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L'histoire de l'Asie > Asie centrale et Sibérie > Civilisation des Steppes |
Hioung-nou, Avars, Hephtalites, etc. |
Le nom des Huns
est un mot générique sous lequel on a désigné diverses populations
asiatiques qui sont vraisemblablement d'origine différente. La confusion
est venue d'abord des auteurs anciens eux-mêmes, qui donnaient le nom
de Huns à tous les peuples asiatiques qui envahirent l'empire romain Ã
la suite des premiers Huns véritables, et ensuite, depuis le XVIIIe
siècle, du savant ouvrage de de Guignes
qui, dans son Histoire générale des Huns (1756),
a également étendu le nom de ce peuple à toutes les tribus barbares
de l'Asie centrale. Nous traiterons, dans le présent article, non seulement
des Huns proprement dits et des autres peuples de langue turque (Les
langues altaïques,
la langue des Huns),
mais de tribus différentes, qui, jusqu'au VIIe
siècle de notre ère, ont ravagé l'Europe sous le nom de Huns.
On y ajoutera quelques remarques sur les Hioung-nou de la Chine,
dont l'appartenance au monde turco-mongol n'est pas certaine, et qui n'était
peut-être pas la version orientale des Huns, comme l'ont cru jadis les
historiens, mais qui semblent bien, au demeurant, impliqués dans l'épopée
hunnique.
On rencontre le terme de Huns pour la première fois dans Ptolémée, qui place les Chounoi entre les Bastarnes et les Rhoxolans, dans le Sud de la Russie; Denys le Périégète mentionne également les Ounnoi, près la mer Caspienne. Le savant allemand Zeuss a contesté ces lectures qu'il regarde comme des interpolations, mais nous verrons, par l'histoire chinoise, que les Huns, dès le IIesiècle de notre ère, étaient en réalité établis entre la mer Noire, la Caspienne et l'Oural; ils commencent seulement à se faire connaître comme dévastateurs au milieu du IIIe siècle, lorsqu'ils franchirent le Tanaïs. D'où venaient-ils? On a regardé les Huns comme d'origine chinoise ou d'origine mongole. Nous croyons que ce sont en réalité des Turks, la plupart du temps. Mais dans certains cas, des populations décrites comme des Huns ne le sont sans doute pas véritablement : c'est en particulier le cas des Avars, possibles descendants de certains Jou-Jouen, et dans lesquels ils conviendrait donc de voir plutôt des Toungouses. Si donc tous les Huns des IIIe, IVe, et Ve siècles ne sont pas identifiables comme on l'a cru dans le passé, aux Hioung-nou, ni même à des populations exclusivement proto-turques, du moins pourraient-ils correspondre à une fraction de ceux-ci, très certainement, dans ce cas, mêlée à d'autres peuples parmi lesquels la composante turque aurait été prédominante. De fait, outre l'analogie entre les deux noms, les mouvements et les migrations des Hioung-nou à différentes époques dans la Haute-Asie concordent assez bien avec les diverses invasions des Huns en Europe et en Asie. Il peuvent au moins expliquer une pression exercercée sur populations d'Asie centrale et dirigée vers l'Ouest... Avant d'entrer dans l'histoire de ces invasions, nous croyons devoir exposer sommairement ce que nous savons aujourd'hui des Huns d'Asie, ainsi que la succession des révolutions et migrations des différents peuples tartares dans leurs rapports avec la Chine, avec l'Europe orientale, l'Asie byzantine et la Perse (Iran). C'est aux historiens chinois qu'il faut avoir recours pour être renseigné sur cette période ancienne de l'histoire de l'Asie. La nation des Hioung-nou joue une grand rôle dans l'ancienne histoire de la Chine. Ce peuple était-ils d'origine turque, comme plus tard les Ouïgours, les Sien-pi, et les Tou-kioué, ou était-il comme on l'a parfois dit d'origine "paléo-asiatique". Il venait en tout cas de l'Asie orientale, entre l'Orkhon et la Mandchourie, et il se divisait en plusieurs tribus dont la désignation était probablement tirée des noms des lieux d'origine ou d'habitat : c'étaient les Houn (un des noms de la rivière Orkhon), les Houn-yé, les Hou-yen. L'ensemble de ces diverses tribus constituait la nation des Hioung-nou et il paraît au moins vraisemblable que c'est de l'un de ces vocables Houn, Hioung qu'est dérivé le mot Hun, prononcé Hounn par les premiers envahisseurs qui furent en contact avec les Romains et dont la transcription exacte est restée sous les diverses formes Hunni, Chuuni, Ounnoi, etc. Dates clés : 175 av. J. C. - Premières mentions de Hioung-nou en Chine. |
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Les
Hioung-Nou
L'établissement des Hioung-nou dans le Nord de l'Asie peut remonter au delà du XIIIe siècle av. J.-C. Sous les Tchéou, ils avaient alors le nom de Hien-youn; l'appellation Hiounq-nou est la dernière, celle qu'ils eurent sous les Han. On trouve aussi, à partir du Ier siècle, l'expression de Kiang-nou. Leur empire s'étendit un moment depuis la mer d'Okhotsk jusqu'au mont Altaï et même jusqu'à l'Oural (laïkh); ils tenaient tout l'occident de l'Asie, d'où leur nom (impropre) qu'on leur a donné jadis de « Tatars occidentaux », par rapport aux Topa, aux Sien-pi, aux Jou-jouen, qui étaient les « Tatars orientaux ». Les Hioung-nou ont été une cause perpétuelle de troubles et de guerres pour la Chine. Quoique plus puissants et plus importants que la Chine, qui ne se composait alors que de quelques provinces, ils ne nous ont laissé jusqu'ici aucun monument écrit de leur langue et de leur histoire, et les Chinois, qui étaient plus civilisés, les considéraient toujours comme des Hou, c.-à -d. des peuples barbares. Ils furent obligés cependant de ménager leur puissant ennemi et d'engager avec eux, à diverses reprises, des relations pacifiques et même des alliances. Le chef suprême des Hioung-nou portait le titre de tengrikoutou shen-yü (fils du ciel, majestueuse grandeur), abrégé en shen-yü ou tan-jou, et les impératrices leurs femmes, celui de yen-chi (épouses?) Le tanjou était choisi dans la famille Sien-pi des Hou-yen, qui était la plus noble et qui tenait toujours la gauche (l'Occident), c.-à -d. avait le pas sur les autres; le prince héritier avait le titre de «-hien-wang (sage prince) de la gauche », et tous les officiers de la cour formaient une hiérarchie puissamment organisée. Le tanjou résidait dans le mont Inshan (au Nord-Est de la ville actuelle de Koueï-hoa-tcheng), un des rameaux de l'Altaï, vers les sources de l'Irtich, qui servait de frontière aux Hioung-nou du côté du Nord-Ouest. Le tanjou traitait de pair avec l'empereur de la Chine dont il se considérait comme l'égal, et lorsque les deux souverains s'écrivaient, c'était sur des tablettes d'une dimension déterminée et avec ce protocole : « Le grand tanjou des Huns, engendré du ciel et de la terre, établi par le soleil et la lune, prie respectueusement l'empereur de la Chine, etc. »Plus tard, le tanjou recevait un sceau d'investiture du Céleste-Empire. Les relations historiques certaines entre les deux puissances ne remontent qu'à l'an 210 av. J.-C. A cette époque, le tanjou des Hioung-nou était Teou-men; c'est du moins le premier empereur de cette nation dont le nom soit parvenu jusqu'à nous. Mo-thé (ou Mé-té), son successeur, de 206 à 174 av. J.-C., fit de grandes conquêtes l'empire chinois, après de violentes agitations, venait de passer aux mains de Kao-hoang-ti, fondateur de la dynastie des Han. A peine était-il sur le trône que Mo-thé l'attaqua, vint mettre le siège devant la ville de Ma-yé (auj. So-ping fou). La ville fut prise et le tanjou pénétra dans le Chensi jusque près de Singan-fou avec 300 000 Huns. Kao-ti ne put résister et il n'obtint la paix qu'en donnant en mariage une de ses filles. Dans la suite, de fréquentes alliances eurent lieu entre la Chine et les barbares, mais les auteurs chinois prennent soin de nous dire que, pour éviter de donner des princes de sang royal aux souverains de Tartarie, on leur envoyait le plus souvent des filles d'esclaves. Vers l'an 175 avant notre ère les Hioung-nou chassèrent les Yue-tchi du Kansou et du Chensi, où ils étaient établis depuis longtemps, et les forçaient à se réfugier dans l'Ouest, du côté du lac Balkhach et de l'Ili. Déjà les Yue-tchi avaient été molestés par Mothé, mais un de ses successeurs, Lao-tchang, ayant tué leur roi et fait de son crâne une coupe à boire, les Yuetchi s'enfuirent au delà de Ta-ouan (Matouanlin, trad. St. Julien et Specht). Les Yue-tchi expulsèrent à leur tour les Sse ou Sakas et, franchissant l'Yaxarte, conquirent la Sogdiane et la Bactriane. A la même époque, le tanjou renversa la puissance des Tatars orientaux; les restes de cette nation se retirèrent, les uns dans les monts Wou-houan (au Nord de Pékin), dont ils prirent le nom; les autres, dans les monts Sien-pi, dont ils prirent également le nom, Plus à l'Ouest, les Wou-soun (ou Wou-siun), alliés des Hioung-nou, s'établissent dans le Nord-Ouest, entre l'Irtish et le pays du Kiptchak jusqu'à la Mer d'Aral, à peu près à l'époque où les Yue-tchi descendent en Transoxiane. Les Wou-soun étaient, comme les Alains et d'autres peuples, des iraniens et non des turco-mongols; leur chef portait le titre de kounmi et sa résidence était sur le bord de l'Ili; le pays des Wou-soun était appelé en chinois Koun-mi-koué, « le royaume du Koun-mi ». Les Chinois cherchèrent à faire alliance avec les Wou-soun, pour les détacher complètement des Hioung-nou, et ils leur dépêchèrent à cet effet le fameux Tchang-kien, le premier explorateur chinois des contrées occidentales. Les Fils du Ciel entretenaient soigneusement, dès cette époque, des relations commerciales et politiques avec les peuples occidentaux de la Tartarie, de la Transoxiane (Kang-kiu), de la Perse (Po-sse), mais les Hioung-nou, qui occupaient le territoire intermédiaire, cherchaient à intercepter les communications, c'est ainsi que Tchang-kien fut retenu prisonnier dix ans par le tanjou (139 à 129), avant de pouvoir remplir sa mission auprès des Wou-soun et des Yue-tchi. En l'an 70 av. J.-C., les Wou-houan se révoltent contre la domination des Hioung-nou et violent les tombeaux des tanjou, principalement celui de Mo-thé. Faisant reculer les Hioung-nou de plus de cent lieues à l'occident, ils deviennent les maîtres du territoire que ceux-ci avaient abandonné. Un peu plus tard, les Sien-pi aidèrent les Chinois à se défaire des Wou-houan (54 av. J.C. ), mais ces derniers redevinrent très puissants jusqu'à leur destruction définitive, en 207 ap. J. C. Vers l'an 43 de notre ère, l'empire des Hioung-nou est divisé en deux royaumes : Hioung-nou du Nord et Hioung-nou du Midi. En l'an 65, les Hioung-nou du Nord, alliés à ceux du Midi, ravagent le Chensi et le Hami, mais ils furent battus et obligés de regagner leurs provinces du Nord; poursuivis par Teou-hien, général chinois, leur pays est entamé, et à la suite d'une grande défaite à la montagne de Kiloushan, le tanjou s'enfuit dans l'Ouest. Ainsi finit, en l'an 93, l'empire des Hioung-nou du Nord. Deux cent mille Hioung-nou se soumirent à la Chine, mais les autres tribus qui ne firent pas leur soumission franchirent l'Altaï et un immense espace de près de 500 lieues, pour venir camper dans les steppes de l'Oural et le pays des Bachkirs. Ils fondèrent ainsi, sur les frontières de l'Asie et de l'Europe, un nouvel empire des Hioung-nou ou « Hioung-nou occidentaux », qui fut gouverné aussi par des tanjou et dura plusieurs siècles. Les auteurs chinois mentionnent ce nouvel empire sous le nom de « royaume des tanjou », ayant sa principale demeure dans le Yue-pan, aux sources du fleuve Iaikh (Oural), mais ils ne nous ont laissé aucun détail sur l'histoire de cette contrée, avec laquelle, vu l'éloignement, ils n'avaient aucune relation. On a pu dire que ce sont ces Hioung-nou
occidentaux, mélangés de Ouïgours,
Onogoures, Sien-pi et autres tribus turques, qui ont envahi l'Europe sous
le nom de Huns. Quoi qu'il en soit, le premier résultat de l'arrivée
de ces populations, dont on pourra au moins admettre, qu'elles ont été
"mises en mouvement" par les Hioung-nou, sur les confins de la Russie fut
de chasser à leur tour les peuples qui y étaient établis et de les pousser
vers le Sud. Ces peuples étaient les Alains
(A-la-ni des Chinois), et nous savons, en effet, par les auteurs latins,
que les Alains apparaissent dans le Caucase,
entrent en Médie
et se trouvent en contact avec les Parthes
en 78 et avec les Romains, sous Marc-Aurèle,
en 168. Cent ans plus tard, sous Gordien
III, ils pénètrent en Macédoine
et peu à peu dans le reste de l'Europe. Vers l'an 290,
Tiridate, roi d'Arménie, avait dans son armée un corps d'armée d'Alains
et de Huns (d'après Faustus de Byzance, qui écrivait vers 350);
c'est la plus ancienne mention des Huns; leur roi s'appelait Sanesan (Moïse
de Khoren le nomme Sanatroug). En 317,
Chosroès
Il d'Arménie épouse Sathinik, fille du roi des Alains. On voit déjà ,
par ce premier mouvement des Alains sous la poussée des transfuges Hioung-nou,
que les invasions ultérieures des peuples barbares sur l'Europe et l'Asie
antérieure ne seront que le contre-coup des révolutions des autres peuples
de l'Asie.
Mais en l'an 360 une poussée considérable se fait sentir vers l'Ouest par l'arrivée de nouveaux peuples turcs appartenant aussi aux Sien-pi et connus dans l'histoire sous le nom de Jouen-jouen, Jou-jou, Geou-gen, Jou-jouen (Les Toungouses). Les Sien-pi sont chassés et leur empire détruit à son tour, en 390. Les Jou-jouen deviennent peu à peu maîtres de toute la Tartarie, avec Karakoroum pour une de leurs capitales, au Nord. Leurs chefs avaient aussi le titre de tanjou. L'un de ces rois, Tou-loun, échange, vers l'an 402, le titre de tanjou contre celui de khaqan (en chinois kho-han) dont l'étymologie est incertaine, mais qui est devenu depuis le nom du chef suprême de toutes les tribus tatares. Tou-loun fut un grand conquérant et un législateur, sous son règne, l'empire des Jou-jouen s'étendait depuis la Corée ,jusqu'à l'Europe; il comprenait même un moment le pays des Bachkirs, où étaient les Huns occidentaux; nul doute que c'est à la présence de ces nouveaux venus qu'il faille attribuer l'invasion d'Attila, vers 430. C'est également à cette époque que les Kidarites et les Ephthalites (Huns blancs) font leurs migrations, ainsi qu'on le dira plus loin. Les historiens chinois nous ont conservé la liste de tous les khaqans des Jou-jouen jusqu'à la destruction de l'empire. C'est sous O-na-hoeï et Ngan-lo-tchin que les Turks Tou-kioue s'emparèrent du pays des Jou-jouen et firent un grand massacre des habitants (552 à 554). Les Tou-kioue devinrent ainsi maîtres de tout le Nord de l'Asie, le centre de la Kashgarie. Après cette victoire sur les Jou-,jouen, ils franchirent I'Yaxarte et, d'accord avec Chosroès Anouchirvân, roi de Perse, mirent fin également à l'empire des Huns Ephthalites dans la Transoxiane (557). Les Jou-jouen s'enfuirent sous la conduite de princes nommés War et Khouni, qui avaient le titre de khaqan; c'est de là que vient la désignation de Warkhouni ou Warkhonites, sous lequel ils restèrent connus des Ouïgours, des Sabirs, des Turks. Mais quand ils pénétrèrent en Europe, ils prirent le nom d'Avars (Abares) qui avait été, paraît-il (ce point d'histoire est obscur) celui d'une autre nation qui avait laissé en Tartarie un souvenir de terreur et de domination. Nous retrouverons plus loin ces Avars, ceux que Simocatta (VII, 7) appelle de faux Avars, Pseudônymoi. Les Huns d'Europe Revenons maintenant aux Huns d'Europe : nous commencerons qu'à la deuxième moitié du IVe siècle, négligeant les incursions qu'ils ont faites sur le territoire romain avant cette époque. Les Huns n'apparaissent en réalité dans l'histoire que vers 375, au moment où, franchissant le Tanaïs (le Don) qui leur servait de limite, ils se jettent en Germanie et sur l'empire romain. Ammien Marcellin, qui a été contemporain de leur arrivée, nous a laissé une description très détaillée et très exacte du physique, des moeurs et des usages de ce peuple. De même Claudien, qui écrivait vers l'an 400, Sidoine Apollinaire vers 460, Zozime vers 480 et Jordanès (Jordanis) vers 550 de J.-C. Tous concordent pour nous représenter les Huns sous les formes les plus hideuses : la taille courte, la tête écrasée le teint noir, les yeux petits et enfoncés, la figure tailladée ils passaient leur vie à cheval, où ils semblaient comme cloués, equis propè affixi, suivant l'expression d'Ammien; au moral, ils avaient évidemment aux yeux de nos auteurs tous les vices et toutes les férocités de la barbarie, omnem modum feritatis excedunt. Au point de vue des moeurs et de la manière de combattre, les renseignements que nous donnent les contemporains ressemblent à tout ce que nous savons par les Chinois et les Arabes sur les diverses tribus tatares de l'Asie vivant de la vie nomade, errant dans les montagnes et dans les plaines, suivis de nombreux troupeaux et transportant avec eux toute leur famille dans de grands chariots, d'où l'appellation chinoise Tche-sse, que l'on a prise pour un nom de peuple et qui n'a pas d'autre sens que celui de « armée de chars » appliqué à diverses tribus nomades. Jordanès nous a conservé les noms des premières tribus des Huns qui franchirent le Palus Méotide, ce sont : les Alipzures, les Alcidzures, les Itamares, les Tuncasses et les Boïsques; Balamber ou Balameir était un des chefs de ces tribus. Ce furent les Alains qui reçurent le premier choc. Le nom d'Alains est encore une appellation générique sous laquelle Ammien désigne tous les barbares asiatiques depuis le Pont-Euxin ,jusqu'au Gange : c'était un peuple très remuant qui depuis plus de trois siècles tenait toute l'Europe orientale. Ils sont mentionnés à l'époque de Vologèse et de Domitien. Mais les Alains proprement dits, les A-la-ni des Chinois, remarquables par leur chevelure blonde, leurs yeux bleus (crinibus mediocriter flavis, dit également l'auteur latin), habitaient la Russie orientale, le nord et l'orient de la mer Caspienne, d'où ils furent chassés dès le Ier siècle par les Hioung-nou. L'appellation d'Alain s'étendit à d'autres peuples; ainsi aux IIIe et Ve siècles comme c'étaient les Arands Yue-tchi ou Kouchans qui étaient maîtres de tout le pays entre la Caspienne, l'Indus et le Gange, il est certain que dans les expressions d'Ammien : diffusi per populosas pentes et amplas... adusque Gangen, il faut faire entrer les Kouchans. Quant aux Alains d'Europe, ceux qui campaient entre l'Oural, la Caspienne et le Dniepr, ils se trouvèrent, en même temps que les autres barbares, voisins du Tanais et du Borysthène, les premières victimes de la grande invasion hunnique de 375 (Huns et Sien-pi) qui fut, comme on l'a vu, la conséquence de l'arrivée des Jou-jouen. Les Alains, les Ostrogoths, les Goths sont vaincus successivement. La nation des Scires qui faisait partie de celle des Alains et qui vivait en bonne intelligence avec les Romains sur les bords du Borysthène ( l'inscription d'Olbiopolis) est également écrasée par les Huns vers 410. D'après Sozomène, ces derniers, sous la conduite de Uldès, leur chef, se jetèrent sur les Scires et en firent un grand carnage. Ceux qui purent échapper se réfugièrent à Constantinople et ils s'établirent ensuite dans la Mésie inférieure. Le roi de ces Scires s'appelait Candax. En même temps que les Huns de Balamir et d'Uldès ravageaient l'Europe, une autre branche de la même famille se jetait en Mésopotamie et venait faire le siège d'Edesse, mais ils furent vaincus en 384 par Richimer, général de Théodose. Les auteurs byzantins qui rapportent cette expédition dirent que ces Huns étaient les Ephthalites (Huns Blancs); c'est une expression impropre et une erreur (qui est fréquente du reste chez les historiens byzantins et arméniens), car les Ephthalites n'apparaissent que plus tard. Les mêmes Huns reviennent quelques années après, ravagent de nouveau l'Arménie, la Mésopotamie, la Syrie qui leur sont livrées « par la fourberie de l'hyparque Rufin et du stratelate Adée », dit Josué le Stylite (qui écrivait en 515). Les Huns se présentèrent devant Ctésiphon, mais ils furent repoussés par Bahram IV (396). La seconde invasion
des Huns : Attila.
Bleda et Attila s'occupèrent alors, dit Priscus, de la soumission des nations scythiques parmi lesquelles il mentionne seulement les Sorosgues dont l'origine est inconnue. D'après de Guignes, Attila aurait même envoyé des ambassadeurs à la Chine afin de s'assurer sa neutralité, mais il est peu probable qu'Attila ait été connu des Chinois; car son nom Etel n'est pas mentionné dans les annales du Céleste-Empire. En tout cas, quoique l'histoire soit muette à cet égard et que nous n'ayons que le témoignage de Priscus, il est possible que les sept ou huit années qui s'écoulèrent entre le traité de Margus et la rentrée en scène d'Attila furent employées à la conquête de toute l'Europe orientale et septentrionale. A la suite de nouveaux ravages des Huns en Pannonie, en Thrace et jusque près de Constantinople, Théodose traita de nouveau avec eux en 442. C'est alors qu'Attila fit assassiner son frère Bleda afin d'être seul maître de réaliser ses vastes projets sur l'occident de l'Europe. A ce moment sa puissance était immense et s'étendait sur toute la Scythie jusqu'à la Baltique et à la Scandinavie où le souvenir de Etzel est resté. Il régnait presque seul dans le monde, suivant l'expression de Jordanès : Attila Hunnorum omnium dominus solus in mundo regnator. Le portrait que cet auteur latin nous a laissé du grand conquérant est bien conforme à celui que l'on va se faire durablement des envahisseurs tartares : petit de taille, la poitrine large, une tête démesurée, les yeux enfoncés, la barbe rare, les cheveux grisonnants, le nez écrasé, le teint basané; à côté de cela la démarche fière, le regard méfiant : superbus incessu, huc atque illuc circumferens oculos. Personnellement, Attila semble n'avoir pas eu toute la férocité que les auteurs anciens attribuent à son peuple; un poète latin anonyme le représente comme un prince magnanime, toujours prêt à accorder la paix, quoique terrible pour ses ennemis. Théodose lui ayant envoyé pour le flatter un diplôme de général des armées romaines, Attila accepta, mais en ajoutant que cela n'empêchait pas de combattre les Romains, car il avait pour esclaves des rois supérieurs aux empereurs. Avant d'attaquer l'Empire, il fit la guerre aux Akatzires qu'il n'avait pas encore pu dompter. Ce peuple, que Jordanès appelle Agazziri, et qui descend peut-être des Agathyrses d'Hérodote, de Pline, de Pomponius Mela et de Ptolérnée, occupait ainsi que les ltemesti les bords de la Volga et du Tanaïs, et leur chef s'appelait Kouridach. Attila les vainquit; mais plus tard, en 168, on retrouve ces mêmes Akatzires alliés aux Saragoures contre les Perses. Radlof pensait que les Akatzires sont les Aghatchari de Reshid eddin, tribu turque-occidentale qui tirait son nom d'un des fils d'Ogouz Khan et qui était venue en Europe avec les Huns; H. Howorth en a fait des Khazars (Les Turkmènes) : Akatzire serait pour Ak-katzir « les Khazars blancs », de même que les Saragoures seraient les Sari-ouïgours ou « ouïgours blonds ». Comme les Khazars et les Ouïgours sont des Turks, les Akatzires seraient donc aussi des Turks comme les Huns; Priscus les enveloppe du reste tous sous cette dernière appellation. Les Akatzires furent vaincus par Attila qui leur donna pour chef son fils aîné Ellac. A l'époque de l'ambassade de Maximin relatée par Priscus, en 449, le fils du roi des Huns accompagné d'Onegèse ou Onesige, un de ses officiers, partit pour prendre possession de son nouveau royaume qui comprenait les Akatzires et d'autres populations habitant la Scythie pontique. C'est en l'année 447 qu'Attila, suivi d'une armée formidable et de nombreux vassaux, entra sur les terres de l'Empire par la Mésie, la Dacie, la Thrace et l'Illyrie; après une lutte malheureuse, Théodose demanda la paix; elle fut conclue en 448 à des conditions honteuses. L'année suivante, l'empereur envoya une ambassade, dont le chef était Maximin, auprès d'Attila dont le camp était entre la Theiss et le Danube, près de l'actuelle Budapest. Le but secret de la mission ôtait d'assassiner le roi des Huns; le complot fut découvert et Attila se contenta d'exiger un nouveau tribut et des réparations purement morale. Priscus a laissé, sur cette ambassade dont il faisait partie, un récit des plus intéressants contenant des détails curieux sur la famille d'Attila, l'état social et les moeurs des Huns. Cette relation a été traduite par Guizot. En 450, Attila envahit la Germanie, traverse le Rhin et entre en Gaule; on sait qu'il fut vaincu par Aetius dans les champs Catalauniques, en 451, qu'il se jeta ensuite en Italie qui fut ravagée jusqu'à Rome et qu'il mourut dans son camp, près de Pest, en 453, très probablement de mort violente, ainsi qu'en témoignent la plupart des historiens et les légendes scandinaves et germaniques. Après la mort de ce conquérant, ses fils ne purent s'entendre sur le partage des peuples soumis. Les diverses nations, Goths, Gépides, Ruges, Hérules, Sarmates, Alains, Suèves, en profitèrent pour secouer le joug et s'entre-déchirer. Après plusieurs combats, les Gépides vainquirent les Huns dans une sanglante bataille en Pannonie près d'un fleuve inconnu que Jordanès appelle Netad; 30 000 Huns furent tués, Ellac y perdit aussi la vie; ses frères se réfugièrent sur les bords du Pont-Euxin; Hernac, le plus jeune, choisit les bouches du Danube; quatre autres, Emnedzar, Uzindur, Uto et Iscalm s'établirent dans la nouvelle Dacie (Dacia ripensis); et, au siècle suivant, les descendants de ces Huns s'appelaient Sacromontisii et Fosatisii, vraisemblablement du nom de leurs lieux d'habitat. En même temps les Sarmates, mêlés de Huns et de Gemandres, s'installaient en Illyrie, les Scires, les Alains et les Satagares, en Mésie, les Ruges choisirent les villes inconnues de Biozimata et Scandiopolis en Norique; les Gépides, enfin, occupèrent la Dacie ancienne au delà du Danube. Tous ces barbares se soumirent à l'Empire et prirent le nom de confédérés foederati. Ces détails se trouvent dans Jordanès. Le même auteur nous apprend aussi que les Ostrogoths, qui étaient restés fidèles vassaux des Huns, obtinrent de l'empereur Marcien de s'établir le long et au Sud du Danube depuis Sirmium jusqu'à Vindobona (Vienne) et à l'orient jusqu'à la Mésie, servant d'avant-garde pour défendre les frontières. En 454 ils furent attaqués par des Huns qui avaient franchi le Danube, mais ces derniers furent vaincus, obligés de repasser le fleuve et de se réfugier vers cette partie de la Scythie arrosée par le Danube qui était appelé dans leur langue Hunnivar. Quelques années plus tard, en 462, ces mêmes Huns reparaissent sous la conduite de Dengisikh pour venir au secours des Huns Satagarii établis dans la Pannonie intérieure et que les Ostrogoths avaient attaqués; les Huns sont de nouveau battus et rejetés au delà du Danube en même temps que les Suèves de Germanie qui occupaient la Bavière. D'après Jordanès, les tribus hunniques qui avaient pris part à cette expédition sous le commandement de Dengisikh (qu'il appelle Dinzio étaient celle des Ulzingures, les Bittugores, les Angiscires et les Bardores. Les deux premiers noms sont des composés du mot ouïgour, d'où il faudrait conclure que c'étaient des tribus d'origine turque mélangées aux Huns. Ce mélange des deux populations hunnique et ouïgoure paraît avoir formé le mot Hunugari qui, dès le VIe siècle, sert à désigner les peuples de la Hongrie actuelle. En même temps que les frontières de l'empire romain ont à subir ces attaques posthumes des Huns de Dengisikh, d'autres populations également d'origine turque chassées par d'autres barbares qui habitaient, dit Priscus, sur les rives de l'Océan, franchissent la Volga, chassent les Akatzires et les Avares et finalement envoient des ambassadeurs à l'empereur Léon pour demander son alliance; ces peuples sont les Saragoures, que nous avons déjà rencontrés, les Ougores (Ougôroï au lieu de Ougôgoï qui est une faute de Priscus) et les Onogoures. Les Ougores sont encore les Ouïgours et les Onogoures sont les On-ouïgours (ou les dix tribus). En 470, nouvelle guerre entre les Romains et les Huns de Dengisikh; elle finit par le massacre de ces derniers. Priscus ne dit pas ce que devint leur chef, mais la Chronique Pascale, qui appelle Dinzirichos le fils d'Attila, nous apprend qu'il fut tué peu après et sa tête apportée à Constantinople au milieu du cirque. A la suite de ces divers insuccès, les Huns d'Attila disparaissent (en tant qu'acteurs politiques identifiables comme tels) de l'histoire et même de leur territoire qui se trouve peu à peu occupé par les Bulgares, peuple turk venu de la Volga, sans doute bien proche des Huns proprement dits, et qui jusqu'au XIIIe siècle continua d'habiter tout le Sud de la Russie et le Bas-Danube. Les auteurs byzantins les appellent les Honogonduras et Hounnoboundoboulgares, mot bizarre qui semble indiquer le mélange de divers peuples, Huns, Bulgares et Slaves, qui occupaient les rives du Pont-Euxin. Les Huns Kidarites.
Priscus ne dit rien de ces événements qui se trouvaient sans doute consignés dans les livres perdus pour nous de son histoire, mais il nous raconte la campagne de 464 dirigée par Peroze contre les Huns du Caucase à propos du fort Iouroeipaach (en arménien Virapahak « rempart d'Ibérie ») qui défendait les défilés contre les invasions des Alains, des Huns et, plus tard, des Khazars. L'année suivante, le théâtre de la guerre est transporté sur les frontières du Khorassan ou le roi Konkhas, chef des Ephthalites, est victorieux. En 472, sous l'empereur Léon, Priscus mentionne une défaite des Huns Kidarites et la prise de leur ville Balaam. Saint Martin pense que cette place est la Varatchan des auteurs arméniens dans le Caucase (c'est à tort que Noeldeke, qui confond les Kidarites avec les Ephthalites, voit la ville de Balkh dans Balaam). Pour Priscus, il s'agit toujours des Huns Kidarites (il est du reste le seul auteur qui emploie cette expression) et on voit que par ce mot il entend à la fois les Huns du Caucase et ceux de la Transoxiane. Est-ce à dire qu'il faille en tirer une conclusion au point vue ethnographique et établir une identité absolue entre ces deux branches de Huns? Il est difficile de se prononcer. Saint Martin pense que le mot Kidarites doit être réservé pour désigner les Huns du Caucase appelés aussi Tetraxites, mais Noeldeke, induit sans doute en erreur par Priscus, est d'avis que les Kidarites sont les mêmes que les Ephthalites, et A. Cunningham, partageant cette dernière opinion, a vu dans le mot Kidarite pour Hidalite une altération de Haïethal. Au sujet de l'étymologie du mot nous ferons remarquer que les Petits Yue-tchi ou Kouchans de l'Inde avaient pour chef un certain Kidara (transcrit Kitolo dans les annales chinoises) qui, de nom propre, est devenu le titre de la famille régnante à Peshawar et dans le Pendjab pendant plusieurs siècles, et que le même mot Kidara se rencontre sur des monnaies de l'Inde frappées par les Kouchans postérieurs. Il est très possible qu'il n'y ait aucun rapport à établir entre les Kidarites et les Petits Yue-tchi et que l'existence du mot Kidara, commune à ces deux peuples si différents, prouve simplement que ce vocable tartare, dont nous ignorons le sens, appartiendrait, comme tant d'autres, à la langue de plusieurs peuples. Notons enfin (pour montrer la confusion des auteurs byzantins), que l'historien Jean d'Antioche, qui vivait au VIIe siècle, se sert, pour désigner les Ephthalites, de l'expression de Huns Kadisènes, par souvenir sans doute des Kadusiens, anciens peuples de la Médie au Sud du Caucase, les Kadesh des Arméniens. Nous retrouvons les Huns Kidarites du Caucase en 502, à propos du fort de Virapahak : Ambazouk, leur chef, s'était emparé du défilé et avait offert de le vendre à Anastase qui refusa « vu la difficulté (dit Procope) d'entretenir une garnison dans un lieu désert du territoire de l'Empire ». Après la mort d'Ambazouk, les Perses reprirent possession de la forteresse. Le voyageur juif Pethakhia constate au XIIe siècle l'existence d'une tribu des Kidar le long du Pont-Euxin. Les Huns Sabires.
Ils étaient déjà connus du temps de Priscus qui les cite comme ayant été chassés par les Avars des steppes du Don et de la Volga, et Jordanès les appelle Saviri. En 522, leur chef Ziligdès (ou Zilgibis qui rappelle le Silgibou, Silziboul des Turks de 570), ayant trahi à la fois Justin et Kobâd, fut mis à mort par ce dernier. En 528, c'était la reine Boazer (selon l'orthographe de Paul Diacre) qui commandait aux Sabires; elle était veuve de Balakh et Malala lui donne le titre de regissa « « reine ». A la tête de 100 000 hommes, elle marche à la rencontre de deux rois qui appartenaient à d'autres tribus hunniques et qui traversaient ses Etats pour se joindre aux armées de Kobâd. Les noms de ces rois sont Styrax ou Tyranx et Glonès ou Glom. L'un fut tué et l'autre pendu par ordre de Justinien. Les Sabires vécurent en bonne intelligence avec les Grecs. A la même époque, les Huns du Bosphore et de la Chersonèse Taurique s'étant révoltés sous la conduite de Mouager ou Mougel, furent obligés de quitter leur territoire et de s'enfuir dans le Nord. En 530, on trouve dans l'armée romaine un corps d'alliés huns commandé par Sounika et Askhan; Procope les appelle les Huns Massagètes; c'étaient probablement des Kouchans. En 550, les Sabires interviennent dans la guerre entre Justinien et Khosroès et construisent des machines de guerre; en 551, ils figurent encore, mais ils disparaissent, en 558, devant les invasions des Avares avec lesquels ils finissent par se mélanger. Les Sabires sont des Ouïgours et par suite des Turks. Jordanès nous dit en parlant d'une certaine famille de Huns, qu'ils sont appelés les uns Saviri, les autres Cutziagiri. Ces derniers sont les mêmes que les Koutrigoures dont on parlera plus loin. Les Huns Avars.
Baïan, était le chef ou khagan des Avars; devenu l'allié de l'empereur, il combattit ses ennemis, subjugua les Bulgares, les Ahtes, les Tchèques (Les Slaves), les Gépides, repoussa les Francs austrasiens, envahit et ravagea le pays des Slaves méridionaux; ce qui ne l'empêchait pas, quand l'occasion s'en présentait, de lâcher sur les possessions impériales ses hordes de brigands. Il ravagea la Thrace en 619, et assiégea Constantinople en 626. Après la mort de Baïan, la domination des Avars subsista encore longtemps dans les deux Pannonies. Ils furent alors combattus par Charlemagne, qui stoppa leur progression vers 790. Il y a encore aujourd'hui, au Nord du Caucase oriental, une tribu lesghienne qui porte le nom d'Avars, et qui descend peut-être de l'antique peuple dont nous venons d'esquisser l'histoire. Les Huns Koutrigoures.
Zabergan était le chef des Huns Koutrigoures, et Sandikl le roi des Outigoures. Le mot Zabergan parait signifier « le Khan Zaber ». Radlof l'explique par l'ouïgour Tchak-bergan, « don du Temps », et le mot Sandikhl ou Sandilkh par le turc santillik, « doué de plusieurs langues ». Les Outigoures étaient alliés et protégés des Romains qui les excitèrent à faire la guerre à leurs compatriotes; mais Sandikl trouva, suivant les expressions de Menander, qu'il n'était ni juste ni digne d'attaquer des hommes de la même nation, parlant la même langue, ayant la même vie. Zabergan, apprenant les intentions de Justinien et mû aussi par le désir du pillage, quitta les bords du Pont-Euxin, franchit le Danube avec une nombreuse cavalerie, pilla la Mésie et la Thrace, et vint camper aux portes de Constantinople (559). La ville fut sauvée par Bélisaire, mais les Huns continuèrent de ravager la péninsule des Balkans et la Chersonèse de Thrace, et l'empereur ne put les éloigner qu'en leur payant une forte indemnité et en faisant construire sur le Danube une flotte destinée à empêcher les barbares de passer le fleuve. Peu après, il mit les Outigoures aux prises avec les Koutrigoures, et les deux peuples se détruisirent; ils perdirent jusqu'à leur nom, dit Agathias, et se confondirent avec d'autres nations qui s'emparèrent de leur pays. Il en subsista encore quelques restes, mais trop faibles pour inquiéter l'empire dont ils devinrent les alliés; du temps d'Héraclius, vers 618, on vit un chef de Huns venir à Constantinople demander le baptême et embrasser le christianisme, avec les principaux de ses sujets. Ce fait est rapporté par le patriarche Nicéphore, historien du XIIIe siecle. Lors du voyage de Valentin en ambassade auprès des Turks, en 580, il traversa le pays des Outigoures, soumis aux Turks, et dont le chef était Anagaios. A partir du VIIe siècle, toutes ces différentes tribus ouïgoures ne sont plus mentionnées par les historiens; elles perdent sans doute leur individualité et se mêlent aux divers peuples sarmates, bulgares, débris de Huns, Esclavons, Slaves qui vivaient au Sud du Danube et ont formé plus tard des nationalités distinctes. Les Huns blancs Les Huns blancs sont ceux que les auteurs byzantins appellent les Ephthalites; cette appellation vient, d'après Procope de ce que ces Tatars avaient la peau blanche par opposition aux premiers Huns d'Attila, aux Huns du Caucase et aux Avars qui avaient la peau, les yeux et les cheveux noirs. Nous ne sommes pas en mesure de vérifier cette assertion, ni de distinguer, au point de vue anthropologique, les Huns blancs des Huns proprement dits. Le nom de Ephthalite a été écrit très diversement, suivant les auteurs; il est le même que les Euthalides, Scythes blancs de Théophane; Nephthalites, Hidalites, Hidarites, Talites, Eleuthes de différents historiens; Haïetal, Heïtaliens des Arabes; Yetal, Aïetal, Aïetala, Attila de quelques auteurs modernes; Hephthag, Idalagan, Thedal, Thedalatzi des auteurs arméniens; Abdèles de Théophylacte, etc. Après la chute du royaume des Ephthalites, les auteurs arméniens et arabes continuent à désigner les Turks par l'expression impropres de Heithal, de même qu'ils donnent le nom de Turks et le titre de Khakân aux Kouchans et pour des époques antérieures de plusieurs siècles à l'apparition des Turks. Cette confusion chez les historiens orientaux a été cause de toutes les erreurs ethnographiques que l'on trouve chez les historiens postérieurs.Sous le rapport ethnographique, il est possible que ce soit des peuples tout à fait différents, comme il est possible aussi que les mots Huns blancs, Huns noirs (comme plus tard les Turks du mouton noir et du mouton blanc, les Kirghiz blancs et les Kirghiz noirs, les Khazars blancs et les Khazars noirs) soient tout simplement tirés de la couleur des tentes et des étendards de ces nomades. Le géographe Cosmas, qui écrivait, comme Procope, au milieu du VIe siècle, parle également des Huns blancs, mais comme habitant une partie de l'Inde sous le nom de Hounie : ce sont ceux que les chroniques de l'Inde désignent sous le nom de Hounas. Les Hounas.
Sur ce dernier point, on ne possède que quelques noms, à commencer par ceux de Toramâna et de Mihirakula qui sont certainement des noms étrangers à l'Inde et très probablement des chefs de Hounas. Ils sont cités dans la chronique des rois du Cachemire au nombre des trois souverains (Hiranyakula est le troisième) Mlecchas qui ont régné dans le Nord-Ouest de l'Inde. On a des monnaies et des inscriptions portant les noms de Toramâna et de Mihirakula. Une des monnaies de Toramâna porte la date 52 et l'inscription d'Eran est datée de l'an premier du règne qui coïncide avec la défaite de Narasinha des Gouptas en 495. La combinaison de ces dates donne à peu près l'an 445 pour l'entrée des Hounas dans le Pendjâb et l'an 1. L'époque de la grande puissance des Hounas est de 495 à 533. Toramâna, après avoir chassé les Gouptas, prend le titre suprême de maharajadhiraja (grand roi de tous les rois). Dans l'inscription de Kura il a le titre de maharaja shâhi Jaùvla (si tant est que ce soit le même, car il a pu y avoir plusieurs princes du même nom). En 510, Toramâna est défait à son tour par Bhatarka, fondateur de la dynastie des Valabhi, qui rétablit en même temps Narasinha sur le trône. En 515, Mihirakula, fils de Toramâna, entreprit de refaire les conquêtes de son père et de reconstituer le royaume des Hounas; tire inscription découverte à Gwalior et datée de l'an 15 de son règne, prouve qu'il dominait au centre de l'Inde vers 530. Quelques années après, en 533, il fut battu complètement par Yaçodharman, grand vassal de Narasinha, fait prisonnier, puis relâché. Il se retira alors au Cachemire où il eut un second règne assez long, car il put faire une expédition jusque dans l'île de Ceylan. Il a été identifié avec le roi Gollas, chef des Huns blancs de la Hounnie, dont parle Cosmas, et qui avait en 539 une armée de mille éléphants. Le voyageur chinois Soun-youn cite, de son côté, un roi de Gandhara qui régnait en 520 et possédait 700 éléphants. Il est possible que ces deux mentions se réfèrent à Mihirakula. Nous n'avons plus rien de certain sur la domination des Hounas après Mihirakula. D'après les légendes indigènes, les Çakas furent défaits dans la grande bataille de Kahrôr, près de Moultân, par Çalivâhana vers 544 et chassés de l'Inde; mais il n'y a aucune preuve historique de cette bataille qui a été confondue avec d'autres, et Çalivâhana lui-même est un héros à moitié légendaire. En fait, les Hounas sont restés dans l'Inde, au moins jusqu'à la fin du VIe siècle et une partie du VIIe siècle et par conséquent bien après que leurs congénères du Turkestan eurent été vaincus par Kosroès Il. Ils se dispersèrent dans le Pendjâb où ils fondèrent de petites principautés à l'Est de la rivière Satledj. Il y a encore aujourd'hui dans cette contrée des traces de la domination des Indo-Scythes et des Hounas. Bien qu'ils ne soient mentionnés qu'au VIe siècle, les Huns blancs, chassés par les Jou-jouen (avec lesquels Cunningham les a confondus à tort), apparaissent en Asie centrale et sur les frontières de l'Iran, dès l'an 420, sous le nom de Haïthal ou Ephthalites, et c'est sous ce nom qu'ils figurent pendant près d'un siècle dans les guerres contre les Perses et contre les Romains. En chinois, leur nom était Hou-toun et aussi Ye-ta, ce dernier par abréviation de Ye-ta-i-li-to, nom de leur chef. (E. Drouin / L. Léger).
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