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La découverte des plantes
L'histoire de la botanique
Si Aristote est le fondateur de la botanique (vers 347 av. J.-C.); c'est Ă  ThĂ©ophraste que l'on doit le plus ancien ouvrage qui soit restĂ© (l'Histoire des plantes, composĂ© en  320 av. J.-C. A peine nĂ©e, cette science a rapidement dĂ©clinĂ©. Ni les successeurs de ThĂ©ophraste, ni les naturalistes romains ne lui ont fait accomplir de progrès. Au Moyen âge, et spĂ©cialement dans le monde Arabe, on s'intĂ©resse surtout aux usages mĂ©dicinaux des plantes. Vers la fin du XVe siècle de notre ère, c'est-Ă -dire avec l'effervescence tous azimuts qui dĂ©finit la Renaissance, l'Ă©tude des plantes prit une nouvelle activitĂ©, et au siècle suivant parurent les travaux de Fuchs, Bock, des frères Bauhin, CĂ©salpin et de plusieurs autres. Les travaux de Tournefort (fin du XVIIe siècle) servirent de modèle Ă  LinnĂ© qui basa sa classification des plantes sur les diffĂ©rences des Ă©tamines et des pistils (1733), et son système fut dès lors adoptĂ© et resta en usage dans toutes les Ă©coles de botanique. LinnĂ© imagina le système binomial de nomenclature, dĂ©signant chaque plante par un nom gĂ©nĂ©rique et spĂ©cifique.

Après LinnĂ©, Bernard de Jussieu adopta un arrangement d'après les affinitĂ©s naturelles des plantes que publia son neveu, Antoine-Laurent  (Paris, 1789). Les botanistes ultĂ©rieures ont apportĂ© de nombreuses modifications au système de Jussieu. Candolle, dans son Prodromus Systemalis Naturalis Regni Vegetabilis, description de toutes les espèces connues (ouvrage commencĂ© en 1818 et terminĂ© en 1876), adopte les sĂ©ries descendantes; c'est-Ă -dire qu'il dĂ©crit d'abord les vĂ©gĂ©taux dont l'organisation est considĂ©rĂ©e comme la plus complète et qu'il passe ensuite Ă  ceux qui sont d'une structure plus simple. John Lindley, dans son Vegetable Kingdom (1846), adopte, au contraire, les sĂ©ries ascendantes. Le Genera Plantarum de Hooker et Bentham (1er vol. 1867), restera ensuite pendant quelque temps le guide pour l'Ă©tablissement des herbiers et des flores locales. A la mort de LinnĂ©, en 1778, on avait dĂ©crit 11 800 espèces de plantes; on en connaĂ®t  environ 100 000 Ă  la fin du XIXe siècle. Il pourrait y en avoir aujourd'hui plus du triple.

Les principes établis par tous les naturalistes, depuis Jussieu et son concept de subordination des caractères, ajoutés à ceux introduits par les idées évolutionnistes, articulés autours du concept de phylogénie, sont la base toutes les classifications des végétaux publiées jusqu'à nos jours. Parallèlement à ces préoccupations systématiques, d'autres approches ont investi la botanique à partir de la découverte du microscope (vers 1624). On s'est ainsi intéressé à l'anatomie des végétaux, dont les fondateurs, au XVIIe siècle, sont Malpighi et Grew. En 1667, Hooke découvre la cellule. Mais il faudra encore attendre le XIXe siècle, pour que Oken (1805) et Schleiden (1838), mettent sur pied la théorie cellulaire. Celle-ci restera inchangée dans ses grandes lignes jusqu'à la seconde moitié du XXe siècle, quand de nouvelles techniques d'investigation (microscope électronique), et de nouvelles approches (biologie moléculaire), conféreront à la botanique son visage actuel.

L'Antiquité

On considère Aristote comme le fondateur de la botanique (IVe siècle av. J.-C.). Ses divers Ă©crits sur les vĂ©gĂ©taux, notamment sa ThĂ©orie des Plantes, ont Ă©tĂ© perdus, mais les quelques fragments qui en restent en donnent une petite idĂ©e. A cĂ´tĂ© de nombreuses idĂ©es hypothĂ©tiques ou erronĂ©es, Ă©noncĂ©es dans divers mĂ©moires, Aristote a notamment Ă©mis une opinion fort juste an sujet de l'analogie de l'embryon animal avec l'embryon vĂ©gĂ©tal, de la sĂ©paration des sexes dans certaines plantes, de leur durĂ©e, etc. Des disciples d'Aristote qui cultivèrent la botanique, Phanias, DicĂ©arque et ThĂ©ophraste, le dernier seul a laissĂ©, 350 ans avant notre ère, deux ouvrages importants : une Histoire des Plantes  et Causes des Plantes, tous deux objets de nombreux commentaires et souvent rééditĂ©s.

Bien que, dans ces ouvrages, Théophraste n'ait été inspiré par aucune méthode digne de ce nom, il faut reconnaître qu'il sut apporter dans l'étude des végétaux des idées en grande partie dépourvues des préjugés de son époque et, en affirmant que la nature agit conformément à ses propres plans, et non dans l'intention d'être utile aux humains, il pensait en véritable naturaliste. Il créa des termes nouveaux pour désigner des modifications particulières de la structure végétale; il parle clairement de la fibre ligneuse et du parenchyme du bois, en donnant à ce dernier le nom de chair; enfin, il décrit exactement la différence qui existe entre le bois du Palmier et celui des arbres à couches concentriques. Ainsi, en fait, la découverte de la différence qui existe entre le bois des Dicotylédones et des Monocotylédones, s'avère vieille d'environ vingt-deux siècles, quoique ce soit seulement le début du XIXe siècle qu'on a fondé sur elle la grande division systématique des végétaux phanérogames. Le nombre des plantes qu'il a énumérées et en partie décrites est d'environ cinq cents, toutes de la région orientale du bassin méditerranéen. Mais il est bien difficile de pouvoir assimiler ces espèces à celles que nous connaissons

Après Théophraste, la botanique en tant que science disparaît complètement; car on ne peut pas véritablement qualifier de botanistes des auteurs, comme Dioscoride (60 ans environ ap. J.-C.), ou, à Rome, comme Pline l'Ancien (70 ans ap. J. -C.), qui ne comprenaient pas toujours les auteurs qu'ils copiaient, ou encore comme Columelle (50 ans ap. J.-C.), se bornaient à décrire les procédés agricoles usités de leur temps. On ne se désintéressent sans doute pas des plantes, mais cette situation durera tout tout de même pendant tout le Moyen Âge, et c'est seulement à la Renaissance que la botanique a véritablement pris son essor.

Le Moyen âge

La frontière que l'on trace entre les derniers auteurs romains ou grecs et les premiers auteurs médiévaux est bien sûr tout artificielle, et, comme dans bien d'autres domaines, le Moyen âge, quand il aborde les plantes, s'inscrit dans une continuité d'autant moins engageante que depuis Théophraste peu de progrès avaient été faits dans les derniers siècles de l'Antiquité. Ainsi, bien que le Traité de matière médicale de Dioscoride se soit, avec l'Histoire des Plantes de Théophraste, partagé l'autorité scientifique dans l'étude des végétaux pendant tout le Moyen âge jusqu'au XVIe siècle, ni l'un ni l'autre ne saurait être considéré, de même que la partie de l'Histoire naturelle de Pline consacrée aux plantes, que comme une énumération plus ou moins bien présentée des faits botaniques connus des Anciens. Au point de vue de la constatation de cette connaissance, ces ouvrages présentent sans doute un intérêt réel, mais ils ne renferment aucune idée à même d'imprimer un élan au progrès des connaissances. Cela ne signifie pas qu'on s'en désintéresse pour autant. Les médecins arabes qui connurent un certain nombre de plantes médicinales ou économiques, tout comme dans les mondes byzantin et latin, on trouve des auteurs qui ont écrit, soit des poèmes sur les végétaux, soit des ouvrages plus spéciaux.

La Renaissance

A partir du XVIe siècle, de même que toutes les autres branches de la science, devint l'objet de travaux assidus. La découverte de l'Amérique a sans doute aussi été déterminante pour ce qui concerne la botanique. Des missionnaires, des médecins, des voyageurs tels que Lopez de Gomara, F. Hernandez, Fernandez de Oviedo, Martin del Barco, Jérôme Benzoni, André Thevet, ont, les premiers, initiés aux richesses botaniques du Nouveau monde, et leurs ouvrages ont inauguré, pour la botanique, non pas l'ère de la renaissance comme on l'a dit, cette science n'ayant jamais été jusque-là bien cultivée, mais simplement une ère de progrès sans précédent.

L'une des plus importantes manifestations de ce développement fut la création de Jardins botaniques. C'est en Italie d'abord (cf. encadré ci-dessous), puis en Hollande, à Leyde en 1577, enfin en France à Montpellier en 1597 et à Paris en 1598, que furent successivement installées les premières collections de plantes vivantes.
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Les jardins botaniques

Les jardins botaniques sont des Ă©tablissements dans lesquels on cultive des plantes de tous les pays et de tous les climats, pour servir Ă  leur Ă©tude scientifique. 

Le premier jardin botanique fut établi à Salerne par Matthieu Silvaticus au commencement du XIVe siècle. En 1333, Venise créa un jardin médicinal public. Vinrent ensuite les jardins botaniques de Ferrare, de Padoue (1525), de Pise (1543), et de Bologne (1568). Celui de l'Université de Leyde date de 1577. Le plus ancien de France est celui de Montpellier (1597), et on en établit un à Paris en 1635

L'Angleterre et l'Allemagne n'ont créé de jardins botaniques que depuis la fin du XVIe siècle : Leipzig en 1580, Koenigsberg en 1591 Breslau en 1587, Heidelberg en 1593, Geissen en 1605, Ratisbonne, Iéna et Ulm en 1629, Goettingen en 1727; Oxford en 1640, Chelsea en 1752, Kew en 1760.

Celui qu'OlaĂĽs Rudbeck fonda Ă  Upsala en Suède, en 1657, est le plus important après celui de Paris. Aujourd'hui il n'est pas de grande  ville qui n'en possède.

Parallèlement, l'invention de l'imprimerie à caractères mobiles permit la publication d'ouvrages consacrés aux plantes, et plus spécialement d'herbiers, qui seront les premiers atlas du monde végétal. Tout au long du siècle, se succéderont ainsi avec ces ouvrages une foule d'éveilleurs à la botanique, tels Brassavola, Mattioli, Ruel, Brunfels, Fuchs, Turner, etc, encore très attachés aux auteurs de l'Antiquité (Dioscoride et Théophraste sont les plus prisés).

D'autres - leurs contemporains - font un pas de plus en avant, et commencent à élaborer des méthodes, des approches nouvelles (Manardi, Bock, Gessner, etc.); Lobel, Clusius, Dodoens, les frères Bauhin et d'autres sauront vite faire leur profit de ces semences. Le grand nom de la botanique au XVIe siècle restant cependant celui de Césalpin : dans son De plantis publié en 1583, il inaugure véritablement la botanique moderne.

Le XVIIe siècle

La botanique ne fut pas cultivĂ©e avec moins de zèle dans le cours du XVIIe siècle qu'elle ne l'avait Ă©tĂ© Ă  la Renaissance (La botanique Ă  la Renaissance). Le dĂ©but du siècle reste encore marquĂ© par l'influence des travaux des frères Bauhin, et des autres naturalistes de la fin du XVIe siècle. Mais peu Ă  peu, on voit Ă©clore, Ă  cĂ´tĂ© d'avancĂ©es en anatomie et en physiologie vĂ©gĂ©tale, avec les contributions d'Aromatari, Boyle, Hooke, Spiegel, plusieurs systèmes de classification comme ceux de Parkinson, (1640), Jung et d'autres, mais dont les plus remarquables sont ceux de John Ray (1680), de Rivin (1690), et de Pitton de Tournefort (1694). 

Quoique Rivin soit le premier qui ait rejeté la division des végétaux en arbres et herbes, que Ray et Tournefort eurent le tort de conserver, son système est bien inférieur à ceux de ces derniers, car il est uniquement fondé sur la considération de la corolle. Ray, au contraire, envisage les divers organes du végétal, et sait en tirer des groupes ou des classes conséidérées comme parfaitement naturelles. C'est ainsi, par exemple, que la seule considération du mode de nervation des feuilles lui fait établir la distinction des Monocotylédones et des Dicotylédones : néanmoins, en fondant cette grande division, il néglige l'étude de l'embryon. Il partage ensuite les Dicotylédones en Monoclines et Diclines, en se fondant sur la contiguïté fruit avec la fleur ou sur leur séparation.

Malgré son mérite, la classification de Ray fut complètement éclipsée par celle de Tournefort. La première distinction établie par ce dernier entre les végétaux repose sur la grandeur et la consistance de la tige; il sépare ainsi les herbes et les sous-arbrisseaux d'avec les arbres. Les plantes herbacées fournissent les 17 premières classes et les plantes ligneuses les 5 dernières. Il fonde, comme Rivin, ses classes sur la considération des enveloppes florales. Le succès de Tournefort tient surtout à ce qu'il sut le premier distinguer avec précision les genres, les espèces et les variétés qui s'y peuvent rapporter, et débrouiller ainsi le chaos créé par ses prédécesseurs. Le botaniste termina ainsi dignement le XVIIe siècle en préparant l'oeuvre de Linné, au siècle suivant.

Mais dĂ©jĂ  Ă  la mĂŞme Ă©poque, la botanique avait pris une face nouvelle en progressant sur d'autres fronts, grâce Ă  la dĂ©couverte du microscope, qui ouvrit Ă  l'observation un champ immense de recherches et de dĂ©couvertes. Les travaux de  Grew (1682)  et ceux de Malpighi (1676)  jetèrent ainsi les bases de l'organographie vĂ©gĂ©tale. NĂ©hĂ©miah Grew  fut le premier Ă  Ă©tudier, Ă  l'aide du microscope, la structure des plantes. Ses ouvrages prĂ©sentent un ensemble de recherches remarquables sur les organes vĂ©gĂ©taux, notamment l'ovule et la graine. Marcello Malpighi  fit, de l'Ă©tude anatomique des organes vĂ©gĂ©taux et animaux, l'objet de toutes ses recherches. Il dĂ©crivit l'Ă©volution de la feuille et de l'ovule naissant, la structure des tissus vĂ©gĂ©taux composĂ©s d'utricules, les fibres et les trachĂ©es. Après eux  les dĂ©couvertes ne furent pas aussi rapides qu'on le pourrait supposer. MĂ©ritent cependant une mention spĂ©ciale les travaux de R.-J. Camerarius sur le sexe des plantes, de Leeuwenhoek sur le tissu cellulaire, de Claude Perrault sur la circulation de la sève, de Dodart sur la physiologie de la tige, de Mariotte sur l'ascension de la sève.

Le XVIIIe siècle

Les botanistes du XVIIIe siècle ont poursuivi les recherches initiĂ©es par leurs aĂ®nĂ©s sur la physiologie des plantes. Bazin, Hales, Guettard, etc. Ă©tudient la nutrition des plantes et le circuit de la sève; les Ă©tudes Bonnet de de Duhamel du Monceau prĂ©parent, pour leur part la dĂ©couverte de la fonction respiratoire des feuilles (Priestley, J. Ingenhouz, J. Senebier). Morland et Vaillant, de leur cĂ´tĂ© Ă©tudient la sexualitĂ© des plantes.  Mais c'est surtout par les nouveaux systèmes taxinomiques proposĂ©s par LinnĂ© et les Jussieu que se signale ce siècle.

Burkhardt avait proposĂ©, dès 1702, de prendre les organes sexuels de vĂ©gĂ©taux pour base de la classification botanique. Un plan qui fut mis Ă  exĂ©cution par LinnĂ©, en mĂŞme temps prit pour modèle beaux travaux de Tournefort (fin du XVIIe siècle). LinnĂ© qui basa sa classification des plantes sur les diffĂ©rences des Ă©tamines et des pistils (1735), et son système artificiel fut dès lors adoptĂ© et  resta en usage dans toutes les Ă©coles de botanique. LinnĂ© adopta le système binomial de nomenclature, dĂ©signant chaque plante par un nom gĂ©nĂ©rique et spĂ©cifique. Bien qu'elle soit aujourd'hui tout Ă  fait hors d'usage, la classification de LinnĂ© est encore intĂ©ressante Ă  Ă©tudier.

Bernard de Jussieu adopta un arrangement d'après les affinités naturelles des plantes; et comme il ne publia jamais sa méthode, ce fut à son neveu, Antoine-Laurent, qu'incomba la tâche de faire connaître le système naturel dans ses : Genera Plantarum secundum Ordines Naturales disposita (Paris, 1789), donnant la description de plus de 20 000 espèces, et célèbres comme un merveilleux monument de sagacité, de profondeur, de science et comme un chef-d'oeuvre d'élégance et de précision.

Le XIXe siècle

Les cryptogames, qui avaient été singulièrement négligés par les anciens botanistes, ont été particulièrement l'objet de recherches persévérantes au XIXe siècle. La théorie de la morphologie proprement dite a été fondée au commencement du siècle par Goethe, et l'organogénie végétale a été créée de toutes pièces par un observateur aussi ingénieux que patient, Schleiden. Le globe, parcouru dans tous les sens, sans cependant avoir été régulièrement exploré, a déjà fourni un tel nombre de nouvelles espèces qu'un ne saurait l'évaluer à la fin du XIXe siècle à moins de 90 000 (on en Comptait 10 000 au plus au temps de Linné). Nonobstant ces acquisitions nouvelles, les familles établies par Jussieu sont restées; il a suffi ou d'élargir le cadre de certaines familles ou de dédoubler les autres. Quant à la coordination des familles entre elles sous des titres plus généraux, nombre d'auteurs ont proposé des modifications à la série établie par Jussieu; Candolle, Lindley, Brongniart, Bentham et Hooker, Caruel et beaucoup d'autres (Agardh, Dumortier, Bartling, Fries, Endlicher, Meissner, etc.) ont ainsi apporté des perfectionnements à la systématique rendus nécessaires par l'accroissement prodigieux du chiffre des espèces végétales.

Le XXe siècle

Au début du XXe siècle, la botanique était déjà une science bien établie, mais elle était encore largement descriptive et axée sur la morphologie et la taxonomie. L'influence de la théorie de l'évolution de Darwin se faisait sentir, mais la génétique mendélienne, redécouverte en 1900, allait bientôt révolutionner la compréhension de l'hérédité végétale et ouvrir de nouvelles voies de recherche.

L'une des avancées majeures de cette période fut le développement rapide de la physiologie végétale. Les scientifiques ont commencé à déchiffrer les mécanismes complexes de la photosynthèse, de la respiration, de la transpiration et du transport des nutriments dans les plantes. Des figures comme Frederick Blackman ont approfondi notre compréhension de la photosynthèse en étudiant les facteurs limitants, démontrant que ce processus n'était pas un simple acte chimique mais une série de réactions complexes influencées par la lumière, la température et la concentration en dioxyde de carbone. Le rôle des éléments minéraux dans la nutrition des plantes a été davantage élucidé, avec des recherches approfondies sur les macro et micro-nutriments essentiels à la croissance et au développement des plantes. Les études sur les hormones végétales, ou phytohormones, ont également commencé à émerger, identifiant des substances comme l'auxine et la gibbérelline et leur rôle crucial dans la régulation de la croissance, du développement et des réponses environnementales des plantes. Ces découvertes ont jeté les bases de l'agriculture moderne et de l'horticulture, permettant de manipuler la croissance des plantes pour améliorer les rendements et la qualité des cultures.

Parallèlement à la physiologie végétale, la génétique végétale a connu une croissance exponentielle. La redécouverte des lois de Mendel a fourni un cadre théorique pour comprendre l'hérédité des caractères végétaux. Les botanistes ont commencé à appliquer ces principes à l'amélioration des plantes, en développant des variétés de cultures plus résistantes aux maladies, plus productives et mieux adaptées à différents environnements. La cytogénétique, l'étude des chromosomes et de leur rôle dans l'hérédité, a également progressé, permettant de comprendre les bases chromosomiques de l'hérédité et des mutations. Les travaux de Barbara McClintock sur le maïs, bien que largement reconnus plus tard, ont commencé durant cette période, révélant des mécanismes génétiques complexes et inattendus, comme les transposons. La génétique des populations végétales a également commencé à se développer, étudiant la variation génétique au sein des populations de plantes et les forces évolutives qui la façonnent.

L'écologie végétale, bien que déjà présente, s'est structurée davantage en tant que discipline scientifique distincte. Les études sur les communautés végétales, les successions écologiques et les relations entre les plantes et leur environnement ont gagné en importance. Des concepts comme les biomes, les zones de végétation et les cycles biogéochimiques ont été affinés. L'écologie expérimentale a commencé à se développer, avec des botanistes concevant des expériences pour tester des hypothèses sur les interactions entre les plantes et leur environnement. L'importance de la conservation de la biodiversité végétale a également commencé à être reconnue, bien que la prise de conscience publique et les actions concrètes aient mis plus de temps à se manifester pleinement.

La taxonomie et la systématique, les disciplines traditionnelles de la botanique, ont continué d'évoluer. Bien que la morphologie comparée restât importante, les botanistes ont commencé à intégrer de nouvelles sources de données, comme l'anatomie, la cytologie et la chimie des plantes, pour améliorer la classification et la compréhension des relations évolutives entre les groupes végétaux. Le développement de la microscopie, notamment la microscopie électronique qui émerge à partir des années 1940, a permis d'étudier les structures végétales à des niveaux de détail sans précédent, fournissant de nouvelles informations pour la taxonomie et l'anatomie végétale. La paléobotanique, l'étude des plantes fossiles, a continué de contribuer à notre compréhension de l'évolution des plantes au fil du temps géologique, en révélant l'histoire des différents groupes végétaux et les changements dans la flore terrestre au cours des ères géologiques.

La pathologie végétale a gagné en importance en raison de son impact direct sur l'agriculture et la sécurité alimentaire. Les botanistes ont étudié les maladies des plantes causées par des champignons, des bactéries, des virus et d'autres agents pathogènes, cherchant à comprendre les cycles de vie des agents pathogènes et les mécanismes de résistance des plantes. Le développement de fongicides et d'autres méthodes de lutte contre les maladies des plantes a commencé à progresser, bien que les approches chimiques aient soulevé des préoccupations environnementales qui se sont intensifiées plus tard.

L'économie botanique, l'étude des utilisations pratiques des plantes par les humains, a continué d'être un domaine important. La recherche sur les plantes médicinales, les plantes alimentaires, les fibres végétales, les bois et autres produits végétaux a progressé, souvent en lien avec les besoins des industries et les enjeux de santé publique. Les explorations botaniques, bien que moins nombreuses qu'aux siècles précédents, ont continué à enrichir les collections botaniques et à apporter de nouvelles espèces à étudier et potentiellement à cultiver.

La première moitié du XXe siècle a également été marquée par deux guerres mondiales, qui ont eu un impact sur la recherche botanique. Pendant les guerres, la botanique a été mise à contribution pour soutenir l'effort de guerre, notamment en étudiant les plantes pouvant servir de sources alternatives de nourriture, de médicaments ou de matières premières. Après la Seconde Guerre mondiale, la recherche scientifique en général a connu un essor, avec un financement accru et une collaboration internationale plus forte.

Dans les années 1950 et 1960, l'essor de la microscopie électronique fut un catalyseur majeur. Pour la première fois, les botanistes pouvaient observer l'ultrastructure des cellules végétales avec une résolution sans précédent. Cela a révolutionné la compréhension de la photosynthèse, avec la découverte des détails des thylakoïdes dans les chloroplastes et la clarification du cycle de Calvin. L'organisation interne des cellules, les détails des parois cellulaires, les structures des organites comme les mitochondries et les ribosomes sont devenus visibles et étudiables avec une précision inédite. Cette période a également vu un approfondissement considérable de la physiologie végétale. Les travaux sur les hormones végétales, telles que les auxines, les gibbérellines et les cytokinines, ont progressé rapidement, révélant leur rôle crucial dans la croissance, le développement et la réponse des plantes à l'environnement. L'étude des mécanismes de transport de l'eau et des nutriments dans les plantes a également bénéficié de nouvelles méthodes, notamment l'utilisation d'isotopes radioactifs pour tracer les flux.

Parallèlement à ces avancées en physiologie et en anatomie cellulaire, la systématique et la taxonomie botanique ont commencé à intégrer de nouvelles approches. Si la morphologie restait la base de la classification, l'arrivée de la chimiotaxonomie, utilisant la composition chimique des plantes pour éclairer les relations évolutives, a apporté une dimension supplémentaire. L'utilisation de techniques biochimiques pour analyser les protéines et les composés secondaires a permis de confirmer ou de remettre en question les classifications basées uniquement sur les caractères morphologiques. L'écologie végétale a également pris son essor, influencée par l'écologie générale et le développement de la théorie des écosystèmes. L'étude des communautés végétales, des interactions entre les plantes et leur environnement, et des processus écologiques tels que la succession végétale et les cycles biogéochimiques s'est intensifiée. L'intérêt pour la conservation de la nature a commencé à croître, bien que la notion de biodiversité n'ait pas encore atteint la centralité qu'elle allait acquérir plus tard.

Les années 1970 et 1980 ont été marquées par l'émergence de la biologie moléculaire et son impact croissant sur la botanique. La découverte de l'ADN dans les années 1950 comme support de l'information génétique et le développement des techniques de biologie moléculaire, comme le séquençage de l'ADN et la PCR (réaction en chaîne par polymérase), ont ouvert de nouvelles perspectives extraordinaires. En botanique, cela a conduit à la naissance de la systématique moléculaire. Les séquences d'ADN, notamment celles de l'ADN ribosomique et de l'ADN chloroplastique, sont devenues des outils puissants pour reconstruire l'arbre phylogénétique des plantes et résoudre les questions de parenté évolutive. Cette approche a souvent confirmé des classifications traditionnelles, mais a aussi révélé des relations inattendues et conduit à des révisions majeures de la classification des plantes. La phylogénie moléculaire a permis de mieux comprendre l'évolution des grandes lignées végétales, comme l'origine des angiospermes (plantes à fleurs) et les relations entre les différentes familles et ordres.

La physiologie végétale a continué à progresser, avec une compréhension plus fine des mécanismes moléculaires régissant les processus fondamentaux. L'étude des récepteurs hormonaux, des voies de signalisation intracellulaire et de la régulation de l'expression des gènes a permis de décrypter les mécanismes par lesquels les plantes perçoivent et répondent à leur environnement. Les recherches sur la photosynthèse ont continué, notamment sur les mécanismes de capture de la lumière, de transport des électrons et de fixation du carbone. L'étude du métabolisme secondaire des plantes, important pour la pharmacologie et l'écologie chimique, a également connu un essor.

L'écologie végétale a continué de se développer, en intégrant de plus en plus les concepts de la biologie de la conservation. La prise de conscience croissante des problèmes environnementaux, tels que la déforestation, la pollution et le changement climatique, a stimulé la recherche sur les impacts de ces perturbations sur les écosystèmes végétaux et la biodiversité. L'écologie des populations végétales, l'étude des interactions plantes-animaux et l'écologie du paysage sont devenues des domaines de recherche importants. La notion de biodiversité, bien que déjà présente, a commencé à prendre une importance centrale, en lien avec la crise d'extinction des espèces.

Les annĂ©es 1990 ont marquĂ© l'entrĂ©e dans l'ère de la gĂ©nomique. Le sĂ©quençage du gĂ©nome d'Arabidopsis thaliana, une petite plante modèle, a Ă©tĂ© un Ă©vĂ©nement majeur, ouvrant la voie Ă  la gĂ©nomique vĂ©gĂ©tale. La disponibilitĂ© du gĂ©nome complet  d'Arabidopsis a permis d'identifier et de caractĂ©riser des milliers de gènes vĂ©gĂ©taux, de comprendre leurs fonctions et leurs interactions. Cela a eu un impact considĂ©rable sur tous les domaines de la botanique, de la physiologie Ă  la systĂ©matique en passant par l'Ă©cologie et le dĂ©veloppement. La gĂ©nomique comparĂ©e, qui consiste Ă  comparer les gĂ©nomes de diffĂ©rentes espèces vĂ©gĂ©tales, est devenue un outil puissant pour Ă©tudier l'Ă©volution des gènes et des gĂ©nomes vĂ©gĂ©taux, et pour identifier les bases gĂ©nĂ©tiques de l'adaptation des plantes Ă  diffĂ©rents environnements.

La biotechnologie végétale a également connu un développement spectaculaire dans les années 1990. Les techniques de transformation génétique des plantes, qui permettaient d'introduire des gènes étrangers dans le génome des plantes, sont devenues plus efficaces et plus largement utilisées. Cela a ouvert la voie à la création de plantes génétiquement modifiées (PGM) présentant des caractéristiques nouvelles, comme la résistance aux herbicides, aux insectes ou aux maladies, ou encore une meilleure qualité nutritionnelle. Les PGM ont suscité de vifs débats, notamment sur les questions de sécurité alimentaire et environnementale, mais elles ont également eu un impact significatif sur l'agriculture et l'industrie agroalimentaire.

La botanique de la fin du XXe siècle a, par ailleurs, Ă©tĂ© marquĂ©e par une interdisciplinaritĂ© croissante. Les botanistes ont de plus en plus collaborĂ© avec des chercheurs d'autres disciplines, comme la chimie, la physique, l'informatique et les sciences de la terre, pour aborder des questions complexes et multidimensionnelles. L'Ă©tude du changement climatique et de ses impacts sur les plantes et les Ă©cosystèmes, la conservation de la biodiversitĂ© face aux pressions anthropiques, le dĂ©veloppement de nouvelles cultures et de nouvelles utilisations des plantes, sont devenus des dĂ©fis majeurs pour la botanique du XXIe siècle, dont les fondations ont Ă©tĂ© solidement Ă©tablies durant la seconde moitiĂ© du XXe siècle. 

Le premier quart du XXIe siècle

L'achèvement du séquençage du génome d'Arabidopsis thaliana, une plante modèle, juste avant l'an 2000, a été un catalyseur essentiel, ouvrant une ère nouvelle pour la compréhension des mécanismes fondamentaux de la vie végétale. Cette ressource génomique a permis aux chercheurs d'explorer les fonctions des gènes végétaux à une échelle sans précédent, accélérant les progrès dans tous les domaines de la botanique, de la physiologie à la systématique en passant par l'écologie.

L'avènement des technologies de séquençage à haut débit, ou séquençage de nouvelle génération (NGS), a démocratisé l'accès aux données génomiques. Au lieu d'un seul génome modèle, les botanistes ont rapidement pu séquencer les génomes de nombreuses espèces végétales, cultivées et sauvages, offrant des perspectives comparatives inestimables. Ces données massives ont révolutionné la systématique végétale, permettant de reconstruire l'arbre phylogénétique des plantes avec une résolution et une précision accrues. Des relations évolutives autrefois obscures ont été éclaircies, et la classification des plantes a été affinée, reflétant mieux l'histoire de leur diversification. Le concept de phylogénomique, utilisant les données génomiques pour reconstruire la phylogénie, est devenu central dans la systématique botanique.

Parallèlement à la révolution génomique, la physiologie végétale a connu des avancées significatives. La compréhension des processus photosynthétiques, de la régulation hormonale, du transport des nutriments et des réponses aux stress environnementaux s'est approfondie. Les mécanismes moléculaires sous-jacents à ces processus ont été décryptés grâce à l'intégration des approches génomiques, protéomiques et métabolomiques. Par exemple, la découverte de nouveaux phytohormones et la caractérisation des voies de signalisation hormonale ont permis de mieux comprendre comment les plantes coordonnent leur croissance, leur développement et leurs réponses aux stimuli externes. L'étude des interactions plantes-microorganismes a également explosé, révélant la complexité et l'importance du microbiome végétal pour la santé et la productivité des plantes. La rhizosphère, zone de sol influencée par les racines, est apparue comme un écosystème microbien crucial, influençant l'acquisition des nutriments, la résistance aux maladies et la tolérance aux stress abiotiques.

L'écologie végétale a bénéficié des outils moléculaires et génomiques pour étudier les interactions entre les plantes et leur environnement à différentes échelles, du gène à l'écosystème. La génétique des populations et la génomique écologique ont permis d'étudier l'adaptation des plantes aux conditions environnementales locales, de comprendre les flux génétiques entre populations et de prédire les impacts du changement climatique sur la distribution et la survie des espèces végétales. Le changement climatique est devenu un thème central de la recherche botanique, avec un accent particulier sur la compréhension des réponses des plantes aux augmentations de température, aux sécheresses, aux inondations et aux changements de concentration en CO2 atmosphérique. La modélisation des réponses des plantes au climat et la prédiction des impacts sur les écosystèmes et l'agriculture sont devenues des domaines de recherche essentiels.

La botanique appliquée a également connu des développements majeurs. L'amélioration des cultures agricoles, un défi constant, a été transformée par l'utilisation des outils de la génomique et de la biotechnologie. Le développement de variétés résistantes aux maladies, tolérantes à la sécheresse, plus nutritives et plus productives a progressé grâce à la sélection assistée par marqueurs moléculaires, à la transgénèse et plus récemment, à l'édition génomique, notamment avec la technologie CRISPR-Cas9. L'édition génomique offre un potentiel immense pour modifier précisément le génome des plantes et accélérer l'amélioration des cultures, tout en soulevant des questions éthiques et réglementaires importantes. L'agriculture de précision, utilisant des capteurs, des drones et des analyses de données, s'est développée pour optimiser l'utilisation des ressources et minimiser l'impact environnemental de l'agriculture.

La conservation de la biodiversité végétale est devenue une préoccupation de plus en plus urgente. La perte d'habitats, le changement climatique, les espèces invasives et la surexploitation des ressources naturelles menacent de nombreuses espèces végétales. La botanique de la conservation s'est renforcée, utilisant les outils de la génomique, de l'écologie et de la modélisation pour identifier les espèces menacées, comprendre les facteurs de déclin et élaborer des stratégies de conservation efficaces. Les jardins botaniques ont joué un rôle crucial dans la conservation ex situ des espèces menacées et dans la sensibilisation du public à l'importance de la biodiversité végétale.

Enfin, on notera l'évolution des outils et des approches méthodologiques en botanique. La microscopie a continué de progresser, avec le développement de microscopes confocaux, super-résolution et à feuille de lumière, permettant de visualiser les structures et les processus cellulaires avec une précision toujours plus grande. L'imagerie non invasive, comme l'IRM et la tomographie, a permis d'étudier les plantes vivantes en trois dimensions, ouvrant de nouvelles perspectives pour la physiologie et le développement végétal. La bioinformatique et l'analyse de données massives sont devenues des compétences essentielles pour les botanistes, permettant d'exploiter la richesse des données génomiques, écologiques et physiologiques. L'automatisation et la robotique ont également fait leur apparition dans la recherche botanique, notamment pour le phénotypage à haut débit, permettant de caractériser rapidement de grandes collections de plantes.

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