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![]() | L'école néo-platonicienne a duré trois siècles, de la fin du IIe siècle au VIe siècle ap. J.-C. ; elle marque le dernier effort de la philosophie grecque, son entrée en contact et sa lutte avec le Christianisme![]() Première époque De ce mélange d'idées naissait un état d'esprit complexe, fait tout ensemble de scepticisme critique et de crédulité superstitieuse : chacun fait des miracles alors, les légendes de Simon le Mage C'est une croyance commune à tous les néoplatoniciens et à toute cette époque que celle de la « chaîne dorée », d'une doctrine unique exposée sous des formes diverses par la mythologie Par cet éclectisme, joint aux influences religieuses et orientales, on peut rendre compte de la doctrine centrale de l'école ; il fallait que Dieu Mais, étant supérieur à l'essence, l'Un ne peut être connu par la raison ; on n'en peut avoir l'intuition que par l'extase (enôsis), et quatre fois Plotin, une fois seulement Porphyre purent, à les en croire, ainsi s'identifier avec le divin. Ce don de Dieu, cette grâce (dosis tôn theôn) peut s'obtenir, d'ailleurs, soit par la dialectique et la science, soit par le délire poétique, soit par la vertu, qui sont autant de «purifications». Il en résulte une morale très pure et un grand dédain pour le corps : Plotin «rougissait de se soumettre aux nécessités de la vie». Porphyre écrit un traité sur l'abstinence, Proclus pratique les jeûnes et la discipline pythagorique. Enfin, dernier trait commun à toute cette philosophie, entre l'humain et Dieu doivent exister une foule d'intermédiaires, pour que reste entière la continuité des émanations divines : il y a des dieux, des demi-dieux, des anges Deuxième époque Le problème propre que s'était posé la philosophie alexandrine avait été de concilier avec la perfection et l'immutabilité divine l'existence du monde; d'accorder Aristote, Parménide et Platon. Mais, la doctrine des hypostases avait beau placer l'ineffable au-dessus de toute détermination, il fallait toujours en arriver à faire sortir de l'unité divine la multiplicité de l'univers. Les premières divergences se produisirent sur la question de savoir si les idées des choses, qui constituaient déjà une multiplicité, pouvaient résider dans la seconde hypostase on ne devaient pas être reléguées dans la troisième; et Plotin dut, dit-on, faire réfuter par Amélius cette opinion de Porphyre. Mais la difficulté se manifeste bientôt sous une autre forme : on croit mieux établir la perfection divine en l'éloignant davantage des choses créées, en la séparant de l'univers par des intermédiaires de plus en plus nombreux : les spéculations numériques, toujours chères aux pythagoriciens et aux platoniciens, poussaient d'ailleurs dans la même voie. Déjà Plotin lui-même avait distingué dans l'âme du monde deux aspects : « la puissance qui contient les raisons » et « la puissance génératrice ». Jamblique en vient à faire des trois hypostases comme trois dieux divers, dont chacun enveloppe à son tour une trinité hypostatique ; et il distingue ainsi la trinité des dieux intelligibles, noètoi, de celle des dieux intellectuels, noèroi. D'autres ressuscitent la tétractys pythagoricienne, en laissant l'Un isolé au sommet et en dehors des trois hypostases. Théodore d'Asiné, le premier successeur de Jamblique, compte jusqu'à cinq trinités, les dieux noètoi, les dieux noèroi, et trois trinités de dèmiourgoi, l'Ineffable restant encore en dehors et au-dessus. Enfin, Proclus revient aux trois hypostases de Plotin, mais en distinguant en chacune, d'une part, une trinité d'aspects ou de puissances; d'autre part, une multiplicité intelligible d'idées, différentes en espèce pour chaque hypostase, des unités dans la première, dans la seconde des monades, des dieux dans la troisième. Ainsi la doctrine se perd en une théologie à la fois mythologique et abstraite, aussi subtile, qu'arbitraire. Par une dernière conséquence du même mouvement, le néo-platonisme devient enfin une doctrine politique et nationale, qui subit toutes les alternatives de la lutte avec la religion nouvelle. Tendant, en effet, à concilier dans une même doctrine toutes les philosophies antérieures et à justifier, en les interprétant, les dogmes et les rites du polythéisme Les successeurs de Proclus retournent à Alexandrie ce sont Marinus, Zénodote, Isidore, Olympiodore, Enée de Gaza, Hypatie; ils s'épuisent en commentaires subtils, en biographies miraculeuses, en polémiques passionnées ; avec Hypathie, de persécuteurs ils deviennent victimes; avec Sérapion, ils imitent de leurs ennemis la vie monastique et solitaire. L'édit de Justinien, en 529, ferme l'école d'Athènes; nul ne veut plus du titre dangereux de diadocos ; le dernier néo-platonicien, Damascius, obligé de se réfugier à la cour de Chosroès, n'obtient la permission de rentrer à Alexandrie que pour y mourir. Avec lui disparaît le néo-platonisme. La plupart de ces philosophes néo-platoniciens étaient des hommes de haute intelligence. Mais ils se perdirent dans des discussions métaphysiques et dans une recherche vaine des mystères de la nature. Ils se flattaient d'être en possession du secret de dégager l'âme de ses liens terrestres, et de la mettre en commerce avec les démons. Ils devinrent les apôtres de toutes les superstitions, en leur donnant un sens allégorique. Ceux de ces philosophes qui passèrent du paganisme au christianisme, ne se défirent pas pour cela de leurs préjugés; ils les entèrent sur la doctrine de l'évangile, et donnèrent lieu à beaucoup de disputes qui troublèrent l'église dans les premiers siècles après le concile de Nicée. Si l'école d'Alexandrie a dû les défauts et les excès dont elle est morte lentement à l'esprit de son époque, elle n'en a pas moins représenté avec Plotin, et dans une certaine mesure Porphyre et Proclus, un effort original et fécond d'interprétation du platonisme, d'approfondissement de l'idée divine. En montrant que la réalité suprême, justement parce qu'elle est la source de toutes choses, doit être supérieure aux formes qu'elle crée, aux distinctions et aux catégories qu'elle impose à la pensée discursive, le néoplatonisme donnait un sens philosophique aux idées chrétiennes de Dieu, du mystère, de la création; et en même temps préparait la voie à l'idéalisme ultérieur. Après avoir traversé obscurément le Moyen âge, il devait reparaître avec Marsile Ficin, avec la Renaissance, et créer un courant dont on pourrait suivre la trace dans toute la pensée moderne. (D. Parodi).
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