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Primitivement
habité par les Taurisques, peuple celtique, ce pays, qui forma plus
tard l'archiduché d'Autrique, fit partie des provinces romaines
appelées Norique
et Pannonie
supérieure lorsque les Romains la soumirent
à leur domination, en 14 av. J.-C., puis l'intégrèrent
à l'empire romain sous Tibère, vers
l'an 33 de notre ère. Une partie du pays, à l'Est de l'Ens,
avec la ville municipale romaine de Vindobona (Vienne), fut alors comprise
dans la Pannonie, Successivement envahie, dans le cours des Ve
et VIe siècles, par les Vandales,
les Hérules, les Goths,
les Huns, les Lombards
et les Avars, cette contrée demeura
occupée par ces derniers jusqu'en 799, où Charlemagne
les repoussa au delà de la Raab et réunit à son empire
la région à l'Est de l'Ens, sous le nom d'Avarie ou Marchia
orientalis (Ostmark), ou Austria, nom qui s'est transformé
en celui d'Ostreich. En 928, Henri
l'Oiseleur, voulant opposer une barrière aux incursions des
Hongrois (Magyars),
dont elle était devenue la proie depuis 900, érigea l'Autriche
en margraviat. L'empereur Othon Ier le
reconquit, après une victoire remportée près d'Augsbourg
en 955, et en investit, en 983, Léopold Ier,
comte de Babenberg, issu d'une des plus anciennes
familles de l'Allemagne .
Le margraviat d'Autriche resta héréditaire dans la maison
de Babenberg, d'où sortit saint Léopold, margrave d'Autriche
de 1096 à 1136.
L'empereur Frédéric
Ier réunit la Marche au-dessus de
l'Ens au margraviat d'Autriche, qu'il érigea en duché, en
1156, en faveur de Henri II Jasomirgott.
Ce premier duc d'Autriche prit part à la deuxième croisade ,
éleva Vienne, dont il fit sa résidence, au rang de ville,
et y commença la construction de l'église Saint-Etienne.
Il mourut en 1177. Son fils, Léopold V, réunit la Styrie
à l'Autriche, et fut excommunié pour avoir retenu prisonnier,
à son retour de la Terre-Sainte, Richard
Coeur-de-Lion, roi d'Angleterre ,
qui l'avait outragé au siège de Ptolémaïde. Léopold
VI, fils de Léopold V, succéda en 1198 à son frère
Frédéric le Catholique, et laissa le duché d'Autriche
agrandi et florissant à son fils Frédéric Il. Ce prince,
surnommé le Belliqueux, fut élu duc de Carniole et
roi de Hongrie .
Mais il opprima ses sujets pour subvenir aux frais de ses guerres. Il fut
tué dans une bataille qu'il perdit, en 1246, contre le roi de Hongrie,
Bela IV. En lui s'éteignit la, ligne masculine
de la maison de Babenberg. On appelle interrègne
autrichien le temps qui s'écoula de 1246 à 1282.
L'empereur Frédéric
Il déclara l'Autriche et la Styrie
fiefs vacants de l'empire, quoiqu'ils fussent héréditaires
dans la ligne féminine. L'Autriche élut pour duc Ottokar
II, fils du roi de Bohème, qui épousa Marguerite, soeur du
dernier duc. Mais le nouveau duc s'aliéna ses sujets par sa hauteur,
refusa de reconnaître Rodolphe de Habsbourg pour souverain de l'Allemagne ,
et fut mis au ban de l'empire. Après une lutte malheureuse, il fut
obligé de céder à Rodolphe, en 1276, ses possessions
autrichiennes, et il fut tué en voulant les reconquérir à
la bataille de Marchfeld, en 1273. Rodolphe de Habsbourg, margrave d'Autriche,
fut reconnu roi de Bohème et de Hongrie; mais des royaumes électifs
ne pouvaient rester joints. La Bohème et la Hongrie eurent encore
des rois indépendants.
Rodolphe de Habsbourg
investit, en 1282, ses deux fils, Albert et Rodolphe, des duchés
d'Autriche, de Styrie
et de Carinthie .
La puissance de l'Autriche fut l'oeuvre de la maison
de Habsbourg, devenue maison d'Autriche. Albert, resté seul
maître de l'Autriche de la Styrie et de la Carniole ,
par un traité conclu avec son frère en 1283, obtint la couronne
d'Allemagne en 1298. Il fut assassiné en 1308 par son neveu, Jean
de Souabe ,
dont il retenait l'héritage. Il laissa cinq fils, dont l'aîné,
Frédéric, fut élu roi d'Allemagne
en 1314, en concurrence avec Louis de Bavière, et refusa plus tard
la couronne impériale que lui offrit le pape Jean XXII. Léopold,
l'un des frères de Frédéric, échoua contre
les Suisses à la bataille de Morgarten, en 1315, dans la tentative
de reconquérir les villes forestières de l'Helvétie .
Albert II le Sage survécut à
ses quatre frères, et réunit, en 1330, toutes les possessions
de sa famille. Le duc Albert V (Albert
II le Magnanime), héritier des Etats
d'Autriche en 1404, épousa la fille de l'empereur Sigismond de Luxembourg
et succéda à son beau-père dans les royaumes de Hongrie
et de Bohème en 1438. Il fut élu empereur la même année.
De cette époque date la grandeur de la maison d'Autriche.
La couronne impériale
demeura dans cette maison et dans celle de Lorraine- Habsbourg, qui la
continuera jusqu'à l'abolition de l'empire d'Allemagne ,
en 1806. Avec Ladislas, fils de l'empereur Albert
Il, s'éteignit, en 1457, la ligne autrichienne de la maison
de Habsbourg, dont l'héritage passa à la ligne de Styrie .
La maison d'Autriche perdit momentanément les royaumes de Hongrie
et de Bohème, et ses domaines en Helvétie lui furent enlevés
par les Suisses ,
sous Frédéric III, élu empereur en 1440. Ce souverain,
usant de l'autorité impériale en faveur de sa famille, conféra,
en 1455, le titre d'archiduc à tous les membres de la maison de
Habsbourg. Son fils, Maximilien ler, acquit
à l'Autriche en 1477 toutes les possessions de la maison de Bourgogne
par son mariage avec Marie, fille de Charles
le Téméraire. Devenu empereur en 1493, il réunit
le Tyrol
à ses États. Le mariage de son fils Philippe
le Beau avec Jeanne, héritière de Castille
et d'Aragon ,
plaça la maison d'Autriche sur le trône d'Espagne .
Charles-Quint,
fils aîné de Philippe, élu
empereur en 1519, céda, en 1521 et 1540, à son frère
Ferdinand ler ses Etats héréditaires
d'Allemagne ,
à l'exception des Pays-Bas
et de la Franche-Comté ,
formant le cercle de Bourgogne ,
qu'il réunit à l'Espagne
en 1548. Ferdinand Ier, à la mort
de Louis II, roi de Hongrie
et de Bohème, dont il avait épousé la soeur Anne,
entra en possession de ces royaumes (1516), auxquels étaient réunies
la Moravie, la Silésie
et la Lusace .
Le sultan Soliman
intervint dans la lutte que ce prince soutint pour se rendre maître
de la Hongrie, et s'avança, en 1529, jusqu'aux portes de Vienne,
qui dut son salut au comte de Salm. Ferdinand Ier,
élu empereur en 1558, après l'abdication de son frère
Charles-Quint fut le premier souverain austro-hongrois moderne.
L'Autriche et
la Hongrie.
La Réforme
fit des progrès sous Maximilien Il et Rodolphe II, fils et petit-fils
de Ferdinand ler. Mais, à la mort
de Matthias, frère de Rodolphe II, Ferdinand, fils de l'archiduc
Charles, duc de Styrie ,
et petit-fils de Ferdinand Ier, réunit,
en 1619, tous les Etats de la maison d'Autriche et fut élu empereur.
Il lutta contre le protestantisme
de l'Autriche et de la Bohème. Il perdit la Lusace
à la paix de Prague, en 1655. Ferdinand
III marcha sur les traces de son père, et se voulut comme lui le
champion du catholicisme
dans la guerre de Trente Ans. Mais
l'intervention de la Suède et de la France
amena le traité de Westphalie, qui fut le triomphe de la cause protestante
(1648). Par ce traité, l'Alsace, qui avait été apportée
à l'Autriche par Rodolphe de Habsbourg, fut cédée
à la France. Léopold Ier,
qui remplaça son père, Ferdinand III, comme archiduc d'Autriche
et comme empereur en 1658, vit les Hongrois révoltés
appeler les Turcs
à leur secours. Vienne, assiégée par Kara-Mustapha,
fut délivrée par Jean Sobieski, roi de Pologne .
Léopold Ier soumit ensuite la Hongrie
et y reunit la Transylvanie .
Ce royaume s'agrandit
aux dépens de la Turquie
à la paix de Carlowitz ,
en 1699. Mais, lorsque la branche de la maison d'Autriche qui régnait
en Espagne
s'éteignit par la mort de Charles
II en 1700, Léopold Ier échoua
contre la politique de Louis XIV dans la tentative
de placer cette couronne sur la tête de son frère Charles.
Ce prince, qui succéda en Autriche et dans l'empire à son
frère Joseph Ier, en 1711, sous
le nom de Charles VI, fut forcé
de consentir, en 1714, par les traités de Rastadt et de Bade ,
à la paix d'Utrecht ,
qui assurait le trône d'Espagne à Philippe
V, petit-fils de Louis XIV. Mais il reçut de la succession
de Charles Il les Pays-Bas ,
le Milanais ,
Mantoue ,
Naples
et la Sardaigne, qui fut échangée, en 1720, contre la Sicile.
La grande puissance à laquelle l'Autriche était parvenue
déclina dès le règne même de Charles VI, qui
dut, en 1735 et 1738, céder Naples et la Sicile à l'infant
d'Espagne don Carlos, et une partie du Milanais au roi de Sardaigne ( L'histoire
de l'Italie ).
Il ne reçut en dédommagement que Parme
et Plaisance. En 1739, la paix de Belgrade
lui enleva les fruits des victoires du prince Eugène, Belgrade,
la Serbie, la partie autrichienne de la Valachie
et la Bosnie, qui passèrent à la Turquie.
L'empereur Charles
VI mourut en 1740, et en lui s'éteignit la ligne masculine de
la maison de Habsbourg. Il avait déclaré,
par une pragmatique sanction, sa
fille Marie-Thérèse, mariée au duc François-Etienne
de Lorraine, héritière de tous ses Etats. Mais cette succession
lui fut vivement disputée. L'électeur de Bavière se
fit couronner roi de Bohème à Prague, prit le titre d'archiduc
d'Autriche et fut élu empereur en 1742. Les Hongrois
restèrent fidèles à Marie-Thérèse, qui,
par la paix de Breslau, fut forcée de céder à Frédéric
II, roi de Prusse ,
la Silésie
et le comté de Clatz, qu'il avait envahis. Mais l'électeur
de Bavière ,
empereur sous le nom de Charles VII,
mourut en 1745, et l'époux de Marie-Thérèse, qui régnait
avec elle dans ses Etats héréditaires, fut élu empereur
sous le nom de François Ier.
Il devint ainsi le chef de la maison de Lorraine-Habsbourg. Cependant l'Autriche
fut contrainte d'abandonner définitivement la Silésie à
la Prusse, et, par la paix d'Aix-la-Chapelle,
en 1748, elle céda le duché de Parme et de Plaisance à
don Philippe, infant d'Espagne .
Marie-Thérèse tenta vainement, par la guerre
de Sept Ans, de reconquérir la Silésie.
François
Ier, mort en 1765, eut pour successeur
en Autriche et sur le trône impérial Joseph Il, son fils aîné;
et son deuxième fils, Léopold, fut la souche de la ligne
collatérale de la nouvelle maison d'Autriche qui régna en
Toscane. Son troisième fils, Ferdinand, marié, en 1771, à
l'héritière de la maison d'Este, en
recueillit la succession en 1797, et fut la tige de la branche d'Autriche-Este.
L'Autriche acquit par le premier partage de la Pologne ,
en 1772, la Galicie
et la Lodomérie ,
et la Porte
lui céda la Bukovine
en 1777. Le règne de Marie-Thérèse, malgré
les guerres qui l'ensanglantèrent, avait été prospère
pour l'Autriche. Bien différent fut celui de son fils Joseph II,
qui porta son ardeur réformatrice jusque sur l'Eglise, et introduisit
dans ses Etats le système administratif appelé Josephisme.
Tout en favorisant le commerce et l'industrie, il mécontenta la
Hongrie
et provoqua la révolte des Pays-Bas .
Son frère, Léopold Il, qui lui succéda en 1790, chercha,
sans y parvenir, à réparer ses erreurs.
La France révolutionnaire
avait déclaré la guerre à l'Autriche, lorsque François
Il succéda à son père Léopold II, en 1792.
Au troisième partage de la Pologne, en 1795, l'Autriche s'agrandit
de la Galicie
occidentale. Par le traité de Campo-Formio, elle perdit, en 1797,
la Lombardie et les Pays-Bas .
Elle recommença avec la Russie
la guerre contre la France en 1799, et conclut en 1801 la paix de Lunéville ,
par laquelle elle obtint les deux archevêchés de Trente et
de Brixen ;
mais l'archiduc Ferdinand fut forcé d'échanger la Toscane
contre le duché de Salzbourg. Lorsque
Napoléon Ier
fut proclamé empereur des Français, François II réunit
tous ses Etats héréditaires, en 1804, sous le nom d'empire
d'Autriche. Il reprit, en 1805, les armes contre la France;
mais, battu à Austerlitz avec les Russes, il signa la paix de Presbourg
(auj. Bratislava, en Slovaquie), par laquelle il perdit les provinces italiennes
qui lui restaient, le Tyrol
et plusieurs villes et territoires. Il ne fut dédommagé que
par le duché de Salzbourg, et l'archiduc Ferdinand reçut
le Wurzbourg.
-
Les
Armes de l'Autriche-Hongrie.
A la formation de
la Confédération du Rhin, François
Il renonça, en 1806, à la dignité d'empereur d'Allemagne ,
dont sa famille était en possession non interrompue depuis 1438,
et prit le titre d'empereur d'Autriche, sous le nom de François
Ier. Il succomba encore une fois dans la
guerre qu'il entreprit, en 1809, contre l'empereur Napoléon
Ier, et fut dépouillé
par la paix de Vienne du duché de Salzbourg, de la Carniole ,
de la Croatie, de l'Istrie, de Trieste, de
la Galicie
occidentale, de Cracovie
et d'autres territoires. Il donna cependant sa fille en mariage à
Napoléon, et s'allia avec lui contre la Russie .
Mais, après le désastre des Français en Russie, en
1812, il s'unit avec la Prusse ,
la Russie, l'Angleterre
et la Suède, contre la France .
Par la paix conclue à Paris en 1814,
l'Autriche obtint le royaume Lombard-Vénitien ( L'histoire
de l'Italie )
et la Dalmatie ,
et recouvra ceux de ses pays héréditaires qui lui avaient
été enlevés. La monarchie
autrichienne se trouva, après le rétablissement de la paix,
une des plus influentes des cinq grandes puissances européennes.
Elle réprima la Révolution par une intervention armée
dans les royaumes des Deux-Siciles
et de Sardaigne, en 1820 et 1821, et les insurrections de 1831 et 1832
dans l'Etat pontifical .
François
Ier, eut pour successeur, en 1835,
son fils Ferdinand III. Sous son règne, le gouvernement ultra-réactionnaire
de Metternich accumula partout des haines qui allaient se donner libre
carrière en 1848-1849. Au bruit de la révolution française
de février 1848, des mouvements insurrectionnels éclatèrent
à Vienne, à Prague, à Pesth et à Milan.
Une constitution, qui créait une diète composée d'un
sénat et d'une chambre des députés, fut promulguée
en avril 1848. Le royaume Lombard-Vénitien et la Hongrie
prirent les armes contre la domination autrichienne. Ferdinand ler
se retira à Inspruck, et déclara que la première diète
serait une assemblée constituante. Cette assemblée fut ouverte,
en juillet 1848, par l'archiduc Jean, substitut de l'empereur, qui revint
à Vienne en août. Mais une nouvelle révolte l'obligea
d'en sortir en octobre, et il se rendit à Olmutz. Le prince Windischgraetz,
qui avait déjà réprimé le soulèvement
de Prague, soumit aussi Vienne. Dès le mois d'août 1848, la
Lombardie fut replacée sous le sceptre de l'Autriche, et Venise
y rentra en 1849. Mais l'insurrection hongroise ne put être vaincue
qu'avec le secours de la Russie ,
en 1849. Le 2 décembre 1848, l'empereur Ferdinand abdiqua, et l'abdication
simultanée de son frère, l'archiduc François-Charles,
appela au trône le jeune fils de ce prince, l'empereur François-Joseph
ler.
La diète constituante,
transférée à Kremsier, n'ayant pu achever la constitution,
le nouvel empereur accorda lui-même une constitution, le 4 mars 1849.
L'Autriche disputa vigoureusement à la Prusse ,
en 1849 et 1850, l'influence que cette puissance tentait de s'arroger en
Allemagne .
L'empereur François-Joseph Ier abrogea,
en décembre 1851, la constitution octroyée en 1849. Dans
la lutte soutenue en Orient, en 1854 et 1855, par la France
et l'Angleterre
contre les ambitions de la Russie
( La Guerre de Crimée ),
l'Autriche, partagée entre sa reconnaissance envers l'empereur Nicolas
et le danger auquel elle s'exposait en secondant les vues de ce dangereux
allié, hésita avant d'incliner ouvertement du côté
des cabinets de l'Occident. D'accord avec la France et l'Angleterre, elle
occupa, en 1854, les Principautés danubiennes, qu'elle n'évacua
qu'en 1857. L'empereur François-Joseph Ier,
conclut, en 1855, avec le Saint-siège un concordat qui rendit à
l'Église les privilèges dont Joseph II l'avait dépouillée.
Voyant la Sardaigne
se placer à la tête du mouvement révolutionnaire en
Italie ,
l'Autriche cessa, en 1857, d'entretenir des relations diplomatiques avec
la cour de Turin. La défiance réciproque
amena enfin une rupture entre les deux gouvernements, en 1859. Les Autrichiens
prirent l'initiative des hostilités; mais Napoléon
III marcha à la tête d'une armée au secours du
roi de Sardaigne, et les Autrichiens furent battus successivement à
Montebello, à Palestro, à
Turbigo, à Magenta, à Marignan
et à Solferino. L'empereur d'Autriche accepta à Villafranca,
en juillet, la paix qui lui fut proposée par Napoléon III,
et qui fut sanctionnée, en octobre suivant, par un traité
signé à Zurich. Il céda
la Lombardie à la France ,
qui la céda à son tour au roi de Sardaigne. La
Prusse
n'attendait que ce moment pour expulser l'Autriche de la Confédération
germanique; elle commença par l'entraîner dans une expédition
contre le Danemark ,
mais elle lui déclara la guerre.
Vaincu à Sadowa,
dépouillé de la présidence de la Confédération
germanique, l'empereur convoqua un conseil de l'empire,
composé des députés de toutes les parties, si diverses,
de la monarchie, et promulgua ensuite un diplôme pour le règlement
de l'organisation politique de l'empire (20 octobre 1860). Le droit électoral
en Autriche reposait, comme en Angleterre à
la même époque, sur la propriété et, non sur
le nombre. Le statut de la constitution, publié en 1861, institua
deux Chambres : la Chambre des seigneurs et la Chambre des députés.
La représentation nationale prit le titre de Conseil de l'empire
(Reichsrath). Les différents pays de la couronne eurent d'ailleurs,
des diètes provinciales avec l'autonomie administrative. L'empereur
ouvrit solennellement le conseil de l'empire en 1861. Mais la nécessité
de concilier l'unité de l'empire avec l'autonomie des différents
pays dont il se composait présentait de graves difficultés,
et, dans cette même année 1861, la diète hongroise
dut être dissoute, à cause de ses tendances à séparer
la Hongrie
de la monarchie autrichienne.
La double monarchie.
François-Joseph, aux prises avec
les nationalités hétérogènes qui formaient
son Empire, se résigna en 1867 au système
dualiste qui assurait l'autonomie de la Hongrie, au sein de ce que l'on
allait appeler désormais l'Empire Austro-Hongrois, mais qui avait
le tort de sacrifier les Slaves, pourtant plus nombreux que les Allemands
et les Hongrois. Aussi les Tchèques, en particulier, ne cessèrent-ils
de protester contre un régime constitutionnel qui violait les droits
historiques de la Bohème et de formels engagements. La politique
intérieure de l'Autriche ne cessa donc d'être agitée
et confuse. L'empereur François-Joseph, de formation allemande et
de tempérament absolutiste, prit parti tantôt pour les Allemands,
à la fois centralistes et libéraux, tantôt pour les
minorités nationales slaves, à la fois fédéralistes
et favorables à un régime aristocratique.
Au ministère
libéral allemand Auersperg (1867-1871), qui fit voter l'établissement
du mariage civil et l'organisation de l'enseignement par l'État,
succéda le ministère fédéraliste Hohenwart,
dont firent partie deux ministres tchèques. Il projeta la conclusion
d'un compromis entre l'Autriche et la Bohème analogue au compromis
austro-hongrois; mais il se heurta à l'opposition des Allemands
et des Magyars aussi bien qu'aux répugnances
de l'empereur, et il démissionna (octobre 1872). Auersperg, revenu
au pouvoir, essaya, par un remaniement de la loi électorale, de
réduire le nombre des représentants tchèques et polonais
au Parlement; il s'attaqua, d'autre part, comme Bismarck,
à l'influence du clergé. Les fédéralistes,
soutenus par les catholiques et bénéficiant du mécontentement
provoqué par les dépenses d'occupation de la Bosnie-Herzégovine ,
lui firent une vive opposition; il tomba en février 1879. L'occupation
de ces pays, vue d'un bon oeil à Berlin,
ne pouvait que déplaire à Budapest, puisqu'elle renforçait
les éléments slaves.
L'empereur fit alors
appel à un de ses familiers, le comte Taaffe, qui sut se maintenir
au pouvoir pendant plus de quatorze ans (1879-1893). Il s'attaqua au problème
tchèque, demeuré en suspens depuis 1871, époque à
laquelle François-Joseph avait manifesté des velléités
de se faire couronner roi à Prague. Un accord fut élaboré,
dans l'automne de 1890, avec les représentants du groupe des «-Vieux-Tchèques
», dirigé par Rieger; mais il fut repoussé par le parti
des «-Jeunes-Tchèques-»,
qui avait pour chefs Gregr et Massaryk, et qui, en 1891, aux élections
de la Diète de Prague, obtint la majorité. Taaffe, fatigué
des attaques incessantes du parti centraliste allemand, songea à
se procurer un Parlement plus souple par l'introduction du suffrage universel
en Autriche. Les libéraux et les conservateurs allemands, qui formaient,
avec les Polonais, la majorité gouvernementale au Reichsrat, s'insurgèrent
contre ce projet, et François-Joseph, inquiet d'une politique slavophile
désagréable a Budapest et à Berlin, se sépara
de son ministre.
Les gouvernements
qui succédèrent ensuite s'imaginèrent que la réforme
électorale mettrait fin au conflit grandissant, né de l'opposition
des nationalités. Le prince Windischgraetz, successeur de Taaffe
(1893-1895), s'efforça donc d'étendre le droit de suffrage;
il échoua comme son prédécesseur, devant l'opposition
du Parlement. Le comte Badeni (1895-1897), un Polonais ,
fut plus heureux; il obtint du Reichsrat le vote de la loi du 14 juin 1896,
qui créa une cinquième curie d'électeurs, celle du
suffrage universel (un député par 300 000 habitants), et
bientôt les autorités officielles durent employer la langue
des parties en cause. Cette décision, pourtant équitable,
souleva l'indignation des Allemands; ils organisèrent a Reichsrat
une obstruction systématique, et le successeur de Badeni, le baron
Gautsch, rapporta l'ordonnance du 6 avril 1897. Il proclama l'état
de siège à Prague, où des troubles graves s'étaient
produits : au Reichsrat, l'obstruction tchèque devint si vive que
le compromis austro-hongrois ne put être renouvelé
en temps utile.
Ce fut le début d'une crise qui
devait durer dix ans, pendant lesquels aucun ministère ne parvint
à conserver le pouvoir plus de quelques mois. Le conflit des nationalités
atteignit son maximum d'irritation et d'acuité, non seulement entre
Allemands et Tchèques, mais aussi entre Allemands et Slovènes,
entre Polonais et Ruthènes. Après que Gautsch eut été
renversé par la coalition des fédéralistes et des
conservateurs, le comte Thun forma un nouveau ministère favorable
aux fédéralistes; mais les centralistes allemands lui firent
une telle opposition que le Reichsrat ne put délibérer, que
les Délégations ne purent être réunies. Thun
ayant été renversé en 1899,
Clary, puis Witek, puis Koerber, puis Gautsch, constituèrent
des cabinets à tendances centralistes; l'obstruction tchèque
obligea l'empereur à rendre des ordonnances pour régler le
budget et proroger le compromis austro-hongrois.
Le baron de Beck, devenu président
du Conseil, proposa et obtint la suppression des curies et l'établissement
du suffrage universel. Les lois du 26 janvier 1907
amenèrent un apaisement momentané; mais l'intolérance
des Allemands ranima les querelles de nationalités et de langues;elles
étaient plus ardentes que jamais lorsque François-Joseph
précipita, en déchaînant la Grande Guerre, l'écroulement
de l'édifice vermoulu dont sa personne, entourée de respect,
était encore le soutien le plus solide. |
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