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Anselme

Anselme est un chroniqueur du XIe siècle dont on ne connaît guère la vie que par quelques détails qu'il nous en a transmis lui-même dans son ouvrage. Après avoir été élevé à l'école épiscopale de Liège, dont la célébrité à cette époque est bien connue de tous ceux qui étudient l'histoire littéraire de l'empire germanique au Moyen âge, il devint chanoine puis doyen du chapitre de Saint-Lambert. Il était né probablement pendant les dernières années ou peu après la mort de l'évêque Notger (1007). Il fut l'ami de ses successeurs Wazon (1042-1048) et Théoduin (1048-1075), sous le pontificat duquel il mourut. 

Sa chronique, consacrée à l'histoire des évêques de Liège, de saint Hubert (708-728) à Wazon, forme la suite de celle d'Heriger (sous Notger) avec laquelle on la publie toujours. Elle est considérée par la critique, tant à cause de sa valeur historique que de son mérite littéraire, comme l'une des meilleures du XIe siècle. Anselme la remania deux fois. Jusqu'au XIXe siècle on ne connaissait qu'un fragment de la préface de la première édition, adressée par l'auteur à sa marraine la comtesse Ida, abbesse du couvent de Sainte-Cécile à Cologne, fragment conservé dans la seconde rédaction dédiée au fameux archevêque de Cologne Annon. En 1883, Waitz a donné dans les Monumenta Gerrnaniae historica Scriptorum, t. XIV, pp. 107-120, de nombreux passages d'un texte abrégé de cette seconde rédaction, dans lequel il veut voir la forme primitive de la chronique.



En bibliothèque - J. Chapeaville, Auctores qui gesta ponctificum Tungrensium, Trajectensium et Leodiensium scripserunt, t. I; Leod., 1612, in-4. - Martène et Durand, Amplissima Collectio, t. IV,, pp. 837-911. - Bouquet, Rerum Gallicarum et Francicarum Scriptores, t. XI, pp. 9-12 (fragments); Monumenta  Germaniae, historica, Script. t. VII, pp. 189-234, éd. Köpke; Ibid, t. XIV, pp. 10-120, éd. Waitz (2e rédaction).

Mabillon, Annales ordinis sancti Benedicti, t. IV, p. 178; Histoire littéraire de la France, t. VII, pp. 472-476. - Andreas, Bibliotheca Belgica, p. 306. - Sweertius, Athenae Belgica, p. 340. - Miraeus, Bibliotheca Ecclesiastica, p. 156.- Oudinus, Commentar de scriptoribus ecclesiae antiquis, t. II, p. 610. - Dupin, Nouvelle bibliothèque des auteurs écclésiastiques, t. IX. p. 109. - Foppens, Bibliotheca Belgica, p. 471. - Fabricius et Mansi, Bibliotheca scriptorum latinorum mediae et infinae aetatis, t. III, p.189. - De Villenfagne, Mélanges de littérature et d'histoire; Liège, 1788. p. 214. - De Wind, Bibtiotheek der Nederlandsche geschiedschrijveirs, p. 20. Koepke, Préface Mon. Germ. Hist. Script., t. VII, pp. 107-108.- Wattenbach, Deutschlands Geschichtsquellen im Miltetalter, 4e éd.,t. II, pp. 113-115. Voir plus spécialement pour ce qui concerne l'opinion de Waitz : Neues Archiv der Gesellchaft füir ältere deutsche Geschichts-Kunde, t. VII, pp. 73 et suiv. et à propos d'un nouveau manuscrit, ibid,t. II. pp. 323 et suiv., et Kurth, Notice sur un manuscrit d'Heriger et d'Anselme, dans le Bulletin de la commission royale d'histoire de Belgique, 4e série, t. II.

Anselme de Canterbury ou Saint Anselme est un docteur scolastique, archevêque de Canterbury; né à Aoste en 1033, de famille noble; mort le 24 avril 1109 [ à ne pas confondre avec un autre saint Anselme, mort en 1086, qui fut évêque de Lucques ]. Porté par ses dispositions natives et par l'influence de sa mère, Ermeuberga, vers l'étude et la vie religieuse, il en avait été détourné par son père, et il suivit pendant une partie de sa jeunesse des voies fort différentes; mais repris par ses premières aspirations, il quitta son pays et il parcourut la France, se livrant en divers lieux aux disputations en honneur à cette époque. Finalement, il se fixa en Normandie à l'abbaye de Sainte-Marie du Bec, où Lanfranc, son compatriote, avait fondé une école célèbre, que les contemporains appelaient la nouvelle Athènes. Il y devint moine en 1060, prieur en 1063, abbé en 1078; continua et compléta l'oeuvre de son maître, que Guillaume le Conquérant avait promu, dès 1070, au siège de Canterbury. Anselme devait le remplacer en cet archevêché, comme en l'abbaye du Bec. Lanfranc mourut en 1089 après une vacance de quatre années, produite par les retards intéressés du roi, Guillaume le Roux, qui pendant ce temps bénéficiait des revenus, et par la résistance du futur prélat qui redoutait les difficultés et les périls du poste, Anselme fut nommé à Canterbury, 1093.

Le caractère de son épiscopat fut une ardente adhésion aux doctrines et aux entreprises de la papauté, conçues par Grégoire VII et reprises par ses successeurs. Avant d'être évêque, Anselme avait pris parti pour Urbain II, contre l'antipape' Clément III; il ne voulut recevoir le pallium que des mains d'Urbain. Sur la question des investitures, il se résigna deux fois à l'exil pour ne point céder au roi, et il finit par obtenir une transaction qui supprimait l'ancienne cérémonie et assurait au pape le droit exclusif de remettre la crosse et l'anneau, laissant au roi le pouvoir de nommer aux bénéfices vacants et d'exiger le serment pour les domaines et privilèges temporels. Le premier en Angleterre, il imposa le célibat aux ecclésiastiques : il le fit prescrire par loi religieuse, en un synode national tenu à Westminster, 1102. La vie de saint Anselme a été écrite par son secrétaire, Eadmer, moine de Canterbury.

On rapporte généralement à l'oeuvre d'Anselme la fin de ce qu'on appelle la théologie positive et le commencement de la scolastique. Les articles essentiels de la foi des Chrétiens avaient été élaborés et fixés dans les premiers siècles; pendant longtemps on se contenta de les enseigner, sans les examiner et tout simplement d'après les écrits des Pèreset les canons des conciles : les conciles exerçant une autorité indiscutable, parce qu'ils représentent la souveraineté de l'Église; les Pères, une autorité indiscutée, parce qu'on les supposait alors unanimes, sans contradiction réelle entre eux, sur aucun point. Cette double autorité subsista dans sa plénitude, pour les docteurs scolastiques aussi bien que pour les théologiens positifs; mais les scolastiques voulurent y ajouter l'autorité de la raison. Pour les uns comme pour les autres, la doctrine de l'Église, c'est la vérité divine, absolue, inviolable; elle ne peut par conséquent devenir l'objet d'une spéculation indépendante : s'en écarter, c'est tomber dans l'hérésie. Cependant les scolastiques estimaient que, si la foi est la condition nécessaire du salut, elle doit offrir et elle offre une suprême satisfaction à la raison; ils affirmaient que ce qui est dogme est par cela même rationnel; ils prétendaient mettre le dogme à la portée de l'intelligence et en démontrer la nécessité, s'efforçant de constituer ainsi une philosophie religieuse soumise à l'ordonnance ecclésiastique.

Anselme est le premier qui ait formulé le principe sur lequel est fondé ce système, qui part de la foi pour aboutir à la raison. Son Proslogium de Dei existentia a pour sous-titre : Fides quaerens intellectum; il y est écrit : 

Non quaero intelligere ut credam, sed credo ut intelligam. Nam qui non crediderit, non experietur, et qui non expertus fuerit, non intelliget. 
Voici les titres de ses principaux ouvrages, outre le Proslogium déjà cité : Monologium de essentia divinitatis, sive exemplum meditandi de ratione fidei; - Cur. Deus homo; - De concordia praescientiae et praedestinationis necnon gratiae Dei cum libero arbitrio; - Liber de Conceptu virginali et originali peccato; - Liber apologeticus contra Gaunilonem respondentem pro insipiente; - De fïde Trinitatis; - De Incarnatione Verbi contra blasphemias Roscelini; - De casu Diaboli, dialogue; - De processione Sancti Spiritus, traité dirigé contre l'Église grecque, dont Anselme avait combattu la doctrine au concile de Bari.

Il professait un réalisme singulièrement hardi qui, joint à d'incontestables qualités, l'a fait appeler le Platon et l'Augustin du Moyen âge. Dans le Monologium, il entreprit de démontrer l'existence de Dieu et le dogme de la Trinité, à l'aide des seules lumières de la raison, c.-à-d. des postulats réalistes et de certaines hypothèses sur l'origine des idées et des connaissances, sans recourir à la révélation ni à l'enseignement de l'Église. Reprenant et simplifiant cette démonstration dans le Proslogium, il produisit la preuve ontologique que Descartes a renouvelée sous une forme différente. 
 

Dieu prouvé par son idée, ou argument ontologique

« L'insensé a dit en son coeur : Il n'y a point de Dieu [ Dixit insipiens in corde suo: non est Deus (Psaume 13, v. 1) ]. Mais lorsqu'il m'entend dire qu'il y a quelque être au-dessus duquel on ne saurait rien imaginer de plus grand, ce même insensé comprend cette parole; cette pensée est dans son intelligence, encore qu'il ne croie pas que l'objet de cette pensée existe. Autre chose est en effet d'avoir l'idée d'un objet quelconque, autre chose est de croire à son existence. Car lorsque le peintre pense d'abord au tableau qu'il va faire, il le possède, il est vrai, dans son intelligence; mais il sait qu'il n'est pas encore, puisqu'il ne l'a pas encore exécuté. Lorsqu'au contraire il l'a peint, non seulement il l'a dans l'esprit, mais il sait encore qu'il l'a fait. L'insensé lui-même est donc obligé de convenir qu'il a dans l'esprit l'idée d'un être au-dessus duquel on ne saurait rien imaginer de plus grand, car, lorsqu'il entend énoncer cette pensée, il la comprend, et tout ce que l'on comprend est dans l'intelligence. Et, sans aucun doute, cet objet au-dessus duquel on ne peut rien comprendre n'est pas dans l'intelligence seule; car, s'il n'était que dans l'intelligence, on pourrait au moins supposer qu'il est aussi dans la réalité : nouvelle condition qui constituerait un être plus grand que celui qui n'a d'existence que dans la pure et simple pensée. Si donc cet objet, au-dessus duquel il n'est rien, était seulement dans l'intelligence, il serait cependant tel qu'il y aurait quelque chose au-dessus de lui conclusion qui ne saurait être légitime. Il existe donc certainement un être au-dessus duquel on ne peut rien imaginer, ni dans la pensée, ni dans le fait. »
 

(Saint Anselme. Proslogium, V, I.).

Dégagée de son appareil scolastique, l'argumentation d'Anselme peut être ainsi résumée : 

L'esprit conçoit un être tellement parfait qu'on ne peut en imaginer un autre plus parfait. Or l'existence est une condition nécessaire de cette perfection; car si l'être que l'on conçoit comme parfait n'existait pas, on pourrait en concevoir un autre doué des mêmes qualités et, en outre, de l'existence; ce dernier serait évidemment plus parfait que le premier... donc Dieu, l'être infiniment parfait, existe.
Ce procédé suppose que la réalité répond nécessairement aux visées de l'esprit; il fut vivement critiqué par Gaunilon, moine de Marmoutiers, qui répliqua qu'une chose peut être in conceptu et ne pas être in re, c.-à-d. que les conceptions de l'esprit n'impliquent point nécessairement l'existence d'une réalité correspondante (Liber pro insipiente adversus Anselmi in Prosloglo ratiocinationem). Cette controverse, ainsi que la persécution contre Roscelin, à propos de la Trinité, appartient à l'histoire du Nominalisme et du Réalisme (Universaux).

On doit à Anselme une doctrine qui, sous le nom de satisfaction vicaire, satisfactio vicaria, subsiste encore dans le domaine religieux, où elle est incorporée à un dogme. Le dogme de la rédemption était établi depuis longtemps; mais comme il n'était pas formulé en termes précis et qu'il n'avait jamais été foncièrement contesté, on l'expliquait de différentes manières, généralement par la nécessité pour Dieu de venir sur la Terre, afin de détruire la puissance du diable. Anselme laissa une certaine part à cette idée, mais fort petite. Dans son livre Cur Deus homo, qui touche à l'incarnation et à la rédemption, il combine les principes du droit romain sur l'acceptilation avec les idées et les coutumes des temps féodaux, et il enseigne que Dieu s'est fait humain, pour donner satisfaction à son propre honneur lésé par la révolte du diable qui a entrainé l'humain, rendu ainsi complice et vassal de l'enfer, et satisfaction à sa justice affectée par le péché de l'humain. D'une part, l'offense à l'honneur rend nécessaire une réparation; d'autre part, la justice exige que le péché soit puni, elle défend de pardonner gratuitement. Il faut une satisfaction; mais la satisfaction due par l'humain ne peut être donnée par lui, puisqu'il ne peut offrir comme pécheur que l'obéissance qu'il doit déjà comme humain, comme sujet de Dieu. D'ailleurs, Dieu ne saurait être satisfait par rien de ce qui lui est inférieur, et il n'a d'égal, de pair, que lui-même... Pourtant, c'est l'humain qui doit être puni. Afin de répondre à cette double exigence, Dieu s'est fait humain, il a consenti à souffrir et à mourir comme humain : ainsi se trouve faite la part de la justice. En outre, comme cette souffrance et cette mort ont été en Jésus, Dieu fait humain, essentiellement volontaires et imméritées, elles constituent quelque chose de plus que ce qu'un simple humain aurait pu fournir. Cet excédent peut être offert pour la part de l'honneur; Dieu l'accepte comme réparation. Pour récompenser Jésus, il lui octroie le salut des humains; et désormais les humains sauvés peuvent remplir dans la cité céleste la place laissée vide par les anges déchus.

Dans ses spéculations sur la Trinité, Anselme a émis des conceptions qu'il serait fort difficile de concilier avec les termes des symboles des définitions des conciles; néanmoins, en 1720, il a été mis au rang des docteurs de l'Église par Clément XI, il avait été canonisé en 1494. (E.-H. Vollet).



Éditions anciennes - Ses oeuvres furent imprimées pour la première fois, à Nuremberg, 1491-1494, in-fol. L'édition la plus estimée est celle qui a été dirigée par le bénédictin Gabriel Gerberon; Paris, 1675, 1721, 1 vol. in-fol; Venise, 1746, 2 vol. in-fol. Elles sont aussi comprises dans la collection de l'abbé Mine, Patrologiae latinae cursus completus; Paris, 1844 et suiv., t. CLVIII et CLIX.

En bibliothèque - Ribbeck, Anselmi doctrina de S. Spiritu; Berlin, 1838, in-4. - Franck, Anselm von Canterbury; Tubingen, 1842. - Bouchitte, le Rationalisme chrétien à la fin du XIe siècle, Paris, 1842. - Hasse, Anselm von Canterbuy; Leipzig, 1843. - Charma, S. Anselme; Paris, 1853. - Ch. de Rémusat, S. Anselme de Cantorbéry; Paris, 1888, 2e édition. - Hauréau, Histoire de la philosophie scolastique; Paris, 1872, 3 vol. t. I, 2e édit. - Ch. Schmidt, Histoire de l'Église d'Occident pendant le Moyen âge; Paris,1885.

Anselme dit l'Écolâtre, mort en 1117, fut disciple de Saint Anselme, tint à Laon une école célèbre et compta parmi ses auditeurs Guillaume de Champeaux et Abélard.
Anselme (Pierre de Guibours, dit le P.) est un augustin déchaussé, né à Paris en 1625, mort en 1694, est connu par une Histoire généalogique de la maison de France et des grands officiers de la couronne, 1674, 2 vol. in-fol.; ouvrage continué par du Fourni et le P. Ange de Ste-Rosalie, qui en donnèrent de 1726 à 1739 l'édition la plus estimée (9 vol. in-fol.). On lui doit encore la Science héraldique, 1674, et le Palais de l'honneur, contenant la généalogie des maisons de France, de Lorraine et de Savoie.
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Dictionnaire biographique
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