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![]() | La Bibliothèque d'Alexandrie est la plus fameuse bibliothèque de l'Antiquité![]() « Démétrios de Phalère, intendant de la bibliothèque de Ptolémée Philadelphe, dit cet historien, travaillait avec un soin extrême et une curiosité extraordinaire à rassembler de toutes les parties du monde les livres qui lui en semblaient dignes, et qu'il croyait devoir être agréables au roi. Un jour que ce prince lui demanda combien il en avait déjà, il répondit qu'il en avait environ deux cent mille, mais qu'il espérait en avoir, dans peu de temps, jusqu'à cinq cent mille (Antiquités judaïques, t. XII, c. 2, traduction d'Arnaud d'Andilly). »Cette magnifique collection fut augmentée par les successeurs de Ptolemée, entre autres par Évergète II, qui s'y prenait de la manière suivante : il faisait saisir tous les livres qui étaient apportés en Égypte ![]() ![]() Cette célèbre bibliothèque compta, au dire d'Aulu-Gelle et d'Ammien Marcellin, jusqu'à 700,000 volumes : 400.000 volumes étaient placés au Bruchion, et 300.000 dans le Sérapéum « Lorsque la bibliothèque du Bruchion eut atteint le chiffre de 400,000 volumes, on songea à former, dans un autre endroit, une bibliothèque supplémentaire. Les livres nouveaux furent donc réunis dans le temple de SérapisEn 390, le patriarche d'Alexandrie Théophile, que Gibbon appelle « un homme audacieux et pervers, et l'ennemi perpétuel de la paix et de la vertu, toujours affamé d'or et altéré de sang, » voulut abolir l'idolâtrie dans son diocèse ( ![]() ![]() ![]() « Nous avons vu vides les armoires où étaient les livres qui ont été pillés par les hommes de notre siècle! »Rien n'autorise à supposer que la bibliothèque d'Alexandrie ait été reconstituée après cette époque. Pourtant, en 640, la ville d'Alexandrie fut prise par les Arabes, et, suivant une opinion populaire qui a eu ses partisans, les vainqueurs livrèrent aux flammes la bibliothèque de cette ville. Nous allons discuter la valeur de cette tradition avec quelques développements. Le premier auteur qui ait parlé de l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie par les Arabes, est Abd-Allatif, médecin arabe de Bagdad ![]() « Au-dessus de la colonne des piliers est une coupole supportée par cette colonne. Je pense que cet édifice était le portique, où enseignait Aristote et, après lui, ses disciples, et que c'était là l'académie que fit construire Alexandre quand il bâtit Alexandrie et où était placée la bibliothèque que brûla Amrou-ben-Alas avec la permission d'Omar. »Nous ne nous arrêterons pas à discuter ces phrases, qui renferment presque autant d'erreurs que de mots. Passons au récit plus circonstancié d'Aboul-Faradj, qui mourut évêque d'Alep ![]() « Jean le Grammairien vivait encore lorsqu'Amrou-ben-Alas se rendit maître de la ville d'Alexandrie. Il vint trouver Amrou, qui, sachant que c'était un homme savant, lui fit un accueil distingué, et l'ayant entendu discourir sur la philosophie, qui était encore inconnue aux Arabes, il en fut extrêmement étonné. Jean était assidu auprès de lui, et ne le quittait pas. Il dit un jour à Amrou :En conséquence, Amrou-ben-Alas les fit distribuer dans les bains d'Alexandrie et les fit brûler dans leurs foyers; ils furent consumés dans l'espace de six mois.« Vous vous êtes emparé de tous les revenus d'Alexandrie, et vous avez disposé de toutes les richesses qui s'y sont trouvées. Je ne m'oppose point à ce que vous preniez tout ce qui peut vous être utile; mais pour ce qui ne saurait vous être d'aucune utilité, il serait plus à propos de nous l'abandonner. - Quelles sont, lui demanda Amrou, les choses dont vous avez besoin? - Ce sont, lui répondit Jean, les livres de philosophie qui sont dans le trésor des rois. »Amrou lui dit qu'il ne pouvait en disposer sans la permission de l'émir Al-Moumenia-Omar-ben-Alkattab. Il en écrivit donc à Omar, et lui fit part de la demande de Jean. La réponse qu'il reçut d'Omar était conçue en ces termes :« Quant aux livres dont vous parlez, si ce qu'ils contiennent et conforme au livre de Dieu (le Coran(Traduction de l'arabe, par Silvestre de Sacy). Cette dernière phrase nous permet déjà de relever une inexactitude commise par tous ceux qui citent le passage d'Aboul-Faradj. Ils prétendent (entre autres Gibbon) « que les volumes ayant été distribués aux quatre mille bains de la ville, le nombre des livres se trouva si grand que six mois suffirent à peine pour les consumer tous. » Aboul-Faradj ne parle nullement des quatre mille bains d'Alexandrie, et il ne nous semble pas logique de vouloir évaluer la quantité des volumes d'après le temps qu'on mit à les brûler; un très petit nombre de livres, si l'on s'en était servi rarement, aurait pu facilement durer au moins aussi longtemps. D'ailleurs, le papier et le parchemin ne devaient guère être bons qu'à allumer le feu destiné à chauffer les bains; ils auraient été peu utiles pour l'entretenir. Mais occupons-nous d'une difficulté plus grave. Nous avons vu qu'en 390, c'est-à-dire 250 ans avant la prise d'Alexandrie par les Arabes, l'unique bibliothèque publique qui resta encore dans la ville avait été complètement pillée et détruite. Or, depuis cette époque on ne trouve dans aucun écrivain aucun mot qui puisse faire supposer que jamais on ait reformé à Alexandrie la moindre bibliothèque, ce qui ne doit pas étonner, puisque, durant ce laps de temps, la littérature et la philosophie païennes furent partout proscrites, au point que Justinien fit fermer les écoles d'Athènes. En outre, les revenus de l'empire byzantin Maintenant, en supposant pour un instant qu'il y eût en effet une bibliothèque considérable à Alexandrie, comment expliquer le silence que les écrivains grecs, chrétiens ou arabes, antérieurs à Aboul-Faradj, ont gardé sur sa destruction par les musulmans? Comment, par exemple, Eutychius, patriarche melchite d'Alexandrie et historien arabe de la fin du IXe siècle, aurait-il oublié un fait si important dans sa relation détaillée de la prise d'Alexandrie, lui qui était né en Égypte Cherchons maintenant ce qui a pu donner lieu au récit d'Aboul-Faradj. Dans le Dictionnaire bibliographique d'Hadi-Khalfa, écrivain du XVIIe siècle, on peut lire (prolégomènes) : « Dans les premiers temps de l'islam, les Arabes ne cultivaient aucune autre science que l'étude des décisions légales contenues dans leur code, leur langue et la médecine. Leur éloignement pour les sciences avait pour but de conserver la pureté de leur croyance et des dogmes fondamentaux de l'islam, et d'empêcher que l'étude des connaissances cultivées par les anciens peuples n'y introduisit quelque affaiblissement, et n'y portât quelque atteinte, avant que cette religion fût solidement affermie. On dit qu'ils poussèrent le scrupule si loin, qu'ils brûlèrent les livres qui leur tombèrent sous la main, dans les pays dont ils firent la conquête. »On trouve ensuite dans le même ouvrage, à l'article de la Science philosophique, le passage suivant tiré d'un auteur arabe du VIIIe siècle : « Ibn Khaldoun, dans ses Prolégomènes historiques, s'exprime ainsi : Quand les musulmans eurent conquis les provinces de la PerseVoilà donc un historien arabe du VIIIe siècle qui raconte des livres des Perses ce qu'Aboul-Faradj a raconté cinq siècles plus tard de la bibliothèque d'Alexandrie. Seulement c'est Saad et non Amrou qui demande conseil au calife Omar, dont la réponse est identique dans les deux cas. Et notons au passage qu'il semble que Ibn Khaldoun lui-même ait fait une exception pour les ouvrages grecs - du moins si l'on en croit la dernière phrase de ce texte : « Les philosophes, dit Ibn Khaldoun, ont été en très grand nombre parmi les hommes; ce qui ne nous est point parvenu des travaux faits sur les sciences est plus considérable que ce qui a été transmis jusqu'à nous. Que sont devenus les ouvrages scientifiques des Perses qu'Omar ordonna d'anéantir lors de la conquête de leur pays? Où sont ceux des Chaldéens, des Syriens, des Babyloniens? [...] Où sont ceux des Égyptiens qui les ont précédés? Les travaux d'un seul peuple sont venus jusqu'à nous; je veux parler des Grecs. »Quoi qu'il en soit le récit d'Aboul-Faradj apparaît bien comme calqué sur celui de l'historien de Tunis, et il nous semble hors de doute qu'il s'est passé en Orient ce qui a eu lieu si souvent, pendant le Moyen âge ![]() Les bibliothèques qui avaient rendu Alexandrie fameuse entre toutes les villes du monde, avaient dû laisser de vagues souvenirs dans l'esprit des populations de l'Égypte Nous n'avons fait aucune mention des auteurs postérieurs à Aboul-Faradj, car leur témoignage ne peut avoir aucune valeur. (Ludovic Lalanne). |
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