| L'hébreu est une des langues sémitiques, branche de la famille des langues afrasiennes. Elle possédait déjà une littérature lorsque beaucoup d'autres étaient encore dans l'enfance. Ce phénomène n'autorise pas cependant à la regarder, avec quelques hébraïsants religieux, comme la langue mère universelle, ni comme la plus ancienne des langues. L'hébreu tient le milieu entre les idiomes araméens et l'arabe : s'il se rapproche des premiers par ses racines, il a plus d'analogie avec le second pour la richesse des formes grammaticales; les radicaux hébraïques se rapprochent davantage par leuurs voyelles des radicaux araméens correspondants, mais ils sont plus analogues aux termes arabes par leurs consonnes. Selon la plupart des hébraïsants, les racines hébraïques se composent, en général, de trois lettres et de deux syllabes, et il n'y aurait qu'un petit nombre de mots monosyllabiques trilittères et de mots bilittères. Si ce caractère polysyllabique des racines était réel, il serait une exception à la règle qu'on observe partout ailleurs la difficulté de ramener aujourd'hui les mots hébreux à des radicaux monosyllabiques est l'indice que la langue, à l'état où nous la connaissons, s'était déjà éloignée de sa forme primitive. Le nombre des racines trilittères est de 2000 environ; celui des radicaux bilittères auxquels Neumann croyait pouvoir rigoureusement les réduire serait à peine de cinq cents. Rumelin, à l'aide de la transposition et de la permutation des lettres, réduisit à quinze racines tous les mots hébreux. Il y a en hébreu deux genres, le masculin et le féminin, et trois nombres, le singulier, le pluriel et le duel : ce dernier ne s'emploie que pour, désigner des objets qui sont doubles par leur nature. - Caractères hébraïques. Extrait d'un manuscrit médiéval du Pentateuque. On reconnaît le genre, tantôt à la signification, tantôt à la désinence des mots. Dans chaque genre le pluriel se forme d'une manière particulière. Les substantifs ne se déclinent pas; les cas sont indiqués par l'article sous forme de préfixe, et par des prépositions inséparables. Il n'y a ni augmentatifs, ni diminutifs : on supplée aux premiers par certaines locutions, telles que le saint des saints, le cantique des cantiques. Lorsque deux substantifs qui se suivent expriment un rapport de possession, c'est le mot régissant seul qui affecte une forme spéciale; il rejette, en outre, l'article préfixe : on a donné à cette construction le nom d'état construit. Ainsi, dans debar Elohim (parole de Dieu), c'est le mot dabar (parole) qui a subi une modification. Si les deux substantifs qui se trouvent à l'état construit n'expriment qu'une seule idée, l'article, s'il doit y en avoir un, se met devant le mot complémentaire; ainsi l'on dit ange du Dieu pour l'ange de Dieu, hommes de la guerre pour les hommes de guerre. A la place des adjectifs, qui sont en petit nombre, on emploie des substantifs, et les deux noms se mettent à l'état construit : homme de Dieu pour homme vertueux, fils de perdition pour homme perdu. L'hébreu ne possède pas d'adjectifs dérivés de substantifs, comme sont nos mots divin, humain, terrestre. Le comparatif se forme au moyen de préfixes, et le superlatif absolu par la répétition du même mot : très saint se dit saint, saint, saint. Tantôt les adjectifs déterminatifs et les pronoms sont séparés, tantôt ils se présentent sous la forme d'affixes et de suffixes : ils s'ajoutent comme suffixes aux substantifs, aux prépositions, et aux verbes employés au parfait, et comme préfixes au futur. Les noms de nombre placés après le substantif se mettent au singulier; les noms placés après les dizaines à partir de la seconde rejettent la marque du pluriel. Il y a même des substantifs qui, exprimant une mesure, comme jour, homme, armée, restent invariables. Le verbe admet, aux 2e et 3e personnes, la distinction des genres. Il n'y a que deux temps : le prétérit, qui sert pour l'imparfait, le parfait, le plus-que-parfait et même le présent; et le futur, qui répond tantôt au futur simple, tantôt au futur antérieur, tantôt encore au présent. Par l'adjonction d'une lettre préfixe, le futur se convertit en prétérit; au moyen de certains retranchements et de certaines additions à la finale de ce temps, il acquiert la valeur du subjonctif, du conditionnel et de l'optatif. L'impératif n'a que la 2e personne. L'infinitif et le participe peuvent être considérés comme de véritables noms. Ce n'est ni par l'infinitif comme les Latins, ni par la 1re personne du présent comme les Grecs, que les Hébreux nomment un verbe, mais par la 3e personne du prétérit, dans laquelle ils voient la racine verbale à l'état le plus pur. L'hébreu n'a qu'une conjugaison : mais le verbe est susceptible de revêtir sept formes ou voix, qui modifient le sens primitif par l'idée de circonstances nouvelles, et expriment un sens passif, un sens causatif, un sens fréquentatif, etc. A l'aide de ces verbes dérivés, la conjugaison acquiert une certaine richesse. Les adverbes et les prépositions, dont le nombre est fort restreint, peuvent, dans certains cas, prendre les signes des genres, et être traités comme de véritables noms. La plupart des règles de la syntaxe hébraïque sont conformes à celles des autres langues; la construction est directe, et ne présente aucune difficulté. Seulement la confusion des temps des verbes, le peu de distinction qui existe entre les manières de parler conditionnelles et les manières absolues, entre les propositions secondaires et les propositions principales, la facilité avec laquelle on passe du singulier au pluriel, du masculin au féminin, ôtent au style la précision désirable. La Palestine avait trop peu d'étendue pour que plusieurs dialectes pussent s'y former. On sait seulement qu'il y avait, d'un lieu à l'autre, des différences de prononciation : ainsi, les habitants du royaume d'Israël, notamment les Galiléens, altéraient les consonnes gutturales, et, dans la tribu d'Éphraim, on changeait l'articulation chuintante en sifflante. On peut distinguer dans l'histoire de la langue hébraïque deux périodes : la première, qu'on appelle l'âge d'or, s'étend depuis l'origine de la langue jusqu'à la captivité de Babylone; la seconde, ou âge d'argent, qui commence à la captivité et finit à l'époque des Macchabées, se distingue par les nombreux emprunts que les écrivains font au dialecte chaldéen, auquel les Juifs, pendant leur séjour à Babylone, s'habituèrent avec d'autant plus de facilité qu'il avait une grande affinité avec la langue hébraïque. Ils continuèrent à le parler après leur retour, et, de la langue parlée, il passa insensiblement dans la langue écrite, où, vers l'avènement de J.-C., il avait à peu près remplacé l'ancien hébreu. Après la dynastie asmonéenne, la langue hébraique pure devint une langue morte, et le dialecte hébreu-chaldéen ou syro-chaldéen fut seul employé. Parallèlement à ce dialecte s'était développé, depuis le VIIe siècle av. J.- C., l'idiome samaritain . Un hébreu moderne, dit rabbinique, s'est formé depuis le Xe siècle de l'ère chrétienne chez les Juifs de l'Espagne tout en affectant de se rapprocher de l'ancien hébreu par sa structure générale, il conserva les formes chaldaïques, et, de plus, emprunta à l'arabe, au grec, au latin, et aux langues des pays où s'étaient réfugiée la diaspora juive, un grand nombre d'expressions. Les Juifs modernes, surtout en Allemagne, ont conservé le rabbinique comme langue scientifique. Depuis la création de l'Etat d'Israël en 1948, l'hébreu est devenu, dans une forme reconstituée, la langue officielle du pays. (B.). | |