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L'Antiquité.
Sous une apparente uniformité de langue
et de coutumes, les Corses cachent une extraordinaire diversité d'origines.
On ignore quels furent leurs premiers pères : Ibères,
venus d'Espagne ;
Ligures, venus de Gaule
ou d'Italie ,
voire Africains arrivés du Tell? Puis,
l'histoire se dégageant quelque peu des ténèbres, Kyrnos ce fut
le premier nom de l'île reçut des Phocéens,
fondateurs d'Aleria, des Phéniciens,
des Etrusques, des Carthaginois,
et déjà les peuples de la Méditerranée
se disputaient l'île aux forêts, qui n'avait pas encore de maquis.
En 237 av. J.-C,
les Romains portèrent en Corse
leurs armes victorieuses, et s'emparèrent d'Aléria sans donner à leur
agression aucun autre prétexte que la crainte de voir cette place importante
tomber aux mains des Carthaginois. Mais ce ne fut pas sans peine
qu'ils soumirent les insulaires « inhabiles au joug
». Les Corses parvinrent à se soustraire momentanément au joug
des Romains; mais ceux-ci parvinrent presque immédiatement à reprendre
Aléria. La conquête de la Corse fut une des plus difficiles qu'aient
accomplies les Romains : la lutte dura près d'un siècle, elle nécessita
huit expéditions consécutives, et elle fut un des plus beaux titres de
gloire du consul Scipion Nasica, qui l'acheva.
La Corse fut florissante sous les Romains,
qui y établirent deux grandes colonies
près des embouchures du Golo et du Tavignano. Mariana, la première de
ces colonies, fut fondée par Marius, d'où lui
vint son nom. Aléria, sur le Tavignano, fut rebâtie par Sylla,
qui lui laissa son ancienne dénomination. La population de la première
de ces villes devait être de 25 à 30,000
habitants; celle de la seconde, de 35 Ã 40,000.
Sous la domination romaine, la Corse renferma, selon le témoignage de
Pline, trente-trois villes, dont vingt-sept seulement
sont mentionnées par Strabon.
La Corse du Moyen
âge au début du XVIIIe siècle.
La prospérité de la Corse s'éteignit
avec l'empire romain .
Conduits par Genséric, les Vandales
la ravagèrent vers le milieu du Ve
siècle de notre ère. Les Goths
et les Lombards leur succédèrent. Mais
la Corse, que soutenait l'empereur d'Orient ,
résista vigoureusement à ces diverses irruptions; les Germains
ne purent rester dans l'île. La Corse resta donc entre les faibles mains
des empereurs d'Orient jusqu'à la dernière moitié du VIIIe
siècle, où Charlemagne, qui
venait de conquérir la Lombardie ,
la leur enleva, comme un poste dangereux par sa proximité de l'Italie .
Avant d'entreprendre la conquête de l'île de Corse, le grand empereur
en avait fait nominalement don au pape; il la lui remit donc : mais comme
celui-ci n'était pas en état de la défendre contre les Sarrasins,
elle resta sous la protection immédiate de l'empereur d'Occident, représenté
par un gouverneur. Sous les faibles successeurs de Charlemagne, cette île
subit le joug féodal, comme presque toute
l'Europe ;
mais elle prit part, dès le XIe
siècle, au soulèvement des communes. La partie
occidentale, s'étant révoltée contre la tyrannie des seigneurs, se choisit
des chefs qu'elle nomma caporaux (caporali), et s'organisa, sous
le nom de terre de commune, en une sorte de république
fédérative. Sambucuccio fut le héros de ce mouvement populaire, qui
ne s'étendit pas à la partie occidentale de la Corse, restée tout entière
sous le joug des barons. Mais l'organisation communale ne dura pas longtemps
en Corse; car aucun pays n'a peut-être montré autant d'instabilité polilique;
et il n'en est aucun dont l'histoire offre le spectacle de guerres intestines
plus longues et plus acharnées.
En 1077,
lassés de guerres civiles, les Corses défèrent au pape Grégoire
VII la souveraineté de leur île, conformément à l'ancienne donation
de Charlemagne; et cette donation et sa reconnaissance
par les Corses forment le point capital de leur histoire, car on y trouve
le principe de tous les malheurs de l'île pendant le cours de huit siècles.
Grégoire VII ne voulut pas se charger de l'administration de la Corse;
il en donna l'investiture aux évêques de Pise ,
en se réservant la moitié des impôts. En 1091,
les évêques de Pise obtinrent du pape Urbain II, moyennant une simple
redevance, la possession pleine et entière de la Corse. Cet accroissement
de la république de Pise excita la jalousie de Gênes ,
et après de longues négociations, le pape décida, pour rétablir l'équilibre,
que la moitié des évêchés de la Corse relèverait de l'évêque de
Gênes, tandis que l'autre moitié resterait soumise à celui de Pise.
C'est de cette manière que commença en Corse la domination génoise,
si oppressive et si désastreuse pour ce malheureux pays.
La lutte entre Pise et Gênes ne tarda
pas à se déclarer en Corse. Gênes commença l'agression en s'emparant
de Bonifacio
sous un vain prétexte. Cet acte de violence fut suivi de plusieurs affaires,
et en 1284 une grande bataille navale,
que perdirent les Pisans, fut le signal de leur expulsion définitive;
ils durent bientôt après quitter l'île, où les Génois s'emparèrent
de toutes les positions importantes. Alors le pape revendiqua son droit
de souveraineté sur la Corse, et il l'offrit en don au roi d'Aragon '
Alphonse. Ce roi en fut chassé
par les Génois; il revint; puis, enfin les Corses, privés de l'appui
de Pise, divisés entre eux et impatients du joug de ce prince, s'assemblèrent
en diète nationale, et déférèrent, d'un commun accord, la souveraineté
de leur île à la république de Gênes. Rédigé en 1347,
l'acte de cession fut envoyé à Gênes par quatre délégués de la diète,
et accepté par le chef de la république, qui jura d'en observer fidèlement
toutes les clauses.
Cet acte portait que les Corses s'obligeaient
à payer une redevance fixe à Gênes, qui,
en échange, s'engageait à maintenir l'ordre dans l'île. La garde des
droits et privilèges des Corses était confiée à une assemblée nommée
par les insulaires. Un membre de cette assemblée devait résider à Gênes,
comme représentant de la nation corse. Aucun impôt nouveau ne pouvait
être établi sans le consentement du conseil insulaire. Enfin, le tribunal
suprême était composé par moitié de Corses et de Génois. Cet acte
ne fut pas fidèlement exécuté, et un siècle environ après l'époque
qui le vit conclure, Gênes ne possédait plus dans l'île, par suite des
guerres presque continuelles que lui avaient attirées ses injustices,
que quelques points dont les plus importants étaient Calvi
et Bonifacio .
Les Espagnols, revenus à la faveur de
la guerre civile, occupaient la région ultramontaine et le Fiumorbo; enfin,
presque toute la terre de commune se trouvait aux mains de la famille des
Campo-Fregosa, Génois qui, en ayant fait la conquête pour leur propre
compte, vers l'an 1440, en avaient
obtenu donation du pape en 1448.
Les Corses voyaient qu'en définitive ils
ne pouvaient compter ni sur le pape, ni sur Pise ,
ni sur Gênes ,
ni sur les Espagnols; ils se réunirent en assemblée nationale, et résolurent
de donner la souveraineté de leur île à la célèbre compagnie de Saint-Georges,
formée à Gênes pour aider le gouvernement dans ses expéditions. Mais
en 1460, mécontents de leurs nouveaux
maîtres, ils rappelèrent les Campo-Fregosa, qui eurent bientôt chassé
la compagnie de Saint-Georges de tous les postes qu'elle occupait, et devinrent
souverains à sa place. En 1466, la
république de Gênes transporta la souveraineté de l'île au duc de Milan ,
sous la protection duquel elle se mit elle-même. Les Corses abandonnèrent
alors les Campo-Fregosa, et se soumirent à ce nouvel arrangement; mais
dès 1480 le duc de Milan, las de gouverner
des insulaires sans cesse en insurrection, les céda aux Campo-Fregosa.
Les Corses ne reconnurent pas cette nouvelle domination, et en 1483
ils se donnèrent au prince de Piombino .
Les Campo-Fregosa se retirèrent en vendant leurs droits à la compagnie
de Saint-Georges, et le comte de Piombino dut, en 1485,
abandonner l'île, dont cette compagnie resta maîtresse souveraine.
La Corse devint un moment la conquête
de la France
sous Henri Il; mais la puissance maritime française
n'était pas assez forte pour conserver l'île. Cette conquête, qui ne
dura guère, ne peut être regardée que comme un prélude éloigné de
la conquête définitive. Le traité de Cateau-Cambrésis
remit, en 1559, la Corse aux mains
de ses anciens possesseurs.
Un des héros de la Corse, Sampiero d'Ornano,
rallia bientôt autour de lui les débris du parti français, et, secrètement
encouragé par la France, il tint en échec pendant plus de dix ans, sur
le territoire de l'île, la république de Gênes ,
qui finit pourtant par triompher. La Corse retomba encore une fois sous
la domination d'une république de marchands,
la plus atroce de toutes les tyrannies. Les
Corses, vaincus, ne durent plus participer en aucune sorte au gouvernement
de leur pays.
Les Génois régnèrent seuls, et la population
insulaire sembla proscrite sur le territoire de l'île. Les charges administratives
et judiciaires devinrent un objet de trafic, et on vendit la justice, dont
on achetait le sacerdoce à beaux deniers comptants. On ne connut plus
dans l'île d'autre droit que celui du plus fort ou celui du plus riche;
et sous la domination génoise la Corse n'offrit plus qu'un mélange des
passions les plus sauvages et de la corruption profonde des sociétés
en dissolution.
La Corse au XVIIIe
siècle
C'est en 1729
que les Corses recommencèrent à se soulever contre Gênes.
La lutte fut longue. Les Corses soutinrent un combat disproportionné,
où les rois de l'Europe
n'eurent pas honte de se ranger du parti des plus forts, qui était en
même temps celui de l'iniquité. Le soulèvement fut d'abord populaire;
il éclata parmi les paysans, et eut pour chef un homme du peuple nommé
Pompiliani, qui s'empara presque immédiatement de Bastia.
Le programme des insurgés était court, mais explicite :
« L'insurrection
a pour but, disait Pompiliani dans une proclamation, d'obtenir le redressement
des griefs de la nation. Oui, nous avons pris les armes pour obtenir
la réhabilitation de notre patrie, la suppression des impôts arbitraires,
la réadmission de nos compatriotes aux emplois civils et militaires, ainsi
qu'aux dignités ecclésiastiques. Voilà ce que nous demandons; voilÃ
ce que nous exigeons! »
Comme on le voit, les Corses savaient parfaitement
ce qu'ils voulaient; par malheur, leur habileté n'était pas au niveau
de leur courage, et bien des fois ils perdirent les avantages qu'ils avaient
conquis, parce qu'ils crurent encore à la bonne foi des Génois,
qui ne manquaient pas de leur faire signer des armistices, en leur promettant
de faire droit à leurs demandes, chaque fois qu'ils se voyaient sur le
point d'être vaincus.
Une consulte générale de la nation donna
pour successeurs à Pompiliani, Ceccaldi, membre d'une ancienne famille
de l'île, et Louis Giafferri, qui avait quitté une place qu'il occupait
pour entrer dans les rangs des insurgés (1731).
Sous ces nouveaux chefs, l'armée corse remporta de nombreuses victoires,
dont elle perdit presque tout le fruit dans des négociations où Gênes
était aussi sûre d'avoir l'avantage qu'elle était certaine d'être vaincue
par les armes, toutes les fois qu'il y avait collision entre elle et les
insulaires.
Le
roi Théodore.
Un des épisodes les plus curieux de la
longue lutte dont nous nous occupons, est, sans contredit, l'éphémère
royauté de Théodore. La lutte durait depuis sept années; les Génois
s'étaient renforcés de troupes allemandes soldées, et les insulaires
n'avaient reçu d'autres secours que quelques munitions envoyées par des
Anglais, lorsque, le 12 mars 1736, un
navire portant pavillon anglais leur apporta, avec de l'argent et des munitions,
le baron Théodore-Antoine de Neuhoff. C'était
un gentilhomme westphalien; il offrait de se mettre à la tête des insurgés,
et promettait de chasser promptement les Génois de l'île. Les Corses
eurent confiance en lui, ils l'élurent roi de leur île; et on ne peut
nier que cet aventurier ne leur ait été d'un grand secours.
Un an après l'inauguration de cette royauté,
les Génois, excédés de la guerre qu'ils faisaient en Corse, et désespérant
de la finir seuls, demandèrent des secours à la France ;
et presque en même temps, les insulaires, dont le roi voyageait alors
sur le continent, en appelaient à la miséricorde de Louis
XV, et lui demandaient des secours. Une expédition française, commandée
par le comte de Boissieux, prit terre en Corse dans l'année 1738
; mais ce fut en faveur de Gênes. A la vérité,
elle ne venait pas pour combattre les Corses, mais seulement pour garder,
au nom des Génois, les places qui leur restaient. A cette nouvelle , les
chefs des insurgés ordonnèrent la levée en masse du tiers de la
population en état de porter les armes. Ils résolurent cependant de traiter
les Français en amis, autant que ceux-ci ne se montreraient pas hostiles,
et ils envoyèrent à Bastia des plénipotentiaires
chargés de traiter de la paix. On en était là quand le roi Théodore
arriva sur le rivage d'Aléria avec des forces considérables, qu'il était
parvenu à se procurer en Hollande .
Mais on espérait arriver à un traité par l'intermédiaire de la France
: Théodore fut reçu froidement par les insurgés; le comte de Boissieux
se prononça contre lui, les Hollandais se retirèrent, et il dut lui-même
abandonner l'île.
Les Corses eurent à se repentir de la
confiance qu'ils avaient montrée. Le traité portait la réintégration
de la Corse sous la domination génoise. Les insurgés s'étaient promis
de mourir tous jusqu'au dernier, plutôt que de rentrer sous un joug dégradant
: la lutte recommença, et cette fois les Corses en vinrent aux mains avec
les Français, qu'ils défirent à Borgo, le 13 décembre 1738,
dans une affaire à laquelle ils donnèrent le nom de Vêpres Corses.
A partir de ce jour, Louis XV se fit un point
d'honneur de soumettre l'île, et pour y arriver il employa la ruse et
la force, les armes et la corruption.
Le comte de Boissieux mourait : le marquis
de Maillebois, qui lui succéda, s'empara bientôt de la Casinea, contrée
fertile qu'il dévasta, du Nebbio et de plusieurs autres parties de l'île,
ne laissant aux insurgés que la partie orientale connue sous le nom de
pays d 'Outre-monts, où s'était retranché un neveu du roi Théodore,
qui fut obligé de se soumettre vers la fin de l'année 1739.
L'île semblait alors pacifiée, et on avait commencé à lui donner une
organisation à demi génoise, à demi française, lorsque, l'armée française
l'évacuant entièrement en 1741 ,
les insulaires se retrouvèrent encore une fois seuls face à face avec
les Génois.
L'oppression se fit alors sentir plus cruelle
que jamais, et elle devint telle, que les insulaires relevèrent l'étendard
de l'insurrection, et, désarmés qu'ils étaient, se jetèrent sur les
troupes génoises, les défirent, s'emparèrent de leurs armes, et recommencèrent
la guerre. Théodore reparut alors, et, secrètement appuyé de plusieurs
souverains, débarqua de nouveau, en 1744,
dans ce royaume, qu'il dut bientôt quitter pour n'y plus revenir.
Jean-Pierre
Gaffori.
La Corse insurgée s'organisa sous trois
chefs, qui prirent le nom de protecteurs de la patrie. Corte
et bon nombre d'autres places étaient au pouvoir des insurgés, et les
Génois allaient peut-être être définitivement expulsés de l'île en
1748, si la trahison encore d'une part
et le roi de France
de l'autre ne fussent venus à leur secours. Une escadrille française
arriva dans l'île sous les ordres du marquis de Cursay, qui, touché du
noble caractère des insulaires, ne tarda pas à s'intéresser profondément
à leur sort. Disgracié pour ce seul fait, il fut remplacé par le général
Curcy, dont l'arrivée amena un soulèvement général dans l'île. Les
insulaires reprirent les places qu'ils avaient confiées à la loyauté
de Cursay, et ils élurent pour généralissime un de leurs trois protecteurs,
Jean-Pierre Gaffori. Gênes
résolut la perte d'un homme dont elle redoutait les vertus autant que
le courage, et Gaffori fut assassiné en 1753
par des Corses qu'avait soudoyés le sénat ligurien ,
et au milieu desquels on voit paraître avec horreur son propre frère,
Antoine-François Gaffori, qui, tombant plus tard entre les mains des insurgés,
expia sur la roue son fratricide.
Pascal
Paoli.
Pascal
Paoli, fils de l'un des anciens chefs des insurgés, fut élu
à la place de Gaffori. Il apprit à Naples
la nouvelle de son élection, et il arriva immédiatement en Corse, où
il débarqua le 29 avril 1755, un an
et demi environ après le meurtre de Gaffori. Paoli devait être le dernier
des héroïques chefs de la Corse; ce fut le plus grand. Il s'occupa du
gouvernement et des moeurs aussi bien que de la guerre, et voulant affranchir
ses concitoyens, il s'efforça de les rendre dignes de la liberté. Il
trouva de rudes adversaires au sein même du parti national: car, pour
comble de malheurs, la Corse insurgée se voyait divisée en plusieurs
factions.
L'Angleterre
aurait bien voulu s'emparer de l'île de Corse; et comme il ne lui restait
nul espoir de l'obtenir de Gênes, dont la
France
avait la première embrassé le parti, elle se rangea du côté de Paoli.
On put craindre que sous un prétexte quelconque elle ne s'emparât des
forteresses de la côte, et Louis XV envoya le
marquis de Castries prendre la garde de ces forteresses au nom des Génois,
tout en déclarant que la France comptait rester neutre dans la lutte qui
continuait entre les patriotes corses, ayant Paoli à leur tête, et les
représentants de la république ligurienne ,
neutralité dérisoire dont les insurgés semblèrent se contenter de crainte
de pis.
En se retirant de l'île en 1759,
les Français remirent aux Génois toutes les places qu'ils avaient occupées,
et la lutte continua de plus en plus acharnée. Triomphants de toutes parts
et déjà organisés pour la paix, de manière à faire rougir les nations
esclaves de l'Europe ,
les patriotes corses allaient définitivement chasser les derniers de leurs
oppresseurs, lorsque, par un traité secret du 7 août 1764,
le roi de France s'engagea à tenir
garnison pendant quatre années dans les places de Bastia,
d'Ajaccio, de Calvi ,
d'Algajola et de Saint-Florent, dans le but de faire rentrer le peuple
corse sous l'obéissance de Gênes ,
quoique ostensiblement l'expédition ne fût destinée, comme par le passé,
qu'à la garde des places fortes. Le comte de Marbeuf reçut le commandement
de cette expédition, qui arriva à Saint-Florent le 17 octobre 1764.
La meilleure intelligence régna, comme par le passé, entre les
Français et les insulaires, jusqu'au jour où Louis
XV ayant voulu s'interposer comme médiateur, et exiger pour première
condition que les Corses reconnussent la domination ligurienne, Paoli refusa
d'une manière absolue de traiter sur cette base, et la république de
Gênes dut chercher un autre moyen de terminer une guerre plus désastreuse
pour elle que pour les insulaires.
Un audacieux coup de main des insurgés
enleva à Gênes l'île de Capraja , et c'est alors que, désespérant
de mener à bien une guerre qui l'avait épuisée d'hommes et d'argent,
elle signa, le 15 mai 1768, un nouveau
traité, par lequel elle abandonnait la Corse au roi de France ,
se réservant la faculté de rentrer elle-même en possession de cette
île en indemnisant la France des frais énormes que lui avait occasionnés
son alliance. La France devait rendre Capraja à la république, et elle
se chargeait de plus de défendre les commerçants génois contre les corsaires
insulaires. Les Corses ne furent appelés en aucune façon à ratifier
le traité qu'ils devaient subir. Paoli essaya vainement de résister;
mais l'indignation de se voir vendues comme un vil bétail ne pouvait balancer
dans l'âme des populations la haine de la domination génoise. Marbeuf,
gouverneur de l'île se fit remettre une partie des places occupées par
les insurgés; mais des imprudences du marquis de Chauvelin, général
en chef de l'expédition, et une insolente proclamation du gouverneur,
ranimèrent les violences. Paoli se retrouva à la tête d'une armée considérable,
et il put un moment espérer de vaincre les dix mille soldats avec lesquels
Chauvelin ouvrait la campagne.
Cet espoir ne tarda pas à être deçà .
Dès le début, les Français s'emparèrent de Biguglia , de Furiani, d'une
partie du Nebbio; et, malgré des prodiges d'héroïsme, les Corses se
virent enlever presque toutes les places importantes de l'île. Quelques
avantages obtenus sur différents points, et notamment à Vescovato et
à Borgo, où ils font six cents prisonniers, leur rendent un moment l'espérance.
L'orgueilleux Chauvelin, qui jusque-là n'avait parlé qu'avec mépris
du chef de paysans qu'il devait combattre, est obligé de demander du renfort
à sa cour, et ses lettres montrent un tel découragement, que le premier
ministre, Choiseul, qui avait à coeur la soumission
de la Corse, crut devoir le rappeler. Ceci se passait au mois de décembre
1768; et au commencement d'avril 1769,
Paoli, apprenant que la France préparait une nouvelle expédition, ordonna
une levée en masse de tous les hommes valides , depuis seize jusqu'Ã
soixante ans. Son appel fut entendu; mais le comte de Vaux arriva dans
l'île, le 30 avril 1769, avec des
forces considérables. La nationalité corse allait périr.
Du 30 avril 1769
au 3 mai de la même année, les deux armées ne firent que s'observer,
sans tirer un seul coup de fusil. Le 3 mai, le comte de Vaux ouvrit la
campagne par une décharge de toute son artillerie, puis le combat s'engagea;
mais pendant toute cette journée les deux armées gardèrent sans avantage
leurs positions respectives. La journée du lendemain fut favorable aux
patriotes corses; mais celle du 5 mai leur fut désavantageuse. Paoli dut
se retirer au delà d'un fleuve (le Golo), dont le passage fut héroïquement
défendu pendant plusieurs jours. Repoussé ensuite jusqu'à Pontenuovo
, il y perdit, le 9 mai 1769, après
des efforts inouïs, la bataille de ce nom, qui mit définitivement la
Corse sous la domination française.
Paoli soutint pendant quelque temps encore
une guerre de partisans dans les montagnes; mais la révolution insulaire
avait été frappée à mort à Pontenuovo. Bientôt, convaincu lui-même
de cette vérité, il renonça à faire couler plus longtemps en vain le
sang des siens, et se rendit avec l'élite des patriotes corses à Porto-Vecchio
où ils s'embarquèrent, le 12 juin 1769,
sur deux navires anglais mis à sa disposition par l'amiral Smittoy. Quelques
mois après l'affaire décisive de Pontenuovo, la femme d'un jeune officier
corse qui avait été secrétaire de Paoli donnait, à Ajaccio,
devenue ville française, le jour à un enfant qui devait être empereur
de cette France
à la domination de laquelle son père avait voulu soustraire son île
natale.
Après le départ de Paoli, le comte de
Vaux ne rencontra plus aucun obstacle; il ordonna et parvint à faire
exécuter le désarmement général des habitants; il réorganisa l'administration
de la justice, et quitta la Corse avec la plus grande partie des troupes
françaises. Il laissa le commandement de l'île à Marbeuf. La Corse fut
représentée à l'Assemblée
constituante par douze députés. Sur leur demande, cette assemblée
décréta que cette île faisait partie intégrante du territoire national,
et la divisa en deux départements, sous les noms de département du Golo
et département du Liamone.
Paoli, en quittant la Corse, s'était rendu
d'abord à Livourne ,
puis en Hollande ,
et de là en Angleterre .
Il avait reçu à Londres l'accueil le plus
honorable; le gouvernement anglais lui faisait une pension de 1200 livres
sterling, et avait pourvu au sort des membres de sa famille qui l'avaient
suivi dans son exil. Alfieri lui avait dédié
sa tragédie de Timoléon. En France, Mirabeau
se hâta de déclarer, à la tribune de l'Assemblée nationale, qu'il était
temps de rappeler les patriotes corses, qui expiaient dans l'exil les efforts
qu'ils avaient faits pour maintenir l'indépendance de leur île; il présenta
cette mesure comme une expiation de l'injuste conquête à laquelle il
se reprochait d'avoir contribué lui-même dans sa jeunesse. Sa proposition
fut décrétée le 30 novembre 1789.
Paoli s'empressa de quitter la terre d'exil, et vint à Paris
remercier l'Assemblée qui venait de lui ouvrir de nouveau les portes de
la Corse. La Fayette, le présenta à Louis
XVI, qui lui conféra le grade de lieutenant général et le commandement
militaire de la Corse. Ses concitoyens le reçurent avec enthousiasme,
et l'élurent commandant de la garde nationale et président de l'administration
du département.
Ainsi, cet homme qui s'était jusqu'alors
fait remarquer par ses sentiments hostiles à la France ,
se trouva investi dans cette île, où il avait conservé tant de partisans,
d'une autorité presque absolue. Il ne tarda pas à en abuser. Il n'était
pas assez dégagé des anciens préjugés nobiliaires, qui, en Corse surtout,
ont toujours eu tant de pouvoir, pour adopter franchement les réformes
opérées par la Révolution. L'égalité
républicaine ne pouvait lui convenir; il forma le projet de séparer la
Corse de la France et de la donner à l'Angleterre .
La Convention, instruite de
sa trahison, le cita à sa barre; il refusa d'obéir, convoqua à Corte
une consulte générale de l'île, et, malgré l'opposition des démocrates,
s'y fit conférer, par ses anciens partisans, des pouvoirs dictatoriaux.
Mis hors la loi par un décret du 26 juin 1793,
il fit armer ses partisans, expulsa de l'île ceux des patriotes fidèles
à la France que ses persécutions n'avaient pas encore forcés de fuir,
et demanda à l'amiral Hood, qui bloquait le port de Toulon ,
des secours pour l'aider à enlever aux garnisons françaises qui les occupaient
les places de Bastia, Saint-Florent et Calvi .
Les Anglais firent immédiatement passer en Corse cinq régiments commandés
par le général Dundas, qui parvint, après une assez vive résistance,
à s'emparer des places les plus importantes de l'île. Paoli convoqua
alors une nouvelle assemblée générale des habitants; il y fit adopter
une constitution à peu près semblable à celle qui avait été rédigée
par l'Assemblée constituante,
et par laquelle George III, roi
d'Angleterre, était reconnu roi de Corse. Paoli espérait être nommé
vice-roi; mais le gouvernement anglais ne fit pas l'erreur qu'avait commise
Louis XVI; cette dignité fut conférée Ã
sir Gilbert Elliot. Quant à Paoli, il fut appelé en Angleterre, où il
est mort en 1807.
La Corse de la
Révolution française à 1814.
Les Anglais ne furent pas longtemps maîtres
de la Corse; la Convention y envoya le représentant Lacombe-Saint-Michel.
Sa première opération fut de réunir une petite armée, composée de
gardes nationales, d'infanterie légère, de gendarmerie, de matelots et
des garnisons qui occupaient le pays. Paoli s'était emparé de Murato.
A cette nouvelle, Saint-Michel quitte Calvi ,
se rend à Saint-Florent ,
menace Biguglia, Murato, et vient fondre, Ã la pointe du jour, sur le
poste de Farinole, défendu par des pièces de campagne et par un chef
décidé à vendre chèrement sa vie. Le combat fut opiniâtre et sanglant.
Saint-Michel y fut blessé; mais malgré, les efforts des révoltés, il
se rendit maître de tous les postes qui fermaient la vallée entre le
cap Corse et les villes restées fidèles à la France .
Cette victoire intimida les ennemis; mais après la reprise de Toulon ,
toutes les forces anglaises qui en sortirent se tournèrent vers la Corse.
Cependant Saint-Michel, qui n'avait que 1200 hommes à opposer à 12,000
ennemis, disputa le terrain pied à pied. Enfin, accablé par le nombre,
il se retira à Saint-Florent, et y resserra ses lignes. Les Anglais
ne furent pas assez hardis pour profiter de la position critique où il
se trouvait. Une ruse le tira de ce péril. Il fait venir le capitaine
d'un vaisseau ragusain, mouillé à Bastia,
et lui remet mystérieusement une lettre pour le consul de France à Gênes,
auquel il marque qu'il a pris une nouvelle position, où il a tendu aux
Anglais un piège tel, que s'ils y tombent il n'en échappera pas un seul.
L'avide Ragusain ne manqua pas de vendre
sa dépêche à l'amiral anglais, et de six semaines on n'osa attaquer
Bastia. Pendant ce temps, Lacombe put se fortifier; mais les Anglais, de
leur côté, avaient fait venir des renforts de troupes napolitaines; vingt
de leurs vaisseaux de ligne croisaient en outre dans ces parages pour y
empêcher l'entrée d'aucun secours. Confiants en leur nombre, les ennemis
sommèrent alors Bastia de se rendre. Le général français répondit
qu'il était prêt à les recevoir avec des boulets rouges. En effet, la
résistance fut énergique. Cependant les assiégés, ne recevant aucun
secours, furent enfin obligés de capituler. Calvi
se soumit aussi après avoir été réduite en cendres, et en 1793
les partisans de la France se virent dans la nécessité de fuir. Mais
la situation changea lorsque le héros d'Ajaccio,
vainqueur de l'Italie ,
commença à remplir le monde de sa renommée. Tout annonçait une révolution
en faveur de la France, et la prochaine expulsion des Anglais, quand parut
sur les côtes de l'île une expédition française. Bonaparte
avait envoyé son compatriote le général Gentili, à Livourne ,
avec une simple division de gendarmerie. Celui-ci donna au général de
brigade Casalta un faible détachement réuni aux réfugiés corses. On
trompa la vigilance des croiseurs anglais, et l'on aborda non loin de Bastia,
le 20 octobre 1796. Casalta fut rejoint
par un nombre considérable de partisans, et l'on marcha aussitôt sur
Bastia. Maître des hauteurs, et secondé par les habitants, il somma les
Anglais de se rendre dans une heure. La garnison était de 3000 hommes;
elle avait quelques vaisseaux mouillés dans la rade; tout faisait croire
à une vigoureuse résistance. Cependant, tout à coup les Anglais abandonnèrent
la citadelle et se jetèrent en désordre sur leurs vaisseaux.
Casalta, ayant pénétré dans la ville,
tomba sur leur arrière-garde, leur fit 800 à 900 prisonniers, et s'empara
d'une grande partie de leurs magasins. Le 22, il marcha sur Saint-Florent
avec deux pièces de canon. Une journée lui suffit pour forcer les gorges
de San-Germano. Deux vaisseaux, embossés sur le chemin qui conduit Ã
Saint-Florent, ne purent retarder sa marche; il entra dans cette ville,
et fit prisonnière une partie de la garnison. L'escadre anglaise gagna
le large, la garnison de Bonifacio
se rendit, et Gentili, qui avait mis à la voile de Livourne avec le reste
des réfugiés, parut devant Ajaccio, et fit fuir les Anglais qui restaient
dans l'île. Ainsi, peu de jours avaient suffi pour rattacher à la France
l'île de naissance de Napoléon. Les
Anglais rentrèrent de nouveau en Corse, en 1814,
et évacuèrent cette île après quelques mois de séjour.
La Corse de 1814
à 1945.
Après la chute
de Napoléon et la Restauration, la Corse, qui avait été profondément
marquée par l'Empire et le prestige de l'Empereur, se retrouve intégrée
au Royaume de France, puis sous les régimes successifs du XIXe
siècle. L'île, bien que française administrativement, conserve des particularités
culturelles et sociales fortes, et reste en marge du développement économique
du continent. L'agriculture traditionnelle et l'élevage continuent de
dominer, tandis que l'industrie reste embryonnaire. L'émigration, déjÃ
un phénomène notable, se poursuit vers le continent et les colonies françaises,
notamment l'Algérie.
Le XIXe
siècle voit également l'affirmation progressive d'une conscience politique
corse, bien qu'elle s'exprime principalement dans le cadre de la politique
française. Les Corses participent à la vie politique nationale, votant
pour les députés à l'Assemblée nationale, et s'intégrant aux différents
courants politiques français, du légitimisme au républicanisme. Cependant,
des préoccupations spécifiques à l'île émergent, concernant notamment
le développement économique, l'infrastructure, et la reconnaissance de
ses spécificités.
La Première
Guerre mondiale constitue un tournant majeur pour la Corse. L'île
paie un lourd tribut à la guerre, proportionnellement beaucoup plus élevé
que la moyenne nationale. Le taux de mortalité des soldats corses est
particulièrement important, laissant des familles endeuillées et une
population marquée par le conflit. Cette expérience de la guerre, bien
que vécue au sein de l'effort national français, contribue paradoxalement
à renforcer un sentiment d'identité corse distincte. Le sacrifice consenti
n'est pas toujours perçu comme pleinement reconnu, et les promesses de
développement économique et d'amélioration des conditions de vie après
la guerre tardent à se concrétiser.
L'entre-deux-guerres
est une période de tensions et de mutations. La crise
économique des années 1930 frappe durement l'île, accentuant les
difficultés économiques préexistantes. Le chômage, la pauvreté et
l'émigration persistent. Sur le plan politique, des mouvements régionalistes
émergent et se développent, exprimant des revendications autonomistes,
voire indépendantistes pour certains. Ces mouvements s'appuient sur la
spécificité culturelle corse, la langue, les traditions, et critiquent
le centralisme parisien et le manque d'attention porté aux problèmes
de l'île. Des figures politiques corses commencent à se faire connaître
en portant ces revendications, parfois en s'inspirant des mouvements nationalistes
européens qui se développent à cette époque. Cependant, ces mouvements
restent minoritaires et divisés, et ne parviennent pas à unifier un large
courant autonomiste.
La Seconde
Guerre mondiale plonge la Corse dans une période encore plus sombre.
Après l'armistice de 1940, la Corse se retrouve sous le régime de Vichy,
comme une grande partie de la France. Cependant, Ã partir de novembre
1942, l'île est occupée par les troupes italiennes, conformément aux
accords passés entre Vichy et l'Italie
fasciste. L'occupation italienne est mal vécue par une partie de la population
corse, qui y voit une atteinte à la souveraineté française et une menace
pour son identité. La Résistance s'organise progressivement en Corse,
avec des réseaux de résistants qui se mettent en place et préparent
la libération de l'île.
En septembre 1943,
après la capitulation de l'Italie, la Corse se soulève contre l'occupation
italienne, avec l'aide des résistants et des troupes françaises venues
d'Alger. La Corse devient ainsi le premier
département français à se libérer du joug de l'occupant, avant même
la libération de la France continentale.
La Corse depuis
1945.
Au sortir de la
Seconde Guerre mondiale, la Corse se retrouve confrontée à des problèmes
structurels aggravés par le conflit. L'économie insulaire, déjà fragile
et largement dépendante de l'agriculture traditionnelle, peine à se moderniser.
L'exode rural, phénomène ancien, s'intensifie, vidant les villages de
leur population active et accentuant le vieillissement démographique.
La reconstruction est lente et difficile, et le sentiment d'abandon de
la part de l'État central se fait sentir. Dans les années 1950 et 1960,
la situation économique reste précaire, malgré quelques efforts de développement.
L'arrivée massive de rapatriés d'Algérie,
les "Pieds-Noirs", à partir de 1962, bouleverse le paysage démographique
et social de l'île. Si cette arrivée apporte un certain dynamisme économique
et de nouvelles compétences, elle crée également des tensions, notamment
foncières, car les rapatriés sont souvent installés sur des terres revendiquées
par les Corses. C'est dans ce contexte de difficultés économiques, de
tensions sociales et de sentiment d'injustice que les premières revendications
identitaires et autonomistes émergent et se structurent.
Dans les années
1970, la contestation prend de l'ampleur. Des mouvements régionalistes,
puis nationalistes, se développent, réclamant la reconnaissance de l'identité
corse, la défense de la langue et de la culture, et un développement
économique adapté aux spécificités de l'île. Le Front de Libération
Nationale Corse (FLNC) est créé en 1976, et marque le début d'une période
de violence politique intense. Le FLNC revendique la lutte armée pour
l'indépendance de la Corse et mène des actions clandestines, principalement
des attentats contre des symboles de l'État français et des intérêts
économiques considérés comme extérieurs à l'île. Les années 1980
et 1990 sont marquées par une escalade de la violence, avec des attentats,
des règlements de comptes, et une répression policière et judiciaire
accrue. Le dialogue entre l'État et les mouvements nationalistes est difficile
et souvent interrompu. Des initiatives politiques sont cependant prises,
notamment les statuts particuliers accordés à la Corse, qui reconnaissent
une certaine spécificité de l'île au sein de la République française,
mais ces avancées sont jugées insuffisantes par une partie des nationalistes.
La question foncière reste un point de tension majeur et alimente les
revendications identitaires et les conflits.
À la fin des années
1990, un processus de dialogue s'engage, notamment avec le gouvernement
Jospin. Le "processus de Matignon" est lancé en 1999, qui vise à trouver
une solution politique à la question corse. Des avancées sont envisagées,
notamment en matière de statut d'autonomie et de reconnaissance de la
langue corse, mais le processus est brutalement interrompu par l'assassinat
du préfet Claude Érignac en 1998, un événement qui marque profondément
la Corse et la France entière. Au début des années 2000, la situation
reste tendue, malgré des tentatives de reprise du dialogue. Le FLNC connaît
des scissions et des évolutions, certaines factions prônant une voie
plus politique tandis que d'autres poursuivent la lutte armée. Progressivement,
la violence politique diminue d'intensité, même si des épisodes ponctuels
persistent. Dans les années 2010, une nouvelle génération de nationalistes
émerge, privilégiant la voie politique et électorale. Les mouvements
nationalistes remportent des succès électoraux importants, culminant
avec la victoire de la coalition Pè a Corsica aux élections territoriales
de 2015 et 2017, puis de nouveau en 2021 sous le nom de Core in Fronte.
Ces victoires traduisent une aspiration forte à une plus grande autonomie,
voire à l'indépendance, au sein d'une partie significative de la population
corse.
La Collectivité
Territoriale de Corse, créée en 2018, marque une étape importante dans
l'évolution institutionnelle de l'île, en fusionnant les anciens conseils
généraux et régionaux. Les débats sur l'avenir institutionnel de la
Corse restent vifs, avec des discussions sur une éventuelle autonomie
accrue, la co-officialité de la langue corse, et la reconnaissance d'un
statut de résident. Parallèlement aux questions politiques et identitaires,
la Corse continue de faire face à des défis économiques et sociaux.
Le tourisme est devenu un secteur majeur de l'économie insulaire, mais
il génère aussi des tensions liées à la saisonnalité, à la pression
foncière et à la préservation de l'environnement. L'agriculture, bien
que modernisée dans certains secteurs, peine à retrouver sa place dans
l'économie. Le chômage reste un problème persistant, notamment chez
les jeunes. Les inégalités sociales et territoriales persistent également.
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Collectif,
Pasquale
de Paoli (1725-1807), la Corse au coeur de l'Europe des Lumières,
Albiana, 2007. - Pascal Paoli qui, toute sa vie,
a signé Pasquale de Paoli, est un personnage de l'Europe
du XVIIIe siècle aujourd'hui profondément méconnu. On sait, pourtant,
l'intérêt de la tentative du général de la nation corse - à la suite
d'un mouvement lancé vingt-six ans avant lui - pour, tout à la fois,
inscrire les ambitions de son île à l'intérieur des traités passés
entre les grandes puissances pour le contrôle de la Méditerranée
et établir des rapports productifs entre le monde profondément archaïque
de la Corse et les grands idéaux développés par l'Europe des Lumières.
L'enjeu
de ce catalogue est de réinstaller l'histoire de la Corse au sein de l'histoire
méditerranéenne mais, aussi, de présenter le personnage de Paoli dans
sa réelle dimension en le libérant de la gangue des pesantes lectures
des nationalismes virulents du XIXe siècle qui ont empêché, dans son
cas comme dans tant d'autres au cours du XVIIIe siècle, de comprendre
correctement son action. Les articles présentés ici, par leur diversité
et par leur ampleur, permettent de présenter un Paoli authentique patriote
corse en même temps que personnage cosmopolite à l'Âge des Lumières.
(couv.)
Collectif,
La
Cartographie corse au temps de Pasquale de Paoli, Albinia,
2007. - Présente dès l'Antiquité
sur les planches géographiques du Grec Ptolémée
(IIe siècle ap. J.-C.) et sur les portulans
toscans de Méditerranée à la fin des
années 1200, privilégiée à la Renaissance
dans les atlas d'îles - Isolarii -
où elle figure en bonne place dès 1420, reconsidérée par les copistes
de la cartographie ptoléméenne à la fin du XVe siècle, la Corse demeura,
au cours des deux siècles suivants, l'un des objets cartographiques les
plus méconnus, incertains et mystérieux. À défaut de connaissances
empiriques et de savoir géographique, les cartographes se contentaient
de reproduire, pour le meilleur et souvent le pire, les cartes
fautives de leurs prédécesseurs. Les troubles internes, communément
nommés "révolutions corses" débutent en 1729 et justifient l'intervention
répétée de troupes des grandes puissances européennes. Accompagnant
alors les corps expéditionnaires, ingénieurs et géographes accomplissent
un travail de terrain, des levés multiples, enregistrent des informations
relatives aux côtes et aux rivages, favorisant ainsi l'apparition d'une
nouvelle cartographie de la Corse empreinte de rigueur scientifique. Alors
objet d'une curiosité et d'une attention politique évidentes, l'île
devient un des thèmes favoris de la cartographie dans la seconde moitié
du XVIIIe siècle. Éloquence du nombre, éloquence de la qualité des
cartes de Corse après 1750 : l'exemplarité du fonds cartographique ancien
du musée de la Corse corrobore cette évolution; la séquence choisie
pour valoriser l'oeuvre politique de Pascal Paoli correspond à une période
caractérisée par une efflorescence de cartes, présentes pour la plupart
dans les collections du musée. (couv.)
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