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Histoire de la Syrie
La Syrie est un Etat depuis 1946. Mais l'Ă©tendue de la rĂ©gion gĂ©ographique Ă  laquelle on a donnĂ© le nom de Syrie (Aram en hĂ©breu, Syria en grec, Souristan en turc,  et en arabe' Bahr-et-Chan, c. Ă  d. pays de la gauche, par rapport Ă  la Mecque) a variĂ© Ă  diffĂ©rentes Ă©poques. La Syrie propre, bornĂ©e au Nord par le Taurus (Turquie), Ă  l'Est par la MĂ©sopotamie, au Sud par la Palestine, et Ă  l'Ouest par la PhĂ©nicie et la MĂ©diterranĂ©e, Ă©tait divisĂ©e en CoĂ©lĂ©syrie, c. Ă  d. Syrie creuse, entre le mont Liban et l'Anti-Liban, et Syrie supĂ©rieure, au Nord et Ă  l'Est de la CoĂ©lĂ©syrie. Depuis le Moyen Age, le nom de Syrie, au sens gĂ©ographique, s'applique Ă  un territoire qui correspond Ă  peu près Ă  ceux de l'actuelle Syrie (en gros la Syrie supĂ©rieure) et du Liban actuel, lui-mĂŞme formĂ© de l'ancienne CoĂ©lĂ©syrie (auj. vallĂ©e de la Bekaa) et de la bande littorale qui correspond en partie Ă  l'ancienne PhĂ©nicie.

La Syrie Antique

Proche des lieux de passage entre l'Afrique, d'oĂą provient l'espèce humaine, et l'Eurasie, la Syrie a  Ă©tĂ© très tĂ´t parcourue par des hominidĂ©s. Les plus anciennes traces connues, telles que des haches, dĂ©couvertes Ă  Nahr el Kebir, remontent Ă  800.000 ans (AcheulĂ©en). On connaĂ®t aussi des pointesde pierre remontant au MoustĂ©rien. 

La Syrie de la Bible, ou pays d'Aram, ne comprenait d'abord que la région comprise entre l'Amanus, l'Euphrate, le Liban occidental, les sources du Jourdain et le désert. Quand les Perses eurent conquis le pays, les Grecs étendirent le nom de Syrie à la Phénicie, à la Judée, ainsi qu'à la Mésopotamie, qui prit le nom de Syrie des Rivières. Damas, Hamah et Arpad étaient à ce moment les principales cités syriennes. Tombée en 738 av. J.-C. au pouvoir de Téglat-Phalazar, la Syrie fut conquise parles Perses sous Cyrus. Pendant le règne de Darius, elle fit partie de la cinquième satrapie, avec Sidon pour capitale. Alexandre traversa le pays en 333. Après la destruction de l'empire perse, la Syrie forma en 301, sous Séleucus Ier, le royaume de Syrie, qui comprenait, outre la Syrie propre, presque toute l'Asie Mineure et la haute Asie, de l'Euphrate à l'Indus. Mais, sous le règne du premier successeur de Séleucus, Antiochus Soter, ce trop vaste empire se démembra; le royaume de Pergame se déclara indépendant; de même, peu après, les Bactriens et les Parthes.

De 222 Ă  186, Antiochus II rĂ©ussit Ă  reprendre aux rois d'Egypte la PhĂ©nicie et la Palestine et Ă  soumettre une partie des cĂ´tes grecques de l'Asie Mineure. Mais il n'allait pas tarder Ă  se heurter Ă  la puissance romaine. Battu aux Thermopyles (191) et Ă  Magneni (190), il perdit l'Asie Mineure jusqu'au Taurus. BientĂ´t, la Palestine se soulevait sous les MacchabĂ©es les Parthes faisaient, Ă  l'Est, d'incessants progrès. Les Syriens, fatiguĂ©s de tant de vaines luttes, s'Ă©taient donnĂ©s Ă  Tigrane, roi d'ArmĂ©nie, lorsque PompĂ©e passa en Asie pour combattre Mithridate. Le gĂ©nĂ©ral romain eut facilement raison de Tigrane, et la Syrie fut rĂ©duite en province romaine avec Antioche pour capitale. Le voisinage des Parthes empĂŞcha la Syrie de recueillir de la domination romaine la mĂŞme prospĂ©ritĂ© que les autres parties de l'empire. Un moment sĂ©parĂ©e de Rome (Antoine l'avait donnĂ©e Ă  un fils qu'il avait eu de ClĂ©opâtre), elle fut de nouveau rattachĂ©e Ă  l'Empire par Auguste. Elle subit d'ailleurs particulièrement sous les règnes de Vespasien et d'Hadrien, plusieurs remaniements administratifs. 

Bientôt tranquillisée du côté des Parthes, grâce aux victoires de Trajan et de Septime-Sévère, soumise à une administration régulière, la Syrie parvint à un haut degré de prospérité. Elle donna à Rome la famille des empereurs dits syriens, depuis Septime-Sévère jusqu'à Alexandre Sévère. Mais la fondation du second empire des Perses sur les ruines de celui des Parthes fut pour elle la source de nouveaux désastres. C'est à grand peine qu'Aurélien, Dioclétien, et plus tard Justinien repoussèrent les invasions des Perses en Syrie. Leurs victoires, de même que celles d'Héraclius, n'arrachèrent la Syrie des mains de ces envahisseurs que pour la laisser tomber dans celles des Arabes (638).

Arabes, Byzantin et turcs

Le calife Omar vint en Syrie pour arrêter les bases de cette conquête et fixer le sort des populations non musulmanes. Les arrangements conclus survivent en partie. La terre fut frappée du kharadj ou impôt foncier, et les non musulmans de la djizya ou capitation. Les divers cultes étaient tolérés avec certaines restrictions, en particulier de ne pas édifier de nouveaux sanctuaires. En revanche, la sûreté des personnes et des biens devait être assurée par la communauté musulmane qui restait chargée de la défense du territoire. Mouaouiya fait de Damas le siège du califat (dynastie des Omeyyades). Aux anciennes divisions du pays se substituent les provinces de Hims (Emèse), de Damas, de Qinnesrin et les confins militaires, chef-lieu Antioche. Quand les Abbassides eurent transporté à Bagdad le centre de l'empire, la Syrie retomba dans ses éternelles vicissitudes : division du pays en petits Etats rivaux dont les empires voisins se disputent la suzeraineté.

A part les succès passagers des Byzantins et la domination franque rapidement entamĂ©e par Nour ed-Din et dĂ©truite par Saladin (1023-1079), la Syrie sera disputĂ©e par les princes de MĂ©sopotamie et les califes ou sultans d'Egypte. Les Hamdanides de Mossoul s'installent Ă  Alep (944-1003), et cette ville est incorporĂ©e en 991 Ă  l'Egypte par les Fatimides qui possĂ©daient le reste de la Syrie. Les Mirdasides (1023-1079) fondent une nouvelle dynastie Ă  Alep. Les Ogailides font aussi sentir leur pouvoir dans la Syrie du Nord, puis les Seldjoukides occupent les mĂŞmes rĂ©gions (1094-1117). Des dynasties d'officiers seldjoukides se rendent presque indĂ©pendantes : les atabeks Bourides (1103-1154) Ă  Damas, remplacĂ©s par les Zanguides (1146-1181) dont Ă©tait le cĂ©lèbre Nour ed-Din. Peu après sa mort, Saladin, qui venait de fonder en Égypte la dynastie des Ayyoubites (Les dynasties musulmanes au Moyen-âge), s'empara de toute la Syrie, d'une part sur les successeurs de Nour ed-Din, de l'autre sur les croisĂ©s (principautĂ© d'Antioche et comtĂ© de Tripoli). 

Sous tous ces princes, certaines rĂ©gions, entre autres les cantons montagneux, restaient indĂ©pendants : les IsmaĂ©liens ou Assassins, installĂ©s dans la montagne nosairĂ®, se rendaient particulièrement redoutables. En 1260, les Mongols, sous Houlagou, s'emparent des rĂ©gions d'Alep et de Damas. Les sultans mamelouks d'Egypte qui possĂ©daient la Syrie finissent par les repousser. En mĂŞme temps, Bibars et Qilaoun chassent dĂ©finitivement les Francs de Syrie (1291). En 1400, nouvelle invasion des Mongols sous Tamerlan un grand nombre de Syriens, entre autres les fameux armuriers de Damas, sont emmenĂ©s Ă  Samarcande. SĂ©lim Ier, sultan ottoman, s'empare de la Syrie en 1517 sur les sultans mamelouks. 

L'Ă©loignement  de Constantinople, a exposĂ© la Syrie, Ă  plusieurs reprises, Ă  des rĂ©volutions sanglantes. L'Ă©mir druze Fakhreddin (1635), le fameux pacha Djezzar (1795), voulurent s'y rendre indĂ©pendants. 

Bonaparte en tenta inutilement la conquĂŞte en 1798; MĂ©hĂ©met-Ali, vice-roi d'Egypte, l'enleva Ă  la Porte de 1833 Ă  1841. 

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les Druzes et les Maronites, qui sont les restes de l'ancienne population indigène, et auxquels les sultans avaient accordé des chefs de leur nation (1842), s'y sont livrés, par antipathie religieuse, à des hostilités sanglantes, où le gouvernement turc a joué un rôle déplorable (1860-1861). Les Druzes, plus nombreux et soutenus en leur qualité de musulmans par la connivence tacite du général Osman-Bey, du gouverneur de Beyrouth, Kourchid-Pacha, de celui de Damas, Ahmed-Pacha, livrèrent à un massacre horrible les chrétiens de ces deux villes et de tout le Liban, qui trouvèrent pour premier défenseur Abd-el-Kader. A cette époque, l'antagonisme de la France et de l'Angleterre avait déjà trouvé dans la région un nouveau territoire pour s'exprimer.

Les intrusions européennes. Le mandat français

La Syrie et le Liban sous le régime turc.
Depuis leur établissement en Inde, les Anglais ont disputé à la France la situation privilégiée qu'elle tenait en Syrie des capitulations. La Syrie les attirait non seulement en raison de sa situation dans le bassin de la Méditerranée orientale, mais surtout parce qu'elle est l'entrepôt des marchandises du Proche et du Moyen Orient, le point d'aboutissement des routes du désert, et qu'elle commande les routes qui vont de l'Egypte à l'Inde. Bonaparte avait tenté de la libérer, et, en 1805, il y avait envoyé la mission Lascaris, pour détacher les Bédouins de la sujétion ottomane. En 1832, Louis-Philippe avait soutenu Méhémet-Ali, en révolte contre le sultan. La Syrie fut conquise par Ibrahim-Pacha, fils de Méhémet-Ali ; mais la Quadruple Alliance obligea le vice-roi d'Égypte, quoique victorieux, à évacuer le soi syrien.

Le Liban, depuis la conquĂŞte ottomane, avait gardĂ© son autonomie sous des Ă©mirs hĂ©rĂ©ditaires, mais tributaires de la Porte. Jusqu'en 1840, il n'y eut pas de conflit irrĂ©mĂ©diable entre les populations du Liban, entre Druzes et Maronites. Ceux-ci, catholiques latins, ont toujours revendiquĂ© la protection de la France. Ceux-lĂ , qui descendent des partisans du calife fatimide El Hâkim, forment une secte dissidente et sont belliqueux autant que fanatiques. Ayant Ă  dĂ©fendre leur indĂ©pendance, ils ont souvent fait cause commune et obĂ©i mĂŞmes chefs fĂ©odaux comme l'Ă©mir Bechir le Grand, mais il faut peu de chose pour les exciter les uns contre les autres. Les Druzes massacrèrent les Maronites en 1843 et surtout en 1860 : ils firent alors près de 8000 victimes dans le Liban et autant Ă  Damas : ils Ă©taient soutenus par la Turquie et ils escomptaient l'appui de l'Angleterre. La France envoya une escadre Ă  Beyrouth et un corps expĂ©ditionnaire, sous les ordres du gĂ©nĂ©ral d'Hautpoul. Il n'eut pas Ă  combattre, car le sultan expĂ©dia en Syrie son ministre des Affaires Ă©trangères, Fouad-Pacha, qui punit lui-mĂŞme les coupables, mais permit aux Druzes de se rĂ©fugier dans le Leja et le Hauran. L'Angleterre obtint de NapolĂ©on III le rappel du corps expĂ©ditionnaire, et une commission europĂ©enne Ă©labora, en 1861, un règlement organique qui fut, de 1864 Ă  1914, la charte du Liban. 

La Montagne était érigée en moutessarifat autonome, avec un gouverneur chrétien, proposé par la Porte et agréé par les puissances. Celui-ci était assisté d'un conseil élu chargé de répartir l'impôt et de contrôler le budget. Lord Dufferin insista pour réduire à l'excès l'étendue territoriale du Liban, dont furent détachées les plaines de Tripoli et d'Akkar, la Bekaa (Coélésyrie), Beyrouth et Saïda, pourtant peuplés de chrétiens. Sans avenir dans l'Empire ottoman, Libanais et Syriens émigrèrent en masse et fondèrent des colonies en Égypte, en Amérique, en Australie. Plus de 500 000 Syriens débarquèrent en Amérique du Sud, surtout au Brésil. D'autre part, l'influence française s'implanta dans le pays grâce à une multitude de fondations religieuses et scolaires, qui enseignèrent le Français à la jeunesse syrienne, musulmane ou chrétienne, de leur côté, la mission laïque, l'Alliance israélite ouvrirent des écoles. En 1914, on comptait, en Syrie et en Palestine, 500 établissements que fréquentaient 50.000 élèves. L'université de Beyrouth, créée en 1875 par les Jésuites, comprenait un collège d'enseignement secondaire, une faculté de médecine, une école de droit et une école d'ingénieurs. Rivale de l'université française, une université américaine, avec une faculté de médecine luxueusement outillée, s'efforça d'attirer la clientèle chrétienne et musulmane.

Quant au gouvernement ottoman, il ne sut guère qu'opprimer populations. Elles furent terrorisées sous Abdul Hamid, comme les autres populations de l'Empire, et leurs délégués firent vainement entendre leurs doléances en 1876 devant l'éphémère Parlement de Constantinople. En 1896, il fallut envoyer dans la plaine du Hauran et dans le Djebel 30 000 hommes pour réprimer une révolte des Druzes, et une nouvelle insurrection éclata en 1911.

Le nationalisme syrien.
La révolution turque de 1908, d'abord saluée avec joie par la Syrie parce qu'elle proclamait l'égalité politique des nationalités, se révéla bientôt par les massacres de 1909 à Antioche, à Alexandrette, à Alep, à Lattaquieh, comme une nouvelle entreprise de panturquisme, hostile à l'autonomie syrienne. En 1912, la Syrie, invitée par le grand vizir Kiamil-Pacha à formuler ses revendications, nomma un comité de réformes et élabora un programme qui fut considéré comme trahison envers le sultan. Mais un congrès arabo-syrien se tint à Paris en 1913, et, de cette époque, date le nationalisme syrien, tout à fait distinct du panarabisme.

Pendant la Première Guerre mondiale, le gouvernement turc soumit la Syrie au régime de la famine, des cours martiales, des pendaisons et des déportations. Elle fut le quartier général des germano-turc et de Djemal-Pacha commandant la IVe armée, qui, muni de pleins pouvoir, condamna à mort de nombreux patriotes syriens, suspects de sympathie four la France. La famille d'Abd-el-Kader fut décimée par ses ordres.

L'intrigue Fayçalienne.
Après la rupture du front germano-turc de Palestine, la Syrie et le Liban furent occupés par les forces britanniques et par le corps expéditionnaire français. Georges Picot fut chargé des fonctions de haut commissaire. Le voyage de Fayçal à Paris provoqua l'envoi en Syrie par la Conférence de la paix, sur la proposition du président Wilson, d'une commission d'enquête en Orient. Le plébiscite de 1919, contrôlé par les autorités anglo-arabes, tourna à l'avantage de la France; une majorité de chrétiens, de juifs et même de musulmans, se prononça en faveur du mandat français. 180 000 personnes étaient mortes de faim pendant la guerre : les premiers secours furent apportés par les Français au Liban et dans la zone côtière qu'ils occupaient.

En 1920, quand les troupes françaises eurent relevĂ© les troupes britanniques en Cilicie et en Syrie, les autoritĂ©s françaises se trouvèrent aux prises avec un double danger : au nord, les nationalistes turcs embrigadaient des bandes et harcelaient garnisons françaises; Ă  l'est, Fayçal levait des taxes dans la Bekaa, Ă©tablissait la conscription, massacrait les protĂ©gĂ©s de la France, attaquait ses dĂ©tachements et prĂ©tendait interdire aux Français l'usage de la voie ferrĂ©e Rayak-Alep, seule artère de ravitaillement de leurs troupes de Cilicie. 

S'appuyant sur le parti extrémiste arabe, Fayçal, jetant le masque, refusait de collaborer avec les Français et affichait nettement son désir de les expulser. Le 8 mars 1920, un congrès qualifié de national, réuni à Damas, le proclama roi de Syrie. Le général Gouraud, haut commissaire depuis le mois de novembre 1919, lui adressa, le 24 juillet 1920, un ultimatum auquel Fayçal répondit par un ordre d'attaque à ses troupes; la victoire de Khan-Maisaloun, remportée par la division Goybet, mit en déroute l'armée chérifienne, et Fayçal, déposé, fut recueilli par les Anglais. Il devait recevoir en 1921 un trône arabe en Irak, tandis que son frère Abdallah, devenu émir de Transjordanie, dirigeait d'Amman, contre le mandat français, une propagande allant parfois au crime; sur la route de Kuneitra le général Gouraud, lui-même, faillit être victime d'un attentat.

L'échec de Fayçal ne devait pas mettre fin à l'intrigue hedjazienne en Syrie. En 1924, le malik Hussein tenta de se faire proclamer calife et roi des Arabes et de provoquer un mouvement insurrectionnel chez les Syriens. Cette manoeuvre échoua grâce à la vigilance du général Weygand.

Les accords relatifs Ă  la Syrie.
A la suite de l'accord d'Ankara (20 octobre 1921), la France évacua la Cilicie, que ses troupes avaient défendue contre les Turcs et au nom de liens affichés remontant, comme pour la Palestine, à l'époque des Croisades.

La frontière turco-syrienne fut délimitée par une ligne partant de Payas, près d'Alexandrette, passant au nord d'Alep, à Nissibin, et joignant le Tigre à Djézireh-ibn-Omar.

Le président du Conseil français, Clemenceau, avait accepté pour la Palestine le mandat britannique et le passage de la région de Mossoul dans la zone anglaise : Millerand se considéra comme lié par les engagements de son prédécesseur et signa, en conséquence, le 24 avril 1920, la convention de San-Remo.

Par la convention franco-britannique du 23 décembre 1920, la frontière syro-palestinienne fut modifiée, au détriment de la Syrie, et la frontière avec l'Irak se trouva fixée par une ligne reliant Aboul-Kemal à Feichkanour, sur le Tigre.

Un accord, dit tripartite, avait été signé à Sèvres, le 10 août 1920, entre la France, l'Angleterre et l'Italie. Il avait pour objet de définir « les intérêts spéciaux » de l'Italie en Anatolie méridionale, ceux de la France en Cilicie et dans la partie occidentale du Kurdistan limitrophe de la Syrie, jusqu'à Djézireh-ibn-Omar. La zone française s'étendait au nord jusqu'au delà de Sivas, au Nord-Est jusqu'à l'Euphrate oriental, à l'est jusqu'au Tigre; la zone italienne s'étendait depuis la zone des Détroits et du territoire de Smyrne (Izmir) jusqu'à un point du littoral situé à la longitude du golfe d'Adalia.

Le mandat français.
Par application de l'article 22 du pacte de la Société des Nations, le mandat sur la Syrie fut attribué à la France par la Conférence de San-Remo (25 avril 1920), dont la Société ratifia la décision le 24 juillet 1922.

La France eut ainsi la charge de faire respecter l'intégrité territoriale de la Syrie, de diriger ses relations extérieures, d'y faire régner l'ordre et la sécurité à l'intérieur, de lui donner une organisation politique et administrative propre à préparer son indépendance future, de la doter d'un statut organique. Elle s'est acquittée de ce lourd devoir, malgré de grandes difficultés qui ne furent pas toutes d'origine orientale. La frontière a été plusieurs fois menacée par des bandes venues de Turquie ou de Transjordanie des troubles et des insurrections ont éclaté chez les Alaouites. qui réclamaient le protectorat français; chez les Métoualis, au Chouf, au Djebel Druze . Dans la région de Damas, de Homs et de Hama. Un parti révolutionnaire syrien a fait à la puissance mandataire une opposition systématique. Le principal organe des mécontents, le comité syro-palestinien du Caire, a plusieurs fois saisi le conseil de la Société des Nations de ses récriminations. Les événements sanglants qui ont troublé la Syrie et le Djebel Druze en 1925 et en 1926 sont en partie son oeuvre.

L'organisation territoriale du pays a passé par plusieurs étapes depuis l'origine du mandat. La Syrie s'achemine vers une unité qui a été retardée par des divergences de religion et de clans.

Après l'expulsion de Fayçal et sans attendre même la complète pacification du pays. le général Gouraud créa l'État du Grand Liban, I'Etat de Damas, l'État d'Alep. Le territoire des Alaouites forma un territoire autonome, et la région septentrionale, où se déroulaient encore des opérations, tut constituée en Confins militaires. En 1922 fut créé l'Etat indépendant du Djebel Druze. Sur l'initiative de Robert de Caix, secrétaire général, les Etats syriens, à l'exception du Grand Liban et du Djebel Druze, furent groupés en une Fédération dont le président était le chef du pouvoir exécutif. Chaque Etat eut à élire un conseil représentatif et envoya ses délégués au conseil fédéral. Les gouvernements locaux furent chargés de l'administration des États. leurs décisions devant être soumises à la puissance mandataire, responsable devant la Société des Nations.

Le général Weygand, qui succéda au général Gouraud en 1923 au haut commissariat de Beyrouth et au commandement en chef de l'armée du Levant, tut saisi, dès son arrivée, des griefs des Syriens contre I'organisme fédéral, qu'ils jugeaient coûteux et inutile. Tenant compte des voeux qui lui étaient exprimés, et après avoir consulté le gouvernement, il supprima la Fédération, réunit en un seul les Etats d'Alep et de Damas, tondit en une assemblée unique leurs deux conseils représentatifs. proclama à Lattakieh l'indépendance de l'Etat des Alaouites et maintint l'autonomie de l'État du Grand Liban.

La justice fut réorganisée et améliorée par la création de juridictions administratives et l'introduction de magistrats français dans les tribunaux locaux. L'essor économique fut encouragé par le deveIoppement de la culture du coton, le reboisement, les facilités accordées à l'estivage des Egyptiens, la sécurité des routes, l'ouverture des communications nouvelles avec l'Irak et la Perse, la signature de conventions de transit et d'accords douaniers avec la Palestine et avec l'Irak.

Le général Sarrail, appelé par le ministère Herriot, en décembre 1924, à la succession du général Weygand, fut aux prises, en juillet 1925, avec une redoutable insurrection druze. La rébellion disposait de fonds considérables, d'armes et de munitions. L'échec de la colonne Michaud (août 1925) provoqua le rappel du général Sarrail, à qui succéda un haut commissaire civil, Henri de Jouvenel. La prise de Soueida (25 avril 1926) par les troupes françaises porta un coup sérieux à la révolte druze.

La Commission permanente des mandats, chargée d'examiner les rapports annuels des puissances mandataires, déclarait, le 11 novembre 1925, dans son rapport à la Société des Nations :

La Commission a constaté avec satisfaction le succès avec lequel la Puissance mandataire s'est appliquée à conformer son administration aux termes du mandat. Elle a suivi pour l'élaboration d'un statut organique qu'elle est en train de réaliser une méthode qui lui permet d'écarter les difficultés d'ordre historique et politique, tout en tenant compte de l'organisation déjà établie par l'autorité qui l'avait précédée, ainsi que des différences ethniques et géographiques des diverses régions du pays.

La Puissance mandataire s'est efforcée d'appliquer avec la population dans la mesure la plus large, tout en gardant la possibilité de faire prévaloir sa volonté, afin d'assurer la tutelle que lui impose le pacte " jusqu'au moment où les populations seront capables de se conduire seules".

La fin du mandat français au Liban.
Le Liban, déjà séparé administrativement du reste de la Syrie par le général Gouraud depui le 1er septembre 1920, inaugura la marche vers l'indépendance. Le 26 mai 1926 fut constituée la République libanaise, dont le premier président est un Grec orthodoxe, Charles Debbas. Dès ce moment, une répartition des pouvoirs selon l'appartenance confessionnlle ou communautaire se met en place. L'exécutif est partagé entre un chrétien maronite (le président de la République) et un musulman sunnite (le chef du gouvernement). Cette tradition, qui s'étend dans de nombreux domaines de la politique et de l'administration sera la source de nombre des maux dont n'a cessé ensuite de souffrir le pays : incapacité de l'action politique, corruption, clientélisme.

Malgré la proclamation de la république, la France refuse de renoncer à son mandat. Un vote du Parlement français, encore en 1936, rejette cette éventualité. Au moment de la Seconde Guerre mondiale, des combats opposent au Liban comme en Syrie les forces de Vichy aux Britanniques et au combattants de la France Libre (juillet 1941). Le général Catroux, commandant en chef des Forces Françaises libres au Levant, proclame l'indépendance du pays le 26 novembre de cette même année. Béchara el-Khouri (1890-1964), devient président de la République. Le 10 novembre 1943, le haut-commissaire gaulliste le fait arrêter jusqu'à ce que l'indépendance soit proclamée une nouvelle fois le 22 novembre 1943 (elle deviendra effective le 1er janvier 1944). Les Libanais s'unissent et proclament le Pacte national. Le Liban adhère à la Ligue arabe en 1945, et les dernières troupes françaises évacuent le pays l'année suivante.

L'accession à l'indépendance de la Syrie.
Pour ce qui concerne la Syrie proprement dite, une constitution républicaine est adoptée en 1930, la proclamation de l'indépendance a lieu en 1941, mais ce n'est finalement qu'en 1946 que cette indépendance est effective, avec le retrait par les Nations Unies du mandat qui avait été confié à la France.

A partir de 1925, un mouvement révolutionnaire mené par Abd ar-Rahman Chakhandar commence à revendiquer l'indépendance du pays, dont la France accepte le principe. En 1928, les nationalistes remportent une victoire aux elections, et 1930 une constitution est promulguée par le haut-commissaire français. En 1936 un traité d'amitié perpétuelle franco-syrien est signe, mais la France sursoit à sa ratification.

En 1937 la France et la Turquie s'entendant sur l'autonomie du territoire d'Iskenderun (Alexandrette), Ă  population turque majoritaire. La rĂ©trocession Ă  la Turquie de ce territoire sera effective en 1939. Dans l'intervalle, le gouvernement syrien a dĂ©missionnĂ© et le haut-commissaire Puaux prend la tirection d'un directoire après avoir suspendu la constitution. 

En 1941, le parti nationaliste demande l'indépendance. Khalid Al-Azam est nommé à la tête du gouvernement par la France. Victoire des nationalistes aux élections. Au mois de juin de cette même année, les forces britanniques, auxquelles se sont jointes des Forces françaises libres, affrontent dans de durs combats l'armée de Vichy stationnée en Syrie et du Liban. A la fin de l'année, après que les Alliés aient pris le dessus, comme pour le Liban, une indépendance de principe de la Syrie est proclamée par le général Catroux.

En 1943 Choukri al-Kourvatli (Sûkri al-Quwwatli) devient président de la République. En 1945 des troubles enflamment Damas et d'autres villes. Les Français bombardent la capitale; les Britanniques interviennent. La situation se calme avec le renoncement de la France à ce qui reste de son administration mandataire, qui n'est plus reconnue par les Nations Unies. Les dernières troupes françaises quittent la Syrie en 1946.

La Syrie depuis 1946

Le nouveau pays manquaient de stabilité politique et a connu une série de coups d'État militaires au cours de ses premières décennies. Insensiblement, la Syrie est entrée dans l'aire d'influence de l'Union soviétique, sans que le partie n'y acquière cependant de de l'importance. Le pouvoir est plutôt passé entre les mains d'un parti socialiste et panarabe, le Baas (ou Baath), fondé par Michel Aflak (1910-1989). C'est sous la houlette de ce partie que la Syrie s'est unie à l'Égypte de Nasser en février 1958, pour former la République arabe unie. En septembre 1961, après un nouveau coup d'État, ces deux entités se sont séparées, et la République arabe syrienne a été rétablie.

Lors de la guerre israélo-arabe de 1967, la Syrie a perdu le plateau du Golan au profit d'Israël. En novembre 1970, Hafez el-Assad, un général membre du parti Baas et issu de la minorité alaouite, a pris le pouvoir par un coup d'État sans effusion de sang. Un régime autoritaire, verrouillé par des Alaouites, s'est mis en place. Présente au Liban depuis 1976, l'armée syrienne a fortement été impliqué dans la guerre civile qui s'y est déroulée jusqu'en 1889. L'autre axe de la politique étrangère de la Syrie à cette époque aura été à l'encontre d'Israël. Cela n'a pas empêché, au cours des années 1990, que la Syrie et Israël aient eu des pourparlers de paix ponctuels sur la restitution du Golan.

Après la mort du prĂ©sident Hafez el-Assad, son fils, Bachar el-Assad, a pris sa succession. Un passage de relais approuvĂ© pour la forme par un rĂ©fĂ©rendum populaire en juillet 2000. Les troupes syriennes encore stationnĂ©es au Liban ont Ă©tĂ© retirĂ©s en avril 2005. Au cours de la juillet-aoĂ»t 2006, au moment du conflit entre IsraĂ«l et le Hezbollah, la Syrie a placĂ© ses forces militaires en Ă©tat d'alerte, mais elles ne sont pas intervenues directement pour le compte de son alliĂ© le Hezbollah. En mai 2007, Bahar el-Assad a Ă©tĂ© Ă©lu Ă  un deuxième mandat en tant que prĂ©sident. 

Sous l'influence, ici aussi, des soulèvements qui ont agitĂ© le monde arabe Ă  partir de la fin 2010, des manifestations antigouvernementales ont Ă©clatĂ© dans la province mĂ©ridionale de Da'ra en mars 2011 pour appeler Ă  la lĂ©galisation des partis politiques, Ă  l'Ă©limination de la corruption des fonctionnaires locaux et Ă  l'abrogation de la loi d'urgence permettant des arrestations sans inculpation. Depuis lors, des manifestations et des troubles se sont Ă©tendus Ă  presque toutes les villes en Syrie, mais l'ampleur et l'intensitĂ© des protestations ont fluctuĂ© au fil du temps, et Alep et Damas sont restĂ©es relativement calmes. 

Le gouvernement a rĂ©agi Ă  l'agitation avec un mĂ©lange de rĂ©pression et de concessions - notamment l'abrogation de la loi d'urgence, l'approbation de lois autorisant de nouveaux partis politiques et la libĂ©ralisation des Ă©lections locales et nationales. Cependant, l'opposition n'a pas obtenue la dĂ©mission qu'elle demandait de Bachar el-Assad. De plus, la poursuite de la rĂ©pression a dĂ©bouchĂ© Ă  des affrontements de plus en plus violents entre les forces gouvernementales et les opposants. 

En novembre 2011, la pression internationale sur le rĂ©gime s'est intensifiĂ©e. Les 22 pays de la Ligue arabe, ainsi que  la Turquie, ont votĂ© pour imposer des sanctions Ă©conomiques Ă  la Syrie. L'ancien SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l'ONU, Kofi Annan, mandatĂ© conjointement par les Nations Unies et la Ligne arabe a rencontrĂ© le prĂ©sident Assad en mars 2012 pour proposer un cessez-le-feu qui comprenait le retrait des troupes gouvernementales des villes et des villages syriens. 

En septembre 2015, la Russie a lancé une intervention militaire au nom du régime Assad, et les forces nationales et étrangères alignées sur le gouvernement ont repris des pans de territoire aux forces d'opposition. La deuxième plus grande ville du pays, Alep, rasée par les bombardements russes a été reprise en décembre 2016. Le conflit a ainsi basculét en faveur du régime qui, avec ce soutien étranger, a également reconquis, en 2018, des bastions de l'opposition dans la banlieue de Damas et dans la province méridionale de Dar'a. A ce moment, le gouvernement ne contrôle cependant pas territorialement une grande partie du nord-est du pays, qui reste dominé par les Forces démocratiques syriennes (FDS), majoritairement kurdes, et une plus petite zone sous contrôle de la Turquie. Les FDS ont étendu leur emprise territoriale au-delà de leurs terres d'origine traditionnelles, comprenant, depuis 2014 alors qu'elles combattaient l'État islamique d'Irak et de Syrie, une grande partie du nord-est.

Depuis 2016, la Turquie est engagĂ©e dans le nord de la Syrie et a menĂ© trois opĂ©rations militaires de grande envergure pour capturer des territoires le long de la frontière nord de la Syrie dans les provinces d'Alep, de Raqqah et de Hasakah. Certaines forces d'opposition organisĂ©es sous l'Ă©gide de l'ArmĂ©e nationale syrienne soutenue par la Turquie et les forces turques ont maintenu le contrĂ´le du nord-ouest de la Syrie le long de la frontière turque avec la zone d'Afrin dans la province d'Alep depuis 2018. En 2019, la Turquie et ses alliĂ©s de l'opposition ont occupĂ© un territoire autrefois contrĂ´lĂ© par les FDS entre les villes de Tall Abyad Ă  Ra's Al 'Ayn le long de la frontière nord de la Syrie. 

L'organisation extrĂ©miste Hay'at Tahrir al-Sham (anciennement le Front Nusrah) s'est imposĂ©e en 2017 comme la force d'opposition prĂ©dominante dans la province d'Idlib, et domine toujours une zone accueillant Ă©galement des forces turques supplĂ©mentaires. Les nĂ©gociations entre les dĂ©lĂ©gations du gouvernement et de l'opposition lors des confĂ©rences de Genève parrainĂ©es par l'ONU depuis 2014 et les discussions tenues sĂ©parĂ©ment entre l'Iran, la Russie et la Turquie depuis dĂ©but 2017 n'ont pas permis de trouver une solution au conflit. 

Selon une estimation de l'ONU de septembre 2021, le nombre de morts résultant des dix dernières années de guerre civile s'élève à plus de 350 000, bien que l'ONU reconnaisse qu'il s'agit du nombre minimum de décès vérifiables et qu'il est sous-estimé. Fin 2021, environ 6,7 millions de Syriens étaient déplacés à l'intérieur du pays et environ 14 millions de personnes avaient besoin d'une aide humanitaire à travers le pays. En outre, 5,7 millions de Syriens étaient des réfugiés enregistrés en Turquie, en Jordanie, en Irak, en Égypte et en Afrique du Nord. Le conflit en Syrie reste l'une des plus grandes crises humanitaires au monde. (NLI / R. Dussaud/ A19).

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