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Manuscrit

Un manuscrit est un ouvrage écrit à la main. Les Anciens avaient deux sortes de manuscrits : les uns étaient disposés en rouleaux, et appelés par cette raison volumina (de volvere, rouler); les autres, pliés en feuillets, et formant des livres reliés ou brochés, se nommaient codices. Ils employaient généralement, pour les copier, des esclaves ou des affranchis (scribae, librarii). Au Moyen âge, les moines se chargèrent de ce travail (copistes). L'étude des écritures des manuscrits, dans le but de constater l'authenticité et l'âge de ces ouvrages, fait l'objet de la paléographie; l'examen des chartes et autres titres du Moyen âge est l'objet de la diplomatique. Les manuscrits du Moyen âge attirent l'attention non seulement par l'écriture, mais par les lettres ornées et les enluminures dont les artistes calligraphes les ont enrichis.

La fabrication des manuscrits.
Comme son étymologie l'indique, le mot manuscrit, en principe, sert à désigner tout ce qui est écrit à la main, par opposition à ce qui est gravé ou imprimé. A la fois substantif et adjectif, il s'applique plus spécialement à tout livre exécuté de cette façon, tandis que les vieux actes, privés ou publics, ont reçu la dénomination générique de charte. Dès que l'écriture fut inventée, le manuscrit fit son apparition.

Les supports.
Les matières employées pour sa confection étaient de deux genres différents : d'un côté, les matières dures, pierres, métaux, os, bois, sur lesquels on gravait plutôt qu'on n'écrivait; de l'autre, les substances de nature végétale ou animale, d'abord feuilles et écorces d'arbres, ou peaux d'animaux, puis les produits manufacturés dérivés : tissus, papyrus, parchemin, papier, matières plus propres à recevoir l'écriture.

Les instruments.
Les instruments dont on se servait pour écrire différaient selon la matière employée. Le style ou stylet, tige de métal ou d'os, pointue d'un côté, plate de l'autre pour effacer, servait pour les tablettes enduites de cire ou formées de lamelles de plomb. Le pinceau s'adaptait rationnellement aux tablettes de bois et à l'écriture hiéroglyphique des Egyptiens; et c'est encore l'instrument en usage chez les Chinois. On écrivait, à proprement parler, d'abord avec un roseau apprêté (calamus) et taillé en guise de plume, puis avec des plumes d'oiseaux, surtout d'oie, et même avec des plumes métalliques qui ne constituent nullement une invention moderne.

Les encres.
Les encres étaient de plusieurs couleurs. La plus communément employée, la noire, était souvent rehaussée par une encre de couleur, notamment la rouge, réservée plus spécialement pour des lettres initiales, les titres d'ouvrages ou de chapitres; de là l'expression rubrique (du latin ruber, le rouge) pour désigner les lignes ainsi écrites, et celle de rubricateur ou scribe exerçant cette spécialité. L'encre bleue (et aussi, mais plus rarement, la verte et la jaune) servait parfois à de mêmes usages, dans le but d'obtenir plus de variété et d'agrément pour l'oeil. Les empereurs de Constantinople signaient avec de l'encre pourpre; le seing impérial en Chine est peint en jaune. L'or et l'argent étaient usités même pour l'écriture dans des manuscrits luxueux, mais plus généralement pour la peinture des initiales et la décoration des volumes.

Les méthodes.
A l'aide du compas et de la règle, on traçait des raies verticales pour établir des marges en limitant l'espace pour l'écriture, puis des raies horizontales pour la distance des lignes entre elles. Ces raies étaient, pendant longtemps, tracées à sec, au moyen d'un style (ce qui caractérise les manuscrits mérovingiens); puis, vers le XIe siècle, au crayon; enfin, on régla souvent l'écriture avec des lignes rouges, et cet usage passa ensuite, mais à titre de luxe, au livre imprimé et se maintint jusqu'au XVIIIe siècle. Le grattoir était un des accessoires obligés de tout scribe.

Ce fut d'abord le rouleau (le volumen des Latins), fixé par son extrémité à une tige (umbilicus, nombril), en bois, en os ou en ivoire, et pourvu extérieurement d'une étiquette, l'index, servant à indiquer le nom de l'auteur et le titre de Pouorage. Puis, ce fut le livre rectangulaire, le codex, formé de cahiers de papyrus ou de parchemin comprenant un certain nombre de feuillets et de dimensions variables. La longueur des rouleaux l'était encore davantage. 

Un papyrus trouvé à Thèbes a 43,50 m, ce qui est exceptionnel; les volumens grecs et latins offrent au plus 12 m de longueur. La bibliothèque de Bruxelles possède un Pentateuque en hébreu, antérieur au IXe siècle, écrit sur cinquante-sept peaux cousues ensemble et formant un rouleau long de plus de 37 m. L'usage de ces rôles s'est conservé même jusqu'à nos jours pour certains documents publics ou privés, ou des travaux d'un caractère particulier, aussi bien imprimés que manuscrits.
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Manuscrit de Térence.
Page d'un manuscrit de l'Eunuchus de Térence daté du IXe siècle.

Les manuscrits dans l'histoire.
L'étude des caractères des différentes écritures à travers les peuples et les âges, ainsi que leur déchiffrement, constituent la science nommée paléographie. Les écritures de l'Antiquité classique et des pays occidentaux au Moyen âge se divisent en quatre genres, selon leur forme et grosseur : capitale (majuscule), onciale (modification de la précédente et plus arrondie), cursive et minuscule. A l'époque mérovingienne entra dans l'usage l'écriture semi-onciale. Dans le célèbre Virgile du Vatican, manuscrit du IVe siècle, entièrement en capitales, les lettres ont près d'un centimètre de hauteur.

Les manuscrits de la plus haute antiquité qui se soient conservés sont ceux de provenance égyptienne : ils remontent au IIIe siècle avant l'ère chrétienne pour les écrits helléniques. En fait de manuscrits syriaques, on n'en possède pas d'antérieurs au IVe siècle de notre ère. Parmi les manuscrits grecs sur parchemin, un des-plus anciens est celui de la Bible, du IVe siècle aussi, découvert par Tischendorf dans un couvent du mont Sinaï, et de là appelé Codex sinaïticus. En ce qui concerne les manuscrits latins, on est mieux partagé, grâce aux papyrus trouvés dans les fouilles d'Herculanum et de Pompéi, et conservés aujourd'hui au musée de Naples, malheureusement à l'état de débris carbonisés. 

Les documents écrits des pays plus occidentaux ou septentrionaux ne datent que des premiers siècles du Moyen âge. Il y a lieu de citer ici parmi les trésors de la Bibliothèque nationale de Paris : le Tite Live, du Ve siècle; le Prudence, antérieur à l'an 527; les Homélies de saint Avit, papyrus du VIe siècle (une partie est à Genève); l'Evangéliaire de Metz, de la fin du même siècle; le Pentateuque de Tours, du VIe ou du VIIe siècle le Saint Augustin, de la même époque; l'Evangéliaire de Charlemagne, etc. Le doyen des manuscrits germaniques est la célèbre traduction, en langue des Goths, de la Bible, traduction due à Ulfilas (bibliothèque d'Upsala); il date du Ve ou du VIe siècle.

La culture des lettres, dont les manuscrits constituaient les instruments, et qui, dans l'Antiquité, était du domaine public, devint, après l'invasion des barbares, l'apanage du clergé, séculier et régulier. Ce sont surtout les moines qui furent les agents les plus actifs du maintien de la civilisation littéraire, et la plus grande gloire à cet égard revient aux disciples et continuateurs de l'oeuvre de saint Benoît (VIe siècle), auxquels leur règle monastique imposait la transcription des livres. Cependant le niveau général de la culture baissait de plus en plus, et cet abaissement parvint à son apogée au milieu du VIIIe siècle. 

L'influence personnelle du grand empereur Charlemagne, admirablement secondé par l'Anglo-Saxon Alcuin et ses disciples, non seulement enraya ce mouvement de recul, mais produisit une véritable renaissance intellectuelle. L'école du palais et les écoles monastiques du Nord de la France développèrent ce mouvement progressiste : les moines des abbayes' bénédictines et les chanoines des cathédrales se signalèrent par une grande ardeur pour la transcription des manuscrits existants, qui comprenaient encore nombre d'oeuvres de l'Antiquité classique. 

Les laïques viennent participer à leur tour à ce mouvement civilisateur après la création des universités, à partir du XIIIe siècle. A côté des ateliers ecclésiastiques et monastiques de copistes (scriptoria) il se crée des ateliers laïques dans les centres universitaires. Les scribes, qui dans l'Antiquité étaient traités avec beaucoup d'égards, à titre de lettrés, parviennent de nouveau à la considération, grâce à l'appui des souverains et des grands personnages. Les manuscrits se multiplient d'une façon extraordinaire. 

A côté de simples scribes, gens de métier, il surgit de véritables artistes auxquels nous sommes redevables des chefs-d'oeuvre de la calligraphie. Souvent ils les ont signés et nous ont ainsi fait connaître leurs noms. Ce sont Godescalc et Dagulf, sous Charlemagne; Liuthard et Béranger sous Charles le Chauve; Robert de Billing, sous Philippe le Long; Henri de Trévou et Raoulet d'Orléans, sous Charles V; et tant d'autres dont la liste serait trop longue. L'art de la peinture s'y introduit de plus en plus et le livre ainsi décoré devient un objet de grand luxe, très recherché et coûteux.
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Miniature du psautier d'Henri VI.
Miniature du psautier d'Henri VI. Le roi d'Angleterre est agenouillé devant
la Vierge et l'Enfant. Au-dessus, début du Psaume 38.

Il est bon d'ajouter qu'à l'époque mérovingienne et plus tard encore, en raison de la pénurie et de la cherté du parchemin, on râclait d'anciens manuscrits pour y écrire des textes nouveaux. C'est ce qu'on appelle palimpsestes. Comme d'habitude les volumes de cette catégorie conservent des vestiges de l'écriture primitive, on est parvenu parfois à la déchiffrer, et on reconstitua ainsi plusieurs oeuvres ignorées et importantes de la littérature classique. Cet usage de se servir d'anciens manuscrits sur parchemin pour en faire de nouveaux était déjà pratiqué dans l'Antiquité. (G. Pawlowski).

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Dictionnaire Le monde des textes
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