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Jean-Baptiste Labat
est un religieux dominicain et voyageur,
naquit à Paris en 1663, mort à Paris le 6
janvier 1738. Il fit profession à dix-neuf ans, enseigna ensuite les mathématiques
et la philosophie
à Nancy, et remplit aussi les fonctions de
prédicateur. Il était, en 1693, au couvent de la rue Saint-Honoré Ã
Paris. A cette époque, les supérieurs des ordres établis dans les Antilles
françaises écrivirent à leurs confrères en Europe
pour les engager à venir à leur secours, une maladie contagieuse ayant
emporté la plupart des missionnaires; une de ces lettres tomba entre les
mains de Labat-:
"Elle me
pressa, dit-il, d'exécuter le dessein que j'avais formé depuis quelque
temps de me consacrer aux missions comme à un emploi qui convenait tout
à fait bien à ma profession."
Malgré les efforts que l'on fit pour le retenir,
il partit, s'embarqua le 29 novembre à La Rochelle, emmenant avec lui
plusieurs religieux de son ordre. Le 29 janvier 1694, il prit terre Ã
la Martinique .
Nommé aussitôt pour remplir les fonctions de curé de la paroisse de
Macouba, il y resta près de deux ans. Il fut alors envoyé à la Guadeloupe
pour y faire construire un moulin à eau dans une habitation de l'ordre.
Le gouverneur, qui eut occasion d'apprécier ses connaissances en mathématiques,
le pria de l'accompagner dans la visite de l'île pour examiner les points
susceptibles de défense. Quand Labat revint à la Martinique, un autre
religieux s'était établi dans sa cure. Le supérieur le consola de ce
contre-temps par les marques de confiance dont il le combla, et le nomma
procureur général de la mission.
Cet emploi mit Labat à même de donner
des preuves réitérées de son intelligence pour les affaires. D'un autre
côté, ses talents dans l'application des mathématiques et son excellent
jugement le firent souvent employer par les gouverneurs. Chargé de différentes
missions à plusieurs reprises, il visita toute la chaîne des Antilles
françaises, anglaises et hollandaises, depuis la Grenade
jusqu'Ã Saint-Domingue
(Haïti ) .
Ce fut à la Martinique
et à la Guadeloupe
qu'il séjourna principalement. Il servit pendant deux ans comme ingénieur
dans cette dernière île, et quand les Anglais
vinrent l'attaquer en 1703, il se montra aussi brave que religieux zélé,
et pointa lui-même plusieurs pièces contre eux.
En 1706, la situation des affaires de
la mission exigeait qu'un religieux fût envoyé en Europe .
Labat, qui depuis un an remplissait les fonctions de supérieur de la mission
de la Martinique ,
et qui avait déjà eu les pouvoirs de vicaire général et de préfet
apostolique de toutes les missions des dominicains
dans les Antilles ,
reçut l'invitation d'aller veiller à des intérêts auxquels il avait
donné tous ses soins. Il quitta la Martinique le 9 août; le 9 octobre
il entra dans le port de Cadix .
Il visita les environs de cette ville et une partie de l'Andalousie
jusqu'Ã Gibraltar .
Le 4 mars 1706, il accosta à La Rochelle, où il se rendit de nouveau
après avoir fait le voyage du nord de l'Italie ,
Des affaires l'appelèrent à Rome en 1709; il séjourna ensuite assez
longtemps à Civitavecchia ,
et revint à Paris en 1716. Retiré au couvent
de la rue du Bac, il s'y occupa de la publication de ses voyages,
et de celle de diverses relations dont on lui avait remis les manuscrits.
Il mourut le 6 janvier 1758.
On a de Jean-Baptiste Labat :
1° Nouveau voyage aux îles de l'Amérique ,
contenant l'histoire naturelle de ces pays, l'origine,
les moeurs, la religion et le gouvernement des habitants anciens
et modernes, les guerres et les événements singuliers qui y sont arrivés
pendant le séjour que l'auteur y a fait, Paris, 1722, 6 vol. in-14,
cart. et fig.; ibid., 1738; La Haye, 1724, 6 vol. in-12; ibid., 1738, 9
vol. in-4; seconde édit., Paris, 1742, 8 vol. in-12, cartes et fig.; traduit
en hollandais, Amsterdam, 1735, 4 vol. in-12, fig.; en allemand, par C.
F. C. Schad (avec le voyage de Laborde aux îles
Caraïbes ),
Nuremberg, 1783-1787, 6 vol. in-8°, fig.
On trouve dans ce livre des notices sur
toutes les îles que Jean-Baptiste Labat a visitées, et notamment sur
la Martinique
et la Guadeloupe .
Les diverses productions de la nature y sont décrites en détail; l'auteur
ne se piquait cependant pas d'être naturaliste, et il en convient plus
d'une fois. II parle aussi de plusieurs petites îles sur lesquelles il
n'existait guère à l'époque d'autres renseignements que ceux qu'il
a donnés. Les procédés employés pour la fabrication du sucre et de
l'indigo, pour la récolte et la préparation du coton, du cacao, du tabac,
sont expliqués avec précision et clarté.
Labat s'est sans doute trop bien accommodé
de la société esclavagiste dans laquelle il a vécu. Mais ces contemporains
lui ont moins reproché cela que son goût pour l'anecdote. Quelques personnes
ont ainsi reproché à notre auteur d'avoir grossi sa relation d'une foule
de petites anecdotes, la plupart malignes, et d'un intérêt médiocre.
On ne peut disconvenir qu'il ne soit un grand causeur; sa jaserie mérite
quelquefois le nom de commérage; néanmoins il y a tant de bonhomie dans
sa malice que l'on ne ressent jamais l'envie de s'en fâcher. Labat instruit
et amuse beaucoup.
La première édition de ce voyage, sa
réimpression à la Haye, chacune à deux mille exemplaires, furent épuisées
rapidement
"Les clameurs
des femmes et des médecins ne purent, dit Labat, nuire à ce livre".
Il se justifie fort gaiement dans la préface
de son voyage en Italie .
Cet heureux caractère ne le quitte pas un moment, et cependant il s'acquitte
de ses devoirs avec assiduité. Même dans une course à bord d'un bâtiment
flibustier ,
on reconnaît l'homme charitable et pénétré des obligations que son
état lui impose.
2° Nouvelle relation de l'Afrique
occidentale, contenant une description exacte du Sénégal et des pays
situés entre le cap Blanc et Serralione
jusqu'Ã plus de trois cents lieues avant dans les terres : l'histoire
naturelle de ces pays, les différentes nations qui y sont répandues,
leurs religions et leurs moeurs, avec l'état ancien et présent
des colonies qui y font le commerce, Paris, 1729, 5 vol. in-12, cartes
et fig.; ibid:, 1732 et 1758, 5 vol; livre excellent, composé presque
entièrement d'après les mémoires de Brue, qui
avait résidé longtemps sur la côte d'Afrique.
Tout ceux qui avaient voyagé dans ces
contrées convenaient qu'il était impossible de donner des détails plus
authentiques. C'était une mine inépuisable où beaucoup d'écrivains
ont fouillé : quelques-uns se sont montrés ingrats (Demanet, par
exemple). C'est dans ce livre que Labat parle des premiers établissements
faits par les Dieppois à Rufisque (Rio Fresco),
sur la côte de Guinée, dès 1364 [1].
[1]
T. 1, pp 7-10, l'auteur cite un acte de septembre 1365 par lequel les
marchands de Dieppe associèrent ceux de Rouen
à ce commerce. Cet acte et d'autres du même genre périrent dans le bombardement
de Dieppe, en 1691, mais le Père Labat en avait pris des extraits dans
les Annales manuscrites de Dieppe, dont l'ancienneté, dit-il, et
la vérité ne pouvaient être révoquées en doute, et qu'il avait vues
dans le cabinet de M.***, avocat du roi de la même ville. Les noms de
Petit-Paris et de Petit-Dieppe donnés à deux forts de la côte de Guinée,
ajoute-t-il, sembleraient confirmer cette tradition qui a été contestée
( Azambuza
et Béthencourt, et Les Grandes découvertes
maritimes ).
Le bon accueil fait à sa Nouvelle relation
de l'Afrique engagea Jean-Baptiste Labat à publier les deux ouvrages
suivants :
3° Voyage du chevalier Desmarchais
en Guinée, îles voisines et à Caïenne, fait en 1725, 1726 et
1727, contenant une description très exacte du pays et du commerce qui
s'y fait, Paris, 1730, 4 vol. in-12, cartes et fig., Amsterdam, 1731,
4 vol., cartes et fig. A son retour de l'expédition, l'auteur, qui avait
commandé un vaisseau de la compagnie, remit ses papiers au P. Labat, qui
s'occupait de donner une suite au livre précédent. On y trouve la description
de la côte d'Afrique
depuis le Sierra Leone
jusqu'à la rivière des Camerones (Cameroun ),
et une relation de Cayenne, où le chevalier Desmarchais transporta sa
cargaison d'esclaves achetés sur la côte d'Afrique. Pour compléter ce
qui concernait Cayenne ,
où Desmarchais n'avait pas fait un long séjour, Labat eut recours Ã
une relation écrite par un magistrat, ancien intendant de la Guyane ,
et au récit d'une mission chez les Galibis par le P. Lombard, jésuite.
4° Relation historique de l'Ethiopie
occidentale, contenant la description du Congo ,
Angola
et Matamba, traduite de l'italien du P. Cavazzi,
et complétée de plusieurs relation portugaises des meilleurs auteurs,
avec notes, Paris, 1732, 5 vol. in 12, cartes et fig.
Labat n'a pu, dans ces trois ouvrages,
éviter le reproche d'un certain penchant pour la crédulité, que l'on
remarque aussi dans son voyage d'Amérique .
Ce défaut est encore plus marqué dans la relation d'Ethiopie .
Les cartes de ces trois ouvrages sur l'Afrique
sont dressées par d'Anville.
5° Voyage en Espagne
et en Italie ,
Paris 1730, 8 vol. in 12; Amsterdam, 1731, 8 vol. in-12, fig.; trad en
Allemand, Francfort, 1758-1761, 8 vol. Ce livre ne contient pas beaucoup
de détails instructifs, à l'exception de ce qui concerne le gouvernement
papal .
Dans sa première excursion, Labat passa par Saint-Marin .
On lit encore avec intérêt ce qu'il dit de cette petite république rarement
visitée.
6° Mémoires du chevalier
d'Arvieux, contenant ses voyages dans l'Asie ,
la Syrie, la Palestine et la Barbarie ,
la description de ces pays, etc., Paris 1733, 6 vol. in-12, mal traduit
en allemand, Copenhague et Leipzig, 1733-1756, 6 vol. in-8.
Labat a su rendre intéressants tous les
livres qu'il a publiés. Il choisit avec beaucoup de discernement les traits
les plus propres à frapper le lecteur, et entend à merveille les moyens
de captiver l'attention. Il est bien un peu diffus; mais comme il narre
sans prétention et que sa simplicité est relevée par un certain agrément
de style, on n'éprouve guère l'impatience ni l'ennui en lisant ses ouvrages.
Quoique la partie botanique
des Voyages du P. Labat ait été âprement
critiquée, son zèle à décrire les productions de la nature a fait nommer
Labatia un genre de la famille
des ébénacées qui renferme deux arbres ,
l'un de Cuba ,
l'autre de Guyane .
Ce dernier d'abord décrit par Aublet. (E.-S). |
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