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Fondation
d'une dynastie
La conquête
de la Perse ,
commencée un peu après celle de la Chine, fut terminée
avant, et tandis que Koubilaï, après avoir annexé la
Chine méridionale, fondait la dynastie sino-mongole des Youen, son
frère Houlagou, après avoir annexé les pays de l'Euphrate,
ancien centre du califat, fondait une dynastie iranienne brillante et éphémère.
Les conquêtes de Gengis Khan en Perse,
n'avaient pas suffi pour détruire le pouvoir de la dynastie des
Kharezmiens.
Le sultan Djelal-Eddin, fils de Mohammed, qui s'était réfugié
dans l'Inde, ne tarda pas à revenir en Perse et à y recouvrer
la souveraineté (1225-25).
Dès son avènement au trône, Ogotaï avait envoyé
en Perse Djourmaghoun Noyan avec une armée de 20 000 hommes. En
1230,
Djelal-Eddin fut surpris par les Mongols et n'eut que le temps de s'échapper.
L'année suivante, après des vicissitudes de tout genre, le
sultan se laissa encore surprendre par les troupes mongoles et fut assassiné
dans sa fuite par un Kurde. Après la défaite de Djelal-Eddin,
les Mongols saccagèrent la Mésopotamie, le Kurdistan ,
l'Azerbaïdjan, l'Arménie, la Géorgie, et étendirent
leurs ravages jusque sur les frontières de l'Irak Arabi (1237).
En 1238,
Djourmaghoun conquit les pays compris entre l'Araxe et le Kour. En 1242,
les Mongols, ayant soumis les contrées voisines de l'Euphrate et
du Tigre, voulurent s'emparer de l'empire de Roum et le souverain de ce
pays, Ghyas-ed-Din Kaikhosrev, fut battu près d'Akcheher; il se
tira de ce mauvais pas en payant un tribut énorme aux Mongols.
Encouragé
par ce succès, le général Baïdou envoya à
tous les princes de Syrie une lettre par laquelle il leur ordonnait de
se reconnaître comme les vassaux du khaqan. Le roi d'Arménie,
Haïthoum, obéit l'un des premiers, et le prince de Mausil,
Bedr-ed-Dîn Loulou, ne tarda pas à l'imiter. Dans le kouriltaï
où fut élu Mangou, l'empereur décida d'envoyer en
Perse
une armée sous le commandement de son frère, Houlagou, avec
l'ordre de détruire d'abord le pouvoir de la secte des Ismaëliens ,
puis d'aller soumettre le calife abbaside de
Bagdad. Houlagou partit pour cette expédition le 19 octobre 1253;
il passa tout l'été de l'année suivante (1254)
dans le Turkestan
et n'arriva devant Samarcande qu'en 1255.
Il envoya de cette ville aux souverains occidentaux l'ordre de venir dans
son camp, et de lui amener des troupes de renfort sous peiné d'être
attaqués par lui, puis il passa l'hiver dans la plaine de Choubourgan.
Les conquêtes
de Houlagou.
Le chef des Ismaëliens
était alors Rokn-ed-Dîn Khourchah qui avait succédé
à son père Ala-ed-Din. Il consentit à se soumettre
aux Mongols, mais avant refusé de détruire ses forteresses
et de se rendre au camp d'Houlagou, les généraux mongols
envahirent le Roudbar, et Houlagou campa devant Meïmoun-Diz. Rokn-ed-Din
dut se rendre à discrétion le 19 novembre 1256;
toutes les forteresses des Ismaëliens furent rasées et leurs
livres bridés. Rokn-ed-Dîn ayant voulu se rendre à
la cour de l'empereur Mangou, fut assassiné par son escorte mongole
et la plus grande partie des populations ismaëliennes, la totalité,
suivant quelques auteurs, furent massacrées par ordre d'Houlagou.
Aussitôt après
la destruction des forteresses ismaëliennes, Houlagou résolut
de marcher sur Bagdad pour anéantir la puissance du calife.
Il envoya à Mostasem Billah l'ordre de raser les murailles de sa
capitale et de se rendre dans son camp pour se justifier de ne pas lui
avoir fourni les secours qu'il exigeait de lui quand il entreprit l'attaque
des forteresses des Ismaëliens. Sur le refus du calife, Houlagou partit
d'Hamadan au mois de novembre 1257;
il enleva en route la ville de Kirmanchah et la fit saccager. Le 16 janvier
1258,
eut lieu à Anbar le premier engagement entre les troupes du calife
et celles d'Houlagou. Les généraux musulmans Aibek et Fath-ed-Dîn
attaquèrent l'avant-garde mongole, mais ils furent battus et obligés
de se replier sur Bagdad que le calife se hâta de faire mettre en
état de défense. A la fin de janvier, la capitale du monde
musulman fut investie, et le calife se rendit le 5 février Bagdad
fut livrée au pillage le plus effroyable pendant une semaine et
le calife fut tué le 21 février. Il y a deux versions sur
le genre de supplice qu'on lui fit subir.
D'après les
uns, on le mit dans un sac et on le fit fouler aux pieds des chevaux. Mirkhond,
Nikbey, l'historien grec Pachymère,
Joinville
et Haïthoum racontent qu'Houlagou ayant trouvé dans le palais
du calife des sommes énormes en pièces d'or, le fit enfermer
dans une tour et ne lui fit donner que des dinars pour toute nourriture.
Le 16 février, Houlagou s'empara de Wasit et revint en avril à
Hamadan; il se rendit de là à Maragha où il reçut
les hommages du vieux sultan de Mossoul,
Bedr-ed-Din Loulou, et des atabeks du Louristan
et du Fars.
La destruction de
l'empire des califes étant achevée, le conquérant
mongol songea à s'emparer de la Syrie et de l'Égypte. Haïthoum
prétend que Houlagou le pria de venir à sa cour, car il voulait
délivrer les chrétiens
de Syrie, et qu'il lui aurait conseillé d'aller tout d'abord attaquer
Alep.
Le sultan ayoubite de Syrie, el-Melik-el-Naser,
ayant refusé de se soumettre, Houlagou s'empara du Djazira, de Nisibis,
d'Harran, de Saroudj, d'el-Birah, traversa ensuite l'Euphrate et marcha
sur Alep qui fut livrée au plus affreux pillage (24 janvier 1260).
El-Melik-el-Naser, épouvanté, supplia le sultan d'Égypte,
Seif-ed-Din Koutouz de venir, à son secours, et le 1er
mars il évacua sa capitale, Damas, sans même essayer de la
défendre; cette ville tomba sans résistance aux mains des
Mongols. Houlagou ayant appris en Syrie la mort de son frère Mangou,
partit subitement pour retourner en Mongolie, dans l'espérance de
se faire élire khaqan suprême; dès qu'il sut que son
frère Koubilaï avait été proclamé, il
s'arrêta à Tabriz. Les Mongols,
commandés par Kethogha, s'emparèrent de toute la Syrie jusqu'à
Gaza, mais le 3 septembre
1260,
ce général fut complètement battu à Ain-Djalout
par le sultan Koutouz, et les Mongols évacuèrent immédiatement
la Syrie. Le 29 novembre de l'année suivante, les deux généraux
mongols Kara-bogha et Behadour Ali mirent en déroute, à Anbar,
la petite armée du nouveau calife, el-Mostansir Billah, qui lui
avait été fournie et équipée par le sultan
d'Égypte, Bibars (qui s'était substitué
à Koutouz); le calife périt dans ce combat.
Pour comprendre la
rapidité de ces conquêtes qui ne s'arrêtèrent
que devant les militaires professionnels de l'Égypte, il est indispensable
de tenir compte de l'épouvante inspirée par les Mongols.
La politique terroriste de Gengis, les carnages d'Hérat, de Bamyan,
de Bagdad, l'extermination de dizaines et
probablement de centaines de milliers d'hommes avaient rempli les esprits
d'un tel effroi que nul ne songeait plus à résister. Le chroniqueur
contemporain Ibn-el-Athir raconte que souvent un cavalier mongol isolé
venait dans un village et égorgeait les hommes l'un après
l'autre sans qu'aucun osât lever la main. L'armée des Seldjoukides
de Roum, forte de 22 000 hommes, qui venaient de faire leurs preuves contre
les Ayoubites, les Kharezmiens, les Byzantins,
apprenant l'approche de 10 000 Mongols, se débande sans les attendre.
Les Assassins ( Ismaéliens )
universellement redoutés, abrités dans leurs imprenables
châteaux des monts du Kohistan, où ils avaient bravé
tant de sièges, se livrent à Houlagou à peu près
sans résistance. Comment s'étonner ensuite de la lâcheté
du calife? Les progrès des Mongols furent arrêtés par
leurs propres divisions.
Houlagou avait la
ferme intention de recommencer l'expédition qui avait abouti au
désastre d'Ain-Djalout, mais il en fut empêché par
une guerre qu'il eut à soutenir contre son cousin Béréké,
fils de Djoudji, souverain du Kiptchak.
Cette guerre ne fut d'ailleurs pas heureuse et ses troupes furent battues
durant l'hiver de 1262;
de plus, plusieurs cas de défection se produisirent parmi des corps
de troupes qui passèrent en Syrie. Bibars ayant appris l'hostilité
de Béréké et d'Houlagou envoya des ambassadeurs dans
le Kiptchak pour exciter Béréké à envahir la
Perse .
Ils arrivèrent à Séraï sur le Volga en septembre
1264,
après avoir été quelque temps retenus à Constantinople
par l'empereur Michel Paléologue. La même année, le
souverain égyptien reçut des envoyés de Béréké,
qui lui apprirent que leur maître avait embrassé l'islam .
Pour répondre à cette alliance, Houlagou força son
allié le roi d'Arménie, Haïthoum, fils de Constantin,
à faire une expédition eu Syrie, mais le souverain arménien
fut complètement défait par les troupes musulmanes. Houlagou
mourut, le dimanche 8 février 1265,
à l'âge de quarante-huit ans; il fut inhumé dans une
île au milieu du lac d'Ourmia.
Les
Houlagides
Abaga.
Abaga, son fils
aîné, lui succéda; il était né en mars
1234,
et fut élu le 19 juin 1265
à Tchagan Naour (le lac blanc). Il ne put, comme il le voulait,
entreprendre une expédition contre la Syrie et l'Égypte,
car il tut obligé, en 1270,
de marcher contre le prince Borak, petit-fils de Djagataï, qui venait
de franchir l'Oxus dans l'intention de s'emparer du Khoraçan .
Le 29 juillet de cette année, Borak fut battu et mourut quelque
temps après dans sa retraite. A la fin de l'année, Abaga
reçut l'investiture de Koubilaï Khan ( Les
Khaqans mongols, empereurs de Chine). Deux expéditions que ce
prince envoya en Syrie contre Bibars ne furent pas couronnées de
succès, et des troubles causés par les intrigues du vizir
du sultan seldjoukide de Roum, le
pervaneh Moïn-ed-Din Soleïman, amenèrent la sanglante
bataille d'Abouloustaïn. Les Mongols furent complètement battus,
et Abaga n'eut d'autre moyen de se venger qu'en faisant mettre à
mort le pervaneh Moïn-ed-Din. Le sultan Kélaoun
étant monté sur le trône d'Égypte, l'un de ses
principaux émirs, Schems-ed-Din Sonkor Achkar se proclama sultan
de Syrie (1279);
il ne tarda pas à être battu par Kélaoun et fut obligé
de chercher un refuge chez les Mongols. Abaga crut le moment favorable
pour envahir la Syrie; en 1280, ses troupes entrèrent dans la province
d'Alep qui fut saccagée, mais cette même année, Mangou-Timour,
frère d'Abaga, fut complètement défait à Homs.
Abaga ne put se consoler de cette défaite et mourut le mercredi
1er avril 1282.
Takoudar.
Takoudar Ahmed,
septième fils d'Houlagou et frère d'Abaga, fut élu
le 6 mai 1282
contre Arghoun, fils d'Abaga, qui était
soutenu par plusieurs des officiers de son père. Comme il avait
embrassé l'islam, il prit le titre de sultan et adressa aux autorités
de Bagdad un rescrit par lequel il leur notifiait officiellement ce fait.
Au mois d'août
1282,
il envoya au sultan d'Égypte Kélaoun, une ambassade, composée
du grand juge de Sivas, Kotb-ed-Dîn-Mahmoud Shirazi et de Béha-ed-Din,
atabek du sultan du pays de Roum. Il lui apprit son avènement, sa
conversion à l'islam et le désir qu'il avait de vivre en
paix avec lui. Kélaoun lui répondit une lettre dans le même
sens.
Arghoun
avait été forcé d'accepter sans protester l'élection
de son oncle, mais il avait la ferme intention de profiter de la moindre
occasion de le renverser et au besoin de la faire naître. Il était
encouragé dans ce dessein par plusieurs officiers dévoués
à son père, par d'autres qui étaient blessés
de son zèle pour l'islam, et par le prince Kounkourataï. Il
avait reçu le gouvernement du Khoraçan à la mort de
son père, mais il ne se montra point content de son apanage et pria
Ahmed de lui donner une partie des domaines royaux de l'Irak et du Fars.
Ahmed refusa et fit mettre à mort Kounkourataï qu'il avait
réussi à attirer auprès de lui (18 janvier 1284).
Arghoun rassembla immédiatement ses troupes dans le Khoraçan,
mais il fut battu à Ak-Khodja par une armée commandée
par Alinak. Après avoir essayé de tenir la campagne, il fut
obligé de se soumettre (29 juin) ; mais cette soumission n'était
pas sincère, et bientôt Arghoun, avec l'aide du général
Bokaï, parvint à faire croire aux officiers mongols qu'Ahmed
voulait les faire assassiner pour donner leurs places à des musulmans.
Le sultan fut arrêté à Kounkour Olang et mis à
mort le 10 août 1284.
Arghoun Khan.
Arghoun Khan fut
élu comme successeur de Takoudar-Ahmed dans un kouriltaï
tenu à Ab-Chour près de Yuz-Agadj et il fut intronisé
le vendredi 11 août 1284;
son élection fut confirmée par un message de Koubilaï
qui arriva le 24 février 1286.
Il n'aimait pas les musulmans
et protégea ouvertement les chrétiens
et les juifs .
Il donna au général Bokaï qui l'avait aidé à
renverser Ahmed des pouvoirs si étendus qu'ils en faisaient presque
son égal; mais ce général ne tarda pas à abuser
de la confiance de son maître, il conspira contre lui avec plusieurs
princes et quelques généraux; il fut décapité
le 17 janvier 1289.
Le ministre des finances qui était musulman, Djelal-Eddin Semnani,
ne tarda pas à subir le même sort (7 août 1289)
et fut remplacé par un juif nommé Saad ad Daulat qui avait
été médecin d'Arghoun. Ce personnage en profita pour
caser toute sa famille et ses protégés dans tous les pays
de l'empire, saut dans le Khoraçan et dans le pays de Roum qui étaient
les apanages des deux princes Ghazan et Kaï-Khatou, mais ce népotisme
fut racheté par l'excellence de son administration.
Arghoun n'aurait
pas mieux demandé que de reprendre les projets de conquête
de ses prédécesseurs, mais il en fut empêché
par les troubles qui éclatèrent dans son empire. L'émir
Naurouz, fils d'Arghoun Aga, le gouverneur du Khoraçan, et beau-frère
d'Arghoun Khan, craignait de partager le sort de Bokaï. Il se révolta
et battit, le 8 mai 1290,
les troupes du prince Ghazan qui avait reçu l'ordre de le combattre.
Naurouz s'avança jusqu'à Tchormaghan, mais il dut reculer
devant Ghazan; il se rendit alors dans le Turkestan, chez le prince Kaïdou,
qui l'accueillit bien malgré son insolence, et lui fournit une armée
de 30 000 hommes avec laquelle il ravagea le Khoraçan sans que Ghazan,
trop faible, pût songer à intervenir.
Dans le courant de
l'année 1290,
Mangou Timour, successeur de Béréké, et khan du Kiptchak,
envoya une armée qui pénétra en Perse
par le Derbend; elle fut repoussée sans grande difficulté.
Le ministre Saad
ed Daulati était détesté à la fois par les
musulmans et par les Mongols qui faisaient tout ce qui leur était
possible pour le perdre dans l'esprit d'Arghoun, mais ce prince qui lui
devait la vie ne voulut jamais écouter ses calomniateurs. Le 29
février, Saad ed Daulat fut arraché du lit de son maître
mourant et lâchement assassiné, et Arghoun mourut quelques
jours plus tard le 7 mars. Vassaf s'est fait l'écho d'une histoire
invraisemblable, suivant laquelle ce ministre aurait voulu fonder une nouvelle
religion dont Arghoun eût été le pontife suprême.
Kaï-Khatou
Khan (Kandjiatou).
Il eut pour successeur
son frère Kaï-Khatou Khan, dont le nom a souvent été
mal lu par les Européens et transcrit Kandjiatou. Ce prince fut
élu le 22 juillet 1291;
il fit arrêter tous les officiers qui avaient exercé la régence
après la mort d'Arghoun, mais il n'y en eut qu'un seul, nommé
Toughan, qui fut mis à mort. Son couronnement fut retardé
par une expédition qu'il dut entreprendre au mois de septembre 1291
pour apaiser une révolte dans le pays de Roum dont il était
gouverneur avant son avènement, et par une grave maladie. Cette
cérémonie ne put avoir lieu qu'au mois de juin 1292;
ce même mois, il apprit que les troupes du sultan d'Égypte
el Mélik el Achraf Salah-ed-Din Khalil, fils de Kélaoun,
s'étaient emparées de la forteresse nommée Kalaat
er Roum, situé sur l'Euphrate, près de Birah et dépendante
de l'empire mongol. Kaï-Khatou, furieux, déclara à Achraf
Khalil qu'il allait marcher sur Alep et envahir la Syrie, mais il était
bien trop adonné à ses plaisirs pour avoir réellement
ce dessein. Il dépensait follement, sans compter, tout ce qui se
trouvait dans, le trésor royal, aussi il ne tarda pas à se
trouver à court argent; ce fut alors qu'un homme nommé Izz-ed-Din
Mozaffer suggéra au vizir l'idée d'émettre un papier-monnaie
à l'imitation de ce qui se faisait en Chine. Après avoir
fait prendre des renseignements dans ce pays, Arghoun fit imprimer une
grande quantité de ces billets auxquels on donna cours forcé
sous peine de mort. La première émission eut lieu à
Tabriz
le 12 septembre 1294.
Une terrible émeute éclata et le vizir faillit être
écharpé par la population; Kaï-Khatou dut rapporter
son rescrit et se procurer de l'argenl, par d'autres moyens.
Dans le Mazenderan,
Ghazan avait refusé de laisser circuler ces billets qu'on nommait
tchao.
En 1293,
les troupes de Ghazan, commandées par le général Koutloukchah,
battirent l'émir Naurouz et le forcèrent à se réfugier
dans les montagnes de Nishapour. Kaï-Khatou n'en regarda pas Ghazan
d'un oeil plus favorable et il lui fit interdire de venir à la cour.
En 1294,
le prince Baïdou, qui avait à se plaindre de la façon
dont Kaï-Khatou l'avait traité, réunit autour de lui
tous les gens qui étaient mécontents de la conduite de leur
souverain et se révolta; Khaï-Khatou marcha contre lui, mais
il fut abandonné par ses troupes et étranglé le 23
avril 1293,
au moment où il cherchait à passer dans le pays de Roum.
Baïdou et
Ghazan.
Baïdou régna
après lui; il s'empressa de faire mettre à mort plusieurs
des favoris de Kai-Khatou et la cérémonie de son couronnement
eut lieu au mois d'avril. Ghazan qui se trouvait dans le Khoraçan,
refusa de reconnaître son oncle et le renversa avec l'aide de l'émir
Naurouz qui le décida à se convertir à l'islam (1296).
Après avoir fait tuer Baïdou, il fut élu dans un kouriltaï
tenu à Karabag, prit le titre de sultan et le nom de Mahmoud (3
novembre 1296).
L'année suivante il se débarrassa de Naurouz, mis à
mort avec toute sa famille.
Ghazan résolut
de reprendre le plan d'Houlagou et d'Abaga, qui avait été
à peu près abandonné sous le règne des derniers
khans, et de conquérir la Syrie et l'Égypte. Il fut encouragé
dans ce dessein par l'arrivée dans son empire de quatre généraux
égyptiens déserteurs, qui lui représentèrent
que cette entreprise n'avait rien que de très aisé. Il quitta
Tabriz
avec son armée le 16 octobre
1299
et fut rejoint dans le Diarbekr par les troupes du pays de Roum; il traversa
l'Euphrate au pont de la citadelle de Djaabar, le 7 décembre, arriva
le 12 à Alep, le 20 à Hamah, et passa devant ces deux places
sans prendre la peine de les assiéger. Les Mongols rencontrèrent
l'armée égyptienne commandée par le sultan Mohammed
ibn Kélaoun devant Homs; (22 décembre). Les Égyptiens
furent complètement battus et le sultan s'enfuit au Caire;
Homs se rendit immédiatement et Ghazan marcha sur Damas qui lui
ouvrit ses portes; il y fit son entrée le 7 janvier 1300
et défendit de la piller.
Mais il ne garda
pas ses conquêtes que les Egyptiens réoccupèrent trois
mois après. Le seul résultat de cette campagne fut la ruine
de la capitale de la Syrie. Pendant que Ghazan était occupé
à la conquête de cette contrée, le prince Koutlouk-Chah
Khvadjah, fils de Doua, envahit le Fars, mais il dut retourner dans ses
États après avoir ravagé le pays. Pour éviter
le retour de pareils faits, Ghazan fit élever des fortifications
redoutables à Chiraz .
Dès qu'il fut libre de ce côté, le souverain mongol
entreprit une seconde expédition contre la Syrie; mais la rigueur
de l'hiver força à une retraite précipitée
(3 février 1301).
Une troisième ne réussit pas mieux; son général
Koutloukchah fut complètement battu à Merdj-es-Safar par
les troupes égyptiennes (18 mars 1303).
Cette défaite obligea Ghazan à renoncer à ce qui avait
été le rêve de sa vie, la conquête de la Syrie.
Il mourut l'année suivante le 17 mai 1304.
Si Ghazan ne fut
pas heureux dans ses expéditions contre les sultans Mamelouks, il
a laissé dans ses Instituts un monument qui éternisera sa
mémoire. Il serait trop long de détailler les nombreuses
ordonnances qui se trouvent dans ce code; le Yassak de Gengis
Khan, qui était encore en vigueur à l'époque de
Ghazan, n'avait pas été composé pour être appliqué
à des hommes jouissant d'une civilisation relativement avancée,
et surtout à des musulmans, de telle sorte qu'il était loin
de suffire aux besoins de l'empire mongol de Perse
au commencement du XIVe
siècle. Tout en laissant intact
le fondement même du Yassak, et en respectant l'esprit qui
en avait inspiré la composition, Ghazan sut y introduire des modifications,
et des additions suffisantes pour tous les cas.
Euldjeïtou
( Kharbendeh).
Ghazan eut pour
successeur son frère Euldjeïtou, aussi appelé Kharbendeh,
qu'il avait désigné lui-même pour occuper le trône
après lui. Ce prince commença par faire assassiner Alafrenk,
fils de Kaï-Khatou, dont il redoutait l'ambition; la cérémonie
de son couronnement eut lieu à Oudjan le 11 juillet. Au commencement
de l'année 1303,
il envoya au sultan d'Égypte, Mohammed ibn Kélaoun, une ambassade
pour lui notifier son avènement et l'assurer de ses intentions pacifiques;
cette même année, il mit fin à la dynastie
des Kara-khitans qui régnaient dans le Kirman depuis 1293,
en retenant captif Châli-Djihan, fils de Souyourgaïmich. Ce
fut également cette même année qu'il jeta les fondements
de la ville de Sultaniyé (résidence d'été,
entre Gazvin et Sendjan). Il employa les années 1306
et 1307
à la conquête du Ghilan qui jusqu'à ce moment avait
réussi à garder son indépendance; il envoya une expédition
commandée par un général nommé Danichmend Behadour
contre Hérat; les troupes mongoles s'emparèrent de la ville,
mais Danichmend fut assassiné avec toute sa suite dans la citadelle
(septembre 1306).
Euldjaïtou envoya immédiatement Boudiaï, fils de Danichmend,
contre Hérat qui se rendit après un long siège (1306).
En 1310,
ce prince qui suivait le rite hanéfite adopta les croyances des
chiites à la suite d'un songe qu'il eut près du tombeau d'
Ali : il fut le premier souverain persan qui embrassa le chiisme.
Il voulut reprendre
les projets de conquête de la Syrie de son frère Ghazan, et
au mois de décembre 1312,
il vint mettre le siège devant la ville de Rahbah après avoir
traversé l'Euphrate à Karkisivya. Cette expédition
fut encore plus malheureuse que celle de Ghazan : au bout d'un mois de
siège, les troupes mongoles manquant de tout durent se retirer et
rentrer en Perse .
En 1313,
il donna le gouvernement du Khoraçan à son fils Abou-Saïd
qui, à cette époque, n'avait que neuf ans. Il mourut d'un
accès de goutte mal soigné à la fin de l'année
1316
à Sultaniyé. Il eut pour successeur son fils qui venait d'accomplir
sa douzième année, Abou-Saïd Mirza Behadour Khan et
qui fut couronné au mois d'avril 1317.
Abou-Saïd
Mirza Behadour Khan.
Ce fut sous le règne
de ce prince que commença pour ne plus s'arrêter la décadence
de l'empire mongol de Perse; les nobles se disputèrent le pouvoir
pendant la minorité du sultan, et l'émir Tchouban acquit
un tel pouvoir qu'il devint à peu près l'égal de son
maître. Ce prince, d'un caractère faible et indécis,
abandonna Rachid-ed-Din, le vizir de Ghazan et
d'Euldjaïtou à la vengeance de ses ennemis, et l'illustre historien
fut mis à mort le 18 juillet 1318.
Un peu avant ces événements, Abou-Saïd avait reçu
une ambassade envoyée par les princes Yessaour, Lahouri et Touklouk
Khodja, l'assurant de leur fidélité. Cela n'empêcha
pas Yessaour de se révolter dès 1318;
on apprit en même temps que le khan Euzbeg marchait vers le Derbend
à la tête d'une armée considérable, et que les
Égyptiens avaient envahi le Diarbekr. Il fut décidé
que l'émir Irentchin défendrait cette province, que l'émir
Hoseïn marcherait contre Yessaour et le sultan Abou-Saïd contre
le khan Euzbeg; ce dernier ne tarda pas à battre en retraite. Sur
ces entrefaites, plusieurs des émirs, jaloux de la confiance que
le jeune sultan accordait à Tchouban, formèrent le complot
de le tuer, et ce général faillit en effet être assassiné
près de Guektché-Dengiz. Furieux de l'avoir manqué,
les conjurés attirèrent l'émir Irentchin dans leur
complot. Abou-Saïd marcha contre les révoltés et leur
infligea une sanglante défaite près du village de Minaréh-dar;
tous périrent dans le combat ou de la main du bourreau.
L'année suivante
(1319),
le prince Yessaour, qui s'était révolté contre lui,
fut battu par Guébek, souverain de la Transoxiane
et du Turkestan ,
qui venait de succéder à son frère lsenbogha; Yessaour
fut tué en juin 1320. En 1322,
Timour-Tach, fils de Tchouban et gouverneur du pays de Roum, se déclara
indépendant et fit frapper la monnaie à son nom; Tchouban
marcha immédiatement contre lui, il fut assez heureux pour le soumettre
sans effusion de sang et pour obtenir sa grâce d'Abou-Saïd.
Ce fait paraît avoir fortement ébranlé la position
de Tchouban et, à partir de ce moment, le sultan chercha à
se défaire de lui. En 1327,
Abou-Saïd, las de subir les insolences de Dimachk Khvadjah, fils de
Tchouban, le fit assassiner et donna l'ordre de faire subir le même
sort à son père. Mais Tchouban se trouvait à la tête
d'une armée de 70 000 hommes et il marcha sur l'Irak; Abou-Saïd
se mit en campagne de son côté, et eut la chance que Tchouban
fût abandonné de ses principaux officiers et d'un grand nombre
de ses troupes; il fut assassiné dans sa fuite par les ordres de
Ghyas-ed-Din, prince d'Hérat. Timour-Tach son fils, qui était
gouverneur du pays de Roum, passa en Syrie, et, alla chercher un asile
à la cour du sultan d'Égypte el-Melik-el-Naser qui le fit
assassiner (20 août 1323).
Sa tête fut envoyée à AbouSaïd. Cheikh Mahmoud,
quatrième fils de Tchouban, fut également mis à mort.
Les derniers Houlagides.
Abou-Saïd mourut
le 30 novembre 1334à
Karabag d'Arran, sans laisser d'enfants. Abou-Saïd est le dernier
prince de la famille d'Houlagou qui jouit de quelque autorité; ses
successeurs, jusqu'au moment de l'effondrement définitif de l'empire
mongol de Perse ,
ne furent que des instruments entre les mains des émirs. Il est
pour successeur Arpa-Gaoun, descendant d'Arik-boga, fils de Toulouï,
qui épousa Sati-beg, fille d'Euldjaïtou et veuve de Tchouban.
Ali Padishah, gouverneur de Bagdad et chef d'une tribu ouïrate (kalmouk),
se révolta contre Arpa et proclama un descendant d'Houlagou appelé
Mousa. Arpa fut vaincu le 9 avril
1336
et assassiné peu après.
La même année,
1336,
on éleva au trône un autre descendant d'Houlagou nommé
Mohammed, qui fut battu par Mousa. Les émirs du Khoraçan,
à leur tour, proclamèrent khan un prince nommé Toga-Timour,
issu de Djoudji-Kassar, frère de Gengis Khan; Mousa Khan marcha
contre lui et le rencontra dans les environs de Maragha; il fut battu et
tué le 10 juillet 1337.
Toga-Timour fut assassiné en 1353.
En 1338,
le prince Izz-ed-Din Chah Djihan Timour Khan, descendant d'Abaga, fut élevé
à la dignité impériale, par un émir nommé
Hasan, pendant qu'un autre émir mettait sur le trône Soleïman
Khan, arrière petit-fils de Yachmout, fils d'Houlagou, et lui faisait
épouser la princesse Sati-beg. Ses domaines se composaient de l'Irak-Adjemi,
de l'Arran, du Mougan et de la Géorgie. En 1340,
l'émir Hasan et Chah Djihan Timour Khan attaquèrent ce prince
qui leur infligea une sanglante défaite. L'émir Cheikh Hasan
déposa Chah Djihan et se proclama lui-même sultan à
Bagdad. La dynastie des Houlagides fut ainsi remplacée par celle
des Ilkhaniens, dont le pouvoir fut éphémère.
Ainsi finit donc
la dynastie des Houlagides remplacée dans la Perse occidentale et
l'Irak par celle des Ilkhaniens ou Djélaïrides. Hasan appartenait,
en effet, au puissant clan mongol des Djelaïr, dont un chef Ilka-Noyan
avait accompagné Houlagou. Hasan mourut à Bagdad en 1356
et eut pour successeur son fils Oweiss (mort en 1374).
Les suivants furent Hosein (mort en 1381),
puis Ahmed Khan. Ils se maintinrent péniblement à Bagdad
jusqu'à l'époque où l'Iran
passe sous la domination du second empire mongol fondé par Timour
(Tamerlan ).
Eux-mêmes furent, malgré la protection des Timourides, détruits
par les Turkomans du clan du Mouton noir. Kara-Yousouf fait périr
Ahmed (1410),
son fils tua le dernier des sultans djélaïrides (1422).
La suite de cette histoire est désormais l'histoire d'une Perse
où le rôle des Mongols est fini. (E. Blochet
/ E. Drouin). |
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