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Lesseps
(Ferdinand Marie, vicomte de). - Diplomate français, promoteur du
percement de l'isthme de Suez, né à Versailles'le
19 novembre 1805, mort à La Chenaie, près de Guilly (Indre),
le 7 décembre 1894. Il était le frère cadet du comte
Théodore de Lesseps. Il fit de brillantes études au collège
(auj. lycée) Henri IV, à Paris,
fut attaché en 1825 au consulat de Lisbonne,
revint en 1827 à Paris, passa une année dans les bureaux
de la direction commerciale du ministère des affaires étrangères,
fut nommé en 1828 élève-consul à Tunis,
en 1831 vice-consul et en 1833 consul au Caire,
et géra, à deux reprises, le consulat général
d'Alexandrie. La première fois,
ce fut pendant la terrible peste de 1834-1835, qui emporta le tiers des
habitants; il se dévoua pour combattre le fléau, transformant
sa résidence en ambulance, soignant lui-même les malades et
s'efforçant de rassurer tout le monde par son sang-froid.
Durant le second intérim (1836-1838),
il s'employa principalement à obtenir d'Ibrahim Pacha de nouvelles
garanties pour les catholiques de Syrie
et à rétablir les bons rapports entre le sultan et le vice-roi
d'Egypte ,
Mohammed
Ali, qui avait été autrefois l'ami de son père,
le comte Mathieu de Lesseps. En 1838, il fut envoyé à Rotterdam,
en 1839 à Malaga, en 1842 à Barcelone.
Lors de la sanglante insurrection qui désola cette ville et de son
bombardement par le général Espartero
(novembre 1842), il déploya pour la sauvegarde des étrangers
de toute nationalité une énergie, un courage et une habileté
qui eurent dans l'Europe
entière un grand retentissement. Les gouvernements, celui de la
reine Isabelle en tête, le comblèrent de remerciements et
le couvrirent de décorations; son buste fut placé dans la
grande salle de l'Hôtel de Ville. En 1847, il fut promu consul général
sur place.
Dénoncé comme monarchiste
au gouvernement provisoire de 1848, Ferdinand de Lesseps fut rappelé
télégraphiquement à Paris
le 25 mars; mais le 10 avril. Lamartine le
renvoya en Espagne ,
cette fois comme ministre plénipotentiaire. Il n'y resta que dix
mois. Il trouva le temps, néanmoins, de négocier un traité
postal très avantageux et de faire aboutir les revendications des
Français relatives à l'administration de l'église
et de l'hospice français de Saint-Louis de Madrid.
Le 10 février 1849, il dut céder la place à Napoléon-Joseph
Bonaparte, cousin du nouveau président de la République.
Demeuré quelque temps en disponibilité, il se préparait
à aller prendre possession de l'ambassade de Berne,
lorsque le ministre des affaires étrangères, Drouin de Lhuys,
le dépêcha en Italie
avec mission de faire exécuter le vote de blâme rendu le 7
mai par l'Assemblée constituante contre le général
Oudinot, qui, favorable à la restauration du pape, venait d'attaquer
Rome avec les troupes françaises. Trois semaines durant, l'éminent
diplomate se dépensa en vaines tentatives de conciliation, accusé
d'un côté de partialité pour les révolutionnaires
romains par le général Oudinot, lequel avait reçu
en secret de Louis-Napoléon des instructions
contraires à celles ostensiblement données à l'envoyé
officiel, soupçonné d'autre côté par les Romains,
qui avaient à leur tête Mazzini,
de vouloir les amuser par des négociations stériles. Une
lettre de rappel datée du 29 mai vint l'arracher à cette
critique et humiliante situation. L'Assemblée législative
avait remplacé la Constituante, elle voulait l'écrasement
de la république romaine et la reprise générale des
hostilités : carte blanche fut donnée au général.
Quant à Ferdinand de Lesseps, qui n'avait pas craint de représenter
les fâcheuses conséquences qu'entraînerait l'occupation
violente de Rome et d'émettre sur Mazzini une opinion très
favorable, il fut déféré au conseil d'Etat pour l'examen
des actes relatifs à sa mission. Il se justifia complètement.
Mais il n'obtint que sa mise en disponibilité sans solde et se retira
dans la propriété de La Chenaie, que sa belle-mère,
Mme Delamarre, venait d'acquérir. Cette disgrâce lui valut
l'immortalité.
-
Ferdinand
de Lesseps, par Nadar.
Le
canal de Suez ,
etc.
Des ingénieurs saint-simoniens,
que la dispersion de leur secte avait conduits en Egypte ,
s'étaient préoccupés, quinze ans auparavant, de la
réunion de la Méditerranée
à la mer Rouge et avaient même tenté un barrage du
Nil ( Enfantin
et Lambert Bey). Ferdinand de Lesseps était
alors consul au Caire. Il avait lu, vers le
même temps, à Alexandrie,
un rapport écrit en 1800 sur la question par un ingénieur
de l'expédition d'Egypte, l'architecte
Lepère, et il y avait souvent réfléchi depuis. A La
Chenaie, où il ne s'occupait guère que d'agriculture, il
eut le loisir de méditer et de mûrir l'idée et, lorsqu'au
mois de juillet 1854 il apprit la mort du vice-roi Abbas Pacha, sa conviction
était déjà faite, et son plan arrêté.
Les circonstances étaient on ne peut plus favorables. Ferdinand
de Lesseps avait été le grand ami d'enfance du nouveau souverain,
Saïd Pacha, quatrième fils de Mohammed
Ali, et le jeune prince, devenu homme, lui avait conservé une
vive affection. Il s'embarqua dès le mois d'octobre pour l'aller
féliciter de son avènement, et, le 15 novembre au soir, tandis
que tous deux chevauchaient à travers le désert Lybique,
se rendant d'Alexandrie au Caire, il s'ouvrit à lui de ses projets.
Saïd Pacha les approuva sur-le-champ et promit de les seconder. De
Lesseps ne perdit pas un instant. Déployant, malgré ses cinquante
ans, une activité à peine concevable, il réunit une
commission internationale, la conduisit en Egypte, fit déterminer
le tracé, s'occupa en même temps de«
lancer l'affaire », organisa des réunions, fit des
conférences, persuada les incrédules, confondit ses adversaires
et triompha finalement de toutes les hésitations et de toutes les
résistances, grâce à une ardeur, à une énergie
et à une ténacité que ni déboires ni revers
ne parvinrent jamais à abattre.
L'Angleterre
avait pourtant bien lutté. Ses hommes d'Etat et ses ingénieurs,
lord Palmerston et Stephenson en tête,
avaient déclaré impossible, absurde, le projet du canal ,
tout en menaçant la Sublime Porte
des plus violentes représailles si elle signait le firman de ratification
de la concession; ses financiers avaient entravé de tout leur pouvoir
les émissions d'actions en propageant dans le public les bruits
les plus alarmants et en vouant d'avance les souscripteurs à la
banqueroute. Un puissant parti français avait également mené
une vive campagne de déconsidération. Malgré tout,
une concession en règle fut accordée (5 janvier 1856), le
gouvernement égyptien souscrivit à 177 642 actions, et les
travaux commencèrent le 25 avril 1859. Ils se poursuivirent pendant
quatre ans sans incidents graves. Mais en 1863, Saïd Pacha étant
mort, son successeur, Ismaïl Pacha, poussé par l'Angleterre
et la Turquie, fit mine de s'opposer à leur continuation. De nouveau
Ferdinand de Lesseps se multiplia, Napoléon
III intervint, et, l'année suivante, les travaux purent reprendre.
L'inauguration officielle eut lieu le 17 novembre 1869. Ce fut par le monde
entier un enthousiasme indescriptible. Ferdinand de Lesseps fut mis au
rang des plus illustres célébrités; les souverains,
accourus à Port-Saïd pour le féliciter, lui conférèrent
les plus hautes dignités de leurs ordres les plus honorifiques;
le gouvernement français, notamment, le nomma grand-croix de la
Légion d'honneur (1869) sans qu'il eût passé par le
grade de grand officier; les Anglais eux-mêmes ne voulurent pas demeurer
en arrière, et Londres lui accorda
sa faveur la plus recherchée, le droit de bourgeoisie (1870). Pendant
quinze années, il fut certainement le citoyen du monde le plus populaire,
en même temps que le plus admiré et le plus respecté;
on ne l'appela plus que « le grand Français », et sa
vie devint comme une longue et glorieuse apothéose. Il payait de
mine, du reste, avec sa physionomie martiale, sa taille bien prise et esthétiquement
serrée dans sa redingote noire, ses épaules larges, sa démarche
aisée et cette auréole de triomphateur qui ne quittait guère
son large front. C'était en outre un cavalier d'élite, et
il dut en grande partie à cette qualité son ascendant sur
les Egyptiens.
Il n'y eut qu'en politique que Ferdinand
de Lesseps ne fut pas heureux. Aux élections de 1869, l'Empire le
porta candidat officiel contre Gambetta
dans la deuxième circonscription de Marseille;
il échoua. Il échoua également le 15 mars 1876, par
84 voix contre 174 données à Ricard, comme candidat de la
droite sénatoriale à un siège de sénateur inamovible.
Il ne professa jamais, du reste, des opinions bien extrêmes. Sa conduite
dans les affaires de Rome en 1849 et les mesures prises alors contre lui
avaient fait quelque temps supposer qu'il était républicain.
Mais il s'était incontestablement réconcilié avec
Napoléon III, et il entretenait les meilleures relations avec l'impératrice,
qui était sa cousine. Ce fut même lui qui la fit évader
des Tuileries
le 4 septembre 1870 et qui la conduisit en lieu sûr.
Dès 1873, Ferdinand de Lesseps étudia
un autre grand projet. Il s'agissait, cette fois, d'une voie ferrée
qui, allant d'Orenbourg à Peshawar, à travers l'Asie
centrale, devait relier les réseaux russe et anglo-indien. Ce fut
l'un de ses fils, Victor, attaché d'ambassade, qui se rendit dans
l'Inde
pour examiner sur place la question, mais elle resta sans solution. Quelques
années plus tard, à la suite d'une visite qu'il fit lui-même
aux chotts algériens et tunisiens, il se déclara hautement
pour la création, sur leur emplacement, d'une mer intérieure
africaine dont les eaux seraient amenées de la Méditerranée
par un canal
de 160 kilomètres partant de Gabès. Les plans avaient été
dressés par le commandant Roudaire. Des
ingénieurs refirent les études et constatèrent que
les parties à submerger étaient au-dessus du niveau de la
mer. Ferdinand de Lesseps fut aussi l'un des promoteurs du canal de l'isthme
de Corinthe. Il ne s'en occupa toutefois
qu'en passant. D'autres idées le hantaient. Il voulait un digne
pendant à l'isthme de Suez. Il ambitionnait de faire plus grand
encore.
Le
canal de Panama .
Le percement de la longue langue de terre
qui sépare les deux Amériques
avait, à maintes reprises, depuis le commencement du siècle,
obsédé les rêves de marins et d'ingénieurs.
Deux officiers de la flotte française, Wyse et Reclus, avaient plus
récemment recherché le tracé d'un canal entre Panama,
sur l'océan Pacifique ,
et Colon, sur l'Atlantique .
Ferdinand de Lesseps se mit à la tête d'un comité chargé
d'étudier leur avant-projet. Un congrès international d'ingénieurs
se réunit à Paris au mois de
mai 1879. Plusieurs plans, tous insuffisamment préparés d'ailleurs,
lui furent soumis. Mais Lesseps avait son idée arrêtée.
Le canal de Panama
devait être, comme son frère d'Egypte ,
à niveau constant et sans écluses; il n'en admettait pas
d'autre. La situation était pourtant bien différente. Au
lieu d'un long ruban de sable à draguer, c'était toute une
montagne de roche dure dans laquelle il allait falloir creuser une gigantesque
cuvette. Ferdinand de Lesseps ne voulut pas prendre en considération
les observations réitérées que lui firent à
cet égard deux sous-commissions techniques. Il avait en son étoile
une confiance absolue.
«
Si l'on demande, disait-il, à un général qui a gagné
une première bataille s'il veut en gagner une autre, il ne peut
refuser. »
Il se contenta, pour l'évaluation des
dépenses et de la durée des travaux, de données vagues
et incertaines, et il entraîna assez facilement la majorité
du congrès, qu'hypnotisait le succès de Suez. Une première
tentative d'émission publique échoua (août 1889). Malgré
ses soixante-quinze ans, il paya de sa personne, comme vingt ans plus tôt
pour son premier canal, organisa toute une campagne de conférences,
fonda le Bulletin du canal interocéanique et, au mois de
décembre, partit pour le Panama
avec sa femme, deux de ses enfants et toute une escorte d'ingénieurs,
d'économistes et de journalistes. Le 1er
janvier 1880, la petite Ferdinande de Lesseps donna le premier coup de
pioche. On resta vingt jours. L'observation des difficultés fut
forcément très superficielle. On alla ensuite aux Etats-Unis ,
où l'opposition était fort vive et on revint en Europe .
Au mois de décembre, une nouvelle émission fut lancée.
Elle fut couverte plusieurs fois. Le 3 mars 1881, la Compagnie du canal
interocéanique
fut définitivement constituée. L'inauguration devait avoir
lieu le 1er octobre 1887!
Cependant, Ferdinand de Lesseps n'en avait
pas fini avec le canal de Suez et avec les Anglais.
En 1875, le gouvernement de la reine Victoria
avait acheté au khédive pour une valeur de 100 millions de
francs les 176 602 actions dont il était propriétaire. En
1881, il mit à profit la révolte d'Arabi Pacha pour débarquer
en Egypte
et tenter de s'emparer du canal, que l'amiral Hoskins, excité aux
plus violentes mesures par le Times et par quelques autres journaux
anglais, ne craignit pas d'occuper militairement. Vainement, Ferdinand
de Lesseps, accouru immédiatement à Ismaïlia, protesta-t-il
contre cette atteinte à la propriété privée.
Son attitude énergique sauva néanmoins la situation. Arabi
Pacha lui promit de respecter la neutralité du canal, et l'amiral
anglais lui demanda spontanément d'en reprendre l'exploitation normale.
Les attaques des journaux d'outre-Manche n'en furent que plus acharnées.
Ils alléguèrent d'abord les allures insolentes du président
de la Compagnie, puis l'insuffisance du canal, et ils réclamèrent
le percement d'une seconde voie pour le service spécial de L'Angleterre.
Lesseps sut tenir tête à tous les orages. Trois ans après
un nouveau et dernier voyage en Egypte (1884), il remporta une victoire
décisive par la signature de la convention franco-anglaise du 23
octobre 1887, qui assurait, sous la garantie des principales puissances,
la neutralité du canal et qui reconnaissait le privilège
exclusif de la compagnie concessionnaire.
« Le grand Français »
jouissait encore à cette époque de toute sa popularité
et de tout son prestige. Membre libre de l'Académie
des sciences de Parisdepuis 1873, il avait
été choisi en 1884 par l'Académie
française pour succéder à Henri Martin, bien que
ni la nature de ses écrits, qui ne sont en général
que des recueils de documents, ni son style fort relâché ne
parussent devoir le désigner aux suffrages d'une compagnie littéraire.
La plupart des sociétés savantes de l'étranger s'étaient
fait également un honneur de s'attacher à des titres divers
le « perceur d'isthmes », et il présidait, plus ou moins
effectivement, une multitude d'associations, de cercles, de congrès,
etc. Au mois de mars 1887, il fut envoyé par le gouvernement français
à Berlin, sans qu'on ait jamais su
exactement si cette mission était relative à une invitation
secrète de l'Allemagne
à l'exposition universelle de 1889 ou à quelque démarche
tendant à la révision du traité de Francfort. Il reçut
en tous cas de l'empereur, du prince de Bismarck
et de toute la cour les marques les plus ostensibles de sympathie et de
déférence. Malheureusement, l'oeuvre de Panama
marchait rapidement à la ruine, et la considération de Ferdinand
de Lesseps allait bientôt sombrer dans ce cataclysme financier.
En 1885, la situation de la Compagnie
était
déjà critique. En 1886, son président effectua un
nouveau voyage dans l'isthme, au cours duquel il consentit à reconnaître
que le canal à niveau était pour le moment impossible et
qu'il fallait se contenter, temporairement au moins, d'un canal à
écluses. Mais de toute façon il fallait beaucoup d'argent
: or les caisses étaient vides, plus d'un milliard avait déjà
été dépensé et la défiance grandissait.
Il y eut alors une série d'émissions infructueuses, entremêlées
d'enquêtes gouvernementales et de vifs débats parlementaires.
Seul Ferdinand de Lesseps ne désespérait pas et, dans une
nouvelle campagne de publications et de conférences, il annonçait
contre toute évidence l'ouverture du canal avant la fin de 1890.
Il dut pourtant, le 11 décembre 1888, abandonner la lutte. Le 4
février 1889, la liquidation judiciaire de la Compagnie fut prononcée.
Les bruits les plus graves commencèrent à circuler : les
travaux réellement utiles ne représentaient, disait-on, qu'une
faible part des sommes dépensées; des travaux incohérents
et un gaspillage éhonté avaient absorbé le reste.
Sous la pression de l'opinion publique, la Chambre des députés
vota, le 4 janvier 1892, à l'unanimité de 509 votants, un
ordre du jour réclamant « une répression énergique
». Le 9 février 1893, la cour de Paris
condamna Ferdinand de Lesseps et son fils aîné, Charles, qui
avait été depuis le début des études du canal
de Panama
son collaborateur de tous les instants, à cinq années d'emprisonnement
et à 3000 F d'amende. Charles avait seul comparu. Son père,
littéralement écrasé par la ruine de son oeuvre, vivait
depuis le commencement de l'année 1889 au fond de sa propriété
de La Chenaie, dans un état de somnolence sénile qui avait
permis à sa famille de tout lui cacher : le procès et l'arrestation
de son fils. Il ne connut pas davantage sa condamnation. Elle ne lui fut
du reste jamais notifiée et on n'eut pas ainsi à le rayer
des cadres de la Légion d'honneur
Ferdinand de Lesseps mourut à La
Chenaie à quatre-vingt-neuf ans. Son corps fut ramené à
Paris, où les honneurs militaires ne lui étaient pas régulièrement
dus, et un silencieux cortège de fidèles admirateurs le conduisit
à sa dernière demeure.
Le désastre avait fait trop de victimes
et trop de dupes, lui-même y avait trop directement contribué
par des fautes et par une légèreté indiscutables,
pour qu'il pût éviter le ressentiment populaire. Mais l'histoire
oubliera certainement les égarements de sa vieillesse trop présomptueuse
et trop confiante pour se souvenir seulement qu'il fit Suez, qu'à
l'âge de soixante-dix ans encore sa gloire était intacte et
que, s'il laissa commettre de honteuses dilapidations, il ne fut lui-même,
entre les mains d'industriels et de financiers sans scrupules, qu'un instrument
à peu près inconscient; elle ne verra plus en lui que
«
l'incarnation de l'esprit d'entreprise dans sa plus haute acception, que
l'initiateur de la plus grande révolution matérielle qui
ait eu lieu dans ce monde (Francis Charmes) ».
Il ne recueillit du reste que bien peu de
chose du maniement de tous ces millions. Il semble même plutôt
avoir compromis sa fortune dans cette affaire, car le 5 juin 1894 l'Assemblée
générale des actionnaires de la Compagnie du canal de Suez
dut voter à sa femme et à ses enfants, pour assurer leur
avenir, une pension viagère de 120 000 francs.
Ferdinand de Lesseps s'était marié,
alors qu'il était consul en Egypte ,
avec Mlle Delamalle, morte en 1854. Elle lui laissa deux fils : Charles-Aimé-Marie,
né en 1849, et Victor, l'un et l'autre cités dans le cours
de cet article. Le 23 novembre 1869, il épousa à Ismailia
une créole de l'île Maurice
qu'il avait rencontrée dans un salon parisien, Mlle Hélène
Autard de Bragard. Elle avait alors dix-huit ans. Elle lui donna à
son tour neuf charmants enfants bien connus des Parisiens, qui virent souvent
leur joyeuse cavalcade remonter à poney l'avenue des Champs-Elysées.
(Léon
Sagnet).
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En
bibliothèque. - Ferdinand de
Lesseps a publié : Ma Mission à Rome en mai 1849 (Paris,
1849, in-8); Percement de l'isthme de Suez (Paris, 1855-1861, 5
vol. in-8 et atlas); Question du canal de Suez (Paris, 1860, in-8);
Conférences
sur le canal de Suez (Paris, 1862, 2 vol. in-8);
le Percement de
l'isthme de Suez (Paris, 1868, in-12); Egypte et Turquie (Paris,
1869, in-8); Lettres, journal et documents pour servir à l'histoire
du canal de Suez (Paris, 1875-1881, 5 vol. in-8); Souvenirs de quarante
ans, dédiés à mes enfants, autobiographie remplie
d'intéressantes anecdotes (Paris, 1887, 2 vol. in-8); Origines
du canal de Suez (Paris, 1890, in-16).
Il
a communiqué en outre à l'Académie des sciences une
vingtaine de mémoires qui ont paru dans ses comptes rendus et qui
ont tous trait aux isthmes de Panama et de Suez ou à la mer intérieure
africaine. |
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