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L'Égypte Musulmane
Le califat fâtimide du Caire (969-1171)
L'Egypte musulmane
La conquête arabe
Les Toulounides
Les Fatimides
Les Ayyoubites
Les Mamelouks
La domination ottomane
Les Vice-Rois
Sans perdre de temps, Djauhar se mit en devoir d'achever la mission qui lui avait été confiée. A l'endroit même où les troupes maghrébines avaient dressé leurs tentes, c.-à-d. un peu au Nord d'El-Qatâï et à une certaine distance du Nil, les assises d'une nouvelle capitale furent jetées, chaque corps d'armée fondant un quartier auquel il donna son nom ou celui de son chef. Lorsque, trois ans après (973), le camp fut devenu ville (El-Qâhira = la Ville victorieuse =  Le Caire), que la célèbre mosquée El-Azhar et l'immense palais construit pour le calife (93 495 m² de superficie) furent complètement terminés, El-Mouïzz quitta El-Mahdiya avec sa cour, son harem et ses volumineux trésors et transporta au Caire le siège du califat. Le rêve du mahdi se trouvait enfin réalisé : El-Mahdîya, dans sa pensée, n'avait été qu'un abri provisoire. Dans l'intervalle, Djauhar avait réorganisé et dégrevé l'Égypte; il avait conquis la Syrie en moins de temps qu'il n'en faut pour la parcourir, rattachant à l'Égypte cette province qui ne devait cesser d'en faire politiquement partie qu'au XIXe siècle. 

L'Egypte avait souffert des dernières guerres : El- Mouïzz et son successeur El-Azîz réussirent à lui rendre la prospérité d'autrefois. A partir de cette époque, les Fâtimides soutinrent avec avantage la lutte spirituelle engagée de longue date avec les califes orthodoxes de Bagdad. Leur profession de foi, prononcée du haut des chaires dans toutes les mosquées de l'Afrique, de la Syrie et de l'Arabie, gravée sur leurs monnaies; brodée sur leurs étendards blancs, fut :

 Il n'y a d'autre dieu qu'Allâh, Mohammed (Mahomet) est l'envoyé d'Allâh, Alî le chéri d'Allâh! 
Avec le sixième calife de cette famille, El-Hâkim (996-1020), qui fut bien le prince le plus étrange de son temps, l'Ismaélisme prit de suite un développement original et fort éloigné de l'esprit qui avait animé la secte à ses débuts. Tour à tour musulman bigot, ou athée effréné, il en vint à croire, sur la foi de deux sectaires étrangers, Darâzi et Hamza, qu'il était l'incarnation de la divinité. El-Hâkim prétendit forcer l'Égypte à lui rendre les honneurs divins. Cette conduite provoqua au Caire un soulèvement qui dura trois jours : le calife, par représailles, mit le feu à la ville. Cependant, toute une église se forma autour de ce dieu de chair, et, quand il disparut subitement trois ans après son apothéose, probablement assassiné, ses fidèles annoncèrent qu'il reparaîtrait dans son humanité au jour de la résurrection. Le culte d'El-Hâkim ne survécut guère à son dieu en Égypte, mais il a subsisté jusqu'à nos jours dans les montagnes de Syrie : Darâzi et Hamza y ont laissé des disciples qui, sous le nom du premier, les Druzes, attendent encore le retour d'El-Hâkim, homme et dieu. Le règne d'El-Mostansir, qui ne dura pas moins de cinquante-huit ans (1036-94), marque l'apogée de la dynastie, mais cet apogée fut suivi d'un désastreux lendemain. 

El-Mostansir fut au moment de rétablir le califat universel. Moyennant des subsides en hommes et en argent, un émir mécontent, Arslân el-Basâsirl, général des troupes au service des Abbâsides, se chargea de chasser de Bagdad le calife El-Qâïm, et de le contraindre à renoncer à ses droits à l'imâmat en faveur des Fâtimides. L'autorité d'El-Mostansir fut ainsi reconnue jusque dans le Khorasân. El-Qâïm, affolé, se jeta dans les bras du Seldjoukide Togrul Bey qui mit fin à cette tentative révolutionnaire en rétablissant lui-même dix mois après son suzerain sur le trône. Il est vrai qu'il tint à assumer sur lui et sur sa descendance toutes les responsabilités du pouvoir temporel (1055). El-Mostansir en fut pour ses frais. En Egypte, la situation se compliquait pour lui en raison de sa faiblesse et du mauvais gouvernement de son premier ministre, El-Yâzoûri. Une querelle entre un mercenaire turk et un soldat de la milice noire (c.-à-d. composée de troupes originaires de Haute-Egypte et du Soudan) du calife alluma pour quatre ans la guerre civile. La victoire finit par rester à Nasr ed-Daula, chef des Turks. Mais, alors, l'insolence et les exigences de ceux-ci ne connurent plus de bornes; ils vendirent à l'encan les richesses accumulées par les Fâtimides, pillèrent leurs palais, brûlèrent leurs bibliothèques et s'arrogèrent l'autorité tout entière. El-Mostansir, réduit au dernier dénuement, allait être déposé, quand l'émir de Syrie, Bedr el-Djamâlî , secrètement appelé avec ses troupes, délivra l'Égypte des factieux par un massacre général. Bedr, devenu premier ministre et généralissime d'EI-Mostansir, administra ensuite l'Égype pendant vingt ans en maître absolu, mais éclairé; il y rétablit la paix, le travail et l'abondance absents depuis quarante années. Tous deux moururent en 1094; à cette date, les revenus publics avaient monté de 42 millions à 46 millions et demi.

En 1068, la dynastie des Zeïrites, qui gouvernait l'Afrique fâtimide depuis 972, s'était déclarée indépendante. La Syrie allait bientôt se morceler à la suite des invasions franques. Châhinchâh el-Afdal, fils et successeur de Bedr au vizirat, eut en effet à guerroyer contre les Ortoqides et les Francs de la première croisade qui lui prirent Jérusalem (1099). Les progrès des chrétiens en Syrie et en Mésopotamie furent d'ailleurs singulièrement favorisés par la rivalité entre les différents princes seldjoukides et par le schisme qui divisait Abbâsides et Fâtimides. Quant à l'Egypte, défendue qu'elle était par ses déserts de l'Est, elle resta pour le moment en dehors de la lutte. Ce ne fut qu'en 1117, sous le calife El-Amir, que Baudouin Ier fit à l'improviste une pointe sur Faramâ, qu'il mit à feu et à sang. Mais la mort le surprit près d'El Arich et l'Égypte fut pour cette fois épargnée. Après El-Amir, poignardé en 1130 par un émissaire du Vieux de la Montagne (le chef des Ismaéliens) qui commençait à faire trembler les monarques de l'Orient, la décadence des Fâtimides s'accentue d'année en année. Les quatre derniers califes (1130-1171), réduits à la nullité, renfermés dans le harem où ils se livrent à de petites intrigues entre leurs femmes et leurs mignons, abandonnent toute l'autorité à leurs vizirs, qui s'arrogent, du reste, avec la plénitude du pouvoir, le titre de malik, roi. Ces ministres-rois ont pour noms : Roudwân, Ibn Sallâr, Abbâs qui tue le calife Ez-Zâfir pour venger son fils du déshonneur, Talaï, son fils Rouzzik, Châwar, Dirgham, Chirkoûh, enfin Salâh ed-Dîn (Saladin). En cette dernière période, l'Égypte est ensanglantée par les discordes de ces émirs turbulents et ambitieux qui se disputent le gouvernement, mais ne savent ni conserver Ascalon, prise par les croisés, ni empêcher les Normands de Sicile de brûler Tinnis et de menacer Alexandrie (1153). En 1163, sous El-Adhid, dernier prince de cette dynastie moribonde, Châwar, supplanté par Dirgham, sollicita le concours de l'atâbek de Syrie, Noûr ed-Dîn, fils de Zenguî. Celui-ci, heureux de pouvoir s'immiscer dans les affaires d'Égypte, envoya une armée commandée par Chirkoûh ibn Châdî, un des principaux émirs de sa cour, qui emmena avec lui son neveu Yoûsouf Salâh ed-Din ibn Ayyoûb. 

Saladin marchait sans le savoir à la conquête d'un trône. Mais bientôt Châwar, rétabli par les armes des Syriens, se brouilla avec ses protecteurs. Pour s'en mieux débarrasser, il appela à son aide Amaury, roi de Jérusalem, qui avait autant d'intérêt que l'atâbek à s'emparer de l'Égypte. Aussi ce pays devint-il, de 1164 à 1169, le théâtre d'une guerre acharnée. Amaury, après avoir ravagé le Delta, fut bien vite aux portes du Caire, qu'il espérait prendre et  piller, pour se le faire racheter ensuite à prix d'or. Ce fut le tour du calife de réclamer l'aide de Chîrkoûh contre son vizir et contre les Francs. Ceux-ci sont battus et chassés d'Égypte, Châwar est assassiné et le généralissime de Noûr ed-Dîn est mis à sa place. Mais il meurt peu de mois après (1169), léguant son pouvoir à son neveu Saladin, qui relègue El-Adhid au fond de son harem, proclame sa déchéance et substitue à son nom, dans la khotba, celui du calife abbâside. Sur ces entrefaites, El-Adhid, malade depuis longtemps, meurt (1171) se croyant toujours calife; Saladin ne lui donne pas de successeur, mais gouverne au nom de l'atâbek de Syrie. Ainsi s'éteignit, entre les mains d'un soldat kurde, cette dynastie fâtimide qu'un sectaire ambitieux avait fondée deux siècles et demi auparavant. (Paul Ravaisse).

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