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La médecine antique
L'École médicale d'Alexandrie
Aperçu La médecine avant Hippocrate Hippocrate et les hippocratistes
La doctrine hippocratique L'École médicale d'Alexandrie La médecine à Rome
L'Ecole médicale d'Alexandrie fut la plus importante de l'Antiquité; elle recueillit les traditions asclépiennes de Cos et de Cnide et augmenta les ressources et l'étendue de l'enseignement. A l'observation pure et simple, telle que l'avaient pratiquée les hippocratistes, les médecins d'Alexandrie ajoutèrent l'étude scientifique de l'anatomie. La plus grande partie des connaissances de Galien lui venaient d'eux. 

On ne sait guère comment se faisait l'enseignement au Muséum et au Sérapéum. Les médecins s'y partagèrent bientôt en deux écoles principales, dont les fondateurs furent Hérophile et Érasistrate. Ces deux écoles n'étaient pas rivales; toutes deux, invoquant les traditions de Cos et de Cnide. bâtissaient sur les mêmes fondations; elles étaient séparées par des questions scientifiques plutôt que doctrinales. Hippocrate y était considéré comme le plus grand maître, mais son autorité n'était exclusive ni dans l'une ni dans l'autre. Partout on étudia avec ardeur l'anatomie, et les dissections humaines furent pratiquées avec la plus grande activité; on alla jusqu'à disséquer des hommes vivants, les condamnés à mort. La science anatomique fit des progrès considérables.

Hérophile, né vers 300,  fut le véritable fondateur de l'École de médecine d'Alexandrie. Il arriva dans cette ville vers la fin du règne de Ptolémée Philadelphe; il était né à Chalcédoine, avait étudié à Cos sous Praxagoras, à Cnidesous Chrysippe. Hérophile, qui toucha à toutes les parties de la médecine, avait pour Hippocrate une déférence respectueuse, mais il ne croyait pas que le Maître fût arrivé au dernier terme de la science. Il accordait un faible prix aux conceptions doctrinales, aux discussions étiologiques ou pathogéniques. Les symptômes et la marche l'intéressaient avant tout. Il recherchait les causes; il observait le pouls et en tirait des indications; il témoignait une aversion marquée pour les explications théoriques. Il commenta le Pronostic d'Hippocrate. Il écrivit des traités estimés sur la chirurgie, l'obstétrique, la gynécologie; comme praticien il eut une immense réputation; ses travaux les plus remarquables sont relatifs à l'anatomie.  Il jeta de vives lumières sur la connaissance du système nerveux; il décrivit les enveloppes du cerveau, les sinus, le plexus choroïde, les ventricules, etc., les milieux de l'oeil, l'intestin, etc.

Galien, qui combattait ses doctrines et n'estimait pas sa méthode, admire sans restriction les recherches qu'il a faites sur le corps humain, Hérophile avait disséqué et même exécuté des vivisections sur des condamnés à mort, pratique vertement reprochée plus tard aux savants d'Alexandrie par Tertullien. D'après lui la vie est réglée par quatre forces la chaleur, la nutrition, la pensée et la sensibilité. Les organes indispensables à son entretien sont le coeur, le cerveau, les nerfs. Hérophile décrivit avec un soin spécial les enveloppes de l'encéphale, ses cavités, les sinus veineux dont un des confluents porte encore son nom (pressoir d'Hérophile). Il s'occupa également de l'oeil, du tube digestif; c'est lui qui a donné à la première portion de l'intestin grêle le nom de duodénum.

Érasistrate, qui mourut vers 285 av. J.-C., contemporain et émule d'Hérophile fut disciple de (d'un?) Métrodore, et passa quelque temps près de Séleucus Nicator à Antioche. Sa vie est peu connue; on suppose qu'à son retour il vécut à Alexandrie. De ses écrits, comme de ceux d'Hérophile, il ne reste que quelques fragments. Ils traitaient surtout des maladies; néanmoins Érasistrate fit en anatomie des découvertes et des observations dont les conclusions le séparèrent, jusqu'à un certain point, de son concurrent. Il distingua les vaisseaux lactés, sans en comprendre l'usage, et entrevit l'importance des circonvolutions cérébrales. 

Ses tendances et son éducation le portèrent vers une voie différente de celle qu'avait suivie le premier. Il fit table rase de tout ce qui existait et voulut reconstruire la médecine à lui seul. Toute sa doctrine repose sur une hypothèse sans fondement: il croyait que les artères ne renferment pas du sang, mais de l'air, et pourtant il avait remarqué que la rupture de l'une d'elles donne lien à une hémorragie comme celle d'une veine. Pour expliquer le fait, il admit l'existence entre le système artériel de synastomoses fermées dans l'état de santé, ouvertes dans l'état pathologique et laissant passer les résidus des digestions. 

Erasistrate s'inquiétait peu des causes générales, mais il attachait une importance extrême au mécanisme de chaque symptôme. Pour lui, tout gravitait autour des troubles nutritifs; c'étaient les sucs digestifs imparfaits qui, passant dans le système vasculaire, produisaient, par la pléthore, distension des veines et des synastomoses. Les laxatifs et les purgatifs tenaient une grande place dans sa thérapeutique, mais il craignait la saignée; ses élèves la proscrivirent. Érasistrate montra le premier l'indépendance de la trachée et de l'oesophage et fit voir le véritable rôle de l'épiglotte, soupape capable d'isoler les deux conduits et d'empêcher l'entrée des aliments dans les voies respiratoires; il décrivit les orifices intracardiaques, les cordages tendineux et les valvules du coeur sans connaître leur rôle.

Hérophile et Erasistrate firent école; les derniers hérophiliens vécurent à Rome vers le milieu du Ier siècle de l'ère chrétienne; par la suite, leurs doctrines se fondirent avec d'autres; la secte d'Érasistrate vécut plus longtemps. Mais la plupart des disciples de ces deux médecins distingués ne tardèrent pas à trouver trop pénible la voie qu'ils avaient tracée; ils délaissèrent les recherches pratiques, et, infidèles à la méthode de leurs maîtres, ils reprirent celle, beaucoup plus facile, de la spéculation et des théories creuses. A partir de ce jour, leurs écoles marchèrent à leur ruine. Parmi ceux qui résistèrent à cet entraînement. il faut citer l'anatomiste Eudème, Bacchius de Tanagra et Mantias, deux thérapeutistes; Démétrius d'Apamée et Andréas de Caryste, deux obstétriciens, et le chirurgien Philoxènes. Des autres, assez nombreux, on connaît à peine les noms et quelques traits de leur vie. A travers des conjonctures diverses, les écoles se maintinrent jusqu'aux derniers siècles de l'histoire ancienne; au IIe siècle, vivaient encore à Rome un certain nombre d'érasistratéens qui ne se distinguaient plus guère des empiriques.

Les empiristes

Du vivant même des d'Hérophile et d'Erasistrate, Philinus de Cos dont on ne sait à peu près rien et Sérapion d'Alexandrie, un peu mieux connu, et qui aurait écrit un ouvrage sur les sectes médicales, en fondèrent une autre qui prit aux deux premières ce qui lui parut bon : celle des empiriques. Leur méthode reposait sur trois principes : on ne devient ni artiste, ni laboureur par l'éloquence, mais par la pratique; peu importe, la cause de la maladie si on en connaît le remède; on ne guérit pas en dissertant mais en administrant des médicaments. Le dernier de ces aphorismes surtout fut en grande faveur à Alexandrie. Du IIe au Ve siècle de notre ère, il en sortit un nombre considérable de commentaires, de traités de thérapeutique, de pharmacologie, etc. Nous ne les connaissons guère que par les citations de Galien et des Byzantins, etc. Le sens critique n'était point leur qualité dominante. A mesure qu'il s'était fait une fusion plus étroite entre l'élément grec et la population indigène, la philosophie naturelle et l'observation avaient perdu du terrain et les oeuvres de la décadence renferment quantité de formules relevées sur les murailles des temples et dans les vieux recueils sacrés de l'Égypte.

La secte empirique se fit de bonne heure des adhérents parmi les disciples d'Hérophile et d'Érasistrate, stimulés par les tendances cnidiennes, entraînés par l'influence des doctrines pyrrhoniennes (Scepticisme) et révoltés par les excès du dogmatisme qu'ils abandonnèrent. Ils trouvaient, avec quelque apparence de raison, que l'empirisme les préparait mieux aux devoirs de la pratique. L'école empirique fut la plus importante des écoles médicales alexandrines. Toute la littérature alexandrine a disparu. C'est Glaucias de Tarente, un des premiers empiriques, car il était contemporain d'Érasistrate, qui tenta de trouver dans les livres même d'Hippocrate les origines de l'empirisme.

Les empiriques se bornaient, de parti pris, à constituer leur système sur la simple observation et le rapprochement des faits constatés, sans chercher à augmenter par le raisonnement la portée de leurs observations, parce que c'était, à leurs yeux, ouvrir la porte à l'erreur. Ils tenaient pour vaine la recherche des causes des phénomènes observés; ils furent amenés, par là, à négliger beaucoup, mais pas tout à fait sans doute l'anatomie et la physiologie; le diagnostic différentiel ne pouvait guère exister pour eux. Ce qu'il leur fallait, c'était le tableau complet des symptômes, en une sorte d'énumération, et fatalement ils étaient amenés à tenter d'opposer un remède à chacun d'eux. Leur système médical avait, en somme, pour bases l'observation des phénomènes actuels, l'expérience des mêmes phénomènes dans la tradition avec celle des moyens utilement employés contre eux. Quand ils se trouvaient en présence de phénomènes nouveaux ou inconnus, ils recouraient pour s'éclairer à l'analogie, et usaient des moyens qui avaient réussi dans les occurrences semblables. Ces trois bases formaient ce qu'on a appelé le trépied des empiriques qui fut formulé par Glaucias. Leur absolutisme, que nous ne connaissons que par les écrivains des autres sectes, n'était peut-être pas aussi rigoureux qu'on l'a dit. Ce qui est bien réel, c'est que, par cette observation attentive des symptômes et des actions thérapeutiques, ils firent faire à la séméiologie, à l'étiologie et à la thérapeutique, et même à la chirurgie et à la gynécologie, de sérieux progrès. Aucune école n'eut une aussi longue durée; elle se maintint longtemps encore sous la domination romaine. Les principaux empiriques furent Zeuxis, Héraclides de Tarente, Zopyre, puis, plus tard, Ménodote de Nicomédie, Théodas de Laodicée, etc.

L'enseignement des maîtres alexandrins était plutôt individuel que collectif; la plupart habitaient au voisinage du temple de Sérapis qui renfermait une bibliothèque très riche en ouvrages spéciaux. Peu à peu les praticiens méprisèrent les études dont ils ne voyaient point l'application immédiate. Au VIe siècle, époque à laquelle on peut rattacher le nom d'Aétius, un historien parle des nombreuses officines médicales qu'on trouve à Alexandrie, et les compare à autant de boutiques de boucher. Malgré tout, la réputation de l'École se maintint au Xe siècle. Razhès, en décrivant les fièvres éruptives, accorde l'honneur de les avoir le premier bien observées au prêtre alexandrin Aaran; ce fut peut-être le dernier représentant des traditions scientifiques anciennes. (Dr L. Thomas /  Dr. Liétard).



En bibliothèque - Haeser, Gesch. d. Medicin., t. I. - Thomas, art. Ecoles de médecine, dans Dict. encycl. des sc..méd.
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