|
. |
|
La médecine à Rome et dans l'Empire romain |
Aperçu | La médecine avant Hippocrate | Hippocrate et les hippocratistes |
La doctrine hippocratique | L'École médicale d'Alexandrie | La médecine à Rome |
La science médicale grecque, qui s'était réfugiée à Alexandrie, devait subir encore une fois le contre-coup des événements politiques; elle revint à Rome, à la suite des armées victorieuses. On ne connaît qu'incomplètement l'histoire antérieure de la médecine des Romains, surtout pendant les premiers siècles de la République. Il y eut, en Italie comme partout, une médecine populaire; elle était faite de grossier empirisme et de superstitions empruntées, en partie, aux peuples voisins, surtout aux Étrusques. Mais, ce qui étonne, c'est que ces pratiques primitives durèrent une série de siècles, sans que, à côté d'elles, se soient formés les éléments d'une médecine scientifique. Les recherches de ce genre n'étaient pas du goût des Romains qui voulaient, en toutes choses, entrer d'emblée dans la pratique. Ils eurent une foule de divinités médicales (La religion romaine), auxquelles ils adjoignirent ensuite celles des Égyptiens et même des Grecs. Pourtant le temple d'Esculape, dans l'île du Tibre, ne paraît pas avoir eu une grande fortune. Quelques-unes de ces divinités, comme la Fièvre, avaient une analogie marquée avec les démons-maladies des Orientaux. Le représentant, par excellence, de la médecine populaire fut Caton l'Ancien, esprit étroit et routinier, ennemi acharné des Grecs, et à plus forte raison des médecins grecs. Quelques chapitres de son livre de l'Agriculture donnent une idée peu flatteuse des pratiques dont il usait, en soignant lui et toute sa maison, les bestiaux compris. Si l'on en croyait Pline, qui, dans son Histoire naturelle, s'est fait l'historien patient de cette médecine, qui nous a conservé d'innombrables fragments des vieux auteurs perdus, et dont le livre fut une des grandes sources où puisèrent les premiers auteurs du Moyen âge, Rome, pendant six siècles, n'aurait pas eu de médecins. Mais il existe des preuves du contraire; plusieurs documents parlent formellement de médecins, dès le IVe siècle et même plus tôt. Néanmoins il n'y avait pas à proprement parler de corps médical. C'était l'empirisme populaire qui était passé à l'état de métier. Bien longtemps encore après l'arrivée des médecins grecs, et sans doute jusqu'aux derniers jours, il y eut dans les familles des esclaves ou des affranchis, analogues à ceux qui étaient attachés aux diverses institutions, faisant office de médecins et fort au courant, par routine, des pratiques et des formules populaires. La médecine scientifique fut introduite par les médecins grecs, mais ceux-ci avaient contre eux des préjugés enracinés, et ils eurent de la peine à se faire accepter. Pourtant le premier dont on connaisse le nom, Archagathus, fils de Lysanias, qui vint à Rome en 535 (219 av. J.-C), fut bien accueilli; on lui donna le droit de cité et l'installation nécessaire; mais, plus tard, certaines de ses pratiques chirurgicales ayant déplu, il tomba en disgrâce. Mais il en revint d'autres après lui, qui surent s'imposer. C'est même à Rome que prit naissance une secte dont la grande réputation et l'influence se maintinrent jusqu'au cours du Moyen âge. Asclépiade; le Méthodisme Le fondateur de ce système fut Asclépiade de Bithynie, disciple de l'auteur pharmacologique, Cléophantus, qui, né vers 124 av. J.-C., vint à Rome peu après la réduction de la Grèce. Il quitta la carrière de l'éloquence pour celle de la médecine, mû par le désir de mettre en pratique un système médical basé sur les idées stoïciennes. Ami de Cicéron, de Marc-Antoine, de Crassus, inspirateur de Lucrèce, recherché par Mithridate, il eut bien vite une grande renommée. Séparé des dogmatiques et des empiriques, il faisait reposer sa doctrine sur l'état des tissus, comptant pour rien celui des humeurs; la perméabilité des pores donnait à ses yeux la mesure de l'état de santé; les maladies ont, d'après lui, pour effet de les dilater ou de les resserrer et de troubler les évacuations (sécrétions, excrétions, etc.); c'est au rétablissement de la condition moyenne que la thérapeutique doit veiller. Son principal disciple fut Thémison de Laodicée, qui dénomma et formula scientifiquement la théorie du strictum, du laxum et de l'état mixte, mais à la fin de sa vie seulement; aussi ceux qui vinrent après lui, Thessalus de Tralles surtout, n'hésitèrent pas à la compléter, en admettant les communautés médicales, espèces d'indications générales, dont il y eut plusieurs genres et sous-genres, de sorte qu'une certaine complication s'introduisit dans ce système, en apparence d'une simplicité absolue. Nos sources pour l'étude du méthodisme sont d'abord Celse (25-30 av. J.-C. à 45-50 ap. J.-C.), puis un peu plus tard Soranus d'Ephèse, qu'on retrouve dans Caelius Aurelianus, et Galien, un peu plus jeune que Soranus, et qui dans sa violente et injuste diatribe contre les méthodistes fournit des renseignements nouveaux. Il a été dit déjà quelques mots de Pline. C'est en effet dans les écrits encyclopédiques de cette époque qu'il faut chercher les documents de l'histoire médicale; Pline est l'historien de la médecine populaire, Celse celui de la médecine scientifique et des sectes. Il est douteux que Celse ait été un praticien de profession, malgré toutes les connaissances dont il fait preuve, et tous les détails relatifs à l'exercice de l'art contenus dans son beau livre De Re medica. Il est probable que, sans s'adonner à la pratique journalière, il n'hésitait pas, quand l'occasion s'en présentait, à faire application de son savoir auprès des malades. Dans son ouvrage, qui est un résumé des auteurs hippocratistes et alexandrins, il traite d'abord de l'hygiène, qu'il connaissait bien, puis des maladies en général, des affections internes et de la chirurgie; c'est dans ses derniers livres que sont exposées la matière médicale et la pharmacologie. Sans se déclarer partisan exclusif d'aucune secte, il se rapproche parfois des méthodistes, avec quelques tendances vers l'empirisme; il expose d'ailleurs beaucoup plus qu'il ne discute, dans un style dont l'élégance est remarquable. Celse fut peu utilisé au Moyen âge; sa vogue ne commença guère qu'au .XVe siècle; on lui préférait Caelius Aurelianus. Pendant la période impériale, et surtout pendant le Ier siècle de notre ère, le niveau de l'esprit scientifique baissa sensiblement; la science médicale en souffrit; cet abaissement eut, comme d'ordinaire, pour signe principal le goût exagéré pour les drogues et les recettes. Des pharmacologues de l'époque, on ne sait plus guère que les noms : Niceratus, connu de Pline, Ménécrate, médecin de Tibère, inventeur présumé du diachylon, etc. Plusieurs furent en même temps poètes : Andromaque, médecin de Néron, qui mit en vers sa recette de la thériaque; Servilius Damocrates, son contemporain, qui versifia toute la pharmacologie. Parmi eux, on est heureux de rencontrer, hors de pair, Dioscoride, qui écrit, en 77 ou 78, un livre célèbre, qui sera longtemps un classique. Dans ses lointains voyages, il étudia de nombreuses plantes, parmi lesquelles une centaine de nouvelles, et à l'aide des auteurs anciens ou contemporains, dont il connaissait les mérites et les défauts, il rédigea, dans un grec médiocre (il était d'Anazarba, en Cilicie), l'ouvrage important qui porte son nom. Le méthodisme eut encore des représentants assez nombreux au IIe siècle, en concurrence avec les empiriques et d'autres sectes qui s'étaient élevées contre lui. Le plus important de ces méthodistes fut Soranus d'Ephèse, dont il ne nous reste, sous la forme originale, qu'un traité sur les Maladies des femmes. Mais un médecin, qui ne vécut qu'à la fin du IIIe ou au commencement du IVe siècle, Caelius Aurelianus, dont les nombreux ouvrages étaient encore les plus répandus au commencement du Moyen âge, a publié un traité Des Maladies aiguës et des maladies chroniques qui n'est qu'une transcription d'un traité de Soranus qui avait le même titre. La ressemblance est telle que c'est normalement à l'occasion de Soranus qu'il faut parler de son imitateur. Une partie des autres oeuvres de Caelius Aurelianus a été aussi empruntée, en totalité ou en abrégé, au même auteur. Soranus, élève probablement de l'école d'Alexandrie, pratiqua et professa la médecine à Rome sous Hadrien et sous Trajan. C'était un médecin et un maître de grand mérite, fort apprécié de ses contemporains. Galien lui-même, l'ennemi des méthodistes, lui rendit justice. Parmi les auteurs byzantins, Oribase et Aétius le citent à plusieurs reprises; ses connaissances chirurgicales étaient remarquables, et Paul d'Egine invoque souvent son opinion. Son traité sur les maladies des femmes, destiné spécialement aux sages-femmes, touche à toutes les parties du sujet. Après avoir indiqué en détails les règles qui doivent guider les sages-femmes dans leur pratique, il traite de la conception, de la grossesse normale, de l'accouchement, des soins à donner aux nouveau-nés, de leurs maladies, des suites de couches, de la dystocie, etc. Le livre qui porte le nom de Caelius Aurelianus est surtout important au point de vue historique, parce qu'il nous initie suffisamment à la pratique des méthodistes, et à la manière dont, à leur point de vue, s'expliquaient et se traitaient les maladies internes. Caelius Aurelianus est le dernier méthodiste de marque dont l'histoire ait gardé la mémoire. Pneumatisme; Éclectisme ou Episynthétisme Si la simplicité du système du méthodisme et, par suite, la facilité de sa mise en pratique lui avaient promptement fait gagner la faveur du public médical, ses imperfections et ses lacunes, son matérialisme, son mépris du naturalisme, l'abus qu'on y faisait des drogues, etc., ne pouvaient manquer de provoquer une réaction, qui fut prompte, plus prompte que profonde. Le méthodisme, qui eut toujours devant lui les empiriques, maîtres souvent des bonnes grâces des grands et même des empereurs, eut à lutter contre deux genres d'adversaires modérés dans leurs revendications; on ne pourrait pas dire s'ils furent plutôt des antagonistes que des réformateurs. Les uns, syncrétistes complaisants, oubliant les défauts de la secte, et négligeant ses théories simplistes, firent passer dans leur pratique et encadrèrent dans leurs croyances scientifiques ce qu'ils crurent trouver de bon dans le méthodisme; ce furent les éclectiques, nommés aussi épisynthétiques; les autres, heureux de se rattacher à un principe unique, capable de dominer et de concilier les humoristes et les solidistes, suivirent Athénée, qui entreprit de restaurer le principe du pneuma, qu'on trouve déjà à la base d'un système esquissé dans la période hippocratique, où il ne tint pas une grande place. Les stoïciens contribuèrent à le ramener au premier plan. Athénée d'Attalia (Cilicie) considérait le pneuma comme une sorte d'âme universelle, agent créateur par excellence de tous les êtres organisés, dominateur de leurs principes élémentaires, moteur de tous les phénomènes physiologiques et pathologiques. C'était un médecin fort érudit et fort intelligent, à qui Galien accordait grande considération; mais lui aussi laissa subsister dans ses doctrines tant de traces du méthodisme que ses partisans ne le considérèrent pas comme ayant quitté leurs rangs. Oribase et Galien nous ont conservé quelques fragments de ses oeuvres, dont un sur la génération. Les autres pneumatistes, Philippe, antérieur à Galien, Magnus d'Ephèse, archiatre palatin, etc., sont peu connus. Les éclectiques occupent une meilleure place dans l'histoire. Parmi eux, après Agathinus de Lacédémone, disciple d'Athénée, et regardé comme fondateur de cette secte secondaire, il faut citer d'abord Rufus d'Ephèse. Ses écrits sur la goutte, le pouls, les purgatifs, les maladies de l'appareil urinaire sont les plus connus; puis Archigène d'Apamée, disciple d'Agathinus, estimé encore au VIe siècle par Alexandre de Tralles; il écrivit aussi sur le pouls; Cassius l'iatrosophiste, dont il reste un petit traité, les Questions et Problèmes médicaux; Marcellus Sidetes, dont nous avons quelques fragments. Arétée de Cappadoce Parmi les médecins des premiers siècles, qu'il n'est guère possible de rattacher à aucune secte, est Arétée de Cappadoce, malgré le rang très élevé que l'histoire doit lui accorder. D'abord, on ne sait presque rien de sa vie; on le placé tantôt à la fin du Ier siècle, tantôt à la fin du IIe, ou au commencement du IIIe; puis, dans ses ouvrages, il ne cite absolument que Hippocrate dont d'ailleurs il se rapproche par les traits les plus saillants. On suppose, à cause de sa connaissance de la civilisation égyptienne, qu'il a séjourné en Égypte, en raison de ses descriptions des formes de maladies propres à la Syrie, qu'il a vécu dans ce pays, et aussi en Italie, dont il apprécie les produits, surtout le vin. L'ouvrage qui nous est parvenu sous son nom, divisé en deux livres, remarquable compendium de médecine et de thérapeutique, est écrit dans le dialecte ionien qu'on ne parlait plus; peut-être est-ce un hommage à la mémoire d'Hippocrate. Il y a lieu de s'étonner qu'Arétée ait passé presque inaperçu dans les temps anciens, qu'il soit à peine cité avant Aétius et Paul d'Egine, et qu'on ne l'ait réellement apprécié que dans les temps modernes, car ses ouvrages étaient pour l'époque tout à fait hors ligne. Ennemi des hypothèses et des spéculations doctrinales, il s'attache avant tout à la description minutieuse des symptômes et des troubles morbides, qu'il accompagne de considérations anatomiques; il n'est pas douteux qu'il ait étudié l'anatomie pathologique. Comme Soranus et son traducteur Caelius, ainsi que les successeurs de Soranus, il sépare les maladies aiguës des maladies chroniques. Sa thérapeutique était simple et rationnelle; il employait peu de remèdes, utilisait les émissions sanguines, et accordait à la diététique et à l'hygiène un rôle important dans ses conseils pratiques. Galien La plus grande personnalité médicale, non seulement du IIe siècle, mais de toute l'Antiquité, au point de vue de l'étendue des connaissances, et de l'influence exercée sur les destinées de la médecine est certainement Galien. Il résume et il concentre en lui toute la fortune scientifique des siècles qui l'ont précédé; englobant trop souvent le mauvais grain avec le bon, il va dominer en maître pendant quinze siècles, à côté d'Aristote, à travers les bouleversements, qui ne l'ébranleront pas, et des défaillances de la civilisation qui ne le feront pas oublier. Les particularités de sa vie sont assez bien connues on sait qu'il naquit en 131 ap. J.-C., à Pergame, en Asie, sous Hadrien, et qu'après y avoir reçu de son père, Nicon, architecte instruit et riche, une forte éducation première, il fréquenta, sous la même surveillance, les principales écoles philosophiques, se pénétra de la connaissance des ouvrages d'Aristote, et commença à l'âge de dix-sept ans l'étude de la médecine qu'il continua à Smyrne, où il s'adonna surtout à l'anatomie, puis à Corinthe et à Alexandrie, après quoi il retourna pour quelque temps à Pergame, où il exerça comme médecin officiel de l'école des gladiateurs. Ce fut peu d'années après, il avait alors trente-deux ans, qu'il vint à Rome où il passa la plus grande partie de sa vie. Son séjour à Rome fut interrompu, à la suite de difficultés avec ses confrères; il regagna sa ville natale, d'où l'empereur Marc-Aurèle le rappela bientôt; il mourut entre 201 et 240, sous Septime Sévère, à Rome ou à Pergame. Les oeuvres de Galien constituent à elles seules une vaste encyclopédie; il composa peut-être 500 ouvrages dont 115 sur les sciences philosophiques, et une dizaine relatifs aux mathématiques, à la grammaire, au droit. Près de cinquante de ses compositions médicales sont perdues; il nous reste encore 82 traités authentiques, 15 douteux, 45 apocryphes, de nombreux fragments, une quinzaine de commentaires, sans compter les nombreux débris enfouis dans les manuscrits des bibliothèques. Son érudition était immense; il savait absolument tout ce qu'on pouvait savoir à son époque; il jugeait tout ce qu'il apprenait et rejetait sans pitié ce qui lui semblait douteux ou faux. Galien fit surtout faire à l'anatomie des progrès sérieux, et pourtant, il ne connut guère de l'humain, directement, que le squelette, car il paraît certain qu'il ne disséqua pas de cadavres humains; autant que possible, il disséquait des singes, auxquelles ses descriptions de muscles, de nerfs, de vaisseaux, etc., s'appliquent avec exactitude; les nerfs et les vaisseaux sont ce qu'il a le mieux étudié; ses opinions fausses relativement à certaines particularités des viscères tiennent à ce qu'il confondait ses observations faites sur les ruminants et les porcs avec les autres. Il lui est même arrivé de taxer d'erreur et à tort les enseignements des Alexandrins, parce que, sans s'en douter, il leur reprochait abusivement de n'avoir pas constaté chez l'humain ce que lui-même constatait chez les animaux. Son livre sur les Administrations anatomiques et ses traités de dissection des muscles, des nerfs et des vaisseaux, comptaient néanmoins parmi ses meilleures oeuvres. Partisan décidé de la doctrine des causes finales, persuadé que la nature, comme il l'affirme, n'agit jamais sans but, il a perdu beaucoup de temps et de peine à montrer qu'une parfaite concordance existant entre l'organe et la fonction, la connaissance du premier révèle tous les secrets de l'autre; par l'application de cette doctrine, il a, en concluant des parties des animaux qu'il disséquait aux fonctions de l'humain, récolté plus d'une grave erreur; il est responsable, dans une grande mesure, de la stagnation dans laquelle, après lui, resta la physiologie, en raison de la confiance aveugle qu'on eut en sa parole. Il n'eut pas l'idée des types sur lesquels sont construites les séries des êtres vivants, quoique cette idée ne soit tout à fait étrangère ni à Platon ni à Aristote qu'il connaissait bien. Ses nombreux labeurs de physiologie, expérimentale, extrêmement remarquables et ingénieux pour l'époque, lui avaient donné beaucoup d'idées saines sur le rôle du système nerveux. Il savait que le cerveau est le point de départ de toute sensation et de tout mouvement, et que la moelle épinière n'est que la continuation du cerveau, une sorte de cerveau complémentaire. Il savait aussi que les nerfs ne sont que les conducteurs de l'action des centres; cette action, d'après lui, c'est celle d'une force, d'un esprit, élaboré dans le cerveau, qui agit comme moteur sur les parties dures des centres et comme producteur de sentiment sur les portions molles; il connaissait des nerfs mixtes, par mélanges, ou mixtes parce que leur consistance changeait sur leur trajet; ils avaient des sections dures (motrices) et des sections molles (sensibles). Tout imbu des idées d'Aristote sur les catégories, il divise et subdivise à l'infini les qualités, les facultés, les esprits, etc. Il admet, bien entendu, la singulière théorie des trois âmes : l'âme du cerveau, siège de l'intelligence, qui préside aux fonctions animales, et dont les agents sont les nerfs; celle du coeur, siège des passions, qui agit par les artères; celle du foie, qui préside à la nutrition par les veines : il admet, en outre, l'âme proprement dite, synthèse des précédentes, à laquelle le corps doit ses formes, et que, après bien des tergiversations, relativement à sa nature, il paraît avoir fini par considérer comme matérielle. Par des expériences multiples, et surtout par des sections faites à toutes les hauteurs de la moelle, et sur certains nerfs, il était arrivé à discerner assez bien l'innervation du diaphragme, des parois pectorales, des organes de la voix, à distinguer le rôle du pneumogastrique, du nerf phrénique, du récurrent, etc. En somme, si sa physiologie est remarquable, ses dogmes physiologiques le sont beaucoup moins. La doctrine pathogénique de Galien, c'est la pleine efflorescence des doctrines humorales hippocratiques, reposant sur des données cosmologiques : d'abord les quatre substances élémentaires, primordiales, les quatre corps simples des philosophes physiologistes, le feu, l'air, l'eau, la terre, dont tous les corps sont formés (La matière antique), puis les quatre qualités élémentaires, le chaud, le froid, le sec et l'humide, puis les quatre humeurs fondamentales, le sang, le phlegme, la bile jaune et l'atrabile. L'état de santé, c'est l'équilibre parfait de ces quatre humeurs, en proportion, en force, en qualité; cet équilibre se nomme la crase, et comme celle-ci n'est pas le même chez tous les humains, celle qui est le propre de chacun constitue son idiosyncrasie. La maladie c'est la rupture de l'équilibre; le rôle de la thérapeutique est de le rétablir. Ce dogmatisme fondamental de la doctrine est bien celui que nous avons vu chez Hippocrate et qui se retrouve chez plusieurs peuples orientaux, avec quelques différences. Galien, tout en restant fidèle, au fond, à ces données hypothétiques traditionnelles, applique toute sa finesse et son habileté dialectique à les combiner, à les fondre ou à les subordonner, à l'occasion, les unes aux autres. Il s'était fait ainsi une pathologie générale dont certains de ses traités permettent de se faire une assez juste idée. Il avait adopté, assez heureusement, une classification sommaire des maladies empruntée aux méthodistes, pour lesquelles, d'ailleurs, il n'avait aucune estime. En étudiant le malade, il se montre aussi empressé à rechercher la diathèse, c.-à-d. l'affection prise d'ensemble, que le trouble local, c.-à-d. le lieu affecté; il ne néglige pas d'établir les rapports qui relient ce trouble local à l'ensemble symptomatique superficiel, aux manifestations présentes, à celles qui ont dû précéder, c.-à-d. qu'il établit une sorte de prognose, dans le sens hippocratique. Ce en quoi Galien mérite tout éloge, c'est d'avoir, en opposition formelle avec les méthodistes et les empiriques, fait tourner, au profit de la science théorique et pratique, les connaissances anatomiques ou physiologiques, mais anatomiques surtout, qu'il avait acquises et celles qui venaient de l'école d'Alexandrie. Ce qui est exact, dans ses descriptions nosographiques, c'est ce dont ses notions d'anatomie et ses expérimentations physiologiques lui fournissaient la garantie. Il n'admettait pas qu'il pût y avoir de trouble fonctionnel sans lésion d'organe, et souvent il remontait du trouble à la lésion, tout en reconnaissant que, dans bien des cas, cela était difficile, en raison de l'éloignement de la lésion; prenons pour exemple les paralysies de la main ayant pour cause des lésions des troncs nerveux ou de la moelle. La thérapeutique de Galien repose d'abord sur sa foi aux efforts de la nature poussés dans le sens de la guérison, efforts dont il faut bien saisir la direction, pour ne pas s'exposer à les contrecarrer; ensuite, elle a aussi pour base le précepte de combattre la maladie par ses contraires, en cherchant des indications jusque dans les circonstances extérieures. Pour donner satisfaction à ces indications, les moyens ne pouvaient lui faire défaut. Galien avait déjà, en suivant ses études, trouvé une matière médicale d'une richesse luxuriante; il l'enrichit encore, et encombra la pharmacie d'une foule de recettes et de mixtures. Mais il faut lui tenir compte de ce qu'il accordait la première place au régime, et aux exercices du corps, lorsque l'état du malade le permettait, et qu'il consacra une partie de ses veilles à tracer les règles de l'hygiène, et à commenter celles que renferme la collection hippocratique. Médecine grecque à Rome après Galien La transplantation de la médecine grecque à Rome ne fut pas une opération suivie d'un succès complet. Le sol était insuffisamment préparé pour lui permettre d'y enfoncer de profondes racines; le tronc lui-même eut peine à se développer, et commença bientôt à languir; entra les rejetons qu'il produisit ne furent pas tous bien vigoureux. Ce n'est pas que Celse ait manqué complètement d'imitateurs ni Galien de successeurs; mais beaucoup jetèrent un médiocre éclat, sans qu'il soit possible d'en attribuer la pâleur uniquement à la perte de leurs écrits. Après, comme avant Galien, la grande majorité des médecins de Rome étaient des Grecs; parmi les médecins latins d'origine, on ne compte guère que des compilateurs, des traducteurs et quelques médiocres auteurs originaux; si modestes qu'aient été leurs travaux, il est fort heureux que leur activité ne se soit pas éteinte après l'arrivée des barbares qui, dans maintes occasions, surent apprécier leurs services. Mais, pendant la période de déchéance inévitable qui précéda la réorganisation, l'abaissement de l'esprit scientifique, en Occident surtout, marchait de pair avec la dépression du sentiment politique; l'influence du christianisme et les luttes dans lesquelles il s'engagea vinrent compliquer encore la situation déjà bien troublée des savants de cette époque de transition; certains d'entre eux, restés païens par leurs doctrines scientifiques, étaient déjà chrétiens par les tendances de leur esprit. L'influence des néo-platoniciens à l'école d'Alexandrie devait introduire dans la médecine des éléments hétérogènes mystiques qui furent accueillis d'autant plus aisément en Europe que les Romains étaient extraordinairement superstitieux; ils s'y maintinrent avec une ténacité incroyable jusqu'aux temps modernes; ils vivent encore en partie dans la médecine populaire. Les documents sur l'histoire de la médecine à Alexandrie après Galien sont tout à fait frustes et insuffisants. C'est à cette école que se rattachent plus ou moins directement Zénon de Chypre, maître d'Oribase, de Jonipas et de Magnus, et protégé de Julien. Magnus d'Alexandrie fut un anatomiste assez distingué; c'était un esprit très fin et mordant, plus estimé comme savant que comme praticien. Ossaibiah nomme un autre Magnus. Nous ne pouvons que citer Théon l'archiatre, autre Alexandrin, d'après Hecber, ainsi que Léonidès, qui vint à Rome; Anthyllus, cité par divers auteurs, qui le premier ouvrit les sacs anévrismaux et les extirpa. Ils sont tous du IIIe et du IVe siècle. Alexandre d'Aphrodisie, moins récent, et que rien ne rattache à l'école d'Alexandrie, fut encore le contemporain de Galien; il vivait à la fin du IIe siècle et au IIIe, et fut le favori de Septime Sévère. Il professa à Athènes où il enseignait aussi la philosophie péripatéticienne, et commenta Aristote. (Dr. Liétard). |
. |
|
| ||||||||
|