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Généralités
Les Etats Généraux étaient des assemblées
politiques de l'ancienne France, formées par la réunion des représentants
des trois ordres de la nation : clergé, noblesse, tiers état.
Origine historique.
Les Etats Généraux ont été convoqués
les cours souveraines. Lorsque l'erreur Ă©tait admise par le conseil du
roi, la Cour qui avait rendu l'arrêt était invitée à le réviser. Cette
voie de recours fut supprimée par l'ordonnance de 1567 sur la procédure
civile.
Sous la période féodale, les rois
de France avaient l'habitude constante de prendre l'avis des barons
et des prélats qui composaient leur cour, pour les aider dans le gouvernement
du royaume.
L'institution des Etats Généraux réalisait
sur les assemblées antérieures cette innovation considérable d'admettre
les représentants des villes à siéger à côté des barons et des prélats,
et d'appeler pour la première fois le tiers état à la vie politique.
Caractères
de l'institution.
D'ailleurs, il faut bien le remarquer,
cette institution, pas plus que l'Ă©mancipation
des communes, ne doit être attribuée à une
pensée généreuse de la royauté. Elle a été comme le produit nécessaire
des institutions féodales. La meilleure
preuve en est qu'à peu près la même époque, des assemblées de ce genre
se rencontrent dans les principaux Etats de l'Europe,
notamment en Angleterre. Seulement,
alors que la féodalité tournait en France
vers la monarchie la plus absolue,
elle aboutissait de l'autre côté de la Manche ,
à l'établissement du gouvernement le plus libéral .
But
de l'institution.
La première convocation des Etats Généraux
avait été faite dans le but de procurer au roi de France l'appui moral
de la nation dans sa lutte contre le pape Boniface
VIII. C'était, en effet, là une des raisons d'être des Etats Généraux.
Mais ce n'Ă©tait pas la seule, ni la plus importante. Le plus souvent,
les Etats Généraux étaient réunis pour voter des subsides au roi.
Sur ce dernier point on avait utilisé
les principes féodaux eux-mêmes. Le roi ne pouvait lever un impôt que
sur les terres dont il était resté le seigneur haut justicier.
Lorsque, au XIVe
siècle, les ressources de son domaine étant insuffisantes pour lui permettre
de mener Ă bien les entreprises d'ordre national que les circonstances
lui inspiraient, le roi voulut faire contribuer le pays tout entier Ă
la défense des intérêts généraux, il dut obtenir le consentement des
seigneurs laïques, des seigneurs ecclésiastiques et des villes émancipées.
Il lui parut plus commode de réunir leurs représentants dans une même
assemblée, pour être autorisé a, lever un impôt sur l'étendue de leur
territoire respectif.
Composition des Etats
Généraux
Division en deux
périodes.
La composition des Etats Généraux a
varié : on peut distinguer deux périodes : l'une, qui s'étend jusque
vers la fin du XVe siècle, est la période
des débuts; l'autre qui va des dernières années du XVe
siècle jusqu'à 1789, est la période du développement définitif.
Ire
PĂ©riode.
Dans cette première période, on ne peut
pas dire que les Etats Généraux forment une assemblée élective et une
assemblée représentative.
• Ils ne forment pas une
assemblée élective. - En effet, l'élection n'intervient qu'accessoirement
dans la formation des Etats-Généraux.
Pas d'Ă©lection pour la noblesse. Les nobles
étaient convoqués personnellement par le roi, non en tant que nobles,
mais en tant que seigneurs féodaux.
Pas d'élection, en principe, pour le clergé.
Les hauts dignitaires ecclésiastiques, évêques, abbés, etc., étaient
convoqués individuellement, en qualité de seigneurs ecclésiastiques.
Il n'y avait d'Ă©lection que pour les chapitres et pour les couvents, personnes
morales, qui élisaient des procureurs pour les représenter.
Au contraire, en ce qui concerne les villes
privilégiées, le principe de l'élection s'appliquait pleinement. Chaque
ville siégeait à l'assemblée des Etats-Généraux par l'intermédiaire
des représentants qu'elle élisait.
• Ils ne forment pas une assemblée
représentative. - En effet, une partie seulement du tiers état était
représenté aux Etats Généraux, les bourgeois des villes privilégiées,
mais les habitants des bourgs et des campagnes n'y avaient aucun représentant.
2e
PĂ©riode.
Dans leur forme définitive, les Etats
Généraux constituent une assemblée élective et une assemblée représentative.
• Une assemblée élective.
Car le principe de l'élection qui ne s'appliquait au début qu'au tiers
état avait été étendu aux deux autres ordres.
• Une assemblée représentative
de la nation. Parce que désormais les habitants des campagnes et des bourgs
votaient comme les habitants des villes pour la désignation des députés
du tiers Ă©tat.
Cette double transformation paraît être
opérée lors des Etats de 1484.
Il est bon de noter que, mĂŞme dans leur
dernière forme; les Etats Généraux conservèrent le caractère particulier
d'être une représentation des groupes et non pas une représentation
des individus.
Organisation Ă©lectorale.
Nous Ă©tudierons le fonctionnement des
Etats Généraux en nous plaçant à l'époque de leur complet développement.
Unité
Ă©lectorale.
L'unité électorale était le bailliage.
C'était lui, et non ses habitants, qui était représenté aux Etats Généraux
par les députés des trois ordres. Chaque bailliage
avait le même nombre de députés indépendamment du chiffre de la population.
Système
Ă©lectoral.
L'Ă©lection Ă©tait directe, c'est-Ă -dire
à un seul degré pour le clergé et la noblesse.
Le vote par mandataire Ă©tait possible pour les deux premiers ordres; ce
procédé de votation s'imposait même lorsque l'électeur noble était
une femme ou un mineur. Dans les villes, c'étaient les notables des différents
quartiers, les délégués choisis par les corporations de métiers et
les officiers municipaux qui formaient le collège électoral chargé de
se rendre à l'assemblée de bailliage pour prendre part à l'élection.
Avaient le droit de voter pour les députés
du clergé : les titulaires de bénéfices ecclésiastiques et les représentants
des corps ecclésiastiques.
Avaient le droit de voter pour les députés
de la noblesse ceux qui étaient nobles et possédaient
un fief dans la circonscription.
Pour le tiers Ă©tat, l'Ă©lection Ă©tait
indirecte, c'est-à -dire avait lieu à plusieurs degrés.
Dans les communautés rurales, tous les
habitants imposés à la taille élisaient des électeurs du second degré.
Quelquefois mĂŞme, par raison d'Ă©conomie et pour partager les frais des
élections, les électeurs du second degré d'une communauté rurale se
réunissaient aux électeurs du second degré d'une autre communauté ou
d'une petite ville voisine, pour désigner d'autres électeurs qui prendraient
part Ă l'Ă©lection pour les uns et les autres
Les électeurs du second degré des communautés
rurales et les délégués des villes se réunissaient au chef-lieu du
bailliage.
Caractère
du mandat.
Le député aux Etats Généraux était
investi par ses électeurs d'un mandat impératif; les termes de ce mandat
résultaient des cahiers de doléances ces qui étaient rédigés à la
suite de chaque élection par des commissaires désignés dans l'assemblée
électorale. Pour le tiers état, au dernier degré d'élection, il y avait
fusion de tous les cahiers apportés par les électeurs délégués, de
façon à ce que dans chaque bailliage il y eût un seul cahier de doléances
pour chacun des trois ordres.
Le député était absolument lié par
ces instructions, comme le mandataire en droit privé par les ordres reçus
de son mandant. A tel point que si le roi appelait les députés aux Etats
Généraux à délibérer sur des questions sur lesquelles les cahiers
de doléances étaient muets, les députés étaient obligés de demander
leur renvoi devant leurs Ă©lecteurs pour recevoir de nouveaux pouvoirs
de leurs mandants.
Il en sera différemment plus tard; le
mandat impératif sera interdit (article 13, loi du 30 novembre 1875).
Pendant la période électorale, le député indique bien dans quel sens
il votera s'il est élu sur les différentes questions à l'ordre du jour.
Mais une fois élu il reste maître de son vote.
Paiement
des députés.
Il convient de signaler une autre particularité
en ce qui concerne le paiement des députés. Aujourd'hui, le député,
étant considéré comme le représentant du pays, reçoit une indemnité
pécuniaire qui est supportée par la masse des contribuables Au contraire,
le député aux Etats Généraux était considéré comme le mandataire
du bailliage, dès lors c'était le bailliage qui devait supporter l'indemnité
payée au député, chaque ordre faisant les frais de ses députés.
Fonctionnement
Absence de périodicité.
Convocation royale.
A la différence des assemblées politiques
modernes qui, les unes siègent à peu près en permanence, les autres
ont des sessions dont la tenue régulière est assurée par des dispositions
impératives de la loi, les Etats Généraux n'étaient pas périodiques.
Ils ne se réunissaient que quand il plaisait au roi de les convoquer.
Le lieu de réunion n'était pas non plus
uniforme; les Etats se tenaient lĂ oĂą se trouvait la cour, tantĂ´t Ă
Blois, tantôt à Orléans,
tantĂ´t Ă Tours, tantĂ´t Ă Paris.
Le lieu et l'époque de la tenue de l'Assemblée étaient indiqués par
des lettres de convocation que le roi adressait Ă chaque bailliage.
Organisation des
séances.
VĂ©rification
des pouvoirs.
Au jour et au lieu désignés, les députés
se réunissaient, et séparément, par ordre, ils procédaient à la vérification
de leurs pouvoirs, comme font de nos jours les assemblées politiques puis,
les députés, dans chaque ordre, toujours délibérant et siégeant distinctement,
nommaient un président et des orateurs, en vue des séances royales.
SĂ©ances
royales.
Cette formalité préliminaire accomplie,
le roi ouvrait les travaux de l'assemblée par une séance qu'il présidait
en personne ou qu'il faisait présider par son chancelier; dans cette séance,
le roi exposait le but de la réunion des Etats et ce qu'il réclamait
aux Etats. Les trois ordres étaient invités à délibérer sur les questions
qui leur étaient soumises par le roi. On appelait cette séance l'os
apertum (la bouche ouverte) parce que, par là , il était censé ouvrir
la bouche aux députés.
RĂ©unions
et délibérations des trois ordres.
Les trois ordres tenaient leurs séances
et délibéraient séparément. Cependant, dans deux circonstances la délibération
en commun fut pratiquée : aux Etats de 1356 et de 1484.
Dans chaque ordre, il s'opérait une fusion
des cahiers apportés par les députés de tous les bailliages, en sorte
qu'il n'y avait que trois cahiers de doléances en définitive, un pour
chacun des trois ordres.
Mode
de votation.
Dans les assemblées de chaque ordre,
on ne votait pas par tĂŞte, mais par bailliage, chaque bailliage ayant
une voix, et c'était la majorité des députés de chaque bailliage qui
décidait dans quel sens le bailliage se prononçait. La voix du bailliage
Ă©tait perdue s'il y avait partage d'opinion entre ses membres.
Il faut noter enfin que pour qu'une décision
pût être prise par les Etats Généraux, il ne suffisait pas de la majorité
des deux ordres contre le troisième; il fallait un vote conforme des trois
ordres.
ClĂ´ture
des travaux.
Pendant la tenue des États Généraux
des séances royales avaient lieu au cours desquelles les orateurs élus
des trois ordres exposaient les résultats de leurs délibérations.
Enfin, la clôture des Etats était prononcée
par le roi dans une dernière séance où chaque ordre lui remettait les
cahiers de ses doléances.
Attributions des Etats
généraux
Attributions normales.
Bien que les attributions des Etats Généraux
n'aient jamais été bien définies, on peut dire que, d'une façon normale,
ils jouaient un double rĂ´le : ils votaient les impĂ´ts et ils adressaient
au roi des doléances.
Vote de l'impĂ´t.
Au moment où les Etats Généraux furent
convoqués pour la première fois en 1302, il était admis en principe
qu'aucun impôt général ne pouvait être levé par le roi sans le consentement
des Etats Généraux. A la fin du XIVe
siècle, ce principe avait cessé de s'appliquer, par suite de l'existence
d'un certain nombre d'impôts permanents. Mais il revint momentanément
en vigueur par la force des choses pendant la lutte de Charles
VII contre les Anglais : les Etats
Généraux furent réunis chaque année pour voter des subsides.
Cependant, les Etats Généraux abandonnèrent
d'eux-mêmes, volontairement, leur prérogative quant aux impôts, en votant
la permanence des aides Ă Tours en 1435, et la permanence de la taille
à Orléans, en 1439. Cette abdication des Etats Généraux était assez
conforme au voeu du pays qui ne voyait dans la réunion des Etats qu'une
source de dépenses.
A la fin du XVe
siècle, aux Etats Généraux de Tours, en 1484, il y eut bien une tentative
sérieuse pour faire triompher le principe libéral que l'impôt doit être
voté par le peuple qui le paie. Les représentants des trois ordres ne
votèrent l'impôt que pour deux ans, en le réduisant au chiffre qu'il
avait eu sous Charles VII. Mais cette tentative échoua; lorsque la royauté
fut sortie des embarras de la régence, elle reprit ses anciens errements.
Au XVIe
siècle, les Etats Généraux ne réclamaient plus le droit de voter périodiquement
les impôts qui, en fait, étaient établis d'une façon permanente, tels
que la gabelle, les aides et la taille; mais ils émirent la prétention
qu'aucun impôt nouveau ne devait être levé sans leur autorisation.
Même ainsi réduite, la prétention des
Etats ne fut pas admise par la royauté, qui avait désormais la faculté
de lever de nouveaux impôts de sa seule autorité. Si, parfois encore,
elle convoquait les Etats Généraux et leur demandait de voter des subsides,
c'Ă©tait par pure mesure politique et pour faire accepter plus faci lement
par la population des charges votées par leurs représentants.
Doléances.
Au début, les Etats Généraux étaient
invités par le roi à formuler leurs avis sur les questions qui avaient
été la cause de leur convocation. Plus tard, les Etats Généraux profitent
de leur réunion pour exposer au roi leurs griefs et lui demander d'y donner
satisfaction. Le roi y fait droit pour obtenir par voie de compensation
les subsides dont il a besoin.
Enfin, au XVe
siècle, ce sont les électeurs eux-mêmes, ainsi qu'il a été expliqué
plus haut, qui dressaient des cahiers de doléances qu'ils chargent leurs
députés de porter aux Etats Généraux. Il y avait fusion, dans chaque
ordre, des cahiers des députés de tous les bailliages, en sorte qu'il
n'y avait, en définitive, qu'un cahier pour le tiers état, un pour la
noblesse, un pour le clergé.
En droit, le roi avait la faculté de ne
tenir aucun compte des réclamations des Etats. Et même quand le roi était
très disposé à faire passer dans une ordonnance les réformes demandées,
il y avait lieu de craindre l'opposition du Parlement
au moment de l'enregistrement de l'ordonnance. Mais, en fait, il arriva
souvent que les cahiers de doléances furent le point de départ des principales
ordonnances royales. Ainsi, l'ordonnance de Blois de 1579 a été rendue
Ă la suite des Etats de Blois de 1576.
Jalons chronologiques
Les premières sessions
des Etats Généraux.
Les premières sessions
des Etats généraux se sont tenues dans la première moitié du XIVe
siècle.
Etats
du 10 avril 1302, dans l'Ă©glise Notre-Dame, Ă Paris.
Convoqués par Philippe
le Bel Ă propos de sa querelle avec Boniface VIII, les trois ordres,
après avoir entendu les harangues du chancelier Pierre Flotte et de Robert
II, comte d'Artois, se déclarèrent pour le roi contre le pape.
États
du 13 juin 1303, au Louvre.
Cette assemblée entendit un violent réquisitoire
de Guillaume de Nogaret contre Boniface VIII,
et en appela des décisions de ce pontife à un futur concile.
Etats
de Tours, 1308.
Consultés par Philippe le Bel sur l'abolition
de l'ordre des Templiers, ils prononcèrent
que ces chevaliers Ă©taient dignes de mort.
Etats
de 1313 et de 1314.
Ils eurent à voter sur la levée des
tailles. On n'y avait appelé, pour le tiers état, que les députés de
40 villes.
États
de 1317.
Appelés à trancher la question de succession
au trône après la mort de Louis X, le Hutin,
ils firent prévaloir la loi salique, et se prononcèrent contre Jeanne
de Navarre, fille du dernier roi, au profit de son oncle Philippe
V, le Long.
États
de 1328.
Ils consacrèrent de nouveau l'incapacité
des femmes à hériter de la couronne de France, exclurent le roi d'Angleterre
Édouard III, qui y prétendait
du chef de sa mère Isabelle, fille de
Philippe le Bel, et approuveront l'élévation de Philippe
VI de Valois, neveu de ce prince, petit-fils de Philippe
le Hardi et fils de Charles de Valois.
États
du 16 février 1351.
Ils votèrent, après d'assez vifs débats,
les subsides demandés par Jean le Bon.
Sous le règne
de Jean le Bon, de 1355 Ă 1358.
Pendant la captivité du roi Jean, les
Etats se réunirent fréquemment, et ils exercèrent des attributions analogues
à celles d'un parlement moderne. Ils votèrent l'impôt rendu nécessaire
par la guerre contre les Anglais; et pour
en assurer l'établissement régulier, ils nommèrent des délégués spéciaux,
ou Elus, pour en opérer la répartition, et des receveurs pour en payer
le montant aux armées.
États
de la langue d'oïl, à Paris, en décembre 1355.
Pierre de La ForĂŞt, archevĂŞque de Rouen
et chancelier de France, demanda des subsides au nom du roi Jean, pour
faire la guerre aux Anglais. Jean de Craon, archevĂŞque de Reims,
fut l'orateur du clergé; Gauthier de Brienne, duc
d'Athènes, celui de la noblesse; et Étienne
Marcel, prévôt des marchands de Paris,
celui de la bourgeoisie. Les états accordèrent la solde de 30,000
hommes d'armes pour un an, au moyen d'une gabelle sur le sel et d'une taxe
sur les ventes. Mais ils obtinrent de la royauté certaines concessions
qui ne tendaient à rien moins qu'a constituer un pouvoir représentatif.
Ainsi, le roi renonça au maniement de toutes finances, autres que les
revenus du domaine; les états s'attribuèrent la surveillance, l'administration
et l'emploi des fonds, nommèrent des receveurs et des trésoriers, sous
la direction de deux receveurs généraux, et placèrent au-dessus de ces
agents une commission de 9 généraux et superintendants (3 clercs, 3 nobles
et 3 bourgeois). Ils devaient se réunir en mars et en novembre de l'année
suivante, pour recevoir les comptes de cette commission.
États
de Paris, en mars 1356.
Beaucoup de villes, voyant dans ces assemblées,
non pas une occasion de manifester la volonté nationale, mais un moyen
de leur arracher de l'argent, n'envoyèrent pas de députés. Les impôts
établis par les états précédents ayant été mal accueillis, ceux-ci
les remplacèrent par une taxe proportionnelle sur les revenus.
États
d'octobre 1356.
Ils se réunirent, après la bataille
de Poitiers, sur la convocation du dauphin
Charles, duc de Normandie, un mois avant
l'époque déterminée par les états de 1355, ceux de la langue
d'oc Ă Toulouse, ceux de la langue
d'oĂŻl Ă Paris. Les Ă©tats de la langue
d'oc votèrent un subside pour la défense du pays, et décidèrent que,
jusqu'à la délivrance de Jean le Bon, prisonnier des Anglais, et pendant
la durée des désastres publics, il n'y aurait aucune fête, aucune manifestation
de joie, et que l'on ne porterait pas de vĂŞtements de luxe. Les Ă©tats
de la langue d'oĂŻl furent hostiles au pouvoir royal; le parti populaire,
auquel s'était joint presque tout le clergé, y domina. A l'instigation
de Robert le Coq et d'Étienne Marcel, qui en étaient les chefs, l'assemblée
nomma une commission de 80 membres, qui formula les demandes des trois
ordres : 7 des principaux officiers de la couronne devaient être arrêtés
et jugés; le dauphin Charles devait accepter un conseil de surveillance
formé de 4 prélats, 12 nobles et 12 bourgeois; les anciennes libertés
féodales et communales devaient être rétablies comme au temps de Philippe
le Bel. A ces conditions, les états accordaient, pour une année, un décime
et demi (15%) sur tous les revenus, et un homme armé par cent feux. Charles
promit de convoquer bientôt une nouvelle assemblée, pour donner sa réponse.
États
de février 1357.
Moins nombreuse, mais plus ardente encore
que la précédente, cette assemblée proposa au Dauphin 30,000
hommes et l'argent nécessaire pour les solder, mais demanda en retour
: le renvoi de 22 ministres et officiers de la couronne; la faculté pour
les états de s'assembler deux fois par an, sans convocation; la création
d'un conseil de 36 réformateurs, élus par les états pour administrer
le royaume; l'envoi de commissaires extraordinaires dans les provinces,
avec mission de punir et de réformer les abus. Charles consentit à tout
: il renonça à toute imposition non votée par les états, promit de
ne rien détourner du Trésor, abandonna aux commissaires des états la
perception et l'emploi des fonds, s'engagea Ă rendre la justice avec promptitude
et impartialité, à ne plus tolérer les tribunaux d'exception, à ne
plus vendre les offices de judicature, à ne pas altérer les monnaies,
dont le modèle serait désormais donné par le prévôt des marchands
de Paris, à ne pas aliéner les domaines de la couronne; il s'interdit
les emprunts forcés, autorisa la résistance armée à toute entreprise
illégale, et déclara les membres des états inviolables. Le conseil des
36 commença immédiatement ses opérations : il exila presque tous les
conseillers royaux, s'empara des coins de la monnaie, destitua une foule
d'officiers de justice et de finances, sépara les attributions de la chambre
des comptes et celles du parlement, renouvela les membres de ces deux cours,
créa la cour des aides, et abolit le droit de pourvoirie. C'était toute
une révolution; mais l'initiative de la ville de Paris ne fut pas soutenue
par les provinces, l'esprit de localité arrêta le mouvement, l'éducation
politique et financière de la bourgeoisie était trop peu avancée, et
enfin les violences que Marcel commit dans Paris alarmèrent les esprits,
qui ne tardèrent pas à déserter la cause populaire.
États
de janvier 1358.
Ils commencèrent la réaction contre
l'assemblée précédente; les députés, peu nombreux, autorisèrent le
Dauphin, pour remédier à la détresse du Trésor, à émettre une monnaie
dont la valeur réelle était très faible. Réunis de nouveau en février,
ils l'invitèrent à changer le titre de lieutenant du roi contre celui
de régent.
États
de Compiègne, mai 1358.
Convoqués par le Dauphin, ils furent
très peu nombreux. Ils demandèrent la stabilité des monnaies, et, supprimant
les aides précédemment accordées, établirent une aide nouvelle : du
10e des revenus pour le clergé, du 20e
pour les nobles, et d'un demi-Ă©cu par jour pour 70 feux de bourgeois,
pour 100 feux de paysans libres, pour 200 feux de serfs. Des commissaires
nommés par les états devaient prélever cet impôt, dont le 100 seulement
était affecté aux dépenses des hôtels royaux.
Les Etats généraux
de 1359 jusqu'à la fin du règne de Louis XI.
États
de Paris, mai et juin 1359.
Le traité négocié en Angleterre
par le roi Jean pour sa délivrance fut rejeté comme onéreux. La levée
de nouvelles troupes et d'un subside pour continuer la guerre fut décrétée.
Etats
d'Amiens, décembre 1363.
Ils votèrent des subsides de levée de
troupes, afin de chasser de France les bandes d'aventuriers ( La
Criminalité au Moyen âge), et défendirent aux seigneurs de se faire
la guerre entre eux, de piller les marchands et les voyageurs, etc.
Etats
de Paris, mai 1369.
Charles V les
consulta sur l'appel à lui adressé par les seigneurs de la Guyenne
contre le prince Noir. Ils décidèrent que
le roi ne pouvait rejeter cet appel, et lui votèrent des subsides pour
l'entretien de sa maison.
États
de Compiègne, avril 1382.
Les députés du tiers état refusèrent
d'accorder aucun subside, à cause du mécontentement provoqué par les
exactions des membres du conseil qui gouvernaient au nom du roi Charles
VI.
États
de Paris, 1413.
Charles VI les convoqua, Ă l'instigation
du duc de Bourgogne, sous prétexte de
remédier aux désordres de l'administration, mais en réalité pour obtenir
un subside. Les Bourguignons seuls y figurèrent.
Un carme, Eustache de Pavilly, y lut un curieux
mémoire sur les vices de l'administration et les moyens de les faire disparaître.
Ce fut le programme de la célèbre ordonnance cabochienne ( Les
Cabochiens).
États
de Paris, décembre 1420.
Ils approuvèrent le traité de Troyes,
et votèrent un subside, sous l'empire des menaces du roi d'Angleterre
Henri V.
États
de Chinon, octobre 1428.
Ils accordèrent à Charles
VII une aide de 400,000 livres.
États
d'Orléans, octobre 1439.
Cette assemblée déclara que les revenus
du domaine suffisaient Ă l'entretien
du roi et de sa maison, et que les aides et gabelles devaient être réservées
pour les diverses dépenses d'administration. Elle affecta à l'entretien
d'une armée permanente une taille annuelle, fixe et permanente, de 1,200,000
livres. Elle provoqua enfin contre les déprédations des gens de guerre
l'ordonnance royale qui fut la cause de la Praguerie ( Le
Règne des Valois).
États
de Tours, avril 1468.
On y décida, malgré les efforts des
membres de la ligue du Bien public, que la Normandie ne pouvait être détachée
de la couronne au profit de Charles, frère de Louis
XI, et que l'apanage des princes ne consisterait Ă l'avenir qu'en
un domaine de 12,000 livres de rente.
États de Tours,
du 15 janvier au 14 mars 1484.
Ces Etats, convoqués
à Tours, après la mort de Louis XI, pendant
la régence d'Anne de Beaujeu, sont demeurés
célèbres dans l'histoire en raison des théories empreintes d'un grand
libéralisme, qui y furent développées
par divers orateurs. Notamment, un orateur de la noblesse, Philippe Pot,
député de la Bourgogne, exposa - mais sans que cela ne fût suivit du
moindre effet - que les princes étaient institués, non pour s'enrichir
aux dépens du peuple, mais pour oublier leurs intérêts, enrichir et
faire avancer la chose publique.
«
Il n'y a que des flatteurs, disait il, qui attribuent la souveraineté
au prince, laquelle n'existe que par le peuple [...]. La chose publique
est la chose du peuple; c'est lui qui l'a confiée aux rois. »
Ce sont les mĂŞmes Etats
qui protestèrent contre l'impôt permanent, et affirmèrent le droit de
voter l'impôt par les représentants du peuple : le vote de l'impôt était
un droit national; ils n'accordèrent un don de 1,500,000
livres que pour deux ans, et obtinrent du roi l'assurance que l'assemblée
serait périodiquement convoquée.
Jusqu'alors on n'avait convoqué que les
députés des villes murées; on appela à cette assemblée ceux des bailliages
et des sénéchaussées, et les représentants
des campagnes. Pour la première fois aussi, on observa des formes qui
ressemblent à celles des assemblées législatives modernes; il y eut
des règles de délibération, une discussion suivie et motivée. Les états
se partagèrent, non par ordres, mais en 6 bureaux, qui correspondaient
aux 6 grandes généralités financières du royaume, aux 6 nations ou
régions entre lesquelles était partagé le territoire. Chaque bureau
rédigea un cahier de griefs; puis les 6 bureaux réunis élurent 36 commissaires,
chargés de résumer les cahiers particuliers en un cahier général. Le
clergé demanda le rétablissement de la pragmatique
sanction, abandonnée par Louis XI, et des libertés de l'Église ( L'Eglise
Gallicane) consenties par le concile de
Bâle; la noblesse
réclama le rétablissement de ses juridictions et prérogatives violées
sous le règne précédent, la destitution des conseillers du feu roi,
le droit exclusif de garder les places fortes et de commander les troupes,
et se plaignit des convocations trop fréquentes de l'arrière-ban; le
tiers Ă©tat protesta contre la pesanteur des tailles et les violences des
percepteurs et des soldats. Les trois ordres s'accordaient Ă demander
la révocation des aliénations du domaine royal, la diminution du nombre
et des gages des officiers royaux, et la suppression des pensions. Au sujet
de la régence de Charles VIII, que le duc
d'Orléans disputait à Anne de Beaujeu, soeur du jeune roi, l'assemblée
décida que l'autorité appartiendrait à un conseil composé de 12 membres
désignés par le roi, auxquels seraient adjoints 12 autres membres choisis
par les états; mais la garde et tutelle privée du roi demeurait confiée
à Anne de Beaujeu, qui devait conserver ainsi la réalité du pouvoir.
Les Etats généraux
des XVIe et XVIIe
siècles.
États
de Tours, mai 1506.
Ils se prononcèrent contre le mariage
de Claude de France, fille de Louis
XII, avec Charles d'Autriche, et, par l'organe de Thomas Bricot, chanoine
et député de Paris, demandèrent que la princesse fût unie à François
d'Angoulême ( François
Ier).
États
de 1558, au Palais de Justice de Paris.
Henri II, après
la défaite de Saint-Quentin, se fit
donner, sous le nom d'emprunt, un subside de 3 millions d'Ă©cus. Le parlement
avait été appelé en corps à cette assemblée, où il forma un ordre
distinct.
États
d'Orléans, décembre 1560.
Ils approuvèrent la régence de Catherine
de Médicis au nom de Charles IX, et présentèrent
au chancelier Michel de L'HĂ´pital de longs cahiers de dolĂ©ances. DelĂ
sortirent des règlements administratifs, des lois commerciales qui devinrent
le droit commun dans les siècles suivants.
États
de Pontoise, août 1561.
Les députés du clergé n'y assistèrent
pas. On s'occupa, mais sans effet, de la pacification des troubles
religieux, et l'on accorda pour 6 ans un subside sur les boissons.
Puis l'assemblée fut transférée à Saint-Germain
en Laye, où, réunie aux députés du clergé, elle promit d'acquitter
les dettes du roi, s'Ă©levant Ă 15 millions.
États
de Blois, décembre 1576.
L'Ă©dit de pacification accorde par Henri
III aux huguenots y fut révoqué, et le
roi lui-même se déclara chef de la Ligue.
Mais, en poussant à une nouvelle guerre de religion, l'assemblée refusa
au roi les subsides qu'il demandait pour la soutenir.
États
de Blois, du 16 octobre 1588 au 17 janvier 1589.
Composés, en majorité, de ligueurs ardents,
ils cachèrent mal leur dessein de donner la couronne au duc Henri
de Guise. Henri III fit assassiner ce rival, ainsi que son frère le
cardinal de Guise.
États
de la Ligue, 1593, Ă Paris.
Cette assemblée, tenue pendant le siège
de Paris par Henri IV, et, par conséquent, très
incomplète, devait élire un roi. Elle se prononça énergiquement contre
les prétentions de Philippe II et
contre l'infante d'Espagne Isabelle-Claire-Eugénie. La Satire Ménippée
couvrit les députés de ridicule, et l'abjurationde Henri IV leur enleva
tout motif sérieux de résistance.
États
de 1614, Ă Paris.
Les Etats tenus
à Paris en 1614 furent convoqués à l'époque de la majorité de Louis
XIII. Ils sont les derniers qui furent réunis avant la Révolution
française. Ils furent l'occasion de dissensions entre les représentants
des trois ordres qui ne s'entendirent sur aucune des réformes à proposer
à la royauté, la noblesse demandant l'abolition de la vénalité des
charges, le clergé la publication des décrets du concile
de Trente et le tiers Ă©tat la diminution des pensions et des impĂ´ts.
Le temps se passa
en discussions stériles sur les rapports du pouvoir spirituel du pape
et du pouvoir temporel des rois de France.
C'est au cours de cette session que le futur grand ministre de Louis XIII,
Armand Duplessis de Richelieu, Ă©vĂŞque de
Luçon, âgé de vingt-neuf ans, se fit remarquer
par son esprit politique et par son ardent désir d'arriver.
Après une vérification orageuse des pouvoirs,
on procéda à la rédaction des cahiers. Le clergé demanda la réduction
des dépenses et des pensions, la suppression de la vénalité des charges,
la restitution des biens de l'Église possédés
par les huguenots, l'admission des ecclésiastiques dans les grandes charges
de l'État et dans le conseil du roi, l'introduction en France des décrets
du concile de Trente; il se plaignit qu'on donnât aux laïques soit des
bénéfices, soit des pensions sur les abbayes.
La noblesse, adhérant au cahier du clergé, demandait en outre à être
maintenue dans ses honneurs, droits, franchises et immunités, à posséder
seule des armoiries, prétendait que les anoblissements faits depuis Henri
II fussent abolis, et réclamait l'abolition de la paulette ou droit annuel.
Le tiers demanda la convocation des états généraux tous les dix ans,
la suppression de la paulette, des pensions et offices inutiles, l'Ă©conomie
dans les finances, la diminution des impĂ´ts. Il voulait, en outre, obliger
le clergé à reconnaître que le pape n'avait aucune autorité sur le
gouvernement temporel du royaume, et Ă condamner formellement la doctrine
du régicide. Les trois ordres refusèrent mutuellement de se faire des
concessions sur les plaintes formulées par chacun d'eux; le désordre
s'aggrava par des discussions au sujet des préséances; le clergé et
la noblesse eurent de violentes querelles avec le tiers état. Les députés
ne furent d'accord que contre les financiers, et demandèrent l'établissement
d'une chambre de justice pour juger les malversations. La cour prononça
la dissolution des états, après avoir promis beaucoup de réformes qu'elle
n'exécuta pas.
Etats généraux
de 1789.
Les Etats généraux, qui se sont tenus
à partir de 1789, ont pris le nom d'Assemblée nationale, puis d'Assemblée
nationale constituante. Ils marquent la fin de la monarchie absolue.
Assemblée
nationale.
Dès 1787, à la première assemblée
des notables, Lafayette avait demandé que le
roi voulût bien convoquer mieux que les états
généraux, une Assemblée nationale. Lorsque les états se réunirent
Ă Versailles, le 5 mai 1789, le tiers,
qui avait obtenu la double représentation, demanda que la vérification
des pouvoirs fût faite en commun par les trois ordres. Les privilégiés
s'y refusèrent, et, le 17 juin, les députés du tiers état, considérant
qu'ils représentaient à eux seuls les 96 centièmes de la nation, se
déclarèrent Assemblée nationale à la majorité de 491 voix contre 90.
Le nom d'Assemblée nationale fut adopté sur la proposition d'un député
du Berry, nommé Legrand, avocat à Chateauroux.
Sieyès avait proposé la dénomination d'assemblée des representants
connus et vérifiés de la nation française, et Mirabeau,
celle de représentants du peuple français. Cependant le haut clergé
et la noblesse résistaient encore.
Le 20 juin , la salle des séances du tiers
est fermée par ordre du roi; alors les députés se rendent avec leur
président Bailly dans une salle de jeu de paume,
où l'on jure de ne pas se séparer avant d'avoir donné une constitution
à la France. Le 23 juin, le roi dent exposer un plan de réformes préparé
par Necker; mais il veut que l'on conserve la
distinction des trois ordres, et son plan est froidement accueilli. Il
avait ordonné, en terminant, que l'on se séparât immédiatement; la
noblesse et une partie du clergé s'étaient retirées; les autres députés
restèrent à leurs places, silencieux, immobiles. Mirabeau répondit par
une foudroyante apostrophe au maître des cérémonies Dreux-Brezé,
qui venait rappeler au président les ordres du roi. L'enthousiasme fut
au comble; on déclara traître à la patrie quiconque tenterait de dissoudre
l'assemblée, et le 27, Louis XVI lui-même
engagea la noblesse à se réunir au tiers, mais ce fut seulement le 15
juillet, après la prise de la Bastille,
qu'il consentit à donner à l'assemblée le titre d'Assemblée nationale
Assemblée
nationale constituante.
Le 20 juin 1789, les députés du tiers
état avaient juré de ne pas se séparer et de se réunir partout où
besoin serait, jusqu'à ce que la France eût une constitution. Les trois
ordres, réunis le 27 juin, formèrent l'Assemblée
nationale constituante. Pendant que ces événements s'accomplissaient
Ă Versailles, l'agitation augmentait Ă Paris. Le renvoi de Necker, la
formation d'un ministère hostile à la révolution, sous la presidence
du vieux maréchal de Broglie, la concentration d'une armée sous Paris,
amenèrent l'insurrection du 14 juillet et la prise de la Bastille. Louis
XVI dut céder sur tous les points. Necker fut rappelé, Bailly devint
maire de Paris, Lafayette commandant de la milice nationale; la cocarde
tricolore fut adoptée. Dans la nuit du 4 août, l'assemblée, sur la proposition
du vicomte de Noailles, vota avec des transports d'enthousiasme l'abolition
de tous les privilèges, des droits féodaux et l'égalité de tous les
Français. Louis XVI fut proclamé le restaurateur des libertés publiques.
Mais le 1er octobre, l'appel du régiment
de Flandre et le banquet que leur offrirent les gardes du corps furent
le prétexte d'un nouveau soulèvement du peuple parisien, surexcité par
la famine; le 5, Versailles est envahi; le 6, la foule pénètre dans le
château, le roi et sa famille sont forcés de venir résider à Paris.
De ce jour, la royauté fut captive.
L'Assemblée siégea dés lors à Paris,
d'abord à l'archevêché, puis aux Tuileries.
La loi martiale, 21 octobre, lui rendit quelque sécurité, mais les événements
l'entraînaient malgré elle. Les clubs
et les journaux poussaient à la déchéance de la royauté et à la proclamation
de la république. Les troubles des provinces n'étaient pas moins inquiétants
que ceux de la capitale. La confiscation des biens du clergé, surtout
le serment civique que l'on exigea des ecclésiastiques, provoquèrent
des résistances auxquelles l'Assemblée répondit par des mesures de rigueur.
Elle appela et réunit dans une fête commune, la fédération du 14 juillet
1790, les députations de toutes les villes, de toutes les gardes nationales
de France et des divers corps de l'armée, qui vinrent saluer et reconnaître
les principes de la révolution.
Necker se retira, en septembre 1790. Mirabeau
aurait voulu le remplacer : après s'être montré ardent révolutionnaire,
il s'était rapproché de la cour, et avait vendu ses services à Louis
XVI, sans lui vendre ses opinions. Mais il mourut le 2 avril 1791, et le
roi, qui n'avait pas osé ou pas voulu suivre ses conseils, ne songea plus
qu'Ă s'Ă©chapper de Paris. Il s'enfuit avec sa famille, dans la nuit du
20 au 21 juin 1791 ; arrêté
Ă Varennes, il fut de retour le 25, et fut suspendu de ses fonctions
jusqu'à l'achèvement de la constitution, à laquelle Louis prêta serment
le 13 septembre 1791. Le 30 du même mois, la Constituante se séparait
pour faire place à l'Assemblée
législative, dont aucun de ses membres ne devait faire partie,
L'Assemblée constituante avait rendu 2500
lois ou décrets, parmi lesquels il faut citer-:
1° la déclaration des droits
de l'homme et du citoyen, qui résume les principes de 1789 : égalité
devant la loi et devant l'impôt; admissibilité de tous les Français
aux emplois publics; liberté individuelle, liberté religieuse, liberté
de la presse, liberté du travail; sécurité garantie à tous les citoyens;
inviolabilité de la propriété privée; droit de résistance légale
Ă l'oppression;
2° la constitution politique,
de 1791 : séparation du pouvoir exécutif, confié à un roi héréditaire,
et du pouvoir législatif, attribué à une Assemblée unique et souveraine.
Mirabeau reprochait à cette constitution d'être trop républicaine pour
une monarchie, ou pour une république, d'avoir un roi de trop;
3° la division du territoire français
en 83 départements et des départements en districts, cantons et municipalités
ou communes, dans le but de faire disparaître toute trace des anciennes
provinces et jusqu'au souvenir de l'époque féodale;
4° la prise de possession par l'Etat des
domaines ecclésiastiques, déclarés propriétés nationales; l'émission
d'un papier-monnaie, les assignats, garanti par les biens du clergé; la
simplification du système financier (contributions directes et indirectes)
remplaçant tous les impôts de l'Ancien régime;
5°une nouvelle organisation judiciaire
: un juge de paix par canton, un tribunal civil par district, un tribunal
criminel assisté d'un jury par département, un tribunal de cassation
pour toute la France;
3° la constitution civile du clergé,
qui détachait l'Eglise de France du Saint-siège, et fut repoussée par
la très grande majorité des ecclésiastiques;
7° l'abolition définitive des douanes
intérieures, des corporations de métiers; le droit accordé aux inventeurs
d'exploiter seuls leurs inventions, le droit de propriété littéraire
assuré aux écrivains, etc.
Parmi les réformes ou les créations de l'Assemblée
constituante, beaucoup ont été depuis étendues ou restreintes, améliorées
ou transformées au cours du XIXe siècle.
Elles ont trouvé, depuis 1789, des défenseurs énergiques et des adversaires
passionnés; mais ceux-là même ont rarement attaqué et n'ont jamais
pu sérieusement atteindre les deux principes qui résument toute l'oeuvre
de la Constituante : l'égalité civile et le gouvernement représentatif.
(René Foignet / Dz). |
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