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Le
Kurdistan, c. à d. le pays des Kurdes, contrée de l'Asie,
bornée à l'Ouest par le Tigre, et située sur les frontières de la Turquie
d'Asie, de l'Irak
et de l'Iran,
dans la partie Sud-Est du premier de ces Etats, dans la partie Nord du
deuxième, et dans la partie Ouest du troisième. Les Kurdes parlent une
langue
indo-européenne, du groupe iranien, très voisine du persan
moderne, surtout chez les Gourân. Ils ont emprunté aux Persans leur littérature
et leur alphabet arabe. Dans les districts de la frontière, leurs dialectes
sont mélangés d'une foule de mots turcs, arabes, syriens, etc.
La région est habitée
depuis des millénaires. Les premiers habitants connus incluent les Gutis,
les Hourrites et les Urartiens. Ces populations ont laissé des traces
archéologiques significatives. Les Assyriens (2500-609 av. JC) , dont
le cœur de l'empire était situé en Mésopotamie
(au sud du Kurdistan moderne), ont souvent contrôlé les régions kurdes.
Ils menaient des campagnes militaires contre les tribus montagnardes kurdes,
connues pour leur résistance farouche. Les Mèdes
(678-549 av. JC), une population iranienne, ont établi un empire
qui incluait une grande partie du Kurdistan actuel. Ils ont renversé l'Empire
assyrien et sont considérés par certains historiens comme les ancêtres
des Kurdes.
Après la chute des
Mèdes, le Kurdistan est intégré à l'Empire perse achéménide
(550-330 av. JC) fondé par Cyrus le Grand. La
région est administrée par des satrapes (gouverneurs provinciaux). Après
la conquête d'Alexandre le Grand, le
Kurdistan tombe sous la domination des Séleucides
(312-63 av. JC). Cette période voit des influences hellénistiques se
mêler aux cultures locales. Les Parthes
(247 av. JC - 224 ap. JC) prennent le contrôle de la région après avoir
défait les Séleucides. Leur domination est caractérisée par une certaine
autonomie locale et une résistance aux Romains. Les Sassanides (224-651)
succèdent aux Parthes et intègrent le Kurdistan dans leur empire. Cette
période est marquée par des conflits fréquents avec l'Empire
romain (et plus tard byzantin) Ã l'ouest.
La conquête musulmane
de la Perse par les Arabes au VIIe
siècle entraîne l'islamisation progressive des Kurdes. Les califats omeyyade
et abbasside contrôlent la région pendant plusieurs siècles. Entre le
Xe et le XIIIe
siècle, plusieurs dynasties kurdes locales émergent, notamment les Shaddadides,
les Marwanides et les Ayyoubides (Les
dynasties musulmanes au Moyen-âge). Saladin,
le célèbre leader musulman qui a combattu les Croisés,
est issu de la dynastie ayyoubide et d'origine kurde. Aux XIIIe
et XIVe siècles, le Kurdistan subit les
invasions des Mongols de Gengis
Khan et plus tard de Tamerlan . Ces invasions
dévastent la région mais les Kurdes maintiennent une certaine résistance.
Deux confédérations
tribales turcomanes, les Kara Koyunlu (Moutons noirs) et les Ak Koyunlu
(Moutons blancs), dominent successivement la région aux XIVe
et XVe siècles. Les Kurdes servent souvent
de médiateurs et de combattants dans les luttes entre ces deux puissances
rivales. À la fin du XVe siècle, l'Empire
safavide commence à émerger en Perse, tandis
que les Ottomans renforcent leur pouvoir
en Anatolie.
Au début du
XVIe siècle, les Kurdes vivent sous des
émirats semi-autonomes comme ceux de Bitlis, de Botan, de Baban et de
Hakkari. Ces émirats bénéficient d'une relative autonomie sous la suzeraineté
des empires ottoman et safavide. La bataille de Tchaldiran entre les Ottomans
et les Safavides en 1514 aboutit à la division du Kurdistan entre ces
deux empires. Le traité de paix de 1639 confirme cette division.
Du XVIe
au XVIIIe siècle, les émirats kurdes
maintiennent une autonomie fluctuante, souvent en jouant sur les rivalités
entre Ottomans et Safavides. Ils sont des acteurs clés dans les conflits
régionaux, fournissant des troupes et payant des tributs. Au milieu du
XIXe siècle, l'Empire ottoman lance une
série de réformes administratives (Tanzimat)
visant à centraliser le pouvoir. Les émirats kurdes perdent progressivement
leur autonomie.
Les
tribus (khoïl) à la fin du XIXe
siècle sont très nombreuses, et leur importance relative varie selon
les temps. Les principales sont : les Revandiz, entre le Grand Zab et le
lac d'Ourmiah, avec la famille gouvernante des Sorân; les Hakkari, sur
le Grand Zab, autour de Djoulamesk; les Bilbas ou Balbas, Ã l'Est des
Revandiz, sur la frontière; les Khosnav, auprès d'eux; les Bohtan, Ã
l'Est du Tigre, au Nord du Grand Zab; les Behdinan, entre ceux-ci et Mossoul,
la plus honorée des tribus parce qu'elle prétend descendre des Califes;
les Djaf, dans les provinces d'Ardélan et Kermanchah; les Bebbeh et les
Kermandj, voisins de ceux-ci; les Djellali, Ã l'Est de Bayezid; les Mikris,
au
Sud du lac d'Ourmiah; les Aschita, entre Mossoul et Mardin (Mésopotamie
du Nord). Il faudrait y ajouter les Loures ou Louri qui sont de même origine,
mais ceux-ci forment un groupe distinct qui récuse cette parenté. Nous
laissons de côté les colonies kurdes du Mazandéran, du Khoraçan,
et même celle de l'Haïmaneh (près d'Ankara),
etc.
La révolte en 1880
de Sheikh Ubeydullah, un chef religieux kurde, est l'une des premières
manifestations de l'identité nationale kurde. Elle est réprimée par
les Ottomans. Pendant la Première Guerre mondiale,
le Kurdistan est un théâtre de conflits entre les forces ottomanes et
russes. À la fin de la guerre, l'Empire ottoman s'effondre, et les Kurdes
espèrent obtenir l'indépendance.
Après la guerre,
le traité de Sèvres de 1920 prévoit la création d'un Kurdistan autonome.
Cependant, ce traité n'est jamais ratifié. Le traité de Lausanne (1923)
annule les dispositions du traité de Sèvres concernant le Kurdistan.
Le territoire kurde est divisé entre la Turquie,
l'Irak, la Syrie
et l'Iran. Dans les années suivantes, plusieurs
révoltes kurdes éclatent en Turquie (révolte de Sheikh Said en 1925,
révolte d'Ararat en 1930) et en Irak (révolte de Barzanji en 1931). Elles
sont sévèrement réprimées. En Iran, la République de Mahabad est proclamée
en 1946 avec le soutien soviétique. Elle est rapidement écrasée par
les forces iraniennes. En Irak, le coup d'État de Qasim en 1958 promet
une autonomie aux Kurdes, mais les espoirs sont déçus, menant à des
conflits armés avec le gouvernement central. En Irak toujours, un accord
d'autonomie est signé en 1970, mais il n'est pas mis en oeuvre de manière
satisfaisante, entraînant une nouvelle insurrection menée par le Parti
démocratique du Kurdistan (PDK).
La guerre Iran-Irak
(1980-1988) voit les Kurdes se ranger parfois aux côtés de l'Iran contre
le régime irakien de Saddam Hussein. L'opération Anfal en 1988 conduit
à des massacres et à l'utilisation d'armes chimiques contre les Kurdes.
Après la première guerre du Golfe en 1991, une zone de sécurité est
établie dans le nord de l'Irak, permettant une autonomie de facto pour
les Kurdes irakiens. La région du Kurdistan irakien est progressivement
dotée de ses propres institutions. La chute de Saddam Hussein en 2003
permet aux Kurdes irakiens de renforcer leur autonomie. La constitution
irakienne de 2005 reconnaît la Région autonome du Kurdistan.
En Syrie, la guerre
civile conduit en 2011 à l'établissement de régions autonomes kurdes
(Rojava) administrées par le Parti de l'union démocratique (PYD). Les
Kurdes irakiens organisent en 2017 un référendum sur l'indépendance,
largement approuvé par les votants, mais rejeté par le gouvernement irakien
et les puissances régionales. Depuis, les Kurdes continuent de lutter
pour la reconnaissance de leurs droits et de leur autonomie dans les différents
États où ils résident. En Turquie, le conflit avec le PKK (Parti des
travailleurs du Kurdistan) perdure. En Iran, des mouvements kurdes continuent
de réclamer plus de droits. En Syrie, les Kurdes ont établi une administration
autonome, mais leur avenir reste incertain face aux pressions du gouvernement
syrien et de la Turquie. |
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