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Alexandre de Humboldt

Friedrich Wilhelm Heinrich Alexander (Alexandre), baron de Humboldt est un naturaliste et voyageur, frère cadet de Guillaume de Humboldt, né à Berlin le 14 septembre 1769, mort à Berlin le 6 mai 1859. Jusqu'à l'âge de dix-huit ans, il eut les mêmes maîtres et il fit les mêmes études que son frère. Mais il n'entra qu'un an après lui, en avril 1789, à l'université de Goettingue. C'est là que se développèrent, sous l'influence des leçons de Blumenbach, et aussi à la faveur d'herborisations et d'excursions géologiques dans le Harz, les premiers germes de sa vocation scientifique. Il publia bientôt : Ueber die Ba salte am Rhein, nebst Untersuchungen über Syenit und Basanit der Alten (Brunswick, 1790, in-8) et, au printemps de 1790, il fit, en compagnie de Georg Forster, gendre de Heyne, un grand voyage d'études à travers la Belgique, la Hollande, l'Angleterre et la France. Cependant sa famille le destinait aux affaires. Il consentit à fréquenter quelque temps l'école commerciale de Büsch, à Hambourg. Mais, dès le mois de juin 1791, il passa à celle des mines, à Freiberg, où parmi ses professeurs il compta le célèbre Werner et parmi ses condisciples Léopold de Buch et André del Rio. De cette même année date la composition de son second ouvrage, excellent essai de physiologie végétale, dont il emprunta les matériaux à ses observations personnelles de la flore souterraine de l'Erzgebirge et qui ne fut livré qu'un peu plus tard à l'impression Florae Fribergensis specimen et aphorismi et physiologia chemica plantarum (Berlin, 1793, in-4; trad. allem. par G. Fischer et J. Hedwig sous le titre : Die Aphorismen, Leipzig, 1794, in-8). 

Appelé en février 1792 à faire partie, comme assesseur, du conseil des mines de Berlin et nommé, six mois après, directeur général des mines de Franconie, il remplit pendant cinq ans ces dernières fonctions, qui ne l'empêchèrent pas, du reste, de poursuivre ses recherches scientifiques et d'effectuer en Suisse, dans le Tyrol et en Lombardie quelques nouveaux voyages d'explorations botaniques et géologiques (1793). Tour à tour parurent : Versuche über die gereizte Muskel und Nervenfaser, nebst Vermutungen über den chemischen Progress des Lebens in der Tier und Pflanzenwelt (Berlin, 1797-1799, 2 vol. in-8 ; trad. franç. par Gravel et Jadelot, annotée par Blumenbach, Paris, 1799 in-8), ouvrage de très grande valeur, où il a consigne les résultats d'une série de recherches physiologiques provoquées par les expériences que venait de réaliser Galvani; Ueber die unterirdischen Gasarten und die Mittel ihren Nachtheil zu vermeiden (Brunswick, 1799, in-8); Ueber die chemische Zerlegung der Luftkreises (Brunswick, 1799, in-8). La théorie de la force vitale, à laquelle il crut quelque temps, lui inspira en outre une gracieuse allégorie, Die Lebenskraft oder der rhodische Genius, qu'il publia, avec quelques autres articles, dans le journal de Schiller, Die Horen (juin 1795).

Toutes ces études ne constituaient, dans la pensée d'Alexandre de Humboldt, qu'une préparation au lointain voyage dont les récits enthousiastes de Georg Forster, l'un des compagnons du capitaine Cook, lui avaient dès 1790 suggéré le projet. C'étaient surtout les régions tropicales qui l'attiraient avec leur végétation luxuriante et leurs productions variées. A la fin de 1796, sa mère étant morte, il résolut son départ. Il résigna ses fonctions de directeur des mines (1797), vendit plusieurs de ses propriétés et, après quelques mois passés à léna et à Vienne à perfectionner encore ses connaissances scientifiques, se rendit à Paris pour y acheter les instruments nécessaires. Il s'y lia avec Gay-Lussac, Arago, Laplace, Berthollet, ébaucha successivement diverses combinaisons, qui avortèrent, et obtint finalement de se joindre à l'expédition d'Égypte.
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Alexander von Humboldt
Alexander von Humboldt.

Alexandre de Humboldt alla attendre à Marseille, avec le naturaliste Aimé Bonpland, une frégate suédoise qui devait les transporter à Tunis, mais qui tarda tellement qu'à bout de patience les deux jeunes savants gagnèrent l'Espagne, où ils passèrent l'hiver de 1798-1799 et ou le ministre Luis de Urquijo leur offrit un passeport pour l'Amérique espagnole. Ils changèrent alors leurs plans et s'embarquèrent à La Corogne, le 5 juin 1799, sur le Pizzaro. Ils touchèrent, le 19, à Ténériffe, firent l'ascension du pic et arrivèrent le 16 juillet à Cumana. L'exploration du Venezuela leur prit dix-huit mois. Ils gagnèrent Caracas (février 1800), quittèrent la côte à Puerto-Cabello, explorèrent les cours de l'Apure, du rio Negro, du Casiquiare, s'assurèrent de la jonction, niée par Buache, des bassins de l'Amazone et de l'Orénoque, et, arrêtés deux mois à Angostura, sur ce dernier fleuve, par le blocus anglais, revinrent à Cumana, d'où ils firent voile, le 24 novembre, pour La Havane. Ils demeurèrent dans l'île de Cuba jusqu'au mois de mars 1801, se rendirent ensuite à Carthagène, remontèrent la Magdalena en canot, franchirent les Cordillères et parvinrent à Quito le 6 janvier 1802. Cinq mois furent consacrés à visiter les massifs voisins et, le 23 juin, ils tentèrent l'ascension du Chimborazo. Ils ne purent arriver au sommet, arrêtés qu'ils furent, à quelques centaines de mètres, par une profonde crevasse; ils s'élevèrent néanmoins à la plus haute altitude qu'on eût encore atteinte. Ils continuèrent à suivre la chaîne des Andes, observèrent à Callao, le 9 novembre, le passage de Mercure sur le Soleil, et, après une traversée des plus tourmentées, débarquèrent, le 23 mars 1803, à Acapulco. Au mois d'avril, ils étaient à Mexico; le 17 septembre, ils montaient au Jorullo. Ils firent encore l'ascension du Toluca, du Cofre de Perote, visitèrent toute la province Michoacan, les mines de Moran, la chute de Regla, les forêts de Xalapa (Jalapa), et, revenus à La Havane, par Vera-Cruz (Veracruz), au printemps de 1804, s'y embarquèrent peu après pour Philadelphie. Le 9 juillet, ils quittèrent l'Amérique et, le 3 août, ils abordèrent à Bordeaux.

Les résultats de ce mémorable voyage, qui a reculé les bornes des connaissances géographiques et physiques, se trouvent consignés dans une monumentale publication, dont Alexandre de Humboldt s'occupa, à peine de retour, de coordonner les éléments et qui est communément divisée en six parties, dont chacune forme un ouvrage à part. En voici les titres :

I. Relation historique (Paris, 1811-1829, 3 vol. in-4; trad. allem. par Hauff, Stuttgart, 1859, 4 vol.). A cette relation, qui est d'ailleurs inachevée (elle s'arrête au mois d'avril 1801), se rattachent : Atlas géographique et physique (Paris, 1814, in-fol.); Vues des Cordillères et des monuments des peuples indigènes de l'Amérique (Paris, 1810 et suiv., 2 vol. in-fol.; nouv. édit., 1868).

II. Recueil d'observations de zoologie et d'anatomie comparée (Paris, 1805-1832, 2 vol. in-4).

III. Essai politique sur le royaume de la Nouvelle Espagne (Paris, 1811, 2 vol, in-4; trad, allem., 1814, 5 vol.). Cette partie est accompagnée d'un Atlas géographique et physique (Paris, 1811, in-fol.).

IV. Recueil d'observations astronomiques, d'opérations trigonométriques et de mesures barométriques (Paris, 1808-1810, 2 vol. in-4).

V. Essai sur la basigraphie géologique (Paris, 1807, in-4, très rare; trad. allem., Stuttgart, 1807). 

VI. Sect. I. Plantes équinoxiales (Paris, 1809-1818, 2 vol. in-fol.); sect II. Monographie des Melastomes et autres genres du même ordre (Paris, 1806-1823, 2 vol. in-fol.); sect. III. Nova Genera et species Plantarum, etc. (Paris, 1815-1825, 7 vol. in-fol.); sect. IV. Mimosées et autres plantes légumineuses (Paris, 1819-1824, 2 vol. in-fol.); sect. V. Synopsis Plantarum (Paris, 1822-1826, 4 vol. in-fol.); sect. VI. Révision des graminées (Paris, 1829-1834, 2 vol. in-fol

Une deuxième édition ne donne que le texte notablement remanié (Paris, 1816-1831, 13 vol. in-8). L'une et l'autre ont pour titre d'ensemble : Voyage aux régions équinoxiales du nouveau continent, fait en 1799-1804. De nombreux savants y ont collaboré : Oltmanus, auteur de la 4e partie tout entière, Kunth, Bonpland, auxquels on doit plusieurs volumes de la VIe partie, Cuvier, Latreille, Valenciennes, Gay-Lussac, Thénard, Vauquelin, etc. Au même voyage se rattachent d'ailleurs quelques autres ouvrages d'Alexandre de Humboldt : Ansichten der Natur (Stuttgart, 1808, 2 vol.; nombr. édit. ; trad. franç. par J.-B. Eyriès [Paris, 1808, 2 vol.], par le Dr Hoefer [Paris, 1850, 2 vol.] et par Ch. Galusky [2e éd., Paris, 1868]); Examen critique de l'histoire de la géographie du nouveau continent (Paris, 1814-1834, in-fol., ou 1836-1839, 5 vol. in-8 ; trad. allem. par J.-L. Ideler, Berlin, 1835-1851, 3 vol.); Essai géognostique sur le gisement des roches dans les deux hémisphères (Strasbourg, 1823 ; trad. allem. par C. von Leonard, Strasbourg, 1824); Observations sur quelques phénomènes peu communs qu'offre le goitre sous les tropiques (Paris, 1824, in-8); Evaluation numérique de la population du nouveau continent (Paris, 1825, in-8) ; Essai politique sur l'île de Cuba (Paris, 1826, 2 vol. in-8; trad. espagn., Paris, 1827), etc.

La préparation et la surveillance de ces nombreuses publications retinrent Alexandre de Humboldt à Paris pendant plus de vingt années, durant lesquelles il refusa toutes les offres qui lui furent faites par le gouvernement prussien. En 1805, il avait pris part aux recherches de Gay-Lussac sur l'analyse des gaz et effectué, en compagnie de celui-ci et de Léopold de Buch, un voyage en Italie. Il avait passé ensuite deux années à Berlin, pour n'y retourner définitivement qu'en 1827. Il s'était borné, dans l'intervalle, à aller assister en 1818 au congrès d'Aix-la-Chapelle et en 1822 à celui de Vérone. En 1827, il fit à l'université de Berlin des leçons célèbres de cosmographie physique. En 1829, il entreprit, à la demande du tsar, un nouveau voyage, cette fois dans l'Asie russe. Le naturaliste Ehrenberg, le chimiste Gustave Rose, l'ingénieur Mensehenin l'accompagnaient. La petite troupe, richement équipée, quitta Saint-Pétersbourg le 20 mai 1829. A Nijni-Novgorod, elle s'embarqua sur la Volga, ensuite s'avança par Kazan, les steppes de Kirghiz et l'Oural oriental, jusqu'à Tobolsk et aux monts Altaï, puis jusque dans la Dzoungarie chinoise, et rentra par Astrakhan, la Caspienne, le pays du Don et Moscou, à Saint-Pétersbourg, ou elle arriva au mois de novembre, ayant parcouru 2320 milles. 

Cette expédition fut pour Alexandre de Humboldt le sujet de deux nouvelles publications : Fragments de géologie et de climatologie asiatiques (Paris, 1832, 2 vol. in-8 ; trad. allem. par Leewenberg, Berlin, 1832); Asie centrale. Recherches sur les chaînes de montagnes et la climatologie comparée (Paris, 1843, 3 vol. in-8; trad. allem. par Mahlmann, Berlin, 1843-1844, 2 vol.). Elle aboutit en outre à l'organisation, sur divers points du globe, de stations d'observations magnétiques. De 1830 à 1848, Alexandre de Humboldt fit encore de fréquents séjours à Paris, où il fut envoyé six fois en mission diplomatique. Il alla aussi à Londres, en 1841, et à Copenhague, en 1845, avec son souverain, Frédéric-Guillaume IV, dont il était le conseiller favori. Il vécut ensuite dans une retraite relative, mettant la dernière main au quatrième volume d'un remarquable ouvrage dont le premier volume avait paru en 1845 et qui est comme la synthèse de tous ses travaux, le Cosmos (Stuttgart et Tübingen, 1845-1858, 4 vol. in-8 ; trad. franç. par Hervé Faye et Galusky; Paris, 1846 et suiv., 4 vol. in-8). C'est un inventaire de l'état des sciences physiques et naturelles à la fin de la première moitié du XIXe siècle. Il débute par des considérations générales d'ordre philosophique et offre ensuite, tracé de main de maître, un tableau descriptif de la nature. Une remarquable perfection d'exposition, jointe à une sûreté irréprochable de données et à une rare abondance d'idées fécondes, en font, au point de vue littéraire aussi bien que scientifique, une oeuvre incomparable. Son auteur avait quatre-vingt-neuf ans lorsqu'il livra les derniers feuillets à l'impression. Il mourut quelques mois après.

 Il existait dans le monde entier bien peu d'académies ou de sociétés savantes dont Alexandre de Humboldt ne fût membre, bien peu de distinctions honorifiques qui ne lui eussent été conférées. Il appartenait notamment, comme associé étranger, à l'Académie des sciences de Paris, qui l'avait élu en 1810, en remplacement de Cavendish. Berlin lui fit de magnifiques funérailles. Son centenaire fut célébré avec éclat, le 4 septembre 1869, dans les principales universités de l'Allemagne et des États-Unis. Une statue, due au sculpteur Begas, lui a été élevée à Berlin, devant l'Université, à côté de celle de son frère Guillaume.

Alexandre de Humboldt a été sans conteste le plus éminent naturaliste de son temps. A la fois physicien, chimiste, botaniste, zoologiste, géologue et astronome, il n'a pu devenir le savant hors ligne qu'il aurait dû être s'il avait limité ses investigations à une seule science. Néanmoins, et malgré cette universalité d'activité, il n'a pas été qu'un vulgarisateur; il a approfondi, il a inventé, et ses travaux sur le magnétisme terrestre, sur la climatologie, sur l'analyse de l'air, ses découvertes d'une foule d'espèces nouvelles dans les règnes végétal et animal, ses observations géologiques et astronomiques le classent, à tous égards, parmi les savants de premier ordre. Il a même constitué à peu près de toutes pièces quelques-unes des branches d'une science nouvelle, dont il a été en quelque sorte le créateur : la physique générale du globe; la géographie climatologique, celle des plantes, la physique des mers, ne possédaient avant lui qu'une existence problématique. La statistique et l'économie politique lui ont également de grandes obligations; par ses travaux sur les origines, la langue, la civilisation, les migrations et la chronologie des populations péruviennes et mexicaines, il a comblé plusieurs lacunes importantes.

Nous avons déjà, au cours de cette notice, signalé la plupart de ses principaux écrits. Alexandre de Humboldt a encore donné : Sur la Variation du magnétisme terrestre à différentes latitudes, en collaboration avec Biot (Paris, 1804, in-4); Ideen zu einer Physionomik der Gewoechse (Tubingue, 1806, in-8); Volcans des Cordillères de Quito et du Mexique (Paris, 1855, in-4; 2e éd., 1864). Il a en outre fourni des articles et des mémoires à plusieurs publications périodiques : Recueil de la Société d'Arcueil, Abhandlungen de l'Académie de Berlin, Annales de chimie et de physique, Annalen de Poggendorff, Jahrbuch de Bode, Astronomische Nachrichten, Dictionnaire d'histoire naturelle de d'Orbigny, Dictionnaire des sciences médicales, Revue de l'Orient, Nouvelles Annales des voyages et des sciences géographiques, etc. Quelques-uns ont été réunis en volume : Geognostische und physische Erinnerungen (Stuttgart, 1853). Il a aussi écrit, pour une multitude d'ouvrages, des préfaces, des introductions, etc.; il en est même qu'il a complètement annotés. Enfin sa correspondance a fait, comme celle de son frère, l'objet de plusieurs recueils : Briefe an Varnhagen von Ense (Leipzig, 1860); Briefwechsel mit einem jungen Freunde (Berlin, 1861); Briefwechsel mit H. Berghaus (léna, 1863, 3 vol.); Correspondance scientifique et littéraire (Paris, 1865-1869, 2 vol.); Lettres à M. A. Pictet (Genève, 1868, dans le Globe); Briefe an Bunsen (Leipzig, 1869); Briefe an Goethe (Leipzig, 1876); Briefe an Gauss (Leipzig, 1877); Briefe an Wilhelm von Humboldt (Stuttgart, 1880). Une édition abrégée de ses principaux ouvrages a été donnée par Th. Morgand (Paris, 1864-66). (Léon Sagnet).

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