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Orphée,
Orpheus,
est, selon la mythologie grecque un
héros qui, à côté de Thamyris, de Musée
et de Linus, est la personnification mythique
la plus importante de l'inspiration poétique dans ses rapports avec
le culte des Muses et d'Apollon, et aussi avec
la religion enthousiaste de Dionysos. La légende
plaçait ses origines en Thrace, au voisinage du mont Olympe
et lui donnait pour mère la Muse' Calliope,
pour père le roi Oeagros, héros éponyme de la contrée
où l'Hèbre prenait sa source et où la vie pastorale,
intimement liée aux commencements de la poésie, était
en honneur. Selon d'autres auteurs, il était fils d'Apollon
et de Clio. On le faisait vivre avant la
guerre de
Troie, on racontait qu'il avait été
disciple de Linus, et qu'il avait prit part à l'expédition
des Argonautes, et voyagé en Égypte .
Quoique Homère
ne le connaisse pas encore, et que le meilleur des embellissements dont
sa personnalité fut l'objet de la part des poètes nous vienne
des Romains, il n'est, pas douteux que sa
renommée ait été grande en Grèce
dès le VIIIe siècle av. J.-C.
Il représentait avant tout le pouvoir divin de la poésie,
qui réjouit les âmes, apaise les forces brutales de l'humanité
et exerce son empire, même sur les êtres ina-
nimés : c'est ainsi que Pindare
déjà, Simonide et Eschyle représentent
Orphée comme ayant exercé une fascination magique sur les
oiseaux dans les airs et les poissons dans les flots, sur les arbres, les
rochers et les animaux sauvages dans les solitudes, thème que la
poésie des âges postérieurs exploitera jusqu'à
l'abus.
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Orphée
charmant les animaux. Mosaïque romaine (musée de Palerme).
Epris de la belle Eurydice
qui périt blessée au talon par un serpent,
Orphée, va la réclamer jusque dans les royaumes de la mort,
dont son chant fléchit les puissances redoutables. Hadès
lui accorda qu'elle lui fût rendue, mais à la condition qu'il
ne la regarderait qu'après avoir quitté les Enfers.
Il ne put cependant résister au désir de la revoir
et la perdit aussitôt pour toujours, dès qu'elle toucha aux
régions de la lumière. Il revint alors en Thrace ,
au pays des Cicones, vécut retiré dans les bois
de l'Hémus ou du Rhodope, ne cessant d'exhaler sa douleur par des
chants funèbres; au son de sa voix, les animaux
farouches accouraient; les arbres agitaient leurs
branches en cadence, les fleuves suspendaient
leur cours.
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Orphée,
peinture décorative du foyer de l'Opéra,
par
Paul Baudry. Dessin de Sellier.
Virgile a illustré
ce mythe dans un des épisodes les plus beaux de ses Géorgiques ,
et elle a merveilleusement encore inspiré la muse de Gluck
dans un opéra cèlèbre.
A cet épisode se rattachent la tradition du dédain d'Orphée
pour les Ménades, prêtresses de
Dionysos,
et celle de sa mort qu'il subit sous leurs coups. L'Hèbre roule
dans les flots ses membres déchirés et bien loin, jusqu'aux
rivages de Lesbos ,
la bouche décolorée murmure encore le nom d'Eurydice.
C'est dans cette île, un des berceaux fameux de la poésie
lyrique, qu'Orphée trouve un tombeau; aussi au voisinage de ses
cendres les rossignols chantent-ils avec plus de suavité qu'en aucun
lieu du monde (Virgile, Géorgiques, IV, 452-526; Ovide,
Métamorphoses ,
XI, 50 et suiv.).
Orphée étant le chanteur
mythique par excellence, devient du même coup le prêtre des
saints mystères et l'initiateur aux
plus hautes leçons de la civilisation et de la philosophie .
C'est à ce titre que l'on met sous son nom, depuis l'époque
des Pisistratides, un grand nombre d'ouvrages connus sous le nom de poèmes
orphiques. Mais la réalité historique d'un poète
du nom d'Orphée a été contestée déjà
par l'Antiquité ;
et l'action religieuse exercée par les mystères dionysiaques
et éleusiniens est à mettre au compte des philosophes comme
Pythagore,
des prêtres comme Mélampus et Epiménide,
des lettrés comme
Onomacrite, qui aimaient
à abriter leurs doctrines sous le prestige du nom légendaire
d'Orphée. (J.-A. Hild).
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Orphée.
Peinture de Gustave Moreau (musée du Louvre).
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Il
reste, sous le titre de Poèmes orphiques des hymnes, des
poèmes sur la guerre des Géants,
l'enlèvement de Perséphone,
le deuil d'Osiris, l'expédition des Argonautes
et un poème De lapidibus (sur les vertus occultes des pierres).
Ces ouvrages paraissent avoir été fabriqués en partie
au temps de Pisistrate, en partie dans les
premiers siècles du Christianisme, par les poètes et les
philosophes néoplatoniciens d'Alexandrie;
attribue l'Argonautique à Onomacrite. |
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Marcel
Detienne, Les
dieux d'Orphée, Gallimard, 2007. - L'Orphée
de Marcel Detienne n'est pas celui, de loisir, qui chante le voyage d'hiver
des Argonautes, ni celui qui descend aux
Enfers, mais un Orphée qui vit absolument séparé de
ceux et de celles qui naissent citoyens programmés, dressés
à s'entre-tuer autour de leurs autels
ensanglantés. Orphée dénonce le meurtre et le sang
versé. Cette violence est celle de la vie quotidienne, visible dans
les histoires des dieux et des déesses que se plaisent à
écouter ses contemporains dans les banquets, dans les joutes poétiques
comme dans des gestes aussi simples que planter un olivier,
dresser la table ou faire l'amour. Il faut à Orphée une vie
sans concessions, mais aussi des dieux radicalement différents.
Alors, pour l'historien sagace et attentif, se lève un coin de la
mythologie
grecque, celle qu'Orphée voyait, en dissident extrême.
(couv.).
En
bibliothèque - Les poèmes
orphiques ont été plusieurs fois imprimés; la meilleure
édition est celle qu'a publiée God. Hermann sous le titre
d'Orphica, Leipzig, 1805. On doit à Gerlach une dissertation, De
hymnis orphicis, Gœtt.;1797, et à Bode des recherches De
Carminum orphicorum aetate, 1838. |
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