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Histoire de la France
La France au XVIIIe siècle
Louis XV, Louis XVI, la Révolution

Etat de la France à la mort de Louis XIV 

Le fait le plus frappant de l'histoire de France au XVIIIe siècle, la cause incontestable de la Révolution, c'est le désaccord qui règne entre les institutions de l'Ancien régime et les idées nouvelles. La situation léguée par le XVIIe siècle ne changea pas essentiellement de 1715 à 1789. Il importe d'exposer au début de cette page les questions que l'indolent Louis XV et l'inintelligent Louis XVI ne surent pas résoudre. Il n'existait aucune constitution écrite. La royauté devait sa force non pas à un contrat avec la nation, mais à la survivance des idées romaines et à une longue série d'empiétements. Elle était absolue; cependant Bossuet lui-même reconnaissait qu'elle devait se conformer aux « lois fondamentales », c.-à-d. à des traditions respectées; d'ailleurs, elle avait délégué son autorité à d'innombrables agents et possesseurs d'offices, en lutte perpétuelle les uns avec les autres. 

Les pouvoirs remontaient, en somme, à trois époques différentes : l'époque féodale dont il était resté quelques ruines encombrantes; le XVe et le XVIe siècle, période où se créèrent les offices; le XVIIe siècle, qui assista à l'organisation des ministères et de la bureaucratie. Ces trois régimes, au lieu de se succéder, s'étaient superposés. La confusion administrative était donc prodigieuse. Au sommet étaient les conseils, à peu près définitivement organisés en 1661 (Louis XIV), le chancelier, le contrôleur général et les quatre secrétaires d'Etat, qui avaient à s'occuper chacun non seulement d'une certaine catégorie d'affaires, comme, par exemple, de la guerre, mais aussi de la surveillance générale de certaines provinces. 

La France était divisée, au point de vue militaire, en 38 gouvernements, auxquels s'ajoutèrent, pendant le XVIIIe siècle, les gouvernements de Lorraine et de Corse; au point de vue administratif, en intendances, au nombre de 32, puis de 34; au point de vue financier, en pays d'élection, pays d'imposition et pays d'états; encore ne comptons-nous pas ici les divisions religieuses et judiciaires. Les gouverneurs n'étaient plus que des courtisans; les Etats provinciaux avaient été rabaissés, les libertés municipales abolies; en revanche, l'intendant était tout-puissant. Ainsi, la tutelle administrative n'est pas un mal contemporain; elle date, en France, du règne de Louis XIV

Examinons maintenant les services publics. Les impôts directs étaient très lourds pour le peuple, parce qu'une grande partie des riches s'en trouvait exemptée (L'organisation financière de l'Ancien régime). La taille pesait sur les seuls roturiers. La capitation, permanente depuis 1701, ne frappait pas le clergé, et beaucoup de nobles trouvaient moyen de ne pas la payer. Les impôts indirects étaient les aides, les gabelles, etc.; certains d'entre eux, comme les corvées, ne frappaient pas les privilégiés. De plus, les charges variaient souvent selon les provinces ou les localités. Le système de perception, par l'intermédiaire des fermiers généraux et des collecteurs de paroisses, était aussi détestable et détesté que l'ancien système romain. Il y avait 10 chambres des comptes (11 en 1789), 6 cours des aides, 17 hôtels des monnaies. 

A la tête de l'organisation judiciaire était le Parlementde Paris, où avaient droit de séance les 50 pairs de France. Puis venaient les parlements provinciaux et conseils souverains, les présidiaux, le Châtelet, les sénéchaussées et bailliages, les prévôtés, les justices seigneuriales et ecclésiastiques et les juridictions spéciales. Malgré les grands travaux de codification du règne de Louis XIV, la diversité de législation était restée fort grande; il y avait encore des pays de droit coutumier et des pays de droit écrit; le code pénal était rigoureux, la procédure obscure et coûteuse, la liberté individuelle menacée par l'usage des lettres de cachet et des emprisonnements arbitraires à la Bastille et par l'absence de jury. 

Sans parler des corps savants spéciaux (Académies), l'instruction avait pour foyers les 23 universités (24 en 1789); les petites écoles étaient nombreuses; mais le principe de l'instruction laïque et obligatoire sera une idée révolutionnaire. 

Dans l'armée et la marine, de grands progrès avaient été réalisés pour l'organisation matérielle et le recrutement ; mais Louvois n'avait pas aboli la vénalité des charges, qui devint une véritable plaie au XVIIIe siècle, et le recrutement prêtait à de scandaleux abus.

Tout n'était pas mauvais et répréhensible dans la structure sociale. L'esprit d'association se manifestait vigoureusement par la forte constitution de la famille. Mais l'inégalité peut-être inévitable était alors excessive et reposait sur des fondements pourris. Les classes privilégiées étaient le clergé et la noblesse. Le clergé avait d'immenses biens de mainmorte et se contentait d'offrir, chaque année, au gouvernement un « don gratuit »; du reste, les plus méritants de ses membres, les curés de campagne, étaient extrêmement misérables; le bas clergé donnera des recrues nombreuses au parti révolutionnaire. 

La noblesse d'épée avait encore beaucoup de terres et d'argent, accaparait quantité de grasses sinécures; les impôts la frappaient peu ou pas. Or, elle ne rendait plus de services locaux ni généraux. A ses paysans, elle se contentait de demander de l'argent, elle ne cherchait plus à les protéger; la plupart des nobles d'ailleurs ne résidaient pas dans leurs terres. Versailles les attirait invinciblement. Mais, loin de former au centre de l'Etat une aristocratie politique comme les lords anglais, ils étaient complètement inutiles, et en France le droit d'aînesse n'était plus qu'un abus à ajouter à beaucoup d'autres. Au grand scandale des admirateurs du passé, tels que Saint-Simon et Boulainvilliers, Louis XIV avait favorisé l'éclosion de la vie de cour et achevé la ruine politique de la noblesse, en réservant à deux ou trois familles de roturiers les ministères et les places importantes. Déjà même sous ce règne, le plus grand des amiraux, Duquesne, et l'un des plus grands généraux, Catinat, sont des hommes d'origine obscure. La noblesse n'était plus qu'une brillante domesticité, frivole et pimpante au temps de Mlle de La Vallière, dévote et hypocrite au temps de Mme de Maintenon. Les privilèges signifiaient maintenant abus. Les roturiers appelés aux grandes charges et les possesseurs d'offices devenaient nobles; dédaignés par les seigneurs, c'étaient eux, en réalité, qui gouvernaient. Mais le tiers état dont ils étaient sortis n'en était pas plus justement traité. 

Les roturiers des villes n'avaient pas seulement à payer de lourds impôts; ils ne pouvaient travailler à leur guise ni gagner selon leurs oeuvres, l'industrie et le commerce étant entravés par les douanes intérieures et les corporations, restes d'une organisation qui avait été généralement bonne et utile au Moyen âge, mais qui n'avait plus de raison d'être. Quant aux paysans, ils tombèrent dans la plus noire détresse pendant les dernières années du règne de Louis XIV. Ils n'avaient pas seulement à payer des impôts écrasants. Il fallait aussi acquitter la dîme due au clergé et les vieux revenus du propriétaire supérieur, taille seigneuriale, banalités, redevances de toutes sortes, sans compter les droits vexatoires comme les droits de chasse et de colombier. Les mémoires dressés par les intendants pour l'instruction du duc de Bourgogne montrent que le fameux tableau tracé par La Bruyère n'était nullement exagéré. Dans la généralité de Rouen, sur 700,000 habitants, 650,000 n'avaient pas de lit. La population de la France diminua de 3 millions d'habitants de 1698 à 1715.

Ainsi, la royauté, au XVIIe siècle, n'avait pas su gouverner. Le règne de Henri IV et le début du règne de Louis XIV n'avaient été que des temps d'arrêt dans la décrépitude de l'Ancien régime. Les questions de politique intérieure qui se posaient au début du XVIIIe siècle étaient graves : la royauté n'était pas encore mise en question; mais à qui allait-elle déléguer le pouvoir? Allait-on continuer à persécuter les dissidents? Ne devait-on pas diminuer les privilèges et changer l'assiette de l'impôt? Ne fallait-il pas renoncer à l'ancien système économique? Aucune de ces questions n'allait être résolue d'une façon satisfaisante sous les règnes de Louis XV (1715-1774) et de Louis XVI.

Les derniers temps de la monarchie absolue

Louis XIV, dans son testament, s'était efforcé de garantir à ses bâtards légitimés le pouvoir pendant la minorité de Louis XV. Le duc d'Orléans ne devait avoir qu'une régence nominale; il prit la régence effective et se maintint au pouvoir malgré les intrigues des légitimés, grâce à l'appui du Parlement et d'une partie de l'aristocratie, qui espéraient reconquérir leur ancienne influence. Les idées de Fénelon et de Saint-Simon semblèrent triompher un moment; mais la polysynodie devint une «-pétaudière » et s'écroula dans le ridicule. Dans la suite, il y eut souvent des nobles au ministère, mais l'ensemble de la noblesse resta ce qu'elle était sous Louis XIV, avec cette différence que ses moeurs devinrent cyniques, qu'elle se piqua de philosophie et de sensibilité, et qu'en pratique elle devint incapable même de fournir quelques bons généraux. 

Quant au Parlement, auquel le duc d'Orléans avait rendu le droit de remontrances, il s'ingéra constamment dans les affaires de l'Etat, obtint même l'abolition de l'ordre des jésuites (1761-1764), fut supprimé brusquement en 1771 par Maupeou, puis repris, dès 1774, par Louis XVI; mais son opposition fut souvent funeste et ses projets de réforme restèrent toujours stériles. Comme au temps de Louis XIV, le roi vécut à Versailles au milieu du luxe et des plaisirs, n'eut aucune communication avec son peuple, et le véritable pouvoir appartint aux ministres et à leurs agents. Le choix des ministres dépendit, sous Louis XV, des caprices du roi et de ses maîtresses, et, sous Louis XVI, des alternatives d'énergie et de faiblesse de ce roi si bien intentionné et si médiocre. Les ministres furent tantôt des sceptiques comme Dubois, Bernis et Maurepas, ou des sots comme Amelot, tantôt des hommes intelligents et clairvoyants, comme Machault et Turgot, qui tombèrent quand ils voulurent détruire les abus. Jusqu'à la Révolution, la délégation du pouvoir resta donc instable et défectueuse.

Après l'explosion de libéralisme qui avait signalé les premiers jours du règne de Louis XV, on aurait pu croire tout au moins à l'avènement définitif de la tolérance religieuse. Il n'en fut rien. Les protestants furent cruellement persécutés pendant le ministère du duc de Bourbon (1723-1726); les rigueurs des parlements de Grenoble (1746) et de Toulouse (1762), les affaires de Sirven et de Calas sont restées célèbres. Le jansénisme fut si violemment poursuivi qu'il finit par devenir très fort et très populaire. Ce fut le dévot Louis XVI qui eut l'honneur de reprendre les principes de tolérance de Henri IV.

L'industrie et le commerce, languissants depuis la mort de Colbert, prirent sous la Régence un grand essor, grâce à l'immense quantité de numéraire jetée un moment sur le marché par Law . Le commerce, en dépit des règlements, resta prospère jusqu'à la Révolution, et l'industrie, particulièrement celle du meuble, produisit des chefs-d'oeuvre qu'on n'a jamais pu égaler depuis. Les paysans, en revanche, restèrent très misérables. Les entraves à la libre circulation des grains, que Machault et Turgot essayèrent en vain de détruire, gênaient l'agriculture et provoquèrent des famines. Mais ce fut la situation des finances publiques au XVIIIe, siècle qui tua l'Ancien régime. En 1715, le Trésor était vide, la dette formidable, les impôts écrasants pour le Tiers état. 

L'échec du système de Law amena une banqueroute partielle et rendit désormais suspectes les réformes financières. Fleury (1726-1743) les évita par de sévères économies. Machault (1745-1754) s'attaqua aux privilégiés, créa un impôt général du vingtième; mais Machault tomba et le clergé et une partie de la noblesse se firent exempter dit vingtième. Terray (1770-1774) fit banqueroute, et les impôts augmentaient toujours et le déficit subsistait. Turgot (1774-1776) voulait une révolution; Louis XVI l'abandonna. Necker, directeur des finances de 1776 à 1781 et rappelé en 1788, comprenait aussi l'inutilité des expédients et ce fut lui qui décida le roi à convoquer les Etats généraux pour le 1er mai 1789.

Pendant que le roi s'ennuyait à Versailles et que ses ministres travaillaient en vain ou ne travaillaient point, le mécontentement grandissait dans la nation et se précisait sous la plume des écrivains. Le XVIIIe siècle français est grand par ses artistes et ses savants, admirés et fêtés dans toute l'Europe; mais c'est surtout par les idées de ses «-philosophes » que la France domine alors. Les principes de tolérance et de liberté politique, apportés d'Angleterre, furent exposés avec une belle clarté par Voltaire et Montesquieu. Ces deux auteurs étaient du reste des aristocrates, qui voulaient des réformes et non une révolution; leurs idées furent appliquées à l'étranger par les « gouvernements éclairés ». Puis vinrent Rousseau et Diderot, enfants du peuple et révolutionnaires, qui réclamaient l'égalité. En même temps, les économistes demandaient la liberté absolue du travail, sans toucher du reste au droit de propriété, qu'ils regardaient comme naturel (Boisguillebert, Vauban, Gournay, Quesnay).

Ces idées pénétrèrent dans toutes les classes; elles reçurent bon accueil dans la noblesse, désoeuvrée et sentimentale, et la désarmèrent pour les luttes à venir; elles se propagèrent peu à peu dans le Tiers état et formèrent des démagogues munis d'arguments abstraits et nourris dans la haine du passé; elles allaient triompher pendant la Révolution française, qui a été une révolution consciente et préparée de longue main, fait unique dans l'histoire.

La politique européenne, simple au XVIIe siècle, devient compliquée au XVIIIe. La Prusse et la Russie sont entrées en scène et les questions coloniales surgissent. La France ne dirige plus les affaires européennes; mais, très puissante encore malgré tout, elle y prend part, avec des alternatives brusques de honte et de gloire. Depuis la mort de Louis XlV jusqu'à celle de l'empereur Charles VI, la grande question en Occident est le règlement définitif de la succession d'Espagne. Élisabeth Farnèse, femme de Philippe V, mit à plusieurs reprises le continent en feu pour assurer à ses enfants les duchés d'Italie. Le régent et Fleury lui-même, malgré leur amour de la paix et leur alliance avec la pacifique Angleterre, durent se mêler à ces luttes; la France y gagna la Lorraine, qui fut définitivement réunie en 1766 (Stanislas Leczynsky). Avec l'acquisition de la principauté de Dombes, ce fut là la dernière annexion continentale avant la Révolution. 

Voici donc quelles furent les limites du royaume à la fin de l'Ancien régime : de l'océan Atlantique au Rhin, la frontière suivait une courbe qui laissait à la France Dunkerque, Berg, Cassel, Armentières, Lille, Condé, Valenciennes, Maubeuge; elle enclavait Marienbourg, Philippeville et Givet; puis redescendait le long de la rive droite de la Meuse, en conservant à la France Charlemont, Bouillon, Montmédy; mais elle laissait en dehors la principauté de Charleville et le Luxembourg. Puis elle gagnait le Rhin à la hauteur de Lauterbourg; Landau restait à la France dans le Palatinat. Après avoir suivi le Rhin de Lauterbourg à Huningue, la limite se dirigeait vers le Jura, laissant en dehors le comté de Montbéliard qui appartenait à la maison de Wurttemberg; puis elle atteignait le Rhône en enveloppant Saint-Claude et Gex, suivait le fleuve jusqu'au coude qu'il fait vers l'Ouest, puis les principales crêtes des Alpes entre les sources de la Durance et du Pô, pour rejoindre le Var, à l'Ouest du comté de Nice. Le Comtat-Venaissin appartenait au pape et la principauté de Monaco était sous la garde de la France. Au Sud, la frontière laissait à la France Port-Vendres, suivait les Pyrénées, puis le cours de la Bidassoa.

En 1740 se posa la question de la Silésie, que le roi de Prusse, Frédéric Il, avait enlevée à Marie-Thérèse, fille de l'empereur Charles VI. Entraîné par la vieille tradition de la lutte contre la maison d'Autriche, Louis XV s'allia à Frédéric II, mais fit la guerre « pour le roi de Prusse »; les victoires de Maurice de Saxe ne rapportèrent rien à la France (1740-1748). Pendant la guerre de Sept ans, Louis XV s'allia à Marie-Thérèse; il ne lui rendit pas la Silésie; ses généraux de cour se firent battre en Allemagne et les Anglais enlevèrent à la France ses colonies. 

François Ier, Henri IV, Richelieu et Colbert avaient fondé l'empire colonial de la France. Les traités d'Utrecht lui avaient laissé le Canada, la Louisiane, la Guyane, les petites Antilles, des comptoirs en Afrique et en Inde. Dupleix lui aurait donné l'empire des Indes, si Louis XV l'avait voulu, si les Français s'étaient alors intéressés aux questions coloniales. Le traité de 1763 et le Pacte de famille conclu avec l'Espagne firent perdre à la France le Canada, la Louisiane, une partie des Antilles, le Sénégal et la plupart de ses possessions en Inde. Le duc de Choiseul essaya de contrarier ce mouvement. Il réorganisa l'armée et la marine, acheta aux Génois la Corse et la conquit sur les habitants, tenta d'organiser une ligue du Sud contre l'Angleterre et la Russie. Après sa chute, d'Aiguillon laissa démembrer la Pologne.

Sous le règne de Louis XVI, Vergennes entreprit de replacer la France à la tête de l'Europe. Il empêcha l'empereur Joseph Il d'annexer la Bavière et arrêta ses progrès en Turquie. Enfin il soutint contre l'Angleterre les colons d'Amérique, qui n'auraient jamais pu, sans cet appui, conquérir leur indépendance; l'Angleterre rendit à la France le Sénégal, Tobago, Sainte-Lucie, Saint-Pierre et Miquelon. Mais ces derniers triomphes de la dynastie des Bourbons coûtèrent fort cher et, en augmentant le déficit, contribuèrent à la chute de la monarchie. Après la mort de Vergennes en 1787, Louis XVI dut renoncer à cette sorte de prééminence en Europe. 

Le dernier état de l'ancienne France

Quel est le dernier état de l'ancienne France à la veille de la Révolution?

L'unité inachevée. 
D'abord, si l'unité française, qui a été la constante pensée de la maison capétienne, offre un contraste heureux avec l'Allemagne parcellaire et l'Italie en morceaux, elle est loin encore d'être achevée. Ce n'est encore que le bloc qui attend le sculpteur, le Michel-Ange à la hache. Le roi de France est bien le roi de toute la France. Mais la nation reste divisée en ordres, qui sont comme trois nations, et elle a moins de part à son gouvernement que la Turquie ou la Perse.

Pays d'élection et pays d'État. 
Depuis plus d'un siècle, les provinces étaient privées de représentations. Les unes s'appelaient encore Pays d'élection, parce qu'elles députaient seules aux Etats généraux; - mais les Etats généraux ne se réunissaient plus. Les autres s'appelaient toujours Pays d'Etat, à cause de leurs droits anciens a une représentation locale, où figuraient les trois ordres, et qui avait le privilège de voter, répartir et percevoir l'impôt; - mais Louis XIV avait supprimé les Etats provinciaux sauf cinq, et il avait réduit presque à néant les droits de ceux qu'il avait conservés.

Les généralités. 
Aussi bien la véritable circonscription administrative, c'était, depuis 1637, la généralité avec, à poste fixe, un intendant qui possédait la réalité du gouvernement.

De l'intendant, préfet à la dixième puissance, relevaient tous les services publics, finances, travaux publics, commerce, agriculture, police, et il avait le droit d'intervenir dans les affaires de justice et de déférer les causes à la connaissance du Conseil d'Etat. Enfin, depuis l'édit de 1697, qui avait supprimé les élections municipales, les villes étaient administrées par des maires et des échevins, qui devaient acheter leurs charges et qui étaient sous le contrôle des intendants.

Il est donc exact que la centralité politique et la centralisation administrative datent de l'Ancien régime. Mais de cette centralisation qui s'était fondée au milieu des débris de la société féodale et sur les ruines des libertés communales, on aurait pu dire que là où le roi avait établi le despotisme, il l'appelait l'unité.

Le pouvoir royal. 
En effet, le rouleau n'a passé que pour détruire ce qui était susceptible de gêner le pouvoir royal. D'une part il a laissé subsister entre les provinces les disparités et discordances qui feront dire à Calonne qu'elles n'étaient pas « naturalisées » et qu'elles étaient le principe de tous les vices de l'Etat, et à Mirabeau que la France n'était encore qu'« une agrégation inconstituée de peuples désunis ». 

D'autre part, le rouleau a partout passé à côté des privilèges féodaux; ils vont devenir d'autant plus intolérables que le peuple, plus instruit, prend plus conscience de ses droits, et qu'il a cessé de se résigner à sa servitude et à sa misère comme à son lot naturel.

Législation.
Ici encore, ce qui aurait dû être conservé se perdait et ce qui aurait dû être aboli se maintenait. La diversité d'une active vie provinciale eût été un bien. Or, la France était déjà, de tous les pays de l'Europe, celui où la capitale avait acquis le plus de prépondérance, tête qui devenait trop grosse. Dans le même temps, des provinces, même de celles qui étaient anciennement entrées dans la famille française, se réclamaient encore des « capitulations » et des traités qui, à l'époque de leur réunion, avaient maintenu leurs lois particulières, comme clauses essentielles des pactes d'incorporation, et leur avaient laissé des lambeaux d'indépendance.

Non seulement la France continuait à être divisée en deux grandes régions où la justice civile n'était pas rendue par application du même droit : au Nord, droit coutumier; au Midi droit écrit ou droit romain; mais 285 coutumes, comme qui dirait 285 codes, compliquaient encore les affaires, et, surtout, le règlement des héritages. L'unité de législation n'avait été réalisée qu'en matière pénale, pour des procédures de l'Inquisition (question ou torture) et par des peines atroces (roue, flagellation, marque au fer rouge).

Les « justices ».
Enfin, à côté des justices royales, subsistaent les justices ecclésiastiques, municipales et seigneuriales. Et quelles justices!

« Quand les juges (ceux du roi) achètent leur emploi, disait Guibert, il faut bien que la justice se vende. » 
Les rôles et les vacations étaient multipliés sans vergogne pour accroître les bénéfices du magistrat et de ses gens. Certains ressorts étaient si étendus qu'il fallait chercher la justice à 40 lieues.

Nécessairement, les justices seigneuriales étaient pires. La plupart des seigneurs vendaient les charges à des incapables ou « des fripons »; ceux-ci se dédommageaient sur les plaideurs, surtout sur les paysans; « la justice dégénérait en brigandage ». Le seigneur craignant de fournir aux frais d'un procès criminel, « il ne se faisait aucune recherche des crimes les plus atroces ».

Par contre, la juridiction était impitoyable pour les délits de chasse. Les bêtes, qui dévoraient les récoltes, étaient protégées comme si elles étaient des hommes et les hommes poursuivis comme s'ils étaient des bêtes. Défense au paysan d'avoir un fusil pour protéger son champ même contre les loups; un chien pour protéger sa maison même contre les cerfs. « Condamné, en cas de récidive, à la prison et aux galères. » (Cahier du clergé de Mantes) 

Mêmes incohérences et inégalités dans le régime fiscal : pays de grande gabelle pays de petite gabelle, pays exempts; généralités soumises aux aides et généralités qui en sont exemptes; et, partout le territoire, « ces frontières intérieures qui sont les lignes de douanes » (Lavisse).

Les classes privilégiées. 
Le clergé et la noblesse comptaient  chacun à peu près 140 000 individus; le Tiers Etat 25 millions. Chacun de ces ordres avait ses lois distinctes.

Le clergé.
Moyennant un don gratuit, dont la plus grosse partie ne va d'ailleurs pas au Trésor, le clergé s'est racheté de presque tous les impôts. Il tient les actes de l'état civil. Il a conservé ses tribunaux d'Eglise (officialités). Il est le seul corps qui ait gardé le droit de tenir des assemblées.

Le clergé a sa démocratie : les curés, fils de roturiers et, pour la plus grande partie, surtout à la campagne, très pauvres; et son aristocratie, recrutée dans la noblesse, qui tient tous les hauts emplois, - tous les archevêchés et, sauf cinq, tous les évêchés en 1788, - et toutes les sinécures, des abbayes qui rapportent de 40 000 à 400 000 livres par an. Brienne, archevêque de Sens, possède en bénéfices 678 000 livres de rente; une coupe de bois dans une de ses forêts lui rapporte un million (Marmontel).

Moins quelques lopins de terre qu'elle a abandonnés aux curés, cette noblesse ecclésiastique possède près du quart du sol français avec 130 millions de livres de revenus, auxquels il faut ajouter 123 millions de dîmes et 100 millions perçus à titre de seigneurs féodaux.

La noblesse. 
Les privilèges de la noblesse laïque ne sont pas moins considérables. Les nobles sont exempts de la taille et de la plupart des impôts. Eux seuls peuvent occuper les emplois de la maison militaire et de la maison civile du roi, sinécures qui rapportent entre 20.000 et 150.000 livres. Si la réalité du pouvoir appartient aux intendants, ils ont gardé les gouvernements généraux, presque tous les gouvernements particuliers et presque toutes les lieutenances générales, sinécures qui rapportent entre 12.000 et 160.000 livres. Ils ont presque tous les grades dans l'armée et dans la marine.

Droits seigneuriaux. - La féodalité, en devenant noblesse de cour, petite noblesse campagnarde ou noblesse ecclésiastique, c'est-à-dire en abdiquant ses offices et ses devoirs, a gardé la plupart des droits seigneuriaux : droits exclusifs de chasse et de pêche ; - droits de garenne et de colombier ; - droits de mutation (chaque fois que la terre du paysan change de maître) ; - droits sur les routes, les ponts, les foires; - banalités (redevances chaque fois que le paysan se sert du moulin, du four et du pressoir seigneurial, et il lui est défendu de porter ailleurs son blé, son grain ou son raisin ou ses olives); - redevances en argent, quint et requint, et en nature, en vin et en graines sur les terres des paysans du voisinage, car «ces terres ont appartenu autrefois aux barons »; - et, encore, ces autres droits que le clergé de Touraine qualifiera dans ses cahiers d' « indécents et de ridicules » : obligation de battre les grenouilles dans les douves du château pour procurer au seigneur un sommeil tranquille; - droit de fouage (interdiction de faire, sans redevance préalable, du feu dans sa chaumière); - droit de relarquier (interdiction de nourrir des bestiaux, sans redevance préalable, sur les herbages du territoire).

Les nouveaux nobles. - Ces impositions, qui terrassent les paysans, « maintenus par la barbarie féodale dans un engourdissement mortel » (Cahier du clergé d'Amont), n'empêchent pas les seigneurs campagnards de s'endetter; la plupart sont des nobles ruinés.

Pour la noblesse de cour et la noblesse ecclésiastique, aristocraties de l'aristocratie, leur prodigalité et leur négligence ont le plus souvent raison de l'immensité de leurs revenus. Le prince de Guémenée fait une faillite de 35 millions. Le duc d'Orléans laisse un actif de 114 millions et 74 millions de dettes.

Que l'argent roule et passe des nobles « qui tiennent à honneur à vivre noblement », aux fermiers généraux et aux financiers, aux «nouveaux riches », qui ont d'ailleurs hâte de sortir de la roture et qui n'ont à aucune époque acquis plus facilement la noblesse qu'à la veille de la Révolution (Tocqueville), il n'y a pas grand mal.

Mais le scandale qui fait monter le flot des colères, c'est que ce roturier, qui doit à sa richesse, bien ou mal acquise, ses titres de noblesse, participe aussitôt aux privilèges de sa nouvelle classe et se trouve exempt de la participation dans les dépenses publiques.

« Il suffit d'être riche pour devenir noble et de devenir noble pour cesser de payer. » (Dupont de Nemours).
Les inégalités fiscales. 
De toutes les inégalités, c'est celle de l'impôt qui offense et irrite le plus. Au surplus, qu'elle soit en haut ou qu'elle soit en bas, elle est, entre toutes, pernicieuse. Le privilège fiscal des riches, noblesse et clergé, qui fait peser l'impôt sur les classes laborieuses, non seulement arrête le développement de la fortune publique, mais crée la misère. C'est surtout de cette misère, oeuvre affreuse de l'inégalité, que va sortir la Révolution.

D'autre part, le privilège fiscal des moins fortunés conduirait vite les démocraties à la démagogie césarienne : « Le pain et les jeux de cirque. »

Pour les hommes de la Révolution, « contribuable » et « citoyen » seront si bien des mots synonymes que Robespierre, à une motion d'exemption de l'impôt pour les classes nécessiteuses, opposera la question préalable.

« La motion, dira le terrible conventionnel, est humiliante pour le peuple en ce qu'elle le priverait d'apporter son obole à la patrie et laisserait au riche le monopole de ce grand devoir civique. »
L'impôt. 
L'impôt dû par tous, égal pour tous, doit être proportionnel à la fortune, - la progressivité étant une modalité rationnelle de la proportion jusqu'à la limite où elle devient de la confiscation, c'est-à-dire du vol; - et il doit être consenti par la nation, par le contribuable lui-même.

Ces deux principes, dont là Révolution fera, en les réunissant, l'une des vérités fondamentales de l'ordre nouveau, datent de loin; c'est le second qui est le plus ancien.

L'impôt féodal. - La contribution égale aux charges publiques a pu être entrevue, elle n'a pas été réclamée par la France des temps féodaux; l'impôt y fut le paiement par les roturiers pour la protection armée que leur devaient les seigneurs; même quand
le tribut est porté au roi, il est d'essence féodale. Par contre, le consentement préalable de l'impôt a été posé et admis dès la seconde année du XIVe siècle, aux premiers Etats généraux de 1302, réunis par Philippe le Bel; il fut ensuite rappelé par les
Etats généraux chaque fois que le roi les a convoqués, en ayant besoin.

L'impôt royal. - La transformation de l'impôt féodal en impôt royal n'a pu être accomplie par la monarchie capétienne qu'avec le concours des Etats généraux.

Au XVe siècle, les Etats, dans leur confiance, ont accordé au roi le droit de lever, d'une façon permanente, en dehors de leur autorisation périodiquement renouvelée, le principal impôt : la taille. Les Etats ne sont plus réunis, en conséquence, que pour le vote de nouveaux impôts, donc à d'assez longs intervalles. Enfin, ils ne sont plus réunis du tout quand la monarchie a définitivement triomphé, avec Richelieu, des derniers féodaux.

Impôts directs ou contributions indirectes, il suffit au roi d'en obtenir l'enregistrement des Parlements, ou de le leur imposer, en lit de justice, quitte à essuyer leurs remontrances.

La taille et la corvée. - Le principal impôt direct était la taille, tantôt réelle, tantôt personnelle, frappant soit la terre soit le revenu. Le montant en était fixé annuellement par le roi. Il prenait au taillable plus de la moitié de son revenu. La capitation et les vingtièmes devaient être, à l'origine, payés par tous les revenus, sans en excepter celui du dauphin. Mais le clergé, les nobles et les fonctionnaires avaient trouvé le moyen de s'en racheter, moyennant un médiocre versement une fois payé.

Les impôts directs étaient établis et levés directement par les agents de l'administration centrale; la gabelle, impôt du sel, les aides, impôts sur les boissons, et les douanes intérieures, étaient des impôts « affermés », qui variaient de province à province.

La corvée était devenue royale sans cesser d'être seigneuriale, à la fois impôt public et impôt privé, ce qui contribua à la rendre plus odieuse. L'objet spécial auquel l'Etat faisait servir les prestations en nature (construction et réparation des routes) les rendait supportables à cause de l'intérêt évident d'une meilleure voirie locale.

Le « corvéable » s'irritait dans les cas, qui se multiplièrent vers la fin de l'Ancien régime, où il fut employé à toutes sortes de travaux, comme de bâtir des casernes, de charroyer des effets militaires à la suite des troupes et de transporter des forçats au bagne.

La pire vexation, c'était quand le seigneur, qui n'assurait plus au paysan aucune protection, l'arrachait à son champ pour travailler ailleurs et sans salaire.

Les paysans. 
Ajoutez maintenant à ces impôts d'Etat, non seulement les impôts municipaux, mais les dîmes et les taxes diverses que continuent à percevoir les seigneurs et les gens d'Église, et qui pèsent presque exclusivement sur la campagne; et la condition du paysan français apparaîtra pire généralement au XVIIIe siècle qu'elle ne l'avait été même au XIIIe (Tocqueville).

Le serf, dont la vie était assurée en échange de sa liberté, a été moins malheureux. Quelques progrès en agriculture, l'introduction, en 1781, d'un nouvel aliment, la pomme de terre, popularisée par Parmentier, améliorent à peine sa misère, mais non sa détresse. Il vit dans un affreux isolement où il rumine avec colère sur l'emploi que font de l'argent qu'il a sué le roi, ses maîtresses et ses courtisans. Il paraît toujours soumis alors que l'irréligion du siècle l'a déjà envahi et que la jacquerie couve en lui.

Avertissements. 
Evêques et seigneurs, pour peu qu'ils aient des yeux pour voir, s'inquiètent. C'est l'évêque de Clermont-Ferrand qui écrit à Fleury

« Les nègres de nos îles sont infiniment plus heureux; car, en travaillant, ils sont nourris avec leurs femmes et leurs enfants, au lieu que nos paysans ne peuvent, avec le travail le plus dur et le plus opiniâtre, avoir du pain pour eux et leur famille. » 
C'est le marquis d'Argenson qui impute la cause de tous ces maux au régime fiscal. C'est Calonne lui-même qui traite le régime fiscal « d'absurde, d'abominable, de cruel, d'affreux, d'horrible et de révoltant.»

Le voyageur anglais, Arthur Young, parcourant les campagnes désolées, se crut transporté en plein Moyen âge et annonça la révolte. L'ambassadeur d'Autriche écrivit-

« Il est impossible que cet état de choses subsiste longtemps sans qu'il s'ensuive quelque catastrophe. »
Industrie et commerce. 
L'industrie, bien qu'entravée elle aussi par « l'industrie fiscale » (Cahier du Béarn) et par la servitude des jurandes, et le commerce, malgré les règlements absurdes et, quelquefois, criminels sur la circulation des blés, et en dépit des douanes intérieures, ont fait des progrès, mais beaucoup moins considérables qu'il n'eût fallu et fort inférieurs à ceux de l'Angleterre dans le même temps. Seul, le commerce colonial est prospère, à partir de Louis XVI.

« La douceur de vivre. » 
On a souvent cité le mot de l'un des témoins du siècle à son déclin, Talleyrand

« Qui n'a pas vécu dans les dernières années de la Monarchie, n'a pas connu la douceur de vivre. »
Il y eut, en effet, pendant ces mêmes années où le peuple fut si malheureux, des sociétés pour qui la vie continuait d'être une fête de Watteau ou une comédie de Marivaux. Ce n'est qu'un coin du tableau, mais que l'on ne saurait négliger. La légende du Français léger est née de ce monde aimable et frivole, bénéficiaire direct ou un direct d'une régime inique.

La révolution française

Lorsqu'en 1789, la détresse des finances força de recourir aux Etats généraux, qui n'avaient pas été réunis depuis près de deux siècles, aucune barrière n'existait plus qui pût arrêter les entraînements de l'esprit nouveau. La haute noblesse, par ses défaites et ses abus scandaleuses, avait perdu tout prestige. Les vertus et les réformes timides et indécises de Louis XVI, qui soutenait mal ses ministres, Turgot et Necker, ne pouvaient suffire à relever le prestige de l'autorité royale. Enfin l'exemple des États-Unis, que la France, moitié par sympathie, moitié par ressentiment contre l'Angleterre, était allée soutenir, 1778-1783, dans leur guerre d'indépendance, l'encourageait à marcher elle-même vers l'inconnu.

La Révolution éclata, et, dès l'abord, deux partis bien distincts, quoique parfois réunis, existèrent; celui des réformateurs et celui de l'agitation démagogique, le parti de la révolution modérée et le parti révolutionnaire quand même; le second l'emporta bientôt sur le premier. Des trois assemblées qui se succédèrent en 6 ans, au milieu des soulèvements populaires, la première, la Constituante, 5 mai 1789 - 30 septembre 1791, posa les grands principes restés depuis lors en tête de des constitutions de la France et au fond de ses codes : liberté civile, égalité des droits, souveraineté du peuple; complétant le long travail de la royauté, elle rendit la nation plus homogène, l'administration plus une et plus simple, par la destruction des anciennes circonscriptions territoriales et par la division en départements qui fut la base de toutes les autres, janvier 1790.

Elle essaya par la constitution de 1791, mais sans succès, de fonder un gouvernement mixte, dont elle annulait en quelque sorte le chef en le subordonnant en toute chose au pouvoir législatif. La seconde, la Législative, 1er octobre 1791 - 20 septembre 1792, prépara la république, que voulaient également deux de ses partis, les Girondins et les Montagnards. La troisième, la Convention, 21 septembre 1792 - 26 octobre 1795, la proclama dès sa première séance, condamna Louis XVI, s'attribua la dictature de la France, et mit la terreur à l'ordre du jour. A l'intérieur, elle triompha du parti fédéraliste, qui avait pris les armes après la proscription des Girondins et écrasa la redoutable insurrection royaliste de la Vendée. En lutte dès le 20 avril 1792 avec l'Autriche et la Prusse, auxquelles l'Europe presque entière se joignit après l'exécution du roi, 21 janvier 1793, la France leur résista par des prodiges de patriotisme et d'énergie militaire, dont Carnot sut tirer un admirable parti, et elle avait déjà imposé à la Prusse, à la Hollande, à l'Espagne, 5 avril, 16 mai, 22 juillet 1795, les traités de Bâle et de La Haye, quand le Directoire commença, 27 octobre 1795 - 9 novembre 1799. 

Dans cette période nouvelle, la faiblesse du gouvernement et les luttes des divers pouvoirs qui le composaient (directeurs, conseils des Anciens et des Cinq-Cents), les coups d'État multipliés, la détresse financière, la seconde coalition provoquée par la politique envahissante du Directoire, rendirent bientôt ce gouvernement impopulaire. Les campagnes d'Italie, 1796-1797, et d'Égypte, 1798-1799, dont l'une humilia et dépouilla la Sardaigne et l'Autriche (armistice de Cherasco, 15 avril 1796; traité de Campo-Formio, 17 octobre 1797), et dont l'autre aurait eu peut-être pour effet, si elle eût pu réussir, d'enlever l'Inde à l'Angleterre, donnèrent à Napoléon Bonaparte le moyen de renverser le Directoire, 18 brumaire (9 novembre 1799). Premier consul avant de se proclamer empereur, il compléta la réorganisation administrative commencée par la Constituante, mais en changeant le caractère de ses institutions. L'ordre, la régularité, l'économie prévalurent dans tous les services, mais la liberté disparut. (Ch. Petit-Dutaillis / J. Reinach).

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