Ier d'Anjou, neveu de Casimir III, qui l'avait désigné pour son successeur, parvint, après un interrègne de deux ans, au trône de Pologne en 1384, et y plaça avec elle Jagellon, grand-prince de Lituanie, qu'elle épousa, après qu'il eut reçu le baptême, en 1386

C'est au commencement du XVe siècle, au moment même où, dans tout le reste de l'Europe, se constituent les monarchies absolutistes, que la constitution polonaise commence au contraire à prendre cette forme anarchique qui la distinguera jusqu'au bout, et qui sera une des principales causes de la disparition politique de l'Etat polonais au XIXe siècle. En 1413, au moment où s'effectue la réunion définitive de la Lituanie et de la Pologne, il est décidé que les affaires communes aux deux pays devront être réglées par l'assentiment commun des Polonais et des Lituaniens, dans des diètes communes. Les nobles des deux pays, divisés par la langue et les intérêts, parviennent, en fait, rarement, à se mettre d'accord. Les privilèges des villes, en grande partie de nationalité et de tendances allemandes, les immunités des grands seigneurs s'accroissent sans cesse. 
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Costumes Polonais aux 14e et 16e siècles
Costumes Polonais aux XIVe et XVIe siècles.

Sous le règne d'Alexandre ler, les Diètes provinciales s'ajoutèrent à la Diète centrale, possédant chacune une autonomie relative; et le roi ne peut introduire dans la constitution aucun changement sans leur aval; il ne peut même pas changer ses fonctionnaires, qu'il nomme à vie. Aussi, malgré les succès que la Pologne remporte dans sa lutte contre les hussites, contre les chevaliers Porte-Glaive (Les Chevaliers Teutoniques), sous le règne de Casimir Jagellon, qui oblige l'ordre à lui prêter hommage, malgré l'union momentanée, sur la tête de Vladislas, fils de Casimir, des trois couronnes de Bohème, Hongrie et Pologne, le pays perdait chaque jour un peu de sa consistance.

Sigismond Ier resserra sans doute le lien qui attachait la Lituanie à la Pologne, et réunit la Mazovie à la couronne. Sigismond-Auguste, son fils, acquit la Livonie, étendit sa suzeraineté sur la Courlande, et consomma, en 1569, la réunion de la Lituanie et de la Pologne. Avec lui finit, en 1572, la dynastie des Jagellons, et, dans l'interrègne qui suivit sa mort, la noblesse donna définitivement à la Pologne la constitution qui en fit une république aristocratique, avec une royauté élective, dépouillée de toute autorité exécutive. 

Henri de Valois, élu roi en 1573 et couronné en 1574, jura le premier les pacta conventa, que la république imposait à ses souverains; mais il quitta au bout de quelques jours la Pologne pour monter sur le trône de France. Il fut remplacé par un Hongrois, Etienne Bathori,qui dicta la paix aux Russes en 1583, et donna une organisation militaire aux Cosaques, qui étaient soumis à la suzeraineté polonaise depuis le règne de Sigismond Ier. Il voulait s'en faire un rempart contre les Russes et les Mongols. Il fut le premier restaurateur du catholicisme en Pologne, mais ne put cependant arriver à constituer en Pologne une véritable administration régulière.

Les trois rois de la famille des Vasa, malgré d'heureuses interventions en Russie, furent paralysés bientôt par leurs luttes contre la maison de Suède, leur parente; d'autre part, du côté de l'Est, le soulèvement de Minine et de Poarski, en donnant le trône moscovite à la famille des Romanov, arrêta les progrès des Polonais en Russie. En 1618, Sigismond -Vasa commit une erreur lourde de conséquences en cédant la Prusse ducale à l'électeur de Brandebourg et en contribuant ainsi à préparer la puissance future de la Prusse, que le traité de Westphalie, mettant fin à la guerre de Trente Ans, augmenta encore, tandis que la Suède elle-même prit pied de tous côtés sur le littoral de la Baltique.

A partir de ce moment, commença la décadence de la Pologne : sans finances régulières, sans dynastie nationale, sans armée permanente, sans frontières naturelles, sans pouvoir central, l'autorité même des Diètes se trouvant intérieurement énervée par l'application du principe du liberum veto, qui permetait à un seul des membres de contrecarrer, par son unique opposition, la volonté de tous les autres, et par la nécessité imposée à la Diète centrale d'en référer dans tous les cas aux Diètes provinciales. Chose plus grave, l'agglomération des territoires qui constituait l'Etat polonais commença à se dissocier. Le traité de Polausv (1634), conclu par Sigismond VII avec les Russes, assura à la Pologne la possession de la Livonie. Mais, peu de temps après, attaquée, simultanément par les Russes, unis aux Cosaques, et par Gustave-Adolphe, roi de Suède, la Pologne perdit, sous Jean-Casimir, sa suzeraineté sur la Prusse ducale par le traité de Wehlau en 1657, la Livonie par le traité d'Oliva en 1660, et Smolensk et l'Ukraine par le traité d'Andrussof en 1667

C'est aussi sous le règne de Jean-Casimir que s'introduisit, à la diète de 1652, l'usage du veto, qui, prononcé par un seul membre de l'assemblée, en annulait toutes les opérations et en entraînait la dissolution. A la vue de cette évolution de la Pologne, effet de sa constitution, Jean-Casimir, avant d'abdiquer en 1668, prédit que cet Etat serait inévitablement démembré par ses puissants voisins. Sous son successeur Michel Wisnioviecki, du sang des Jagellons, les Turcs envahirent la Pologne, qui, par le traité de Buczacz en 1672, s'engagea à leur payer un tribut. 

Le règne de Jean Sobieski (1674-1695) jettera seul un peu d'éclat sur cette nation qui se mourrait. Il annula le traité de Buczacz par la victoire de Choczim, en 1673,. C'est à la tête de l'armée polonaise qu'il vint délivrer  Vienne assiégée par les Turcs; mais ni la royauté, ni la nation polonaise elle-même n'en retirèrent le moindre profit. Sobieski fut obligé de céder en 1686Kiev et la Podolie. Ensuite, la lutte entre deux compétiteurs au trône, Frédéric-Auguste II, appuyé par le tsar Pierre Ier (La Russie au XVIIIe siècle), et Stasnislas Leszczynski, soutenu par Charles XII, roi de Suède, accéléra la ruine de la Pologne. 
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Ancien Blason de la Pologne.
Armoiries de la Pologne 
au XVIIe siècle.

De France, où plusieurs Polonais avaient suivi le roi Stanislas en Lorraine, des idées d'ordre monarchique, un peu mélangées de l'esprit des Lumières, s'infiltrèrent en Pologne, et y furent propagées par les princes Michel et Auguste Czartoryiski. Mais la Russie, sur laquelle ils comptaient s'appuyer , convoitait la Pologne, et, comme elle s'en disait l'alliée, elle y fit entrer ses troupes, à la mort du roi Frédéric-Auguste III, pour y perpétuer l'anarchie, sous le prétexte de garantir aux Polonais leurs libertés. La diète, devenue l'instrument de la politique russe et prussienne, élut roi, en 1764, Stanislas-Auguste Poniatowski, ancien favori de la tsarine Catherine Il. Les princes Czartoryski, ses oncles, engagèrent en vain la diète à étendre le pouvoir royal et à limiter les effets du veto. Catherine s'y opposa, et s'entendit avec Frédéric II, roi de Prusse, le principal auteur de la ruine de la Pologne, pour attiser, au profit de leurs vues, les oppositions religieuses introduites en Pologne à l'occasion de la Réforme. 

La Russie et la Prusse se déclarèrent les protectrices des dissidents polonais. La Confédération de Bar, faiblement secourue par la France et par la guerre que la Turquie fit à la Russie, prit les armes en 1768 pour la défense de la religion catholique et de la patrie. Mais l'inébranlable courage de son chef, Casimir Pulavski, et l'habileté d'Adam Krasinski, évêque de Kaminiec, qui en avait conçu le plan, ne purent l'empêcher de succomber dans une lutte inégale, et le démembrement de la Pologne commença en 1772 par un premier partage, qui donna à la Russie la région entre la Dvina, le Dniepr et le Droutz, à l'Autriche la Galicie et la Lodomérie, et à la Prusse la Prusse royale. Voyant la Russie en guerre avec la Suède et la Turquie, la Pologne mutilée se donna le 3 mai 1791 une constitution qui renversait le gouvernement aristocratique, supprimait l'anarchique veto et rendait le trône héréditaire dans la maison de Saxe, à la mort de Stanislas-Auguste. Mais la Russie appuya la confédération de Targovice, formée pour le maintien de l'ancienne constitution, et à laquelle le roi adhéra. 
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Matejko : la constitution de la Pologne du 3 mai 1791.
La Constitution du 3 mai 1791, par Jan Matejko (1891).

Catherine et Frédéric-Guillaume II, roi de Prusse, profitèrent de ces dissensions pour amoindrir encore la Pologne, par un deuxième démembrement en 1793. La Russie s'empara de la moitié de la Lituanie et de la Volynie et la Prusse de la Grande-Pologne. Les Polonais tentèrent en 1791, sous le commandement de Kosciuszko, un dernier effort pour sauver l'indépendance de leur pays; mais ils furent écrasés par le nombre de leurs ennemis, Russes et Prussiens. Le roi Stanislas-Auguste abdiqua, et un troisième partage répartit en 1795 le reste de la Pologne entre la Russie, l'Autriche et la Prusse. La Pologne fut rayée de la carte européenne. Une constitution, qui subordonnait une royauté élective depuis 1573, et un sénat impuissant aux décisions tumultueuses d'une diète formée de nonces élus par le suffrage universel de la noblesse, l'action de la diète paralysée elle-même par le liberum veto, les fréquentes insurrections aristocratiques manifestées par un Rokosz, l'indiscipline des palatins, des starostes et des castellans, l'absence de gouvernement enfin avait frayé les voies à cette situation. Napoléon Ier, pour qui les Polonais avaient prodigué leur sang sur les champs de bataille, approuvait en 1809, suivant les propres paroles de son ministre des affaires étrangères, « que les noms de Pologne et de Polonais disparussent de l'histoire. » 

Par le traité de Tilsit en 1807, Napoléon avait érigé en duché de Varsovie la partie de la Pologne dont la Prusse s'était emparée, à l'exception de Dantzig et du district de Bialystok, qui passèrent à la Russie. II donna cet Etat, qui fut augmenté en 1809 de la Nouvelle-Galicie, à Frédéric-Auguste III, récemment créé roi de Saxe, qui avait refusé le trône de Pologne en 1791. Le Congrès de Vienne, où Louis XVIII avait fait dire, sans succès, par le prince de Talleyrand, qu'il regardait la question de la Pologne comme la plus européenne, supprima en 1815 le duché de Varsovie, dont la majeure partie fut réunie à la Russie sous le nom de royaume de Pologne. Dantzig, Thorn, Culm et le duché de Posen furent attribués à la Prusse, et la ville de Cracovie forma une république indépendante. L'empereur Alexandre Ier octroya au nouveau royaume de Pologne, en 1815, une constitution et une représentation nationale, composée de deux Chambres avec un vice-roi. Mais il annula bientôt cette constitution, et accorda un pouvoir discrétionnaire à son frère, le grand-duc Constantin, commandant de l'armée polonaise.

La Pologne essaya une nouvelle fois, en 1830 et 1831, de reconquérir son indépendance dans une lutte héroïque contre la Russie, à la tête de laquelle se signalèrent Chlopicki, le prince Adam Czartoryiski, le prince Michel Radzivill, Dvernicki, Dembinski et le généralissime Skrzyneclci. Mais, battus à Ostrolenka en mai 1831, les Polonais furent écrasés par la supériorité numérique de leurs oppresseurs. La constitution donnée par Alexandre Ier fut remplacée en 1832 par un statut organique, et la Pologne fut gouvernée, au nom du tsar, par un lieutenant. La politique de russification de l'empereur Nicolas tendit à extirper le catholicisme du sol de la Pologne. Son successeur s'est montré d'abord moins persécuteur. Les Polonais, de leur côté, à la voix et à l'exemple élu comte André Zamoïski, fondateur de l'association appelée Société agricole, se retranchèrent dans une attitude passive, et n'opposèrent plus d'autre résistance au despotisme étranger que la manifestation du deuil et de la prière. Mais l'autorité russe réprima par la force des armes et par la violence deux démonstrations pacifiques, qui eurent lieu à Varsovie le 25 février 1861, jour anniversaire de la victoire des Polonais à Grochow en 1851, et le 27 février suivant. 

La Société agricole fut supprimée en avril. L'irritation réciproque alla dès lors chaque jour croissant, et la Pologne fut mise deux fois en état de siège pendant l'année 1861. Le comte Zamoïski, qui avait porté jusqu'à l'héroïsme la pratique de la modération et de la légalité, fut envoyé à Saint-Pétersbourg pour y rendre compte de sa conduite. Un rescrit de l'autorité russe, dont l'auteur fut un Polonais traître, le marquis Wielopolski, chef de l'administration civile du royaume de Pologne, prescrivit, sous le nom de recrutement, la déportation en masse de la partie masculine de la population du pays. Mise à exécution par la force armée en janvier 1863, nuitamment et avec des circonstances brutales, cette mesure suscita une indignation générale. Les Polonais s'étaient résignés jusqu'alors à l'interdiction de la prière et du deuil; mais ils ne purent se voir enlever, par un guet-apens nocturne, la fleur de leur jeunesse, sans se laisser aller au désespoir. Poussés à la révolte par la Russie elle-même, ils coururent encore une fois aux armes contre le despotisme qu'ils subissaient. Le peuple des villes et des campagnes prit part avec la noblesse à ce soulèvement, sous la direction d'un comité, puis gouvernement national, qui a constamment trouvé une soumission absolue à son impulsion, et qui a dû et su demeurer occulte pour échapper aux recherches de la police russe. 

Les Polonais donnèrent à l'Europe une démonstration de leur répulsion pour l'esprit révolutionnaire en refusant le concours de Mieroslawski , qui était venu s'associer, en février 1865, à leur levée de boucliers. Langiewicz, proclamé dictateur par le gouvernement national, fut obligé, après plusieurs combats malheureux, de se réfugier en Galicie sur le territoire autrichien. Le gouvernement national reprit alors la direction du mouvement. A la vue des sympathies qui s'exprimaient un peu partout en Europe pour la cause de la Pologne, le gouvernement russe annonça qu'une amnistie serait accordée à tous les insurgés qui mettraient bas les armes; mais le gouvernement national déclara que la Pologne ne devait avoir aucune confiance dans les promesses de la Russie. Le grand-duc Constantin, qui avait été nommé lieutenant du royaume de Pologne en 1862 et commandant général de toutes les troupes en 1863, vit sa modération taxée de faiblesse, et quitta Varsovie au mois de septembre. Il fut remplacé par le général Berg, qui fut chargé d'inaugurer un nouveau système de rigueurs, mission dont il s'acquitta en Pologne avec la même atrocité que le général Mourawiev en Lituanie. Pour atteindre le but de la politique russe, la confiscation des biens, l'emprisonnement des personnes de toutes les conditions, l'exil et les fusillades furent les moyens employés par le général Berg.
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Costumes en Pologne en 1863.
Faucheurs polonais et porte-étendard
pendant l'insurrection de 1863.

L'intervention diplomatique de la France, de l'Autriche et de l'Angleterre, au lieu d'arrêter la lutte, ne fit que l'envenimer, suivant les propres paroles prononcées par l'empereur Napoléon III en novembre 1863, dans son discours d'ouverture de la session législative, en proposant « de soumettre la cause polonaise à un tribunal européen ». Mais la divergence de vues et le défaut d'entente entre les grandes puissances de l'Europe, tourmentée par la crainte de la Révolution, rendirent impraticable la réunion d'un congrès, proposée par l'empereur des Français.  L'insurrection dite des Faucheurs s'éteignit en 1864, n'ayant abouti qu'à susciter une répression plus dure et une politique de russification plus active.

Il faut attendre l'invasion de la Pologne par les troupes allemandes et autrichiennes en 1914, pour assister au réveil d'un mouvement organisé contre l'occupations russe. Ce furent les Légions polonaises, dirigées par Jozef  Pilsudski, qui durent aussi se confronter aux puissances centrales lorsqu'elles entamèrent, en novembre 1916, la  mise en place d'un Royaume de Pologne sur les territoires repris à la Russie. Pilsudski fut arrêté par les Allemands en juillet 1917, puis libéré le 10 novembre 1918. Le jour même il proclama l'indépendance de la Pologne, à Varsovie. Le 28 juin 1919, le Traité de Versailles reconnut cette indépendance, mais le tracé de la frontière orientale de la Pologne resta discuté, à cause de la complexe répartition des minorités et des ambitions de la Pologne, qui souhaitait retrouver l'extension qu'elle avait connu au moment de sa plus grande puissance. Dès l'année précédente, des combats avaient commencé avec l'URSS à ce sujet. Ils ne se terminèrent qu'en octobre 1920, après la bataille de varsovie au cours de laquelle les Polonais parvinrent à repousser les troupes soviétiques. Le 18 mars 1921, le Traité de Riga permit finalement de fixer des frontières plutôt favorables à la Pologne, qui prit possession d'une partie de la Biélorussie.

La paix revenue, Jozef  Pilsudski, le héros de l'indépendance, quitta la tête de l'État et annonça vouloir se retirer de la vie politique. Narutowicz, un socialiste, fut élu le 9 décembre 1922, président de la République, mais assassiné par des nationalistes une semaine plus tard. La période d'incertitude politique dans laquelle entra ainsi la Pologne dura jusqu'en mai 1926. Appuyé par l'armée, Pilsudski organisa un coup d'État et imposa une dictature. L'opposition fut réduite au silence, ses dirigeants envoyés dans un camp de concentration. Pilsudski réussit à redresser relativement l'économie, notamment grâce à l'aide financière qu'il obtint des États-Unis. Mais la crise des années 1930 mit fin à ce redressement. En 1932, il signa un pacte de non agression avec l'URSS, et un autre, en 1934, avec l'Allemagne nazie. Malgré une nouvelle constitution adoptée peu avant la disparition du dictateur (le 12 mai 1935), le régime militaire qu'il avait instauré persista. Il connut seulement un intermède, avec la présidence de Moscicki, troublée par de graves conflits sociaux. le général Skladkowski et le maréchal Rydz Smigly dirigèrent la Pologne à partir de 1936. Nationalistes fanatiques, ils se reconnaissaient des intérêts communs avec le régime hitlérien. Ce fut la Tchécoslovaquie qui en fit  les frais.  Lorsque l'Allemagne occupa les Sudètes en 1938, la Pologne lança une attaque et prit Teschen en Silésie.

La connivence de l'Allemagne et de la Pologne avait ses limites. Le 1er septembre 1939, Hitler lança ses troupes contre la Pologne. Une offensive qui fut à l'origine de l'entrée dans la Guerre du Royaume-Uni, et qui incita l'URSS à répliquer le 17 septembre en occupant la partie orientale du pays. Le 29, Varsovie devait capituler : le territoire polonais se retrouva une nouvelle fois partagé entre l'Allemagne et la Russie. Les Polonais furent les victimes des exactions des soviétiques (massacre de Katym, notamment), puis de l'oppression des Nazis. Après avoir fini par occuper la totalité du territoire polonais, ceux-ci la dirigèrent principalement contre les Juifs (à peu près de 10 % de la population du pays). Dès 1941, ils avaient établi en Pologne leurs premiers camps d'extermination (Auschwitz-Birkenau, Treblinka, Sobibor, Majdanek) (L'Holocauste). En 1943, le ghetto de Varsovie se souleva pour empêcher sa population d'être déportée vers ses camps. Après quatre semaines de résistance, il tomba et fut brûlé par les Nazis. 50 000 Juifs furent capturés. Un gouvernement provisoire polonais fut formé à Londres; une autre, pro-soviétique, se forma quelques mois plus tard à Lublin, après qu'en août 1944, la résistance polonaise eut réussi à reprendre le contrôle de Varsovie. Cette résistance s'y maintint jusqu'en octobre. Et ce fut seulement en janvier 1945, que l'Armée rouge put définitivement chasser les troupes allemandes de la capitale, qui abandonnèrent complètement la Pologne en mars. A la fin de la guerre, six millions de Polonais étaient morts, dont trois millions de Juifs.

Lors de la  conférence de Potsdam (août 1945)  les frontières de la Pologne rendue à son indépendance furent redéfinies par les Alliés, qui adoptèrent pour la frontière orientale la ligne Curzon, déjà proposée à l'issue du Traité de Versailles, par lord Curzon. La Pologne perdit ainsi une partie de ses terres agricoles (180 000 km²) au détriment de l'URSS, mais reçut en compensation, à l'Ouest, au-delà de la ligne Oder-Neisse, des territoires industriels pris à l'Allemagne (100 000 km²), en particulier la région de Dantzig, qui devint Gdansk. Cette translation vers l'Ouest de plus de 200 km du centre de gravité de la Pologne, allait être accompagnée de  transferts de populations afin d'en finir avec les problèmes des nationalités.

Occupée par les troupes soviétiques et reconnue par les autres Alliés comme étant placée dans la zone d'influence soviétique, la Pologne de l'après-guerre connut une période marquée par les affrontements violents entre communistes et anti-communistes. Puis elle devint une démocratie populaire en 1947. Le pays se soviétisa au cours des années qui suivirent, mais sans éteindre, au sein même du Parti communiste, les oppositions entre les partisans d'un alignement strict sur l'URSS, quitte à imposer une dictature, et ceux qui envisageaient une ligne plus souple. Les premiers s'imposèrent. Bierut devint chef de l'État, et fut secondé par le maréchal Rokossowski. Ils imposèrent un régime calqué sur le modèle adopté par les bolcheviks en Russie, dans les premières années de la révolution soviétique. La soviétisation se poursuivit avec la promulgation, en juillet 1952 d'une nouvelle constitution  qui supprimait la présidence de la république et confiait la direction du pays à un Conseil d'État, analogue au Soviet suprême établi à Moscou. En 1955, l'alliance militaire des pays du bloc soviétique fut signée à Varsovie (Pacte de Varsovie)..

Après la mort de Staline en 1953, le pays commença à être gagné par un espoir d'ouverture. Un espoir qui s'exprima notamment, en juin 1956, à Poznan, lors d'un soulèvement d'ouvriers et d'étudiants. Une cinquantaine de personnes furent tuées dans les émeutes. Après la mort de Bierut en mars 1956, on crut de nouveau à des perspectives d'ouverture. Cette fois, le gouvernement, dirigé par Wladislaw Gomulka, une ancien responsable communiste, limogé huit ans plus tôt par les staliniens, y semblait disposé. Après l'écrasement, début novembre, par les troupes du Pacte de Varsovie du soulèvement de Budapest (Hongrie), Gomulka parvint ainsi à convaincre Moscou de laisser s'opérer quelques réformes en Pologne, sans intervenir. Le maréchal Rokossowski et les généraux soviétiques en place en Pologne furent renvoyés. L'Église, à laquelle on avait reproché jusque-là l'attitude trop complaisante envers les Nazis pendant l'occupation, cessa d'être persécutée. La doctrine économique marxiste fut aménagée dans le sens d'une "voie polonaise du socialisme". 

L'assouplissement relatif du régime n'éteignit pas toutes les contestations. En mars 1968, éclata ainsi une révolte des étudiants, et en décembre 1970, Gomulka fut confronté à des émeutes ouvrières à Gdansk et dans d'autres villes du littoral (Gdynia, Szczecin) après l'augmentation des prix de la nourriture. Des centaines de manifestants furent tuées par la police, et Gomulka, devenu trop impopulaire fut remplacé par Edward Gierek à la tête du Parti communiste. Celui-ci réussi à obtenir des Occidentaux une aide économique qui permit une amélioration de la situation intérieure, mais l'agitation ouvrière persista, et fut réprimée violemment en 1976 (manifestation d'Ursus et de Radom). Une autre hausse des prix, en juillet 1980, provoqua une grève générale, qui se propagea à partir des chantiers navals de Gdansk, où le leader ouvrier Lech Walesa réussit à constituer un syndicat, et, le 31 août, à le faire accepter légalement par le gouvernement. Il s'agissait du syndicat Solidarité (Solidarnosc). Soutenu par les États-Unis, via la CIA, qui apporta une aide financière, et par l'Église, qui se trouvait en position de force depuis l'élection pape polonais en 1978 (l'ancien archevêque de Cracovie, Karol Wojtyla, devenu pape sous le nom de Jean-Paul II), rejoint aussi par des membres du Parti communiste, le syndicat eut 500 jours d'existence légale et rassembla plus de dix millions d'adhérents. Moscou finit par réagir et donna son feu vert pour que soit donné un coup d'arrêt au mouvement qui entraînait la Pologne. Le 13 décembre 1981, la loi martiale fut imposée par le général Wojciech Jaruzelski. Walesa et de nombreux autres syndicalistes furent emprisonnés. L'activité clandestine de Solidarité se poursuivit. 

Entre février et avril 1989, le Communistes se résolurent à des négociations avec les représentants du Syndicat et avec ceux de l'Église, qui débouchèrent sur l'organisation d'élections libres. Celles-ci consacrèrent la victoire de Solidarité et la fin du régime communiste. En 1990, Lech Walesa devint président de la république, et la Pologne amorça son  évolution vers l'économie de marché. Le retour sans heurt des communistes au pouvoir lors des élections de 1993, puis la victoire d'un ancien communiste, Aleksander Kwasniewski, qui devança Lech Walesa à la présidentielle de 1995, furent les signes d'une démocratie qui fonctionnait normalement, et non pas ceux d'un retour en arrière. En 1997, une nouvelle constitution fut adoptée par le Parlement, et de nouvelles élections générales furent gagnées cette fois par un ancien de Solidarité, Jerzy Buzek, qui forma un gouvernement de coalition. La Pologne rejoignit, en 1999, l'OTAN. Un nouveau gouvernement de coalition se forma en octobre 2001, réunissant des représentants du Parti des paysans et de l'Alliance démocratique de gauche (SLD). Leszek Miller (SLD) en fut le premier ministre. En mai 2004, la Pologne entra dans l'Union européenne. En septembre 2005, la gauche perdit le pouvoir, au profit des ultra-conservateurs du Parti de la loi et la justice, dont émana, le mois suivant, aussi le vainqueur de la présidentielle,  Lech Kaczynski. Associé, en mai 2006, avec le Parti de l'auto-défense et la Ligne des familles polonaises, le Parti de la loi et la justice, parvint à former, en juillet, un nouveau gouvernement, dirigé par Jaroslaw Kaczynski, le frère jumeau du chef de l'État.

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