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Turks
et Mongols se sont très souvent trouvés réunis sous
la même bannière quand ils ont constitués leurs empires.
Qu'ils aient été placé sous la conduite d'un groupe
ou de l'autre justifie que l'on évoque ici une empire mongol,
là un empire turk. On voit ainsi par un passage assez curieux
de la Chronique de Rachid-ed-Dîn
que Gengis Khan ne savait pas le turc et ne
parlait que le mongol. Mais en même temps, beaucoup des tribus qu'il
mena à la conquête du monde étaient turques et non
mongoles. Il semble même par l'onomastique et par d'autres détails
sur lesquels il serait trop long de s'appesantir ici, que dans les
armées les Mongols étaient en minorité et en quelque
sorte noyés dans l'élément turc. Il est non
moins certain qu'à la cour de Koubilaï
Khan on se servait couramment, à côté de la langue
mongole ,
du turc
ainsi que du chinois et du persan, peut-être même de l'arabe.
La situation rappelle d'une certaine façon celle qu'à connue
la Grèce à l'époque classique, quand on parlait de
l'hégémonie de telle ou telle cité, à un moment
donné. Simplement, dans le cas présent les cités sont
des hordes; les campements de tentes viennent à la place des palais
de pierre, et les "empires" sont à l'occasion nomades.
Les
hégémonies turques
Les Turks
ont formé au cours de leur longue histoire de nombreux États.
Les plus anciens que l'on connaisse sont ceux des Hioung-nou (IIIe
et IIe s. av. J. C.), chez qui
se rencontrent probablement certaines des composantes de ce que seront
par la suite les confédérations hunniques. De ces ensembles
assez hétérogènes feront partie les Huns
proprement dits (c.a. 375), mais aussi
d'autres groupes tels que les Avars, qui viendront menacer l'empire romain
finissant. En Asie centrale, les Turks forment également des États
tels que le Kharezm, ou divers États
turkmènes (celui des Petchenègues, des Kiptchaks, des
Ghaznévide,
etc.). C'est également aussi de l'ensemble turkmène que grandiront
les puissances seldjoukide et ottomane
(à partir du XIVesiècle),
de laquelle est issue la Turquie moderne (1923). Des anciens États
d'Asie centrale naîtront, avec la disparition de l'Union Soviétique,
en 1991, plusieurs États Turks
indépendants : Turkménistan, Ouzbekhistan, Kirghiztan, Kazakhstan,
Azerbaïdjan .
Les
Huns.
Le nom des Huns est un mot générique
sous lequel on désigne diverses populations asiatiques qui sont
vraisemblablement d'origine différente. La confusion est venue d'abord
des auteurs anciens eux-mêmes, qui donnaient le nom de Huns à
tous les peuples asiatiques qui envahirent l'empire romain à la
suite des premiers Huns véritables, et ensuite, depuis le XVIIIe
siècle, du savant ouvrage de de
Guignes qui, dans son Histoire générale des Huns
(1756), a également étendu
le nom de ce peuple à toutes les tribus barbares de l'Asie centrale.
Nous traiterons, dans le présent article, non seulement des Huns
proprement dits, des Hioung-nou de la Chine
et des autres peuples de langue turque, mais de tribus différentes,
qui, jusqu'au VIIe
siècle de notre ère, ont ravagé l'Europe
sous le nom de Huns.
Le nom de Huns est ancien : on le trouve
pour la première fois dans Ptolémée,
qui place les Chounoi entre les Bastarnes et les Rhoxolans,
dans le Sud de la Russie; Denys le Périégète mentionne
également les Ounnoi, près la mer Caspienne. Le savant
allemand Zeuss a contesté ces lectures qu'il regarde comme des interpolations,
mais nous verrons, par l'histoire chinoise, que les Huns, dès le
IIesiècle
de notre ère, étaient en réalité établis
entre la mer Noire, la Caspienne et l'Oural; ils commencent seulement à
se faire connaître comme dévastateurs au milieu du IIIe
siècle, lorsqu'ils franchirent le Tanaïs. D'où
venaient-ils? On a regardé les Huns comme d'origine chinoise ou
d'origine mongole. Nous croyons que ce sont en réalité des
Turks,
la plupart du temps. Mais dans certains cas, des populations décrites
comme des Huns ne le sont sans doute pas véritablement : c'est en
particulier le cas des Avars, possibles descendants de certains Jou-Jouen,
et dans lesquels ils conviendrait donc de voir plutôt des Toungouses.
Si donc tous les Huns des IIIe,
IVe,
et Ve siècles
ne sont pas identifiables comme on l'a cru dans le passé, aux Hioung-nou,
ni même à des populations exclusivement proto-turques, du
moins pourraient-ils correspondre à une fraction de ceux-ci, probablement
mêlée à d'autres peuples. De fait, outre l'analogie
entre les deux noms, les mouvements et les migrations des Hioung-nou à
différentes époques dans la Haute-Asie concordent assez bien
avec les diverses invasions des Huns en Europe et en Asie. De fait, outre
l'analogie entre les deux noms, les mouvements et les migrations des Hioung-nou
à différentes époques dans la Haute-Asie concordent
assez bien avec les diverses invasions des Huns en Europe et en Asie. Avant
d'entrer dans l'histoire de ces invasions, nous croyons devoir exposer
sommairement ce que nous savons aujourd'hui des Huns d'Asie, ainsi que
la succession des révolutions et migrations des différents
peuples tartares dans leurs rapports avec la Chine ,
avec l'Europe orientale, l'Asie byzantine et l'Iran .
C'est aux historiens chinois qu'il faut
avoir recours pour être renseigné sur cette période
ancienne de l'histoire de l'Asie. La nation des Hioung-nou joue une grand
rôle dans l'ancienne histoire de la Chine. Ce peuple était
d'origine turque, comme plus tard les Ouïgours, les Sien-pi,
et les Tou-kioué; il venait de l'Asie orientale, entre l'Orkhon
et la Mandchourie, et il se divisait en plusieurs tribus dont la désignation
était probablement tirée des noms des lieux d'origine ou
d'habitat : c'étaient les Houn (un des noms de la rivière
Orkhon), les Houn-yé, les Hou-yen. L'ensemble de ces diverses tribus
constituait la nation des Hioung-nou et il est très vraisemblable
que c'est de l'un de ces vocables Houn, Hioung qu'est dérivé
le mot Hun, prononcé Hounn par les premiers envahisseurs qui furent
en contact avec les Romains et dont la transcription exacte est restée
sous les diverses formes Hunni, Chuuni, Ounnoi, etc .
Le
Kharezm et les khanats ouzbeks.
Le Kharezm ou Khovaresm correspond à
l'ancien pays des Chorasmiens, région
du Turkestan
occidental, au Sud de la mer d'Aral ,
sur les deux rives du Djihoun, entre le khanat de Boukhara
et la mer Caspienne, contient, entre autres territoires, le khanat de Khiva
et le pays des Turkmènes. De 994
à 1231, la Kharezm forma une
principauté indépendante, qui fut fondée par un chef
turc aux dépens des Samanides. Les princes du Kharezm envahirent
la Perse
en 1193, et s'emparèrent en
1197
de Samarcande .
Leur puissance fut détruite par Gengis-khan.
Le Kharezm fut ,quelque temps compris dans l'empire
du Kaptchak. Vers 1481, Ilbars
el-Cheibani le détacha du Kaptchak et en fît de nouveau un
Etat
indépendant. Une dynastie de princes khovaresmiens régna
aussi à DeIhi dans l'Hindoustan à partir de 1213
après en avoir chassé les Gourides ( Les
dynasties musulmanes au Moyen âge).;
elle fut remplacée en 1398 par
les Patans. Progressivement, l'empire kharezmien se trouva partagé
entre plusieurs khanats dominés par des dynasties ouzbekh (Khiva,
Boukhara, Khokand ),
eux-mêmes placés à des degrés divers sous la
coupe de l'empire Russe à partir du XVIIe
siècle .
Les
Turkmènes.
Les Turcomans ou Turkmènes, dont
le territoire s'étend essentiellement de la Caspienne et de
I'Amou-daria jusqu'au Paropamisus, représentent l'élément
autrefois dominant de la population, de l'ancien Kharezm.
Ils descendent des Turks d'avant l'invasion
mongole. Il est donc plausible que leur nom de Turkmènes (mans
ou mènes équivalant à l'allemand thum)
a le sens qu'on lui attribue souvent de Turks de souche, de Turks
vrais ou par excellence. Il est d'ailleurs possible que ce nom même
leur ait été donné en raison de ce qu'ils ont continué
à mener la vie nomade des ancêtres en fournissant sans cesse
comme eux de nouveaux essaims d'envahisseurs. Les Turks qui ont envahi
les États constitués de l'Asie centrale se sont en effet
tous présentés d'abord dans l'État même où
étaient les Turcomans jusqu'à nos jours.
Les Seldjoukidesétaient
de leurs parents très proches; les Osmanlis
aussi par conséquent, et ils se rattachent sans doute, comme les
Seldjoukides, aux Oghouz (Ghouzz) que les conquérants arabes ont
trouvés dans le Kharezm. Les Oghouz, probablement sous la poussée
des Arabes, ont remonté vers le Nord de la Caspienne. ils se sont
mêlés entre les rives de l'Oural inférieur et celles
de la basse Volga, à d'autres Turks, les Petchénègues,
mentionnés par les auteurs byzantins en 834.
De ce mélange, accompli à la fin du XIe
siècle, sont sortis les Koumanes (Polovtsy des
archéologues russes). Mais Petchénègues et Oghouz
ont pu se fondre aussi, au moins en grande partie, dans l'empire des Khazars,
car il n'est plus question d'eux après le XIIIe
siècle .
L'Empire
Ottoman.
L'empire Ottoman a longtemps été
l'un des plus puissants États de la planète. Fondée
au tout début du XIVe
siècle, par les Osmanlis (descendants d'Osman
ou Othman), une dynastie d'origine turkmène,
sur les ruines de l'empire Seldjoukide,
la puissance ottomane responsable de la chute de ce qu'il restait empire
byzantin, avec la prise de Constantinople
en 1453, puis est parvenu à
son apogée au XVIe siècle,
à l'époque de Soliman. L'empire
turc à son maximum d'extension se composait de possessions immédiates,
subdivisées en Turquie d'Europe (Roum' ili), et Turquie d'Asie
(Anadoli), et en territoires vassaux, qui vont de la Serbie à
la Perse
et de l'Égypte
au Maghreb. Mais ce gigantisme s'est accompagné rapidement d'un
délitement du pouvoir des Osmanli. Le déclin
de l'empire s'amorce dès le XVIIe
siècle, initié par la poussée russe, et
entretenu au cours du siècle suivant par les appétits grandissants
des puissances d'Europe Occidentale ( La
Question d'Orient). En 1827, la
Grèce obtient ainsi son indépendance, et les principautés
des Balkans
(Serbie ,
Moldavie ,
Valachie
et Monténégro ),
nominalement sous suzeraineté ottomanes acquièrent une autonomie
de fait. Même chose pour l'Égypte, qui est pratiquement indépendante
de la Turquie dès 1833.
Le XIXe
siècle
aura marqué en fait l'agonie d'un
État aux structures archaïques, incapable de se moderniser,
malgré les réformes entreprises à partir de 1839
(Tanzimat), incapable aussi de contrer
les ambitions de ses voisins. L'empire ottoman sera ainsi complètement
démantelé, dès les années 1920,
à l'issue du partage du monde opéré par les puissances
européennes sorties victorieuses de la Première
Guerre mondiale. La Turquie moderne, construite sur sa ruine,
a été fondée en 1923 .
Les
hégémonies mongoles
Il n'y eut, à
vrai dire, d'histoire et de nationalité mongoles qu'à partir
du kouriltaï de 1206,
cette grande assemblée générale où Temoutchin
se fit reconnaître pour souverain absolu (gengis khan) par
les tribus et clans mongols ainsi centralisés en nation. Ces tribus
qui nomadisaient le long de la Keroulen et de l'Onon ne constituaient pas
une personnalité historique bien définie. Entre les Turks
Ouïgour (sédentaires) ou Kiptchak (nomades du désert)
du Sud et de I'Ouest, les Toungouses de l'Est, ils fraternisaient plutôt
avec les premiers, tantôt à la solde de l'empire chinois,
tantôt en lutte avec lui. Ils se confondent donc dans le grouillement
des peuples turcs de l'Asie intérieure jusqu'à la fin du
XIIe
siècle. Jusque là, les empires
fondés dans l'Asie intérieure n'avaient généralement
pas réussi à soumettre directement les grands empires tels
que la Chine ,
l'Iran
ou l'Inde .
Cet exploit allait donc réalisé que par les Mongols, et c'est
ce qui leur donne leur immense importance distorique.
-
Gengis
Khan (Temujin) sur un manuscrit persan du XIVe
siècle.
A la fin du XIIe
siècle, voici quelle était
à peu près la situation politique en Asie. La Chine
était divisée entre la dynastie nationale des Song,
dans le bassin du Yang-tse et les Kin, dynastie toungouse,
qui dominaient de l'Amour au Hoaï, Les Song résistaient avec
l'appui des aventuriers turcs et mongols embauchés dans l'intérieur.
Depuis la chute de l'empire khitan, les
États secondaires et les tribus nomades étaient indépendants.
Sur le coude du Hoang-lia, l'État de Hie; entre Keroulen et Selenga,
les tribus mongoles; au Nord autour du Baïkal, les Mergued (toungouse);
à l'Ouest des Mongols, les Kéraïtes, dont Karakoroum
était la capitale; plus loin, dans le Pé-lou, maîtres
des montagnes saintes de l'Altaï et du val de l'Irtych, les Naïmans;
dans le Nan-lou, un groupe de Ouïgours, vassaux des Kara-Khitans,
qui étendaient leur pouvoir sur la Transoxiane
(Turkestan ),
que leur disputaient les Turks iranisés ou arabisés de l'Asie
antérieure, ralliés autour de Mohammed le Kharezmien ( Le
Kharezm), qui succédait au pouvoir effondré des Seldjoukides.
C'était en Transoxiane que les seigneurs turcs possessionnés
dans l'ancien empire arabe recrutaient leurs forces, parmi les Turks occidentaux,
Kankli, Kalatch. Au Nord de la Transoxiane et du Caucase ,
étaient encore des Turks, les Kiptchaks, sur le Kouban et sur le
Don. Au Nord de ceux-ci, sur la Kama, les Bulgares, une population voisine.
Tous ces Turks conservaient confusément le souvenir de leur communauté
d'origine et celui du grand empire du VIe
siècle (celui des Tou-Kioue) qui
avait, sous l'il-Khan Mokan, réuni tous les peuples turcs. Ce sentiment
favorisa l'unification entreprise par le conquérant mongol.
Les clans mongols
semblaient pourtant bien inégaux à une pareille tâche,
faibles et divisés en face des monarchies des Kéraïtes,
des Naïmans, des Khitans. Rien dans leur passé n'autorisait
de semblables espoirs. Leur nom apparaît dans les auteurs chinois
à partir de l'époque des Tiou-Kioue; il semble probable que
les pasteurs de la lande mongole, établis de longue date sur l'emplacement
où nous les trouvons, subirent sans résistance appréciable
la domination des divers empires turcs Hioung-nou ( Les
Huns), Tiou-Kioue du VIe
au VIIIe
s, Ouïgours du VIIIe
au IXe,
Hakas ou Kirghis du IXe
au Xe,
Khitans du Xe
au XIIe,
alternant avec celle des Chinois et des Toungouses, Sien-pi, Jou-Jouen,
Niou-tchen, etc. Toutefois, depuis que les grandes nations des Ouïgours
se sont portées vers la Transoxiane
où la destruction des empires iraniens sassanide
et abbasside ouvre de brillants débouchés,
les Mongols commencent une existence autonome, groupés autour des
familles Niroun, descendants d'Alankava; coopérant à l'occasion
avec les chefs turcs qui n'ont pas cherché fortune vers l'Ouest.
Au XIIe
siècle, les clans mongols sont
installés sur la Keroulen, l'Onon, l'Orkhon, vivant assez misérablement
et s'embauchant volontiers au service des Chinois. Leur centre était
la colline sacrée de Deligoun-Bouldak, aux sources de l'Onon, où
ils plantaient l'étendard à neuf queues blanches, symbole
du peuple mongol, et l'étendard à quatre queues noires, symbole
des Niroun; parmi celles-ci, la plus notable était celle des Bordjiguène
(les yeux pairs), descendants du plus jeune des trois fils de la Vierge
Alankava, Puis venaient les Arlad, les Djouirat. Au milieu du XIIe
siècle, se distingue un des Bordjiguène, Yésouguéi
Bahatour (le Batailleur). Associé à un chef kéraïte,
il guerroie à la solde des Song contre les Kin. On ne sait s'il
eut part à la grande victoire de l'an 1147,
à la suite de laquelle l'empereur Kin, Hi-tsong, dut céder
une partie de ses territoires aux Mongols; mais en 1162,
les Mandchous prirent leur revanche, et Mongols et Kéraïtes
rentrent dans leur dépendance nominale. C'est probablement en cette
année que naquit Temoutchin. Yésouguéi continua de
se distinguer, et à sa mort 13 hordes ou clans mongols se groupaient
sous son autorité. C'était le premier noyau de l'Etat mongol
que son fils allait étendre de la mer du Japon
à l'Adriatique .
L'Empire
gengiskhanide.
L'histoire de la puissance mongole commence
seulement avec Témoudjin, surnommé plus tard Gengis
Khan. Il était le fils de Yissougaï Bahadour, l'un des
principaux chefs mongols, guerrier renommé, et qui, bien que vassal
de l'empire toungouse des Kin (Jin),
exerçait sa puissance dans la région au Sud-Est du Baïkal,
dans les monts Bourcan Kaldoun, aujourd'hui Kenteï, d'où sortent
les rivières Onon, qui avec l'Ingoda forme la Chilka, Keroulen qui
se jette dans le Dalaï Nor, et Toula, tributaire de la Selenga par
l'Orkhon. Les possessions dont Témoudjin allait se trouver l'héritier
avaient pour voisins les Merkites, les Kéraïtes sur les bords
de l'Orkhon et de la Toula, au Sud des Merkites, et les Naïmans bornés
au Nord par les Kirghiz, à l'Est
par les Kéraïtes, au Sud par les Ouïgours et à
l'Ouest par les Kankalis. Les Naïmans étaient proches de l'empire
des Kara Kitaï (Khitans noirs) qui
occupait les deux versants des Tian-Chan et s'étendait au Sud jusqu'au
Tibet .
Plus à l'Ouest, du Nord de la mer d'Aral
à la mer d'Oman, de la Géorgie et de la Caspienne jusqu'aux
frontièresdes Kara Khitaï, du Tibet et des Indes était
situé l'immense empire du Kharezm;
au Sud des tribus mongoles dans l'Asie orientale se trouvaient le Tangout
qui les séparait du Tibet, et leurs suzerains, les Kin, possesseurs
de la Chine
septentrionale (Tartarie ,
Liao-toung, Chan-toung, Tche-li, Ho-nan, Chan-si, partie du Chen-si), tandis
que les Soung étaient refoulés vers le midi et régnaient
à Lin-ngan (Hang-tcheou).
En peu d'années, Témoudjin
agrandit prodigieusement ce faible héritage. S'étant fait
proclamer en 1206 souverain de tous
les Mongols (autrement dit Gengis Khan, ou puissant Khan), il conquit le
pays des Ouïgours (1209) et la Chine
septentrionale (1213); soumit la Corée
(1219), la Transoxiane (1221),
le Khoraçan
et l'Irak-Adjémi (1222), Ie
Kharezm et plusieurs provinces, de la Perse
orientale, le Kandahar et le Moultan (1224),
et enfin une partie de la Russie méridionale. Tout au long de cette
vaste entreprise, Gengis Khan se montra souvent un conquérant inhumain
et barbare. Les villes de Boukhara ,
de Samarcande ,
de Ferganah, de Ballk furent détruites par ses ordres, et une foule
de monuments des arts et des lettres furent anéantis dans Pékin;
cependant; il donna à ses sujets un code de lois, qui était
encore ne vigueur au début du XXe
siècle.
A la mort de Gengis, son immense puissance
s'exerçait à l'Ouest, au delà de la mer Caspienne
et de la mer Noire, jusqu'à la Bulgarie, la Serbie, la Hongrie et
la Russie; à l'Est, jusqu'à la mer, y compris la Corée;
au Sud, ses territoires étaient bornés par les débris
de l'empire des Kin, le Tibet ,
l'empire de Delhi et ce qui restait de l'empire kharezmien. L'empire fut
divisé entre ses quatre fils qui lui avaient servi de lieutenants
dans ses conquêtes. L'aîné, Djoutchi (Touchi-Khan),
étant mort, fut remplacé dans la répartition par son
fils Batou (Batu-Khan), qui occupa les pays
à l'Ouest de la mer Caspienne, et eut le Kiptchak et la Russie méridionale;
le second fils, Djagataï, eut l'Asie centrale et le Turkestan ,
c. -à-d. tout le pays qui s'étend depuis le Lob-nor jusqu'à
Boukhara; Ogotaï (Oktaï-Khan) eut l'Asie orientale composée
principalement de la Chine ;
enfin, Touli obtint le Khoraçan et l'Asie jusqu'à l'Indus .
Koubilaï
et les Khaqans de Chine.
Dès le début
duXIIe
siècle, la
dynastie toungouse des Kin régnait sur toute la partie septentrionale
de la Chine
jusqu'au Fleuve bleu et avait soumis à un tribut les souverains
de la dynastie des Song qui occupaient les provinces
au Sud de ce fleuve. Au moment de la montée en puissance de l'empire
gengiskhanide, Les Song crurent pouvoir former une alliance avec les
Mongols
pour chasser les Kin. Cela fut effectivement réalisé. Mais
les Mongols chassèrent aussi les Song et devinrent à leurs
tour, avec Koubilaï Khan qui envahit la Chine en 1267,
les nouveaux maîtres de l'Empire Céleste. Koubilaï fut
le fondateur de la dynastie chinoise des Youen ou Youan. Né en 1214,
petit-fils de Gengis-Khan, et successeur dès
1260
de son père Mangou-Khan, il régna d'abord sur la Mongolie
et sur tous les États conquis par Gengis-Khan, puis s'empara en
1279 de
la personne de l'empereur. La dynastie des Song qui subsistait depuis 319
ans, était ainsi renversée. Koubilaï conquit également
le Tibet ,
le Pégu, la Cochinchine ,
et conservant au moins de façon nominale la prééminence
sur les autres khanats mongols forma dès lors l'empire le plus vaste
qu'on l'on ait jamais connu, embrassant toute l'Asie et partie de l'Europe
et s'étendant depuis le Dniepr jusqu'au Japon. Le khaqan se déclara
protecteur du Bouddhisme ,
fit fleurir les lettres, et encouragea l'agriculture, l'industrie et le
commerce. Il mourut en 1294,
après un règne de 24 ans. Marco Polo
passa 17 ans à sa cour. Les princes de la dynastie Youen respectèrent
les moeurs et les usages du peuple vaincu; cependant, ils ne purent maintenir
longtemps leur domination, et, en 1256,
sous le règne de Chun-ti (Oukhagatou Khagan), un Chinois nommé
Tchou souleva la population contre les gouvernants mongols, qui finiront
expulsés en 1268.
Il monta sur le trône sous le nom de Taï tsou. Ses successeurs,
qui formèrent la dynastie des Ming régnèrent
jusqu'en 1644,
jusqu'à leur éviction et leur remplacement par la dynastie
mandchoue des Qing .
Houlagou
et l'Ilkhanat de Perse.
La domination
des Mongols sur l'Iran
commence avec Houlagou. Ce prince, fondateur de la dynastie des Houlagides
était né en 1217;
il était petit-fils de Gengis Khan
par Toulouï (Touli), quatrième fils de ce dernier. Chargé
par Mangou, le grand khan des Mongols,
d'étendre au loin les frontières de l'empire ( L'empire
gengiskhanide), Houlagou partit de Karakoroum à la tête
d'une nombreuse armée, se dirigeant vers l'Occident. Après
avoir ravagé toute l'Asie centrale, il pénétra en
Perse en 1255, renversa la dynastie
des Ismaéliens
et vint mettre le siège devant Bagdad ,
la capitale du calife abbâside. La ville fut emportée d'assaut
et pillée, le dernier calife, Mostasim, fut étranglé
par l'ordre du conquérant mongol (1258).
Tout d'abord, Houlagou ne fut que le vassal et le lieutenant de Mangou,
et les monnaies qu'il fit frapper portaient, à la fois, le nom de
Mangou (Mounkke Kaân) et d'Houlagou, avec le simple titre
de khân; mais, plus tard, il se rendit relativement indépendant
et prit le titre turc de ilkhân, qui signifie « chef
des peuples », auquel ses successeurs ajoutèrent celui de
sultan. Houlagou fit d'autres guerres en Syrie et en Égypte, mais
il protégea aussi les sciences, notamment
l'astronome Nasr ed-Din, qui lui a dédié ses tables astronomiques .
Houlagou mourut en 1265,
et
fut enterré avec toutes ses richesses dans l'île de Tala,
au milieu du lac d'Ourmia. Ses successeurs, les Houlagides, régnèrent
sur la Perse jusqu'au milieu du XIVe
siècle .
La
Horde d'Or et le Djagataï.
Tandis que les fils
de Touli devenaient les souverains des vieilles monarchies de la Chine
et de la Perse
où les vainqueurs s'assimilaient bientôt aux vaincus, les
descendants des fils aînés de Gengis
Khan fondaient des empires où se conservait mieux le caractère
originel des Mongols, dans ces vastes plaines qui vont des Tian-chan aux
monts Carpates. Par delà le vide des steppes kirghiz et des déserts
de sable, Batou devint le khan du Kiptchak au terme de ses conquêtes
en Russie, et ses sanglantes incursions en Hongrie. Il fixa son quartier
général sur l'Aktouba, bras de la Volga inférieuer;
autour de sa tente ou résidence (orda) d'or s'éleva
la grande ville de Saraï qui demeura la capitale de ses descendants,
les Khans de la Horde d'or. Leur histoire se confond avec celle de la Russie
assujettie durant plusieurs siècles à leur soupçonneuse
tyrannie.
Le second et le plus
remarquable des fils de Gengis, Djagataï, avait eu pour sa part l'ancien
empire Kara-Khitan, avec pour annexe méridionale
l'ancien apanage de Djelal-Eddin. C'était le pays de l'Irtych au
Djihoun (Oxus, Amou-daria), la frontière avec le Kiptchak se trouvant
vers Kayalith au Sud du lac Balkach et à l'Est du Kharezm,
marquée pur de vastes déserts de sable. Cet empire comprenait
en somme les bassins du Sir, de l'Amou, du Tarim et la citadelle montagneuse
de l'Iran oriental avec Balkh ,
Ghazna, le Séistan .
Sauf cette annexe, c'était la région que nous
appelons encore Turkestan ,
le pays des Ouïgours, les Turks disciplinés (par opposition
aux Kirghiz-Kazaks, vagabonds de la bande). Djagataï, qui était
un administrateur énergique et habile, a exercé sur ces contrées
une telle influence que longtemps elles ont conservé son nom et
qu'aujourd'hui le dialecte turc qui s'y parle est appelé djagataï .
L'empire
turco-mongol de Tamerlan.
Le second empire
mongol a été fondé par Timour-Beg ou Timour-Leng
(le Boiteux), connu en français sous le nom de Tamerlan
(1336-1405).
Cet empire et celui de ces successeurs, les Timourides, est sans doute
plus encore que de l'empire gengiskahnide dont il se réclame un
empire turc. C'est aussi un empire musulman, qui finalement ne continue
que d'une manière bien indirecte celui de Gengis Khan. Timour
était dévot musulman et féroce à l'égal
des anciens Mongols. Il se peut que ses conseillers religieux aient rêvé
de restaurer à son profit le califat, dont le centre eût été
placé près des tombeaux des martyrs Hossein et Hassan, à
Boukhara ou Samarcande ;
mais ce projet n'eut pas de suite. Timour a surtout détruit; il
a achevé la ruine de l'empire de Djagataï qu'il a remplacé,
il est vrai; mais il a détruit, sans le remplacer, celui du Kiptchak
et par là préparé la grandeur de la Russie affranchie
de ses dominateurs mongols; il a achevé la ruine des grandes cités
perses et failli arrêter à ses débuts la fortune des
Osmanlis; enfin, en inculquant le fanatisme
musulman aux Turks de la Transoxiane, ces grands intermédiaires
de l'Asie centrale, il les a brouillés à jamais avec leurs
cousins de la Mongolie et des Marches de Chine ;
il a rompu la tradition chinoise et celle des vieux empires turcs pour
lui substituer le régime de la religion d'Etat et de la théocratie;
la pseudo-renaissance du XVe
siècle
fut en Transoxiane un véritable recul, une époque de scolastique
et de rhétorique. Il faut pour compléter le tableau rappeler
les fastueuses constructions de Timour et de ses successeurs, leurs grands
travaux publics et la floraison de la littérature turque .
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En
librairie - Stanley Stewart, L'Empire
des Steppes, Hoëbeke, 2004. - René Grousset, L'Empire
des Steppes (un classique), Payot, réed. 1989. Jean-Paul Desroches,
L'Asie des steppes, d'Alexandre le Grand à Gengis Khan, RMN,
2001 (Beaux livres). - Patrice Amarger, La domination du monde, Robert
Laffont, 1995-99, 3 vol. : I - Les fils de Gengis Khan, II -
La fureur des Tartares, III - La Volonté du ciel.
Collectif,
Au
pays sacré des anciens Turcs et des Mongols, RMN (Beaux livres).
- Jean-Paul Roux, Histoire de l'Empire mongol, Fayard, 1993. - Collectif,
Mongolie : Pasteurs, guerriers, empereurs, Actes Sud (Beaux Livres),
2003. - Collectif, Samarcande, 1400-1500 - la cité oasis de Tamerlan,
coeur d'un empire et d'une renaissance, Autrement, 1995.-
Voyageurs
d'hier et d'aujourd'hui : R. Gonzalez de Clavijo,
La route de Samarkand au temps de Tamerlan (1403-1406) , relation du voyage
de l'ambassade de Castille à la cour de Timour Beg, Imprimerie
nationale, 2002. - Guillaume de Rubrouck, Voyage dans l'empire mongol,
Imprimerie nationale, 1997. - G. Timkovski, Voyage à Pékin,
à travers la Mongolie de 1820 à 1821, Kimé, 1993.
- Gildas Flahaut, Les carnets mongols, Glénat Editions, 1997.
- Etienne Dehau, Voyage en Mongolie, Hermé, 2001. - Peuples
du Monde, Mongolie, Sibérie, Mandchourie, L'Adret, 2000.
- Alain Chenevière, Asie centrale, les fils de tamerlan : Turkménistan,
Uzbékistan, Kazakhstan, etc., Vilo, 1998. - Du même, Voyage
en Orient sur laes traces de Marco Polo, Vilo, 1996.
Jean-Paul
Roux, Les Explorateurs au Moyen âge, Hachette, 1995. - Michèle
Gueret-Laferte, Sur les routes de l'Empire mongol (ordre et rhétorique
des relations de voyage aux XIIIe et XIVe siècles), Honoré
Champion, 1994.
Jean-Paul
Roux, L'Asie centrale, histoire et civilisations, Fayard, 1997.
- Du même, La religion des Turcs et des Mongols, Payot, 1994,
etc.
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