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Une
bibliothèque (du grec biblion = livre, et thèkè
= dépôt, lieu où l'on cache) est un collection de livres et lieu où
on les conserve. Les bibliothèques furent connues de toutes les grandes
civilisations de l'Antiquité.
L'histoire des bibliothèques, des collections de livres destinés à un
nombre plus ou moins restreint de lecteurs est intimement liée à celle
de la littérature. Du jour où l'invention
de l'écriture permit aux humains de conserver
les productions des poètes et des prosateurs, il y eut des collections
de manuscrits.
L'Antiquité.
Ces antiques bibliothèques étaient évidemment réservées à l'usage du souverain, mais on retrouvait un peu partout des collections de livres dans les temples. Chez les Hébreux, par exemple, on conservait les livres de la loi et les écrits saints; les livres de Moïse (Le Pentateuque), de Josué, des Rois et des Prophètes étaient conservés dans le temple de Jérusalem, que brûla Nabuchodonosor. Après le retour de la captivité de Babylone, Esdras et Néhémie prirent soin de reformer une collection des livres sacrés. Dans chaque synagogue, il y avait une bibliothèque où on allait lire l'Écriture sainte; tout Juif avait en quelque sorte sa bibliothèque particulière, puisque c'était pour chacun une obligation de posséder les livres qui concernaient la religion et de faire de sa propre main une copie de la loi. Tous ces dépôts ont péri lors de la conquête romaine. En Egypte,
chaque édifice sacré possédait des rituels et des livres usuels de médecine
et d'agriculture. Si l'on en croit Diodore de Sicile,
un roi d'Egypte, qu'il appelle Osymandias, aurait même formé une riche
collection de livres à laquelle il aurait donné le nom de Médecine
de l'âme (ou Trésor des remèdes de l'âme). Le nom de ce
roi ne se retrouve pas dans les listes des rois égyptiens, mais la description
du monument que l'historien grec attribue à ce prince fabuleux, paraît
s'appliquer au célèbre Ramesséum,
construit par Ramsès II
aux environs de Thèbes,
et dans ce palais, on a retrouvé une salle ayant renfermé des papyrus
et placée sous l'invocation des divinités Toth et Saphré. Memphis
avait une bibliothèque dans le temple de Phtha.
Ctésias dit avoir consulté les livres conservés
en Perse,
et on sait que Mégasthène explora la bibliothèque
de Suse. La littérature égyptienne est
d'ailleurs aujourd'hui suffisamment connue; on a publié et traduit des
traités théologiques, des ouvrages de médecine, des contes,
des apologues, des poèmes, etc.
Les premières collections importantes de livres que Rome ait possédées furent celles que Paul-Émile et Sylla rapportèrent de la Grèce après leurs victoires. Plutarque parle de la bibliothèque de Lucullus comme d'une des plus belles du monde. Cicéron et Atticus possédèrent de belles collections. Au temps d'Auguste, les bibliothèques se multiplièrent. Elles furent alors placées sous les portiques des temples. Ce fut un exemple dont les grands profitèrent; ils firent disposer leurs collections dans les vestibules de leurs maisons et quelquefois dans leurs bains. Sous les empereurs, on distinguait à Rome quatre bibliothèques principales : celle d'Apollon Palatin, rassemblée par Jules César et par Auguste, et où les beaux esprits du temps se réunissaient pour se communiquer leurs ouvrages; celle d'Octavie, sous le portique du temple d'Octavie, près du théâtre de Marcellus; celle de Trajan, connue sous le nom d'Ulpienne, placée d'abord sur le Forum, et transportée plus tard dans les Thermes de Dioclétien; et celle d'Asinius Pollion, l'ami de Virgile, placée sur l'Aventin, dans l'atrium du temple de la Liberté, et la première qui ait été véritablement publique. On peut citer encore la bibliothèque de Pline le Jeune dans sa villa de Laurentum; celle de Sammonicus Sérénus, précepteur de l'empereur Gordien le Jeune, si vantée par Isidore de Séville et par Boèce; celle que Vespasien plaça dans le temple de la Paix, et qui fut brûlée sous Commode; celle du grammairien Epaphrodite, qui rassembla 30 000 volumes; l'Athénée, qui dut son origine à l'empereur Hadrien. En 334, une bibliothèque fut fondée à Constantinople par Constantin le Grand; une loi de Valens, en 362, rapportée dans le Code théodosien, y attacha sept copistes, quatre grecs, trois latins, sous les ordres du bibliothécaire principal. Dans ces bibliothèques de l'Antiquité, il y avait peu de libri proprement dits ou de codices; on n'y voyait guère que des volumes ou rouleaux. Les volumes, garnis de leurs étiquettes, étaient disposés dans des casiers; la case s'appelait loculus ou nidus, le casier pegma, un ensemble de casiers armarium. II ne faut pas s'abuser sur l'importance des bibliothèques anciennes : celle des Ptolémées, avec ses 200.000 volumes, ne contenait pas plus de matière qu'une de nos bonnes bibliothèques privées. Les chrétiens ne se montrèrent pas moins soucieux que les païens de la conservation des trésors de la littérature : au IIIe siècle, chaque église avait sa bibliothèque. Dispersées et détruites dans les persécutions, ces collections se reformèrent dès que la paix eut été rendue à l'Église. L'évêque entretint pour cet objet des gardes-notes, des copistes, parmi lesquels on comptait nombre de jeunes vierges. Les bibliothèques, composées principalement de livres ecclésiastiques, de leçons données de vive voix par les docteurs chrétiens et recueillies par les tachygraphes, n'excluaient pas cependant les poésies et les traités de philosophie naturelle. Saint Basile recommande aux adolescents la lecture d'Homère, d'Hésiode et de Théognis. Saint Augustin nous apprend que, dans la bibliothèque d'Hippone, on lisait assidument Homère et Virgile. Les historiens parlent avec éloge des bibliothèques formées par Saint Jérôme, Georges, évêque d'Alexandrie, Isidore de Péluze, Isidore de Séville; Jules l'Africain en fonda une à Césarée, laquelle fut augmentée par Eusèbe et Grégoire de Nazianze. Le Moyen âge.
Si tout n'a pas péri, nous en sommes redevables au zèle d'une petite frange du clergé, qui seule avait conservé le goût des sciences, le sentiment et le regret du beau dans la littérature, surtout aux religieux de l'ordre de Saint-Benoît, auxquels leur fondateur avait recommandé la transcription et la correction des livres. Parmi les bibliothèques monastiques, nous citerons celles de Mici, près d'Orléans, vers l'an 520, et de Turnet, près de Vienne; celle de Fontenelle, pour laquelle Saint Wandrille envoyait chercher des manuscrits jusqu'à Rome; celles de Saint-Denis, de Jumièges; de Saint Médard à Soissons; celle de Saint-Bertin, qui ne devait pas manquer d'importance, puisque Charlemagne, dans un diplôme en faveur des moines de cette abbaye, leur permettait la chasse à l'effet de se procurer les peaux nécessaires à la reliure; celle de Pontivy, la plus considérable de toutes, qui contenait, en 814.200 volumes; celles de Ferrières, de Fleury-sur-Loire ( = Saint-Benoît-sur-Loire), de Cluny, de Saint-Germain-des-Prés, du Bec, de Gembloux en Belgique, de Saint Victor de Marseille, de Saint-Père-en-Vallée à Chartres. Les Lettres
de Loup, abbé de Ferrières au IXe siècle,
nous apprennent que ce fut à l'aide d'emprunts faits aux bibliothèques
d'Angleterre
et d'Irlande
que les bibliothèques françaises parvinrent à se reformer. Cet abbé
avait établi des copistes à la Celle de Saint-Josse-sur-Mer,
localité voisine de Montreuil, et, par conséquent, fort bien placée
pour recevoir les premières communications qui venaient des monastères
d'Angleterre. Comme bibliothèques épiscopales, nous citerons, au IXe
siècle, celle de Fréculfe, abbé de Lisieux;
au XIIe, celles de Pierre de Blois
et de Jean de Salisbury.
Parmi les princes, on sait que Charlemagne
prit soin de réunir les Chants écrits en langue
germanique, et forma pour lui-même une bibliothèque dans le monastère
de l'île Barbe
près de Lyon. Saint Louis
fournit de sa bourse à son lecteur Vincent
de Beauvais les moyens de réunir les
immenses matériaux nécessaires pour la composition de sa Bibliotheca
mundi; il fonda une bibliothèque dans la Sainte-Chapelle
du Palais, à Paris, et en accorda l'entrée
aux personnes studieuses. Charles V établit
une bibliothèque au Louvre, et voulut qu'on
pût y étudier encore après la fin du jour; ce fut l'ancêtre de la Bibliothèque
nationale.
Ses deux frères partagèrent son goût pour les livres : Jean,
duc de Berry,
pour lequel travailla Nicolas Flamel; et Philippe
le Hardi, duc de Bourgogne,
dont la bibliothèque existe encore en partie à la Bibliothèque de Bruxelles.
Un autre progrès, qui remonte à la Renaissance fut la publicité des bibliothèques : les bibliothèques de l'Antiquité étaient plus ou moins accessibles, communes à un plus ou moins grand nombre de personnes; mais il y en eut peu ou pas de complétement publiques, dans le sens où nous l'entendons de nos jours. La première idée en appartient à Richard de Bury, évêque de Durham, chancelier d'Angleterre en 1336, et se trouve exposée dans son intéressant ouvrage, le Philobiblion. La bibliothèque du Chapitre de Rouen était accessible aux étrangers, et publique, au moins dans une certaine mesure, avant 1428, puisque, cette année, des mesures furent prises par les chanoines pour remédier aux inconvénients causés par une publicité trop étendue : c'est peut-être là le premier exemple d'une bibliothèque publique en France; la Bibliothèque Mazarine, qui revendique cet honneur, ne fut ouverte qu'en 1644. L'Italie et l'Angleterre avaient précédés les Français de quelques années dans l'adoption de cette utile mesure de la publicité : la Bibliothèque Angélique à Rome date de 1620; la Bibliothèque Bodléienne à Oxford, de 1612; l'Ambrosienne à Milan, de 1608 ; mais, dès 1437, le Florentin Nicholi, possesseur des livres de Boccace, avait ordonné par testament que les 800 manuscrits qui composaient sa bibliothèque fussent affectés à un usage public; Cosme de Médicis accepta le legs et fit installer les livres de Nicholi dans la maison de Saint-Marc de Florence. La Bibliothèque du Vatican était publique dès la fin du XVe siècle. L'importance des bibliothèques comme moyen d'instruction fut reconnue en France par l'Assemblée nationale, et posée en principe dans le projet de Talleyrand et dans celui de Condorcet sur l'organisation de l'instruction publique. La confiscation des biens des communautés religieuses et des émigrés avait mis sous la main de la nation une masse énorme d'objets d'art et de livres, dont il était naturel de songer à tirer parti. Un décret de la Convention, du 8 pluviôse an II (27 janvier 1794), ordonna de former une bibliothèque dans chaque chef-lieu de district, et d'adresser au ministre de l'instruction publique une copie du catalogue qu'on supposait avoir déjà été fait. Les administrations de district ne comprirent pas généralement l'importance de ces bibliothèques; elles les laissèrent périr, faute de surveillance et de secours. L'idée d'une bibliothèque par district fut donc bientôt abandonnée. Le décret du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795), qui créa les écoles centrales, décida qu'une bibliothèque leur serait annexée; mais cette organisation n'eut elle-même qu'une courte durée. Plus tard, les bibliothèques furent abandonnées aux soins et à la charge des administrations municipales. (B.). |
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