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L'histoire de la géographie moderne
XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles
[La Terre]
Aperçu
L'Antiquité
Le Moyen Age
Les Grandes découvertes
La géographie moderne

Aperçu
La poursuite des découvertes

Le XVIIe siècle.
Au XVIIe siècle, nous relevons dans l'Asie antérieure une série de voyages de touristes : Della Valle, Tavernier, Thévenot, Le Bruyn, Kaempfer, Chardin surtout, classique pour la Perse; en Chine, les travaux des missionnaires et la fameuse mission des jésuites (1687) à laquelle les géographes et les orientalistes durent de si précieux documents. Les Hollandais font un peu connaître le Japon. Mais, en ce siècle, les grandes acquisitions de la géographie asiatique se firent au Nord par les Russes qui explorèrent la Sibérie, descendirent l'Amour en 1646, doublèrent la pointe Nord-Est du continent (1647). Plus tard, viendra Bering, qui visitera les îles Aléoutiennes, l'Alaska et le détroit qui a gardé son nom (1728-1741). En Afrique, les détails se multiplient; mais, bien que les Portugais du Congo et du Mozambique semblent avoir eu des notions sur l'intérieur, la cartographie positive n'en profite pas; au delà de la bande côtière, on n'a pas de connaissances solides. On est forcé de s'en tenir aux relations des missionnaires.

Pour l'intérieur des Amériques, elles sont aussi fort utiles. Les Français ont parcouru les bassins du Saint-Laurent et du Mississippi, les Espagnols celui de l'Amazone.

Dans les régions arctiques, Hudson (1607-1610) fait de vains efforts pour atteindre le pôle et conjecture l'existence de la mer qu'il baptisa et qu'explora Button (1612-1613). Baffin s'enfonce dans la mer qui est à l'Ouest du Groenland jusqu'au détroit de Smith par 78° de latitude Nord, relève ceux de Jones et de Lancastre.

Dans l'hémisphère austral, les Portugais avaient aperçu l'Australie, l'appelaient Grande Java. Les Hollandais en relèvent partiellement la côte occidentale. On pensait qu'elle faisait partie du continent austral que l'on traçait en face de l'Asie et de masse égale. En 1642, le gouvernement hollandais chargea Abel Tasman d'examiner cette « grande terre du Sud ». Il la dépassa, découvrit la terre qui a gardé son nom sans reconnaître son caractère de petite île, vit et longea la Nouvelle-Zélande, qu'il nomma Terre des États, revint par le Nord, apercevant les îles des Amis et Fidji. Il avait fait le tour de l'Australie ou Nouvelle-Hollande et en démontrait l'isolement. Ce voyage eut donc une extrême importance en rectifiant les idées sur une portion considérable du globe. En 1606, les Espagnols Torres et Quiros avaient visité Tahiti, les Nouvelles-Hébrides, et Torres avait passé entre la Nouvelle-Guinée et l'Australie; Tasman ne put le faire, mais explora, en 1644, le golfe de Carpentarie. La physionomie générale de l'Océanie était donc à peu près révélée.

La géographie générale se constitue en France aux XVIIe et XVIIIe siècles. L'Académie des sciences fait mesurer par Picard, entre Paris et Amiens, un degré avec une exactitude dont nul n'avait approché ; on entreprend la mesure du méridien sur toute la largeur de la France (1683-1748). Dominique Cassini exécuta ce travail qui fournit une base excellente aux calculs ultérieurs. On en put conclure les dimensions réelles du globe, le rayon terrestre, l'aplatissement de la Terre aux pôles, constaté déjà par Richer à l'aide du pendule (1673), etc. Pour les mesures de longitude, Cassini avait dressé ses tables des satellites de Jupiter (1666); s'aidant des travaux de son maître de Chazelle (1694), il mesura la longueur de la Méditerranée, d'Alexandrette à Gibraltar, et trouva le chiffre réel, rectifiant l'exagération de Ptolémée et des Arabes. Grâce aux tables de Cassini, les observations se multiplièrent, corrigeant les longitudes et donnant des chiffres très proches de la vérité. Pékin, Malacca furent ainsi situés exactement. 

Le XVIIIe siècle.
En 1734, Hadley invente son sextant, à l'aide duquel tout marin put aisément prendre la hauteur du Soleil et la latitude. Harrison perfectionna le chronomètre. Euler et Mayer donnèrent de nouvelles tables lunaires; la géographie astronomique fournit désormais, par des milliers d'observations facilement renouvelées et contrôlées, une base inébranlable à la cartographie. Parmi les premières, il faut citer celles du franciscain Louis Feuillée (1708). Rappelons encore la mémorable mesure de l'arc par Maupertuis, Clairaut, Lemonnier, etc., en Laponie, La Condamine, Bouguer, Godin au Pérou (1735 et suiv.). A la tête de ces investigations marchait l'Académie des sciences de Paris, qui les coordonnait.

La transformation des méthodes de la géographie mathématique appelait une rénovation de la cartographie, oeuvre formidable, car il fallait en reprendre, et critiquer une à une les données accumulées depuis des siècles. Cette oeuvre fait la renommée de Guillaume Delisle (1700 et 1723); sa mappemonde et ses cartes ont été éclipsées par celles de d'Anville, qui déploya une habileté bien supérieure (1761), sans oublier l'élégance de l'exécution. Les cartes de Delisle furent les premières où les terres et tout d'abord les contours de la Méditerranée furent figurés avec leurs dimensions exactes. En Angleterre, il y eut de bons cartographes, Desparres, Rennell, Arrowsmith; aucun en Allemagne, où les gouvernements leur étaient hostiles. La chorographie se développa également en France où Cassini de Thury commença, en 1744, sa grande carte de France, achevée seulement en 1783. Elle réalisait un immense progrès et n'a été égalée que vers le milieu du XIXe siècle.

La géographie physique peut revendiquer Edmond Halley qui dressa la première carte des courants atmosphériques (1686) et celle des courbes magnétiques. Il indiqua la cause des alizés et des moussons. Scheuchzer appliqua méthodiquement le baromètre à la mesure des hauteurs (1702-1711). Tournefort jeta le fondement de la géographie botanique et observa, en montant les pentes de l'Ararat, qu'à mesure que croissait l'altitude, reparaissaient les végétaux caractéristiques des latitudes plus élevées. Buache (Essai de géographie physique, 1756) fonda la description de la Terre sur son hydrographie, sur la division en bassins fluviaux séparés les uns des autres par les chaînes de montagnes. Bien qu'il eût outré sa théorie et, qu'elle ait abouti à dénaturer parfois l'orographie, ce n'en est pas moins à lui que revient le mérite d'avoir indiqué le rôle prépondérant du relief du sol.

La géographie étant devenue ainsi scientifique, les nouveaux principes en furent mis en pratique et, après les voyages commerciaux ou politiques, on vit commencer les voyages scientifiques. On ne se contente plus d'à peu près, on veut se livrer à une exploration méthodique et complète du globe; géologie, zoologie, botanique, astronomie, physique, antiquités, langue, histoire, il faudra que le voyageur sache un peu de tout cela et que sur tout il emmagasine des documents précis. Le premier des grands voyages scientifiques fut celui de Niebuhr (1783) en Arabie (Yémen); c'est peut-être celui qui satisfit le mieux aux multiples données du programme. Puis vinrent ceux de Byron, Wallis et Carteret, Bougainville; ils furent rejetés dans l'ombre par ceux du capitaine James Cook; il dressa les cartes de Tahiti et des îles de la Société, de la Nouvelle-Zélande, côtoya pour la première fois le rivage oriental de l'Australie (1768-1770) ; il avait croisé jusqu'au 38e degré de latitude Sud sans trouver trace du prétendu continent austral; le capitaine Marion en vérifia l'absence jusqu'au 47e degré au Sud de Madagascar (1771). 

Cook fut chargé de résoudre définitivement ce problème. Il s'avança jusqu'au 67e degré (au Sud de l'Afrique) où l'arrêta la banquise, puis jusqu'au 71e degré (par 109° de longitude Ouest) et, entre-temps, leva la carte des îles des Amis, des Marquises, des Nouvelles-Hébrides, découvrit la Nouvelle-Calédonie ; après une dernière pointe vers le Sud, il trouva ensuite la Georgie méridionale, les Sandwich du Sud, et revint, ayant démontré le néant du continent austral et déterminé l'aspect de l'hémisphère méridional. Dans son troisième voyage, il découvrit les îles Hawaii (Sandwich), explora la côte d'Alaska et le détroit de Béring, dessinant le contour exact de L'Amérique au Nord-Ouest. Ce qui a contribué à la gloire de Cook, non moins que l'étendue de ses découvertes, c'est la précision de ses travaux; où il a passé, les navigateurs ne trouvent rien à corriger. L'hydrographie de l'océan Pacifique fut complétée sur bien des points par les voyages de La Pérouse (Japon septentrional, Mandchourie), d'Entrecasteaux, Marchand et Vancouver. Ce dernier (1792-1794) constata l'absence de tout passage vers l'Atlantique dans les parages de l'île qui a reçu son nom (découverte par Bodega y Quadra). La carte du Grand Océan était complète.

La fin du XVIIIe siècle vit l'exploration scientifique de l'empire russe, conduite par une pléiade de savants, Gmelin, Pallas, Georgi, Falk, Rytschov, Lepekhin, Guldenstaedt, de 1768 à 1774; celles du Nord du continent américain par Hearne (1769) et Mackenzie (1789); des frontières du Brésil par Azara (1781). Pour l'Afrique, le voyage de Bruce en Abyssinie (1769-1871) est moins important que la fondation de l'African Association (1788) qui donna une impulsion active et une direction scientifique aux voyages dans le continent noir : Hornemann explora le Fezzan (1799); Mungo Park le Soudan et fit connaître le Niger. Il ne faut pas oublier l'expédition d'Égypte (1798-1801). Mais tous ces titres pâlissent devant ceux d'Alexandre de Humboldt, dont la science universelle n'a jamais été égalée par un autre géographe et dont les travaux sont restés longtemps le fond de la géographie du bassin de l'Orénoque, des Andes équatoriales, du Mexique.
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La Royal geographical Society, à Londres.
Un des bâtiments de la Royal Geographical Society, à Londres. Source : The World Factbook.

Le XIXe siècle.
Le XIXe siècle a sinon complété, du moins fort avancé l'étude descriptive de la Terre. Il n'y a plus alors de région inconnue un peu étendue qu'autour des deux pôles. A aucune époque, les voyages d'exploration n'ont été aussi multipliés et aussi fructueux. Il ne restait pas de grand problème de géographie générale à résoudre, mais beaucoup à faire pour compléter la connaissance des continents et presque tout pour la fonder sur des données scientifiques. Ceci n'a été réalisé, et partiellement, que dans les pays européens, aux États-Unis, en Égypte, en Inde et dans quelques colonies européennes (Algérie, Cap, Canada, Australasie, etc.). L'intérieur de l'Asie où subsistaient de vastes lacunes a été parcouru en tous sens. L'intérieur de l'Australie, complètement inconnu, l'a été également. Celui des Amériques n'a plus de secret. La mystérieuse Afrique a plus résisté et coûté plus d'efforts, mais la carte en est à la fin du siècle presque complète. Nous n'avons pas à retracer les voyages qui ont amené ces résultats. Nous donnerons seulement quelques indications très générales sur ces découvertes continentales, un peu plus de détails sur les explorations maritimes dans les deux régions polaires; puis nous exposerons l'état de la géographie au seuil du XXe siècle, la constitution de ses différentes branches, et nous dirons les savants qui s'y sont illustrés et qui en ont tracé les cadres.

En Asie, les recherches archéologiques et ethnographiques ont eu une grande importance; poursuivies en Inde, dans le bassin de l'Euphrate et toute l'Asie occidentale, elles se sont étendues à l'Asie centrale et septentrionale dont on complétait la chorographie. Le relief de l'Asie centrale n'a été bien connu que dans la deuxième moitié du XIXe siècle. En Australie, toutes les recherches ont été menées de front. En Amérique, le premier rang revient aux magnifiques travaux des ingénieurs des États-Unis accomplis dans des régions comme celles des Rocheuses dont on ne savait presque rien jusqu'aux années 1820. La cartographie des États sud-américains a été continuée, mais non achevée; l'exploration scientifique y fut surtout due à des étrangers. L'Afrique, sur laquelle se sont concentrés les efforts des 
grands voyageurs, a été visitée bassin par bassin, le Niger, le Zambèze, puis le Haut-Nil et enfin le Congo. L'étude du bassin septentrional de ce fleuve par les Français et les Belges a comblé la dernière lacune sérieuse de la carte du continent.

Les explorations maritimes, malgré le mérite et le zèle de leurs chefs, ont eu moins de succès que les explorations continentales en ce qui concerne les découvertes proprement dites. Mais elles ont donné lieu à d'admirables voyages scientifiques. Ceux de Freycinet (1847-1820), Duperrey (1822-1825), Bougainville (1824-1826), Dumont d'Urville (1826-1829 et 1837-1840), Dupetit-Thouars (1836-1839), Reechey (1825), Belcher (1836-1842), J. Ross (1841-1843), Kotzebue (1815-1818 et 1823-1826), Bellingshausen (1819-1821), Lutke (1826-1829), Wilkes (1838-1842), Bille (1857-1859), la frégate autrichienne la Novara (1857-1859), etc.

La carte de toutes les îles, de presque toutes les côtes a été levée, et la géographie nautique l'emporte en précision sur la géographie terrestre de la plupart des contrées. L'hydrographie, la physique terrestre, la lithologie du fond des mers, l'ethnographie insulaire ont été renouvelées ou créées; enfin l'histoire naturelle a été la préoccupation principale des voyages scientifiques maritimes de la fin du siècle, et les résultats obtenus furent immenses. L'exploration des régions polaires a été poursuivie par de véritables savants, mais elle a aussi donné lieu à des tentatives de simple curiosité géographique pour atteindre le pôle. L'Angleterre y eut d'abord le premier rang; après l'échec de la double tentative de John Ross et de Buchan (1818), Parry visita le détroit de Lancastre et le grand archipel polaire dont le Nord garde son nom (1819 et 1821-1823), puis se lança en traîneau au Nord du Spitzberg et parvint à 82°43' de latitude Nord (1827). Franklin releva les côtes américaines de la mer boréale (1819-1822 et 1825-1827) depuis la Coppermine jusqu'au 152e degré de longitude Ouest; Dease et Simpson complétèrent le tracé jusqu'au cap Barrow où on était venu par mer, puis de la Coppermine au golfe Back (1837-1839), Rae, de là à la baie Repulse de Parry (1846-1854). La carte du littoral continental fut ainsi établie et on se retrouva en face du problème du passage du Nord-Ouest, aller de l'Atlantique au Grand Océan par le Nord de l'Amérique. John Ross découvrit la presqu'île Boothia, le pôle magnétique, fit la carte des 700 milles de côtes nouvelles du détroit du Prince-Régent (1829-1833).

La disparition de Franklin suscita plus de vingt expéditions polaires de 1848 à 1859; tous les défilés de ce labyrinthe glaciaire furent fouillés et la cartographie du redoutable archipel très avancée; le passage du Nord-Ouest fut trouvé par Mac Clure en 1850. Les Américains reprirent la recherche de la route vers le pôle; Kane (1853) remonta jusqu'au 80° degré à l'Ouest du Groenland, Hayes (1861) jusqu'au 81,35e degré et crut voir la mer libre dans des parages où l'Anglais Nares ne trouva que des glaces qu'il juge persistantes. Du côté du Spitzberg, une expédition autrichienne découvrit la terre du roi François-Joseph. Au Nord-Est du détroit de Bering on a trouvé la terre de Wrangel. Nordenskjöld a réussi à franchir le fameux passage du Nord-Est et à aller d'Europe en Chine par le Nord de l'Asie. La découverte du courant polaire qui, de cette région de l'embouchure de la Léna, se porte par la région du pôle vers le Nord de l'Europe reste attachée au naufrage de la Jeannette et Nansen essaye d'en profiter pour gagner le pôle Nord (1893).

Du côté du pôle Sud on a trouvé enfin quelque chose qui ressemble au continent austral si longtemps rêvé, un ensemble de terres antarctiques. Biscoe en vit quelques-unes, celles d'Enderby (1831) et de Graham (1832); elles furent reconnues par l'expédition de Dumont d'Urville (1838-1840) vers 64° de latitude Sud (Terre Louis-Philippe) ou vers 66° (terre Adélie); Wilkes (1839-1840) les aperçut de loin; James Ross (1841-1843), mieux équipé, s'enfonça plus près du pôle jusqu'au 74° degré le long de la Terre Victoria; il reconnut que la terre Louis-Philippe est une île. Après ces trois expéditions simultanément décidées, aucun progrès sérieux n'a été fait dans la région polaire antarctique jusqu'au début du XXe siècle. C'est donc la partie du monde où ont subsisté le plus longtemps les plus vastes espaces inconnus. Pour être complet, nous ne devons pas omettre les travaux des cartes des fonds océaniques; qui eux aussi ont dû attendre jusqu'au XXe siècle pour produire une première  idée approximative de cette partie du relief terrestre. A ces deux réserves près, qui ne sont pas des points de détail, on peut dire que le XIXe siècle avait déjà bien avancé la cartographie générale du globe.

La science géographique

La géographie scientifique a aussi réalisé entre le XVIIe et le XIXe siècle d'énormes progrès. Les tables de Laplace ont complètement résolu le problème des longitudes,

« plus exactement que ne le demandait l'art nautique dans ses derniers raffinements ». 
La géodésie s'est signalée dans les pays civilisés par d'admirables travaux qui en ont amené la chorographie à une précision extrême. La mesure des altitudes par le baromètre a été perfectionnée par Ramond, Laplace et Gauss; Bessel en a établi les formules rigoureuses, mais, en somme, pour la géographie mathématique, on n'a fait que perfectionner les inventions du siècle précédent. La géographie physique a été transformée, presque créée. Elle le doit en premier lieu aux géologues dont les constatations en formeront la base incontestée. Le magnétisme terrestre a été étudié et ses lois précisées; rappelons les observations de Humboldt, de Ross, les calculs de Gauss, Weber, Lamont et Sabine. La météorologie avait avec Réaumur commencé les études de température (1735); l'académie de Mannheim (1780) les généralisa en Europe. A. de Humboldt lui fit faire de grands progrès, dessina les îles isothermes, observa les règles de la décroissance de la température avec l'altitude, la limite des neiges persistantes. L'étude des courants atmosphériques inaugurée par Halley a fait des progrès décisifs, grâce aux lois de Dove et de Buys-Ballot. Les observations hygrométriques et pluviométriques datent à Paris et en Angleterre du XVIIe siècle. Elles ont été systématisées et ont fourni un élément capital de la Climatologie.

L'océanographie ou hydrographie maritime n'existait guère avant le siècle XIXe siècle. On n'avait de relevés de profondeur qu'autour des côtes d'Europe; jusqu'en 1838 on ne connaissait pas de fond dépassant 1 200 brasses (2 160 m). La pose de câbles sous-marins nécessita des recherches et des sondages multiples; on entreprit alors l'étude méthodique des fonds sous-marins bien connus à la fin du siècle au moins pour la Méditerranée et l'Atlantique septentrional. Varen avait, dès le XVIIe siècle, affirmé l'égalité de niveau des mers, une erreur dans le nivellement de l'isthme de Suez la fit contester à tort. Whewell dressa en 1833 une carte des heures de marée dans toute l'étendue de la Terre, et étudia les principes de la propagation. Les courants marins avaient été marqués sur la carte par le jésuite Athanase Kircher en 1665. Rennell en fit une étude méthodique et en détermina les lois. La météorologie marine fut renouvelée par Maury. Nous avons déjà signalé les explorations sous-marines, dont Wyville Thomson fut l'ardent promoteur.

Les commencements de la  géographie biologique appartiennent eux aussi presque entièrement au XIXe siècle. Après Tournefort, A. de Humboldt indiqua les premières lois de la géographie botanique. Karl Ritter dressa sa première carte en 1806. La géographie zoologique progressa plus lentement. Zimmermann fut l'auteur de la première carte de distribution des mammifères (1777), signala le caractère spécial de la faune australienne. Buffon avait comparé celles des deux mondes, dans la zone arctique. L'anthropologie et l'éthnographie se sont développées à partir de la fin du XVIIIe siècle. La géographie politique a modifié ses procédés et étendu son domaine. Limitée jadis à la description des divisions administratives des villes et localités remarquables, des produits industriels et commerciaux, elle commence à s'appuyer vers la même époque sur une véritable science, la démographie. L'emploi méthodique de la statistique a jeté un grand jour sur une foule de questions, et la sociologie s'y enchevêtre avec la géographie. Le premier grand traité de géographie politique, avec emploi rationnel de la statistique, fut celui de Busching (1754-1792). Mais, à partir du commencement du XIXe siècle, Karl Ritter a imposé sa méthode en prouvant la solidarité de toutes les branches de la géographie et la subordination de la géographie politique à la géographie physique. Il fut ainsi le fondateur de la géographie comparée. A vrai dire, ce qu'il intitule ainsi, c'est la géographie générale dont le premier il définit la tâche. La comparaison est la méthode, non le but. Ritter compare les objets de la surface terrestre selon leur forme, leur position, leur étendue, de manière à déterminer les traits généraux, les caractères spéciaux à chacun, leurs influences réciproques et surtout leurs influences sur les hommes. Il s'attacha à comparer la situation d'une même contrée à des époques différentes. Sa méthode approfondit la connaissance de la terré. Peschel a voulu pousser plus loin et créer une géographie comparée limitée à des généralités sur la morphologie de la surface terrestre.

Après les publications de Ritter, la géographie générale a été sans cesse étudiée. La définition même qu'il en donne est excellente. Prenez un fragment de la surface terrestre : la Grande-Bretagne, par exemple; c'est un individu géographique, caractérisé par une situation en latitude et longitude, une configuration, un climat, une végétation, une population, etc. ; bref, une combinaison unique qui ne se trouve que là. De même, la géographie spéciale envisage une montagne, un massif, les Alpes, les Andes, en eux-mêmes. Au contraire, la géographie générale fait abstraction des traits particuliers; elle puise sa matière dans la géographie spéciale, mais elle l'analyse, classe les objets par catégories, cherchant à dégager des principes communs aux montagnes, à créer des types. Elle envisage la Terre dans son ensemble. Elle s'élève à l'idée d'une vie générale de notre planète; elle l'envisage comme un organisme et la décrit dans son ensemble.

Les études géographiques ont été, au XIXe siècle surtout, florissantes en Allemagne. Le pays de Humboldt et de Ritter peut encore nommer Peschel, Wappaeus, Richthofen, Ratzel, Wagner, Kiepert, qui tous ont marqué leur trace. L'enseignement est extrêmement répandu : presque toutes les universités, toutes celles de Prusse, ont leur chaire de géographie, et tant pour la géographie générale que pour la cartographie et l'élaboration des matériaux nouveaux sans cesse recueillis dans le monde entier, l'Allemagne est au premier rang. L'Angleterre a fait beaucoup pour la géologie géographique, pour la connaissance des mers, de la géographie biologique. Elle revendique Lyell, Charles Darwin, Murchison, Geikie. La France, malgré le haut mérite de ses cartes officielles, des oeuvres de ses géodésiens et de ses géologues, est demeurée longtemps en arrière. Après Malte-Brun, elle peut nommer Vivien de Saint-Martin, Levasseur, Elisée Reclus. L'enseignement géographique, délaissé jusqu'en 1870, s'est relevé, mais il reste fort imparfait par son attache aux facultés des lettres. La Russie a, à cette époque, d'excellents géographes : Strelbitski pour la partie mathématique, Voieikov pour la climatologie, Semenov, etc. (GE).



Jean-Pierre Bois, et al., Deux voyages au temps de Louis XVI, 1777-1780  (La mission du Baron de Tott en Egypte en 1777-1778 et le journal de bord de l'Hermione en 1780), P. U. de Rennes, 2005.
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Au XVIIIe siècle, les expéditions maritimes à travers le monde connaissent un regain d'intérêt. L'état d'esprit des Lumières pousse la société intellectuelle européenne aux découvertes et la pratique des voyages à travers l'Europe et le monde devient un passage obligé dans l'éducation de tout érudit. Mais, lorsque la vogue des grands voyages reprend après 1763 dans un contexte de compétition internationale et de guerre latente entre la France et l'Angleterre, ce sont des équipes complètes de savants - géographes, cartographes, anthropologues -, et non plus des aventuriers, qui dressent une carte plus précise des côtes et des îles de toutes les mers du globe, à l'exemple des célèbres expéditions de Bougainville entre 1766 et 1769 ou de Cook entre 1768 et 1779. Dans ce contexte, deux grands voyages maritimes français sont lancés. En 1777-1778, François de Tott, militaire, diplomate et homme de renseignements, part à la conquête de l'Egypte afin de contrebalancer la puissance anglaise grandissante en Inde. Voyage militaire, il s'agit également d'un voyage scientifique. En 1780, le jeune marquis de La Fayette embarque sur l'Hermione afin de rencontrer George Washington pour préparer l'envoi d'un corps expéditionnaire français et venir en aide aux révoltés américains. Le Journal de bord du commandant Latouche-Tréville constitue un témoignage précieux non seulement sur ce voyage historique mais aussi sur le voyage transatlantique en général à la grande époque de l'histoire maritime de la France. Ce sont ces deux textes, récits de voyages réunis par leur contexte politique et par leur chronologie, qui constituent le premier numéro que la revue Enquêtes et Documents consacrera désormais une fois par an à la publication de documents originaux. (couv).

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