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et la religion grecque |
La mythologie | Le sacerdoce | La divination | Les mystères |
La
mythologie grecque
Malgré sa luxuriante abondance et sa complexité touffue, de toutes les mythologies, la mythologie grecque est celle qui nous est la plus familière. Elle nous semble claire et lumineuse. Chacun des êtres divins ou héroïques, qui la peuplent, a sa personnalité, son caractère, ses attributs, son histoire; chacun d'eux est, pour ainsi dire, le centre d'un vrai cycle de mythes. Une clarté certainement bien trompeuse, tant les mentalités des anciens Grecs étaient éloignées des nôtres. Mais c'est qu'un caractère de la mythologie grecque explique en partie tous les autres : elle est, plus qu'aucune autre, essentiellement polythéiste et anthropomorphique. C'est aussi que cette mythologie a largement débordé du creuset religieux dans lequel elle s'est formée, pour susciter réappropriation sur réappropriation, au fur et à mesure qu'elle se déployait dans tous les domaines des arts et des lettres. En prenant parfois des tournures aussi peu grecques que possibles - il suffit de penser à cette variation dublinoise sur les thèmes de l'Odyssée qu'est l'Ulysse de James Joyce, par exemple, pour comprendre ce que cela signifie. (Bibliographie générale). Les premiers philologues comparatistes ont montré que par de nombreux aspects, la mythologie grecque s'apparente aux mythologies dites indo-européennes (mythologies indienne, perse, nordique, etc.). Mais elle ne peut se réduire à cela. Un important fonds proprement méditerranéen - disons autochtone ou préhellénique, pour faire court - peut y être identifié. Les relations de la Grèce avec les peuples et les civilisations de l'Orient classique (Phéniciens, Phrygiens, Égyptiens) ont également contribué à enrichir la mythologie de beaucoup d'éléments nouveaux. Dès l'aube de la période historique, cependant, ces éléments hétérogènes étaient déjà mêlés et fondus; Hésiode, dans sa Théogonie, en particulier a coordonné les principales idées éparses dans la Grèce, et établi un ordre chronologique dans la succession des dieux. A
la racine du polythéisme grec.
1° Celles qui appartiennent à un vieux fonds méditerranéen, que l'on identifie avec le plus d'évidence en Anatolie, mais qui pourraient être reconnues jusqu'au mont Bego, dans les Alpes, et qui sont essentiellement des divinités chtoniennes(telluriques). Les cycles de la nature, ceux de la vie et de la survie après la mort sont au centre des préoccupations qu'elles traduisent.En Crète et à Samothrace, où la religion demeura dans un rapport étroit avec celles de l'Asie occidentale, de la Phénicie, de la Syrie. Ce seront des points de passage pour de nouveaux éléments. Certaines divinités viendront des colonies de Phénicie, de Syrie, de Phrygie, etc., et se mêleront peu à peu aux dieux des anciens habitants de la Grèce. On peut supposer que c'est aussi le trajet suivi, par exemple, par le mythe du déluge de Deucalion, dont les racines se perdent dans un lointain récit sumérien. N'empêche, c'est au total une religion au caractère propre qui s'est développée : des cultes et des rites locaux se formèrent dès la période mycénienne en Thessalie, en Béotie, à Samos, à Rhodes, etc., et c'est là principalement qu'il faut chercher les origines du riche panthéon grec. C'est là aussi qu'on trouve la source des grands cycles héroïques, qui relèvent davantage de la littérature que de la religion, et, au total, de ce qu'il est convenu d'appeler la mythologie grecque.L'archéologie révèle en particulier sur les sites de probables sanctuaires et dans les tombes de l'époque néolithique et de l'âge du Bronze des idoles aujourd'hui qualifiées de Grandes Mères ou de Terres-Mères, supposées être en relation avec des cultes de la fécondité et de la fertilité. Le rapprochement de ces objets avec ceux d'autres sites (notamment en Anatolie) suggère que cette antique religion méditerranéenne associait cette déesse à un taureau ou à un bélier. Un thème qui s'installera durablement dans la région.2° Celles qui ont été apportées par les Grecs, c'est-à-dire par les envahisseurs indo-européens qui investissent la région à partir du deuxième millénaire, et ont davantage un caractère ouranien (céleste). Ces dieux-là sont peu en rapport avec les cycles naturels et la permanence des choses. On pourrait davantage les qualifier de dieux de l'action immédiate. Les Grecs concevaient leurs dieux comme possédant la forme humaine et beaucoup d'attributs humains; mais c'étaient véritablement des êtres divins, car ils ne connaissaient pas la vieillesse et étaient immortels. Les
types de mythes.
Athéna, Apollon et Hermès. Vase de Pamphaios (vers 500 av. J.-C.). (Bibibliothèque nationale, Paris). Les mythes cosmogoniques - Les mythes cosmogoniques de la Grèce nous ont été surtout transmis par Hésiode, l'auteur de la Théogonie; la portée philosophique de la plupart d'entre eux prouve qu'ils avaient déjà perdu leur aspect populaire primitif, et qu'ils avaient été coordonnés en une vaste synthèse destinée à expliquer la genèse du monde physique et les lois de la morale. Avant toute chose existaient, d'après une tradition, l'Océan et Téthys; d'après une autre, le Chaos et Gaea, la Terre. Du Chaos et de la Terre naquirent l'Erèbe et la Nuit; de l'Erèbe et de la Nuit naquirent l'Ether et le Jour. Puis Gaea engendra Ouranos = le Ciel, et Pontos = la Mer. Il est impossible de ne pas reconnaître dans ces premières divinités de la Théogonie des personnifications purement artificielles. La seconde génération de dieux est déjà plus véritablement mythologique. Gaea s'unit à Ouranos, et de cette union sortent, outre les Cyclopes, plusieurs divinités parmi lesquelles Cronos. Cronos s'oppose à son père Ouranos, le détrône et se substitue à lui, comme maître du monde. Il épouse Rhéa et donne le jour à de nombreux enfants; puis il subit le même sort qu'Ouranos. Son fils Zeus réussit à l'enchaîner et s'empare à son tour de la toute-puissance. Mais il doit la défendre contre de terribles ennemis, les Titans d'abord, puis le monstre Typhoeus (Typhée ou Typhon). La lutte de Zeus et de ses frères contre les Titans est un des épisodes les plus frappants de la cosmogonie des Grecs, et d'aucuns ont voulu y retrouver le souvenir des bouleversements volcaniques dont le sol de la Grèce et des îles qui l'entourent fut jadis le théâtre. Zeus ne triomphe qu'au prix des plus grands efforts, et sa victoire, qui donne au monde la paix et en assure l'harmonie, clôt dans la mythologie grecque l'ère des mythes cosmogoniques. Désormais la société divine est organisée. Les mythes divins - Cette société nous est révélée par les mythes, que nous avons appelés divins, parce qu'ils concernent les dieux et les déesses et par opposition aux légendes des héros. Elle est d'abord constituée par les douze grands dieux de l'Olympe : Zeus, le roi des dieux et des hommes, le dieu du ciel lumineux, maître de la foudre, dont un geste irrité fait trembler le monde; Héra, soeur et épouse de Zeus, qui protège les unions légitimes et préside aux naissances; Apollon, le dieu du soleil, des arts et de la poésie; Poseidon, le dieu de la mer; Arès, le dieu des combats; Héphaïstos, le dieu du feu et de l'industrie; Hermès, le messager des dieux, patron des orateurs et des négociants; Athéna, la déesse de la raison et de la sagesse; Aphrodite, la déesse de la beauté et de la volupté; Hestia, la déesse du foyer, protectrice des vertus familiales; Déméter, la déesse des moissons; Artémis, enfin, la vierge chasseresse, déesse de la Lune.Ces douze divinités tenaient le premier rang dans le monde mythologique imaginé par les Hellènes; mais elles n'étaient pas les seules. Hadès régnait dans le monde souterrain; Dionysos, le dieu de la vigne, Asclépios, le divin médecin, Amphitrite, la reine des mers, bien d'autres encore étaient adorés par les Grecs. Autour de ces dieux
et de ces déesses se pressait un nombreux cortège d'êtres
divins; toute la nature en était peuplée : Eole
et les Vents, Ganymède,
Hébé,
Iris, traversaient l'atmosphère; sur terre,
Pan, les Dryades, les
Naïades, les Nymphes
animaient les bois, les sources, les étangs; les Satyres
accompagnaient
Dionysos; sur mer, les Néréides
et les Tritons escortaient le char de Poseidon
et celui d'Amphitrite. Apollon
menait le choeur des neuf Muses. Du Tartare
sortaient parfois, pour châtier les criminels, les Erinyes,
tandis que les Moires présidaient aux
diverses étapes de la destinée humaine.
Les cycles héroïques - Le culte des héros acheva d'imprimer à ce polythéisme une physionomie distincte. Les mythes ou traditions mythiques, avec les héros et les demi-dieux qui y figurent sont un élément important dans la mythologie des Grecs, comme elle le sera pour les Romains. Les héros ou demi-dieux (Prométhée, Deucalion, Bellérophon, Persée, Thésée, etc.) diffèrent tous des dieux en ce qu'ils sont mortels. Héraclès est le seul qui devienne immortel. Sous ce nom de héros on comprit les individus nés d'un dieu et d'une mortelle, comme Heraclès, ou d'un mortel et d'une déesse, comme Achille, et tous les personnages des temps fabuleux, chefs de clans ou de migrations, fondateurs de villes, protecteurs de cités et de familles, vainqueurs de bêtes féroces, bienfaiteurs de leurs semblables. Le nombre en est
considérable. Chaque cité grecque tenait à honneur
d'avoir pour ancêtre un héros, à défaut d'un
dieu ou d'une déesse. Chaque région a ainsi forgé
ses propres cycles légendaires, qui ont fini eux aussi par s'interpénétrer
dans certains cas. On mentionnera les héros mycéniens (Persée,
Atrée);
ceux de Lacédémone (Hélène);
de Pylos
(Nestor), de Thèbes
(Œdipe); d'Athènes
(Thésée). A qui s'ajoutent des
grands rassemblements de héros d'origines diverses : la chasse de
Calydon,
le périple des Argonautes, la guerre
de Troie (l'Iliade,
d'Homère).
Développements
tardifs.
Ce syncrétisme atteignit ses derniers développements à l'époque de l'école d'Alexandrie, qui voulut opérer une fusion complète entre les religions de l'Asie, de l'Égypte et de la Grèce. Alors aussi on prétendit donner aux mythes païens un sens et une portée qu'ils n'avaient certainement pas. Et c'est bien dès cette époque qu'on commença à faire de ces mythes autant d'expressions figurées des phénomènes naturels, des révolutions astronomiques, etc. Le polythéisme fut ainsi totalement dénaturé, et celui qui le jugerait d'après les derniers écrivains grecs s'en ferait l'idée la plus fausse. Au temps des Alexandrins, le polythéisme n'avait plus de rapport avec la religion d'Homère, d'Hésiode et de Pindare; les fables anciennes n'étaient plus que des allégories; les rites seuls étaient conservés, parce qu'ils constituaient généralement pour le peuple toute la religion, et que les philosophes cherchaient à s'appuyer sur la tradition pour dissimuler la nouveauté de leurs idées; la religion n'était plus qu'un attachement routinier et inintelligent à des cérémonies surannées et vidées de leur sens. Tout comme d'ailleurs les mythes, si prompt, eux, à en acquérir de nouveaux. Ainsi les dieux et les déesses ne seraient, d'après une opinion représentée déjà dans l'Antiquité par Évhémère, que des êtres humains déifiés après leur mort à cause de leurs exploits ou de leurs vertus, et il ne faudrait voir dans les mythes que des faits historiques altérés par l'ignorance populaire et embellis par la fantaisie des poètes. Une nouvelle vie commençait pour la mythologie. Et de nouveaux mythes ont commencé à se construire sur les anciens. D'autres mythologues, ont ainsi regardé les dieux de la Grèce comme la personnification des éléments, des agents physiques, et ont cru découvrir sous le voile de la Fable l'expression figurée du rôle que les phénomènes naturels jouent dans l'univers... Il y a sans doute là encore une méprise, même si l'on peut bien accepter que certains de ces personnages ont bien existé, et même que certains événements peuvent bien avoir eu lieu aussi. Après tout, Schliemann, guidé par Homère, a bien retrouvé une ville qui pouvait avoir un rapport avec Troie. Mais quelle est la nature exacte de ce rapport? Les ruines d'Hissarlik déterrées par Schlieman sont-elles celles de Troie? On peut se faire une idée des pièges auxquels s'expose toute tentative d'interprétation trop littérale des mythes en comparant la situation à ce que révèlent les chansons de geste, par exemple : elles aussi utilisaient un matériau historique (personnages, peuples et lieux ont tous souvent existé), mais le transformaient à leur façon. Les Vikings, les Basques, ou les Saxons devenaient par exemple des Sarrasins; Saragosse, dans la vallée de l'Ebre, se retrouvait au sommet d'une montagne; on confondaient les rois et les siècles, etc. Et aucune grille de lecture ne permettrait à travers elle de s'y retrouver véritablement sans l'aide, à côté, d'une connaissance de l'histoire avérée. De même les
mythes grecs ne sont pas de l'histoire cryptée, ou même comme
on a pu le croire à propos de l'astronomie (Dupuis
: L'origine des constellations), une forme de science cachée
derrière des codes bien établis, et dont il suffirait de
connaître la clé pour lire la pensée de leur auteur.
Les mythes ne recellent pas de l'information : ils véhiculent de
la signification. Et celle-ci ne peut se comprendre autrement que dans
la cadre global de la culture qui l'a produite.
Héraclès conduit dans l'Olympe par Athéna. Peinture d'un vase trouvé à Vulci. Musée de Berlin. Les cultes dans la Grèce antique Un Grec pense des dieux ce qu'il lui plaît. Mais il ne doit rien négliger des pratiques traditionnelles. Le culte est un contrat passé avec la divinité; la prière a pour objet de l'amadouer. On prend les dieux à témoin des serments, traités, imprécations, malédictions; par politesse, on n'approche de leurs autels qu'après s'être purifié les mains par l'eau, et l'on se soumet aux cérémonies expiatoires après un deuil, un meurtre involontaire ou une épidémie. On n'entreprend rien sans consulter les dieux; on ruse pour connaître leur avis, quelquefois manifesté directement dans un songe; mais d'ordinaire il faut recourir à la divination, observer le vol des oiseaux, les phénomènes de l'air, les entrailles des victimes, le jeu de la flamme ou de la fumée d'encens, etc. Pour l'interprétation, on s'en rapporte à l'expérience des sibylles, des devins, des nombreux oracles; l'avenir se révèle dans l'ombre d'une grotte ou les exhalaisons d'une crevasse, par des mots, des signes ou des rêves; parfois, les prophéties semblent se contredire, mais la confiance en elles n'en est pas atteinte. Tout dieu agréa
d'abord pour domicile une caverne, une forêt,
un tertre, un autel
de pierre; enfin il eut sa maison, le temple. On gagnait ses faveurs par
des sacrifices assujettis à un rituel invariable, extrêmement
minutieux. La plus précieuse des offrandes est le sang humain, et
il y eut encore des sacrifices humains à l'époque classique;
pourtant on imagina, n'osant les répudier, d'ingénieuses
substitutions : un animal, paré comme
un être humain, fournissait la victime. L'esprit d'économie
était inventif; on consacrait un boeuf
en terre cuite, un concombre orné de bois sculptés
Les
confréries.
Les
cultes privés.
La
religion dans la Cité.
L'État impose l'hommage aux dieux, obligation civique, mais ne s'occupe que de la forme extérieure; c'est une pure manifestation qui n'engage pas la conscience. Le culte est un service administratif comme un autre. Le sanctuaire, entretenu par la cité, comprend d'ordinaire toute une enceinte avec édifices, jardins, bois, pâturages, où vivent les animaux sacrés. Le sacerdoce n'a rien de général; on est prêtre de tel dieu, en tel temple, et d'habitude pour un an; pas de caste séparée, pas de « clergé », dirions-nous. A part quelques prêtrises réservées à de vieilles familles, quelques autres acquises à prix d'argent, la plupart s'obtiennent au sort ou à l'élection, entraînent docimasie et reddition de comptes. Le prêtre, aidé de subalternes, fait la police du sanctuaire, en gère les intérêts, accomplit les cérémonies prescrites; il vit de l'autel, a sa part des victimes et prémices, n'assume aucun rôle moral. Les dieux de la Grèce ont été ses plus riches propriétaires ils possédaient souvent un trésor considérable alimenté par des dons, des revenus fixes de terres ou de maisons louées, des redevances, le produit du travail de leurs esclaves, parfois une dîme sur les récoltes, une part des butins de guerre et des amendes. Leurs temples devinrent des banques de dépôts et de prêts hypothécaires; il en est qui frappèrent monnaie. Les fêtes officielles étaient fréquentes, prolongées, luxueuses, ouvertes à tous. L'Attique, en particulier, fut le pays des larges hécatombes et des belles processions. La foule appréciait entre toutes les fêtes de Dionysos, d'une gaieté exubérante : il y avait des journées entières de cortèges burlesques et déguisés, de banquets, farces et mascarades, d'où le théâtre allait sortir. Déméter était adorée, tout au contraire, dans une note grave et recueillie. Mais rien ne pouvait se comparer à la fête d'Athéna Polias, panégyrie annuelle, qui prenait, chaque cinquième année, un éclat extraordinaire (Grandes Panathénées) : plusieurs jours se passaient en sacrifices, concours et jeux, terminés par la procession que déroule encore à nos yeux la frise du Parthénon; on accompagnait jusqu'à l'Acropole le péplos neuf offert à Athéna. La vie religieuse, comme la vie courante, laisse voir, à côté des libres épanchements de la nature, un souci d'art et de beauté. (diverses sources).
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