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Bélisaire

Bélisaire est un général byzantin, du VIe siècle. Né en Dardanie, il servit dans les gardes de l'empereur Justin, et sous ce règne, parvenu déjà à un grade élevé, se fit battre dans l'Arménie persane. Il fut chargé ensuite du gouvernement de la place importante de Dara et prit alors pour secrétaire Procope, qui fut dans la suite son historiographe. En 530, nommé général en chef des troupes d'Orient, il fortifia à nouveau toutes les places byzantines le long de l'Euphrate. Il avait repoussé cette année une invasion persane; mais l'année suivante, attaqué par une nouvelle armée, il dut, contre son avis, céder à ses troupes qui réclamaient une bataille, et il fut vaincu à Callinique (avril 531). Justinien rappela Bélisaire; Procope dit, il est vrai, que ce fut afin de l'envoyer contre les Vandales. Pour le salut de Justinien, il se trouvait à Constantinople lorsqu'éclata la fameuse sédition Nika qui mit en danger le pouvoir et même la vie de l'empereur. Bélisaire, à la tête des troupes qu'il put réunir, engagea la lutte dans les rues; il parvint à cerner les rebelles dans l'hippodrome et les y massacra; 30,000 hommes périrent (janvier 532). Un pareil service assura son crédit. En juin 534, il partait pour l'Afrique avec une armée d'élite et le patriarche bénissait solennellement la flotte. 
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Bélisaire.
Représentation supposée de Bélisaire au côté de Justinien, sur une mosaïque de Ravenne.

Après avoir relâché en différents endroits, et notamment en Sicile où les Ostrogoths permirent aux Romains de se ravitailler, Bélisaire aborda à Caputvada, à cinq journées de Carthage. Il sut habilement se présenter aux anciennes populations comme un libérateur chargé de les affranchir du joug des Vandales ariens, aux Vandales eux-mêmes comme l'ennemi non pas de leur nation, mais de leur roi Gélimer en qui Byzance ne voulait voir qu'un usurpateur. Grâce à la discipline qu'il avait établie, l'armée marcha sur Carthage sans piller ni mécontenter les habitants. Les Vandales ne parvinrent pas à l'arrêter à la bataille de Décime, et les Romains entrèrent à Carthage sans résistance (15 septembre 534). Une dernière bataille s'engagea à Tricaméron; avec 6000 hommes de cavalerie, Bélisaire battit l'armée fort nombreuse des Vandales. Réfugié à Médène sur le mont Pappuas, Gélimer y fut bloqué et au bout de trois mois dut se rendre. Pendant ce temps les Romains reprenaient la Sardaigne, les îles Baléares. Bélisaire avait montré dans cette expédition un égal talent à conquérir et à administrer la conquête. Ses ennemis l'accusèrent secrètement auprès de Justinien de songer à créer à son profit un Etat indépendant.

Il retourna à Constantinople où Justinien lui décerna les honneurs du triomphe (mars 535); il fut nommé consul, comblé de marques de distinction et Justinien fit même frapper une médaille avec la légende « Bélisaire, la gloire des Romains ». La même année, Justinien rompait avec les Ostrogoths d'Italie. Bélisaire fut chargé de leur enlever la Sicile. Panorme seule lui résista, mais sans succès. Après une courte excursion en Afrique, où des troubles s'étaient produits et où il ramena l'ordre, Bélisaire passa en Italie; ici encore les populations catholiques l'accueillirent comme un libérateur. Cependant Naples, défendue par des troupes nombreuses, résista. Bélisaire, afin de ne pas perdre de temps, allait se retirer, lorsqu'un soldat découvrit le moyen de pénétrer dans la ville par un aqueduc. Naples fut prise et pillée (536). Après avoir laissé quelques garnisons dans l'Italie du Sud, Bélisaire marcha sur Rome. Il n'y eut même pas de résistance, les Romains ouvrirent leurs portes, tandis que la garnison gothique obtenait de se retirer à Ravenne (10 décembre). Bélisaire s'empressa de fortifier la ville et d'y amasser des vivres. 

L'année suivante, en effet, le roi Vitigès avec une nombreuse armée vint assiéger Rome Malgré le petit nombre de ses soldats, Bélisaire organisa la défense repoussa tous les assauts et fit lui-même d'heureuses sorties. Après avoir réclamé des secours à Justinien, il fit sortir tes bouches inutiles, enrôla les artisans. Enfin, après un siège d'un an et neuf jours, les Goths furent obligés de se retirer (mars 538). Vers cette époque l'eunuque Narsès amena à Bélisaire un corps d'armée de 7000 hommes. Bélisaire put délivrer un de ses lieutenants, Jean, bloqué dans Rimini, mais il se heurta bientôt à la rivalité de Narsès qui combattait tous ses projets et ne voulait pas reconnaître son autorité. Narsès se sépara même de Bélisaire qui travaillait à soumettre les principales places occupées par les Goths

Ces mésintelligences amenèrent un désastre, la perte de Milan, qui s'était soumise aux Romains, et qui fut reprise par les Goths (juin 539). Justinien se décida à rappeler Narsès. Bélisaire allait enfin assiéger Ravenne, où Vitigès s'était réfugié, quand celui-ci se décida à traiter. Justinien lui accordait le titre de roi et les régions au delà du Pô. Bélisaire était mécontent de ce traité qui lui paraissait trop favorable. Les Goths lui proposèrent secrètement de le reconnaître comme empereur, il feignit d'accepter, entra par cette ruse dans Ravenne et s'empara de Vitigès. Mais les ennemis de Bélisaire s'empressèrent d'exploiter contre lui cette circonstance; Justinien le rappela, sous couleur de le charger de la guerre d'Orient (540). La situation de ce côté était critique. En 540 Chosroès ravagea la Syrie et contraignit Justinien à une paix humiliante; l'année suivante. (541), il envahit le Lazique.

Bélisaire, envoyé alors en Orient , pénétra en Perse, remporta un premier succès près de Nisibe, s'empara de Sisaurane, mais fut ensuite obligé, par la trahison d'un de ses officiers, de repasser l'Euphrate. En 542, Chosroès se dirigeant de nouveau contre la Syrie, Bélisaire, qui était presque sans troupes, parvint à lui faire croire qu'il disposait d'une nombreuse armée et le décida ainsi à la retraite; mais il fut rappelé à Constantinople et dut se défendre contre de nouvelles accusations. Cependant il fallut bientôt l'envoyer en Italie où les fautes de ses successeurs avait permis à Totila, le nouveau roi goth, de reprendre l'avantage (545). Malheureusement Bélisaire, manquant de troupes, ne pouvait agir sérieusement; les renforts qu'on se décida à lui envoyer furent insuffisants. Totila assiégeait Rome; Bélisaire essaya vainement de la ravitailler; dans la nuit du 16 au 17 décembre 546, Totila entrait à Rome, mais il ne put s'y maintenir et fut bientôt obligé de se retirer dans l'Italie méridionale. Rentré dans Rome, Bélisaire la fortifia de nouveau, la défendit contre un retour offensif des Goths. Ses lieutenants subirent cependant des échecs et le manque de troupes le réduisait souvent à l'inaction. Enfin, en 548, il obtint de retourner à Constantinople. Narsès lui succéda et obtint les ressources qu'on avait refusées à Bélisaire. Dès lors, pendant de longues années, Bélisaire ne fut plus employé. 

En 559, une formidable invasion des Huns Coutrigours menaça Constantinople même. Dans ce pressant danger Justinien fit appel à Bélisaire qui, sans antre armée régulière que 300 vétérans, sauva l'empire. Mais ses ennemis excitèrent encore contre lui l'empereur, prétendirent qu'il songeait an trône, que sa popularité était dangereuse. En 563, ils l'impliquèrent, à l'aide de dénonciations calomnieuses, dans un complot contre Justinien; on le disgracia, on le dépouilla de ses biens, il fut gardé à vue dans sa maison. Ce ne fut qu'au bout de sept mois que l'injustice de ces accusations fut reconnue et qu'il rentra en grâce. Il mourut huit mois après, peu de temps avant Justinien (mars 565). Cet événement a donné naissance à la légende qui représente Bélisaire aveugle et mendiant son pain, que Marmontel a suivie dans son Bélisaire,  et qui a été popularisée à la fin du XVIIIe siècle  et au commencement du XIXe par les tableaux de nombreux peintres. Les tableaux les plus connus qui représentent ce sujet sont ceux de van Dyck, gravé par A. Bosse; de Salvator Rosa, au palais Doria, à Rome, et dans la collection Townshend, en Angleterre; de David, au Louvre, gravé par Antoine-Alexandre Morel et par Gauchard; de François Gérard, dans la galerie Leuchtenberg, à Munich, etc.
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Gérard : Bélisaire demandant l'aumône.
Bélisaire demandant l'aumône, par Gérard. - Le vieux guerrier, ayant pour tout vêtement une tunique légère, retenue sur sa poitrine par une agrafe et serrée à la taille par une ceinture, tient dans sa main droite un long bâton avec lequel il cherche à reconnaître sa route, et porte sur son bras gauche son jeune guide. Celui-ci étreint le cou de Bélisaire et semble près d'expirer; autour de ses jambes est enroulé un serpent qui lui a fait une blessure mortelle. Ce groupe, placé au bord d'une pièce d'eau dans laquelle le moindre écart peut faire tomber le vieillard et l'enfant, se détache sur un ciel éclairé par les dernières lueurs du soleil. (NLI).

Le moine Tzetzès (XIIe s.), dans ses Chiliades, semble en avoir été le premier auteur; il paraît avoir confondu Bélisaire avec Jean de Cappadoce, préfet du prétoire sous Justinien, qui, à la suite de sa disgrâce, fut en effet obligé de demander l'aumône.

Procope, dans ses livres sur les guerres persiques, vandaliques, gothiques, a raconté les guerres de Bélisaire dont il avait été le secrétaire et le compagnon, mais en exagérant peut-être parfois la force numérique des armées qu'il eut à combattre. Au contraire, dans ses fameux Anecdota il l'a accusé de rapacité, de faiblesse de caractère et il s'est complu à détailler la chronique de ses mésaventures conjugales. Marié par Théodora à Antonine, issue d'une famille de cochers du cirque, Bélisaire aurait trouvé en elle une femme active, intelligente, prête à l'accompagner et même à l'aider utilement dans ses expéditions, mais qui l'aurait ridiculisé par la publicité de ses débauches. 

Procope montre Bélisaire crédule et faible jusqu'à la sottise, sacrifiant au besoin à la haine d'Antonine ses amis les plus dévoués. Il signale aussi l'intervention d'Antonine dans de graves affaires, comme la disgrâce du pape Silvère qui, après avoir ouvert Rome à Bélisaire, fut odieusement persécuté. En cette dernière circonstance, ce que dit Procope est confirmé par le Liber Pontificalis de Rome; mais en général les accusations contenues dans les Anecdote n'étant point connues par d'autres auteurs, on n'ose ni rejeter ni accepter entièrement le témoignage de Procope. D'ailleurs, la complète authenticité des Anecdota n'est pas à l'abri des critiques. Il reste acquis que la plupart des victoires du règne de Justinien furent dues à Bélisaire. Comme général il semble n'avoir pas aimé à manoeuvrer avec de grandes armées et avoir évité les batailles; il excellait, au contraire, dans la guerre de sièges, dans les surprises. (C. Bayet).
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David, le retour de Bélisaire.
Le retour de Bélisaire, par David.
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