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Hérodote

Hérodote est un historien grec, né à Halicarnasse vers 480 av. J.-C., mort à Thuries vers 425. Il appartenait à une famille illustre et avait pour oncle le poète épique Panyasis, à l'influence duquel il dut, sans doute, son goût pour la lecture des poèmes, sa curiosité des antiques histoires et son amour des voyages. Il fut mêlé aux luttes politiques, car il était, avec Panyasis, du parti national, qui, après la mort d'Artémise, se souleva contre le tyran Lygdamis. Panyasis fut tué; Hérodote, forcé de se réfugier à Samos, ne put rentrer dans sa cité qu'après la bataille de l'Eurymédon. 

Obligé de s'exiler de nouveau, on ne sait à la suite de quels événements, il devint, vers 444, citoyen de Thuries, fondée par les Athéniens, dans la Grande-Grèce, sur l'emplacement de Sybaris. Il fit, aux diverses époques de sa vie, de nombreux voyages, en Médie, en Perse, en Assyrie, en Egypte, où il remonta le Nil jusqu'à Eléphantine, à Cyrène, dans le Pont-Euxin, dans la Grande-Grèce, dans la Grèce, et en particulier à Athènes, où il fut lié avec Périclès et Sophocle. La légende, rapportée par Thucydide, affirme qu'il lut le commencement de cet ouvrage aux Grecs assemblés aux jeux olympiques (456 av. J.-C.), et qu'il excita un enthousiasme universel... Douze ans après il lut l'ouvrage entier, à la fête des Panathénées, et reçut des Athéniens en récompense une somme de 10 talents.

L'Histoire d'Hérodote forme 9 livres dont chacun porte le nom d'une Muse; mais cette division, d'ailleurs tout artificielle, est certainement postérieure. Il est probable que l'oeuvre est restée inachevée, car les guerres médiques n'ont pas été terminées par la prise de Sestos, à laquelle s'arrête le récit. Le livre n'en a pas moins une incontestable unité, car tout y gravite autour de la lutte entre les Grecs et les Perses, qui en est le véritable sujet. Crésus étant le premier prince d'Asie qui ait attaqué les Grecs, Hérodote établit sa généalogie, raconte sa grandeur et sa décadence ; puis, comme les Lydiens ont été asservis par Cyrus, roi des Perses, qui s'étaient élevés en enlevant l'empire aux Mèdes, il narre l'histoire de ces derniers. Après la mort de Cyrus dans l'expédition contre les Massagètes, le royaume passe à Cambyse, qui fait la conquête de l'Egypte : l'historien est ainsi amené à décrire ce pays. La tentative du faux Smerdis échoue; Darius, le royaume divisé en satrapies et le pouvoir organisé, s'efforce vainement de soumettre la Scythie; il se tourne alors vers la Thrace, où il pénètre, va réduire la Libye, puis reprend la lutte contre les Grecs, qui sont vainqueurs de Datis et d'Artapherne à Marathon. Pour les venger, Xerxès prépare une nouvelle
expédition qui aboutit au double désastre de Salamine et de Platées. La Grèce est sauvée, l'indépendance des Grecs d'Asie reconnue, la trahison des Hellènes, alliés des Barbares, châtiée. Notons qu'Hérodote a été fort bref sur l'Assyrie et a renvoyé à des récits assyriens que nous ne possédons pas.

L'unité de son livre distingue déjà Hérodote des logographes, comme Cadmus de Milet et Charon de Lampsaque, ou des nomenclateurs comme Hécatée. De plus, il a l'esprit critique : son ouvrage est l'exposé de ses recherches; il est vraiment historien, quelles que puissent être sa crédulité et son ignorance des langues, des inscriptions, des méthodes scientifiques. Sa curiosité, sa sincérité, sa prudence et sa raison donnent presque toujours une grande autorité à ses jugements. Il est moraliste. car il veut sauver de l'oubli les belles actions des hommes et les proposer en exemple à la postérité; il est philosophe, car il croit que les événements du monde sont dirigés par la divinité qui frappe tous ceux qui prétendent s'élever au-dessus de la condition humaine.

Hérodote est le plus intéressant des conteurs. Il est encore voisin des poètes épiques dont il a la simplicité, le naturel et même la lenteur. Il sait mettre en scène et peindre au vif ses personnages, donner à leurs discours et à leurs entretiens l'accent de la vérité. C'est là que son invention a la plus large part; il est poète autant qu'historien; il donne à l'histoire le caractère oratoire, dramatique et idéal qu'elle gardera dans l'Antiquité, chez Thucydide et Polybe, Tite Live et Tacite.

Il écrit dans le dialecte ionien, naturellement doux et gracieux. Son vocabulaire, emprunté à la langue courante, est simple et clair, souvent relevé par des expressions religieuses et poétiques. Sa phrase n'est encore ni nouée, ni ponctuée; la période n'y apparaît pas, même dans les discours. Le style ne se présente pas comme un organisme logique; il est flottant, facile et familier, capable d'ailleurs d'élévation et de grandeur. La vraie prose est désormais créée; car, si elle doit montrer, après Hérodote, plus de mouvement, de force et de grandeur, elle n'aura jamais plus d'agrément ni de charme. (Médéric Dufour).

Le monde d'Hérodote

Trois ou quatre siècles s'étaient écoulés depuis Homère. Les poètes tels qu'Hésiode, Pindare, Eschyle; les historiens et les philosophes tels qu'Hécatée de Milet (Ve siècle), qui rédigea le premier traité de géographie; Anaximandre, qui dessina la première carte géographique (cinquième siècle), avaient ajouté quelques données à celles que l'on possédait. Le voyage de Skylax, de Kariandre, en Asie, par ordre de Dariéouche (Darius Ier), les reconnaissances hydrographiques des Carthaginois Himilcon et Hannon (Périple de Hannon) sur les côtes occidentales d'Europe et d'Afrique, appartenaient aussi à cette période; mais les résultats n'en furent connus que plus tard. Au total, la géographie générale avait fait peu de progrès, lorsqu'Hérodote vint lire ses histoires à la Grèce assemblée pour les fêtes de la 81e olympiade (456 ans avant J.-C.). On sait de quelles acclamations fut saluée cette lecture, qui, recommencée dix ans après (444), valut à son auteur un don public de dix talents - une fortune!

Les opinions géographiques d'Hérodote ne forment pas un tout unique et complet; il ne les expose que lorsque sa méthode de raconter l'exige, et sa méthode est de ne jamais séparer la géographie de l'histoire, la scène de l'action : elles sont donc éparses dans toutes les parties de ces admirables livres associés par l'enthousiasme de tout un peuple aux noms des neuf Muses. Nous allons les en extraire, afin de les présenter dans leur ensemble. 

"Pour moi, dit-il, je ne puis m'empêcher de rire quand je vois quelques gens qui ont donné des descriptions de la circonférence de la Terre prétendre, sans se laisser guider par la raison, que la terre est ronde comme si elle eût été travaillée au tour, que l'océan l'environne de toutes parts, et que l'Asie est égale à l'Europe. Mais je vais montrer en peu de mots la grandeur de chacune de ces deux parties du monde et en décrire la figure.

Le pays occupé par les Perses s'étend jusqu'à la mer Australe, qu'on appelle mer Érythrée. Au-dessus, vers le nord, habitent les Mèdes; au-dessus des Mèdes, les Sapires, et par-delà les Sapires les Colkhidiens, qui sont contigus à la mer du Nord (mer Noire), où se jette le Phase. Ces quatre nations s'étendent d'une mer à l'autre.

De là, en allant vers l'occident, on rencontre deux péninsules opposées qui aboutissent à la mer; je vais en faire la description : l'une, du coté du nord (l'Asie-Mineure), commence au Phase et s'étend vers la mer (Égée), le long du Pont-Euxin et de l'Hellespont jusqu'au promontoire de Sigée, dans la Troade. Du coté du sud, cette même péninsule commence au golfe Myriandrique, adjacent à la Phénicie, le long de la mer (de Kypre) jusqu'au promontoire Triopium. Cette péninsule est habitée par trente nations différentes.

L'autre péninsule commence aux Perses, et s'étend jusqu'à la mer Érythrée et le long de cette mer. Elle comprend la Perse, ensuite l'Assyrie et l'Arabie; elle aboutit, mais seulement en vertu d'une loi, au golfe Arabique, où Darius fit conduire un canal qui vient du Nil. De la Perse à la Phénicie le pays est grand et vaste; depuis la Phénicie, la même péninsule s'étend le long de cette mer-ci par la Syrie, de la Palestine à l'Égypte, où elle aboutit; elle ne renferme que trois nations : tels sont les pays de l'Asie à l'occident de la Perse.

Les pays à l'est, au-dessus des Perses, des Mèdes, des Sapires et des Colkhidiens, sont bornés de ce coté (au sud) par la mer Érythrée, et du côté du nord par la mer Caspienne et par l'Araxe (d'Arménie), qui prend son cours vers le Soleil levant. L'Asie est habitée jusqu'à l'Inde; mais au-delà de ce pays on ne rencontre à l'est que des déserts inconnus, et dont on ne peut rien dire de certain : tels sont les pays que comprend l'Asie, et telle est son étendue.

La Libye (Afrique) suit immédiatement l'Égypte, et fait partie de la seconde péninsule, laquelle est étroite aux environs de l'Égypte. En effet, depuis cette mer-ci (la Méditerranée) jusqu'à la mer Érythrée (mer Rouge ou golfe Arabique) il n'y a que cent mille orghyes, qui font mille stades; mais, à partir de ce point, la péninsule devient spacieuse et prend le nom de Libye.

J'admire d'autant plus ceux qui ont décrit la Libye, l'Asie et l'Europe, et qui en ont déterminé les bornes, qu'il y a beaucoup de différences entre ces trois parties de la Terre; Car l'Europe surpasse en longueur les deux autres; mais il ne me paraît pas qu'elle puisse leur être comparée quant à la largeur. La Libye montre elle-même qu'elle est environnée de la mer, excepté du côté où elle conflue à l'Asie Nécos, roi d'Égypte, est le premier, que nous sachions, qui l'ait démontré. Lorsqu'il eut fait cesser de creuser le canal qui devait conduire les eaux du Nil au golfe Arabique, il fit partir des Phéniciens sur des vaisseaux, avec ordre d'entrer, à leur retour, par les Colonnes d'Hercule dans la mer septentrionale (la Méditerranée), et de revenir de cette manière en Égypte... Ils racontèrent à leur arrivée qu'en faisant voile autour de la Libye, ils avaient eu le Soleil à leur droite. Ce fait ne me paraît nullement croyable; mais peut-être le paraîtra-t-il à quelque autre. C'est ainsi que la Libye a été connue pour la première fois.

La plus grande partie de l'Asie fut découverte par Darius. Ce prince voulant savoir en quel endroit de la mer se jetait l'Indus, qui, après le Nil, est le seul fleuve dans lequel on trouve des crocodiles, envoya sur des vaisseaux des hommes sûrs et véridiques, et entre autres, Skylax de Kariandre. Ils s'embarquèrent à Naspapyre (Kashmyr, qui porta d'abord le nom de Kasiapapoura, la ville de Kasiapa), dans la Pactyiké, descendirent le fleuve de l'est jusqu'à la mer; de là, naviguant vers l'occident, ils arrivèrent enfin, le trentième mois après leur départ, au même point (celui de Klysma, près de Souez) où les Phéniciens, dont j'ai parlé ci-dessus, s'étaient autrefois embarqués par ordre du roi d'Égypte pour faire le tour de la Libye. Ce périple achevé, Darius subjugua les Indiens et se servit de cette mer. C'est ainsi qu'on a reconnu que l'Asie, si on en excepte la partie orientale, ressemble en tout à la Libye (c'est-à-dire qu'elle est baignée par la mer au sud).

"Quant à l'Europe, il ne paraît pas que personne jusqu'ici ait découvert si elle est environnée de la mer à l'Est et au Nord; mais on sait qu'en sa longueur elle surpasse les deux autres parties de la Terre. Je ne puis conjecturer pourquoi la Terre étant une, on lui donne trois différents noms qui sont des noms de femmes, et pourquoi on donne à l'Asie pour bornes le Nil, fleuve d'Égypte, et le Phase, fleuve de Colkhide, ou, selon d'autres, le Tanaïs (Don), le Palus-Maiotide (la mer d'Azov) et la ville de Porthmie en Kimmérie (sur le détroit de Iéni-Kalèh [détroit de Kertch], en Crimée). Enfin je n'ai pu savoir comment s'appelaient ceux qui ont ainsi divisé la Terre, ni d'où ils ont pris les noms qu'ils lui ont donnés."

Nous avons reproduit ces passages en entier : il est réellement curieux d'y suivre la marche des idées, et des opinions, en même temps que celle des découvertes.

Nous venons de voir quelles sont les idées générales d'Hérodote sur le monde; il les complète, toutes les fois que l'occasion s'en présente, par des détails que nous allons grouper autour des noms des trois parties de la Terre.

Europe.
Hérodote ne sait rien de certain sur l'extrémité occidentale de l'Europe, vers le nord, si ce n'est que l'étain et l'ambre viennent de là; l'Eridan (peut-être, ici, l'Oder) et les îles Cassitérides (les îles Scilly?) lui sont seulement connus de nom. Au midi, le bassin occidental de la Méditerranée ne se lie qu'incidemment dans son récit à l'histoire des Phocéens, "les premiers chez les Grecs, dit-il, qui aient entrepris de longs voyages, et qui aient fait connaître la mer Adriatique, la Tyrrhénie (la Toscane), l'Ibérie (l'Espagne) et Tartessus (le bassin du Guadalquivir, la Bétique)." Comme il avait fait de Thurium (ou Sybaris, en Calabre) sa patrie adoptive, il semble incontestable que, s'il n'a rien dit de Rome et du reste de l'Italie, et s'il mentionne à peine Carthage, c'est que ces deux points si importants ne rentraient pas dans son cadre.

Une exploration complète du bassin de l'Istres (le Danube) lui a permis non seulement de décrire tous les affluents de ce fleuve, mais encore elle lui a fait connaître les Keltes (les Gaulois), les derniers peuples de l'Europe du côté du couchant, si l'on excepte les Kynètes (les habitants de l'AIgarves, Portugal).

Ce qu'il dit de la Skythie est très complet. C'est un pays plat, abondant en pâturages, et qui est coupé d'innombrables rivières, dont il décrit avec détail les principales. 

"Le pays au-delà du Tanaïs n'appartient pas à la Skythie. Il se partage en plusieurs contrées : la première est aux Sauromates, qui occupent l'extrémité du Palus-Maiotide; la seconde, aux Boudines, qui se peignent le corps en bleu et en rouge; au-delà est un, désert. Après ce désert, en appuyant vers l'est, on trouve les Tyssaghètes (une des tribus du grand peuple Gheate ou les Gètes), qui, ainsi que leurs voisins les Iyrques, ne vivent que de gibier. Au-delà des Iyrques, à l'est, on trouve d'autres Skythes; puis, plus loin, au pied de hautes montagnes, les Argippéens, peuples chauves qui n'ont aucune arme offensive, et que, pour cette raison, leurs voisins regardent comme sacrés. Les Argippéens racontent que les montagnes au nord de leur pays (les monts de l'Oural) sont habitées par des Aegipodes ou hommes aux pieds de chèvre; mais cela ne me paraît mériter aucune sorte de croyance. Ils ajoutent aussi que, si l'on avance plus loin, on trouve d'autres peuples qui dorment six mois de l'année. Pour moi, je ne puis absolument le croire. On sait que le pays à l'est des Argippéens est occupé par les Issédons; mais celui qui est au-dessus, du côté du nord, n'est connu ni des uns ni des autres, qui n'en disent que ce que je viens d'en rapporter. Quant au pays en arrière des Issédons, il est habité, disent-ils, par les Arimaspes, hommes qui n'ont qu'un oeil, et par des Gryphons, qui gardent l'or."
Deux assertions dont Hérodote rit dédaigneusement, tout en admettant l'abondance de l'or dans cette région de l'Europe, abondance mise hors de doute, aujourd'hui que la Russie tire de l'Oural 3 à 4000 kilogrammes d'or annuellement.

Au midi des Issédons il place les Massaghètes (grande tribu des Ghêates), dans une plaine immense et à perte de vue, qui bornait la mer Caspienne à l'est. Cette mer a pour lui autant de longueur qu'un vaisseau qui va à la rame peut faire de chemin en quinze jours, et, dans sa plus grande largeur, autant qu'il en peut faire en huit. Elle est dominée à l'occident par le Caucase. "C'est la plus grande de toutes les montagnes, tant par son étendue que par sa hauteur. "

Des observations personnelles lui avaient d'ailleurs permis de reconnaître les dimensions du Pont-Euxin, du Bosphore de Thrace, de la Propontide (mer de Marmara) et de l'Hellespont (Dardanelles), "lequel communique à une mer d'une vaste étendue qu'on appelle la mer d'Aighaié".

Dans cette narration si développée, si animée des guerres médiques, après vous avoir fait assister au passage en Europe des innombrables armées de Dariéouche fils de Gouchtaspe, et de Kcherchès (Darius ler et Xerxès), il vous conduit jusqu'aux Thermopyles par le pays des Thrakes et la Thessalie, en décrivant avec un soin minutieux tous les objets remarquables, toutes les tribus. II est peu de relations aussi remplies d'intérêt. Il parle également, mais avec moins de détails, de l'Illyrie et de l'Epire (Albanie), et des Venètes, dont la brillante Venise a perpétué le nom à travers les âges.

Grec et parlant à des Grecs, Hérodote ne devait pas décrire la Grèce; mais la manière dont il en parle montre assez combien il la connaissait.

Asie
Au Phase (aujourd'hui Rhione), il faut ajouter, comme limite de l'Asie, l'Araxe d'Arménie (l'Arras) et l'Araxe oriental (L'Amou-Daria ou Djihoun), qui, encore à l'époque d'Alexandre, la séparait de l'Europe.

Sous Dariéouche fils de Gouchtape, l'empire persan, fondé par Kourousch-le-Grand (Cyrus), était à son apogée; il embrassait presque toute l'Asie alors connue; les îles de la mer Aighaié et le Sind (Indus), Babylone et l'Araxe oriental, étaient ses bornes extrêmes. Hérodote le vit encore dans cet état de grandeur sous Kcherkhès, et il nous a donné le tableau détaillé de la division de cette vaste monarchie en vingt-deux satrapies. Quelques unes des contrées placées dans ces divisions politiques ont même été de sa part l'objet d'études particulières : l'Assyrie, la Babylonie, la Médie, l'Asie-Mineure. En parlant des pays tributaires des grands rois, il rapporte quelques faits curieux de certains peuples de l'Inde. Ses connaissances sur cette région sont d'ailleurs peu étendues.

Du côté du midi, l'Arabie est, pour lui, le dernier des pays habités. "C'est aussi le seul où l'on trouve l'encens, la myrrhe, la cannelle, le cinnamome, le lédanone. Les Arabes recueillent toutes ces choses avec beaucoup de peine, excepté la myrrhe." Suit le détail des procédés employés pour la récolte. C'est à peu près là tout ce qu'il sait de l'Arabie.

Les anciens, ne considérant avec raison le golfe Arabique que comme un fleuve-golfe, une rivière de mer, étendaient l'Arabie sur l'un et l'autre de ses bords : aussi la rive orientale du Nil en était-elle, selon une expression encore employée aujourd'hui, la rive arabique.

Libye ou Afrique.
Il en résulte que le Nil séparait l'Asie et l'Afrique, délimitation qu'Hérodote trouve étrange, mais qui dura longtemps, et qui s'explique par l'étude de la nature et celle de l'histoire de l'homme.

L'écrivain grec a consacré tout son second livre et une petite partie du troisième à la description et à l'histoire de l'Égypte. Il en recueillit les détails pendant le long séjour qu'il y fit. Le Nil fixa surtout son attention, et il examine une à une les diverses opinions émises sur l'origine de sa crue annuelle. Quant aux sources du fleuve, il poussa les recherches à ce sujet aussi loin qu'il put, et il parvint enfin à connaître son cours jusqu'à quatre mois de navigation au-dessus de l'Égypte. Le Nil, traversant le pays des Aithiopiens, passait à Méroé, leur capitale, puis chez les Automoles, colons égyptiens : on savait seulement que, plus loin, il coulait vers l'ouest. Des Cyrénéens lui dirent que l'étéark, ou chef de l'oasis d'Ammon, conjecturait qu'un fleuve découvert par des Nasamons, au-delà des déserts de l'intérieur, était le Nil; et "la raison, ajoute Hérodote, le veut ainsi, car le Nil vient de la Libye et la coupe par le milieu, comme le Danube fait de l'Europe." Mais l'étéark et lui se trompaient, car ce fleuve de Noirs était le Niger.

Ses notions sur la Libye intérieure indiquent une connaissance certaine du Sahara. A travers cette immense solitude, il décrit une route qui, de Thèbes d'Égypte, conduit par l'oasis d'Hammon (Syouah), Aughilè (encore actuellement Aoughéla), les Garamantes (le Fezzâne, où l'on voit les ruines de l'antique Garama) , les Atarantes (l'oasis des Touât), jusqu'au pied de l'Atlas du Marok.

Entre cette longue ligne et la Méditerranée habitent les Libyens, qu'il divise en Libyens nomades (Berbères de l'est) et Libyens laboureurs (Berbères de l'ouest, Kabayles et Ch'louhs), dont la limite respective est formée par le lac et le fleuve Triton, aujourd'hui représentés par la grande lagune marécageuse de Melghrighr et l'Ighrer-en-Idjidi, le fleuve du Sable (Algérie et Tunisie). Des Libyens laboureurs il ne paraît avoir eu qu'une connaissance générale; mais il donne les noms de toutes les tribus des Libyens nomades et le trait caractéristique de leurs moeurs.

La région la plus reculée de l'Afrique pour Hérodote est l'Aithiopie (la Nigritie centrale), qui s'étend au couchant de l'Arabie, mais en tirant vers le midi.

Tel est le monde d'Hérodote. Le cercle des connaissances positives y a mille kilomètres ou deux cents lieues de rayon; celui des idées moins positives, environ deux mille kilomètres. Ce grand progrès est dû a ses seuls efforts, a son jugement exquis, à sa vaste intelligence. Il voyagea beaucoup; mais, comme il ne pouvait tout voir, cela le mit à même de beaucoup recueillir, et ce fut ainsi qu'il acheva son oeuvre. La postérité l'a surnommé le père de l'histoire; le premier aussi il a compris l'influence puissante de la terre sur la vie des sociétés humaines. (MP).


Le monde d'Hérodote, carte dessinée par O. MacCarthy.


Editions anciennes. - Les principales éditions d'Hérodote sont l'édition Princeps publiée en 1474 à Venise par Laurent Valla, grec-latin.; celles de Wesseling, Amst. 1763. in-fol.; de Schweighæuser, Strasb., 1816, 12 vol. in 8; de Bæhr, Leipz, 1835 et 1857, 4 vol. in-8, et de G. Dindorf, 1844 (dans la Bibl. grec. de Didot). L'Hist. d'Hérodote a été trad. en français par Saliat, Paris, 1575; par Larcher, 1786, 7 vol.; par Miot de Melito, 1822, 3 vol. in-8, et par Giguet, 1860, in-12. M. Bouchot a donné des Récits tirés de ses histoires, 1860. On attribue à Hérodote une vie d'Homèrequi ne paraît pas être de lui, mais qui est cependant d'une haute antiquité.

En librairie - Hérodote, L'Égypte, Les Belles Lettres, 1997; Hérodote, Histoires, Les Belles Lettres (série grecque), une dizaine de volumes; Thucydide, Hérodote, Oeuvres complètes, Gallimard (La Pléiade), 1964.

J. Lacarrière, En cheminant avec Hérodote, Nil éditions, 2003; Lachenaud, L'arc-en-ciel et l'archer, récits et philosophie de l'histoire chez Hérodote, Presses universitaires de Limoges, 2003; François Hartog, Le miroir d'Hérodote, Gallimard (Folio Histoire), 2001; P. Payen, Les îles nomades (Conquérir et résister dans l'Enquête d'Hérodote), EHESS, 1997.

Hérodote est un philosophe grec, disciple d'Epicure. Tout ce que nous savons de ce philosophe, c'est qu'il avait composé un livre sur la Jeunesse d'Epicure (Diogène Laërce, X, 34). C'est à lui qu'est adressée la longue lettre d'Epicure (Diog., X, 34), où le maître expose sa théorie de la connaissance. (V. Br.).
Hérodote est un philosophe grec, de l'école sceptique. Tout ce que nous savons de ce philosophe, c'est qu'il était né à Tarse, qu'il fut disciple de Ménodote de Nicomédie, qu'il lui succéda dans la direction de l'école sceptique et qu'il fut le maître de Sextus Empiricus. 

C'est une question de savoir si cet Hérodote est le même qu'un médecin cité par Galien et qui vécut à Rome : ce médecin appartenait à l'école pneumatique et non à l'école empirique, avec laquelle le scepticisme avait plus d'affinités. Toutefois, ce n'est pas une raison décisive pour affirmer qu'Hérodote le sceptique et Hérodote le médecin n'étaient pas un seul et même personnage. 

Hérodote le sceptique vécut vers 150-180 après J.-C. Galien nous apprend que, selon le procédé familier aux sceptiques, il aimait à montrer les contradictions des sens : ainsi les substances les plus douces, comme les plus amères, ont le même pouvoir astringent. (V. Br.).


 
 
 
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