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Nulle
part, sauf peut-être en Inde,
on n'a eu autant de dieux que dans l'ancienne
Égypte.
Chaque tribu, chaque petit État et plus tard chaque nome
(province) eut les siens. A la longue, les théologiens
distinguèrent entre les divinités primordiales et les génies
secondaires qui restèrent cependant toujours l'objet d'un certaine
attention dans la religion populaire. Le trait le plus pittoresque de
tous ces dieux est sans doute la représentation zoomorphe (les
animaux symboliques) que l'on s'en faisait. Des dieux cosmiques comme
Sowek (Sebek), Thot, Khnoum,
Ptah, etc., apparaissaient ainsi sous les formes
du crocodile,
du singe ou de l'ibis, du bélier
et du boeuf.
- Le dieu faucon Horus et le dieu crocodile Sébek, représentés à Kom Ombo. Source : The World Factbook. Les Égyptiens ne concevaient donc pas les dieux autrement conformés que leurs créatures : ils leur attribuaient un corps, une ou plusieurs âmes comme à l'humain, des besoins, des passions en un mot la vie. Ils naissaient et mouraient, se mariaient et s'engendraient, se haïssaient et se faisaient la guerre comme les humains. Il est vrai qu'ils ne mouraient jamais complètement; mais cela ne leur constituait pas une immunité, car l'humain avait le même droit à la résurrection et l'obtenait par l'accomplissement de certaines formalités dont les dieux ne pouvaient non plus s'abstenir: On ne saurait nier pourtant que les textes dès le Moyen Empire nous mettent en présence de conceptions religieuses d'un ordre assez élevé : Amon, par exemple, y reçoit les titres de dieu suprême, unique maître de l'éternité, qui rappelle le yahveh de l'hénothéisme hébraïque à la même époque, mais qui ne peut cependant pas - et pas plus que ce dernier - se décrire comme l'expression d'un monothéisme. Ces conceptions, d'ailleurs spéciales aux théologiens et d'abord destinées à promouvoir la puissance du Pharaon, laissèrent coexister les autres croyances. La
cosmogonie.
Le monde ainsi formé s'éclaire subitement le soleil parait hors du lotus qui émerge de l'Océan, et accomplit sa première course, vivifiant tout sur sa route. Suit la naissance d'Osiris, le premier humain, fils de Geb et de Nout. Osiris, comme l'Adam de la Genèse, a une compagne, Isis, et de plus un frère, Sit ou Seth, qui représente le mal, comme lui-même représente le bien. Seth fait la guerre à son frère, le tue et le met en pièces. Mais Isis rassemble les morceaux épars dans toute l'Égypte et aidée de sa soeur Nephthys les embaume. De son époux ainsi rendu à une vie qui n'est plus la vie terrestre, elle conçoit un fils (Horus) qui deviendra le vengeur de son père et mettra à mort son meurtrier Seth. Les
Ennéades.
Il y avait ainsi
en Égypte trois sortes de dieux : les dieux élémentaires
communs à toute l'Égypte et dont un petit nombre, Isis
et Horus, par exemple, ont été adoptés
par certains nomes et ont eu à ce titre des temples spéciaux
et un culte, les dieux locaux dont l'un (Osiris)
a eu le sort inverse en devenant une divinité nationale, et, en
dernier lieu, les dieux factices dont les théologiens ont rempli
la mythologie. L'ennéade héliopolitaine
paraît s'être substituée de bonne heure à la
plupart des systèmes élaborés dans les autres écoles.
On se contenta le plus souvent de changer le dieu primordial par le dieu
principal de la localité, homme ou femme, car chaque centre religieux
n'adorait pas nécessairement un dieu masculin. Saïs
mettait en première ligne la déesse Nit (Neith),
Denderah la déesse Hathor,
les îles de la première cataracte les déesses Anouket
et Satit, Philae la
déesse Isis, etc. Certains sanctuaires éliminèrent
Seth, le dieu maudit, au profit d'Horus, fils
d'Osiris, lequel, bien avant de jouer un rôle
dans la légende de la Passion égyptienne, fut un dieu-ciel,
puis un dieu-soleil. Il y eut aussi des ennéades qui comptèrent
dix, douze dieux et au delà; mais les dieux supplémentaires
ne comptaient que pour un avec les dieux essentiels de l'ennéade
dont ils étaient les parèdres (dieux accompagnateurs).
Les
triades.
L'une des plus anciennes triades était celle que composaient Osiris, Isis et Horus : elle fut en tout cas la plus répandue. La triade la plus artificielle est à coup sûr, comme l'avait déjà remarqué en son temps Gaston Maspero, celle de Seth à qui l'on donnait pour épouse et pour fils Nephthys et Anubis, divinités qui lui étaient hostiles en tant qu'alliées d'Osiris. La triade occupa bientôt, à côté de l'ennéade, une place importante dans la religion égyptienne; on peut même dire que, dès la seconde période thébaine, elle occupa la première. Dès lors, il s'en forma de toutes sortes par addition d'un dieu à la déesse locale quand celle-ci avait un fils ou de deux dieux dans le cas contraire, par la création de déesses au moyen d'un petit artifice philologique. Amonit, d'Amon, Raït, de Râ, etc. A l'époque ptolémaïque on ne tint plus aucun compte du type père, mère, fils, qui était le principe même de la triade et l'on admit toutes les combinaisons quelles qu'elles fussent : Osiris, Haroëris, Harpechroud; Osiris, Isis, Nephthys, Khnoum, Satit et Anouket; Isis, Nephthys et Selqit, etc. Le
dieu solaire.
Le
culte et le temple.
1° l'association des parèdres au culte de la divinité principale;La chapelle primitive s'accrut de chapelles pour les dieux parèdres, de nombreuses chambres pour les accessoires du culte, les purifications, le sacrifice, l'installation du sacerdoce. On jugea aussi à propos de dérober à la vue de la foule les sorties les plus fréquentes du dieu; d'où ces cours à portiques clos de hautes murailles. A l'état rudimentaire, ces dispositions étaient rigoureusement contenues dans un massif bâti sur plan rectangulaire, avec des murs de même hauteur. Mais les accroissements successifs que reçurent ces édifices leur firent bientôt franchir ces limites. Les portiques et les vestibules érigés par les rois en souvenir de leurs victoires prirent des proportions telles que le sanctuaire ne devint au moins en apparence qu'un accessoire du temple. Il disparaissait derrière ces superbes annexes qu'une règle absolue plaçait toujours en avant des constructions plus anciennes. Le type primitif du temple fit donc place à un type nouveau que les pharaons de la XIXe dynastie (Nouvel Empire) prirent pour modèle. Il se composait du temenos, auquel on accédait par un long dromos (allée) bordé de sphinx, d'un nombre variable de portiques avec propylées, du pronaos ou salle hypostyle et du secos. Inaccessible aux dévots, mystérieux par sa profondeur et son obscurité, le secos ou sanctuaire était formé par une chapelle centrale autour de laquelle se groupaient plus ou moins régulièrement d'autres chapelles ainsi que les chambres d'un caractère trop sacré pour prendre jour sur les portiques. Ce qui contribua à la consécration de ces dispositions, ce fut l'assimilation de tous les dieux au dieu d'Héliopolis. Sous l'influence de ce mysticisme, le temple devint la maison du soleil, c-a-d. l'univers. Le culte se modifia dans le même sens. Le dieu se recueillait au fond de sa chapelle comme l'astre perdu derrière l'horizon; comme lui, il se levait dans sa barque et apparaissait dans la salle hypostyle construite à l'image du monde visible. Son plafond constellé figurait le ciel, les papyrus et les lotus qui ornaient sa base et qui alternaient avec les images des nomes et des dieux Nils rappelaient le monde terrestre; l'espace intermédiaire représentait la région de l'air accessible aux seuls dieux et au pharaon divinisé. Le dernier propylône qui était aussi le plus élevé correspondait pareillement au zénith, au point culminant d'ou le soleil redescend lentement pour se perdre derrière l'horizon. C'est là que la barque divine portée par les naophores resplendissait entre les deux obélisques et répandait sa lumière et sa gloire sur la foule des fidèles, pour reprendre bientôt comme le soleil sa route vers la demeure mystérieuse, au fond de l'adytum. Certains temples possédaient aussi dans une de leurs vastes cours un petit lac où l'on faisait accomplir à la barque sacrée la traversée mystique du Nil céleste. En tant que soleil, le dieu n'en était pas moins soumis à toutes les nécessités inhérentes à la condition humaine. Il lui fallait des vêtements, des parfums, des aliments. Il avait sa garde-robe, ses officines et ses cuisines, ses greniers, son bétail et ses pâturages, ses pêcheries, etc. Il ne se contentait pas de l'impôt que lui payait la piété de ses adorateurs; des biens immenses en Égypte et au dehors lui assuraient d'importants revenus. il avait sa part aux dépouilles des vaincus et se partageait avec le pharaon tous les avantages d'une prépotence purement terrestre. Quoique dieu lui-même, ce dernier lui devait la plus entière soumission et l'honorait d'un culte en règle en échange d'une protection toute spéciale. Les nombreuses scènes qui illustrent les temples nous initient clairement aux rapports du dieu et du pharaon. Parfois nous les voyons assis côte à côte sur un pied de quasi-égalité; mais le plus souvent le dieu trône seul, et reçoit de son fils bien-aimé l'offrande du vin, de l'eau, du lait, des deux couronnes, du sistre, du collier menat, des pains sacrés, etc. Nous voyons le roi lui-même chasser au lasso les quatre boeufs du sacrifice, qu'il accomplira intégralement comme un simple officiant. Ces scènes strictement liturgiques ornent l'intérieur des chapelles, des chambres et de la salle hypostyle. Les scènes réservées à l'extérieur sont d'une autre nature. Elles nous représentent le pharaon partant pour la guerre, rencontrant et battant l'ennemi, puis rentrant triomphalement sur son char avec les chefs des vaincus qui seront en dernier lien sacrifiés devant le trône divin. Dans tous ces actes, rituels ou militaires, le pharaon s'astreint à une mise en scène et un costume réglé par le cérémonial. Ici il porte la couronne du Sud, là celle du Nord, ailleurs, le pschent ou le klaft, selon les cas, le diadème atef, le casque, ou la tête nue. Des légendes hiéroglyphiques qui accompagnent ces scènes nombreuses ne nous passent aucun détail : elles nous donnent les noms et les titres des personnages, les noms des chevaux ; elles reproduisent jusqu'aux paroles jetées au milieu de l'action, les ordres, le dialogue engagé entre le roi et ses officiers. Ainsi le temple, avec la chronique détaillée des campagnes royales, les listes de peuples vaincus et des tributs payés aux dieux, le texte des prières et des actions de grâces, les tableaux des fêtes périodiques, les formulaires de l'offrande et du sacrifice, le détail des cérémonies, constitue à lui seul le répertoire le plus important pour l'étude de la vie publique et religieuse de l'Égypte. A l'époque ptolémaïque, il subit diverses modifications. Les cours plus ou moins nombreuses de l'ancien temple se réduisaient à une cour unique entourée de portiques que Strabon (dont nous respectons la nomenclature) appelle ptères; les colonnades des diverses salles du secos se localisent dans le pronaos ou salle hypostyle toujours en avant et toujours plus élevée que le naos proprement dit; les chapelles et autres dispositions intérieures de cette dernière partie se groupent symétriquement par rapport à la chapelle principale redevenue ce qu'elle devait être, c.-à-d. le noyau du secos. Toutes les représentations relatives aux campagnes royales n'intéressant plus directement le culte disparaissent et laissent le champ libre à la mythologie et aux scènes purement liturgiques. De même la géographie antique fournie par les listes de peuples vaincus cède la place à la géographie égyptienne, soit à propos des guerres mythiques d'Osiris et de Seth, soit à propos des redevances dont le dieu était honoré de la part des différents nomes. Quant au roi lagide et plus tard au césar, il se substitue purement et simplement au pharaon, dont il prend les costumes, les attributs et le cartouche. La
vie future et le monde-autre.
« Les champs d'Ialou, notait Maspéro, suivirent la même fortune que les îles bienheureuses des Grecs; ils se déplacèrent à mesure qu'on connut mieux la géographie de l'Égypte et des contrées environnantes. Ils partirent naturellement vers le Nord-Est, dans la direction qu'indiquait leur situation primitive. Plusieurs traits du mythe d'Osiris montrent qu'une de leurs premières étapes fut sur la côte de Phénicie. C'est en Phénicie, à Byblos, que le courant emporta le corps du dieu, qu'lsis se réfugia, qu'abordait chaque année la tête en papyrus jetée dans le fleuve par les prêtres d'Égypte. Je ne sais si de Phénicie les champs d'lalou ne passèrent point sur la côte plus lointaine d'Asie Mineure; le certain, c'est qu'ils quittèrent bientôt la terre pour s'élever au ciel. Il y prirent place au Nord-Est, comme il résulte du témoignage du Livre des Morts, dans le voisinage de la Grande Ourse et des constellations boréales. »Ce qui fit la fortune d'Osiris comme principal dieu des morts, ce fut l'immense popularité dont il jouissait dans toute l'Égypte autant que type idéal du premier humain né de la terre et du ciel. Dès lors il ne tarda pas à être associé ou identifié aux autres dieux des morts de la même manière que Râ, le Soleil, aux dieux primordiaux des vivants. C'est ainsi que Sokari devint Sokar-Osiris, que Khontamenti devint Khontamentit-Osiris, etc., et cela sans tenir aucun compte des divergences qui existaient entre les caractères originels de ces différents dieux ainsi qu'entre les diverses conceptions du monde infernal auquel ils étaient préposés. L'enfer de Sokari ne ressemblait en rien à celui d'Osiris celui-ci, était un archipel d'îlots verdoyants perdu dans les lagunes orientales du Delta; celui-là comprenait les cavernes ou les longs couloirs creusés dans la chaîne libyque à la lisière occidentale de la nécropole memphite (Gizeh, Saqqarah). Pour les Abydéniens, l'enfer ou Douaou n'était pas une localité, mais une grande division de l'univers. La
cosmographie mystique.
« Le soleil, expliquait encore Maspéro, circulait le long des parois de la boite sur un cours d'eau qui, semblable au fleuve Océan des Grecs, enveloppait complètement notre terre et la séparait du ciel. Le lit dans lequel il coulait et les régions qui l'avoisinaient formaient autour des remparts du monde comme uns banquette placée presque immédiatement sous le ciel étoilé. Elle était bordée dans toute la moitié Nord de l'ellipse par une chaîne ininterrompue de montagnes abruptes qui naissaient à l'Ouest, à la hauteur d'Abydos, s'élevaient rapidement et devenaient bientôt si hautes qu'elles s'interposaient comme un écran entre notre terre et le fleuve, puis se terminaient à l'Est au pic de Bakhou. Le pays qui s'étendait derrière elles était le Douaout, la région des âmes [...]. A partir du pic de Bakhou, la chaîne s'effaçait, et un large plateau lui succédait, qui courait d'abord de l'Est au Sud, puis du Sud à l'Ouest. Du soir au matin, le soleil traversait le Douaout, et la hauteur des montagnes empêchait sa lumière d'arriver jusqu'à nous : notre terre était plongée dans la nuit. Du matin au soir, il parcourait le plateau de la partie méridionale; ses rayons n'étaient plus arrêtés par aucun obstacle et se répandaient librement; notre terre était en pleine lumière et jouissait du jour. »Dans la théorie abydénienne, le Soleil, une fois franchi le territoire de la Fente, échancrure de la montagne libyque qui passait pour l'entrée des Enfers, devenait à la fois un soleil mort et le dieu des morts, et, comme tel, était identifié avec Osiris. Cette assimilation eut pour conséquence l'assimilation inverse d'Osiris avec le soleil et de même que le soleil apparent absorba à la longue tous les dieux des vivants, le soleil invisible modifia si complètement le caractère primitif des dieux d'outre-tombe qu'à un moment donné on ne distingua plus entre le Soleil et Osiris. Le
voyage des morts.
Une fois la momie dans son caveau, commencent pour l'Égyptien les croyances les plus diverses au sujet de sa destinée. La sagesse des prêtres qui les avait recueillies avait essayé de les concilier en établissant autant de distinctions dans les conditions et la nature de Pâma qu'il y avait de systèmes dans ces croyances. C'est ainsi qu'un Thébain contemporain de Ramsès II admettait pour la solution du mystérieux problème de la survie toutes les solutions qui, depuis les temps les plus anciens, s'étaient en quelque sorte amassées dans l'esprit du peuple. Il croyait d'abord à l'existence d'un reflet (qa) de sa forme corporelle, pouvant à son gré se confondre avec sa momie ou s'en détacher. Ce double conservait tous les besoins et tous les appétits de la terre. Il lui fallait de la nourriture, des vêtements, des parfums, des serviteurs, en un mot de quoi continuer sans aucun changement son premier train de vie. Négligé et abandonné à lui-même, le double était condamné à la dernière des misères : il errait la nuit au milieu des chemins, cherchant sa vie dans les immondices, et venait troubler de ses menaces les survivants égoïstes qui l'avaient oublié. La piété envers le double consistait donc à joindre d'abord à la momie et dans son propre caveau, un mobilier complet et tous les objets d'utilité ou de luxe que le double pouvait souhaiter, puis à déposer à sa portée, dans la chapelle de la tombe où il était censé avoir accès, les aliments nécessaires à sa vie de chaque jour. C'était un impôt très lourd sur l'héritage on l'éluda par la vertu des formules magiques, et c'est ainsi que des troupeaux de bétail, des champs d'orge représentée sur les murs de la chapelle et des simulacres en pierre ou en carton de mets de toute sorte, souvent même la simple énumération des offrandes dont on voulait lui assurer l'éternelle jouissance, pouvaient à l'appel du mort proféré d'une certaine manière devenir autant de réalités. Tout dépendait
donc du mort ou de sa capacité en tant que ma-kherou, c.-à-d.
juste de ton. Une formule prononcée sur un ton faux restait sans
effet. Il est vrai qu'il n'était pas plus malaisé de transformer
le mort en ma-kherou que de lui rendre l'usage des yeux ou de la bouche.
Le même Thébain, qui croyait à l'existence du double,
n'en croyait pas moins à l'existence d'une âme
plus spirituelle et qui, pendant que le double se morfondait dans le caveau,
poursuivait une destinée bien autrement aventureuse dans le Douaou.
Le Douaou, ou enfer des Égyptiens, était,
nous l'avons dit, la région des douze heures de nuit. C'était
une sorte de vallée divisée en douze territoires et reproduisant
plus ou moins l'aspect des parties correspondantes du Nil.
Plongé dans l'obscurité pendant le jour, cet enfer s'illuminait
chaque nuit au passage du soleil,
sauf pourtant les régions souterraines qui correspondaient à
la nécropole de Memphis, dont Sokari
était le dieu souterrain.
« ... Je n'ai commis aucune fraude contre les humains! Je n'ai pas tourmenté la veuve! Je n'ai pas menti dans le tribunal! Je ne connais pas la mauvaise foi! Je n'ai fait aucune chose défendue! Je n'ai pas fait exécuter à un chef de travailleurs, chaque jour, plus de travaux qu'il n'en devait faire! [...]. Je n'ai pas été négligent! Je n'ai pas été oisif! Je n'ai pas faibli! Je n'ai pas défailli! Je n'ai pas fait ce qui était abominable aux dieux! Je n'ai pas desservi l'esclave auprès de son maître! Je n'ai pas affamé! Je n'ai pas fait pleurer! Je n'ai point tué! Je n'ai pas ordonné le meurtre par trahison! Je n'ai commis de fraude envers personne! Je n'ai point détourné les pains des temples! Je n'ai point distrait les gâteaux d'offrande des dieux! Je n ai pas enlevé les provisions ou les bandelettes des morts! Je n'ai point fait de gains frauduleux! Je n'ai pas altéré les mesures de grain! Je n'ai pas fraudé d'un doigt sur une parure! Je n'ai pas usurpé dans les champs! [...] Je n'ai pas faussé l'équilibre de la balance! Je n'ai pas enlevé le lait de la bouche des nourrissons! Je n'ai point chassé les bestiaux sacrés sur leurs herbages! Je n'ai pas pris au filet les oiseaux divins! Je n'ai pas pêché les poissons sacrés dans leurs étangs! Je n'ai pas repoussé l'eau en sa saison! Je n'ai pas coupé un bras d'eau sur son passage! Je n'ai pas éteint le feu sacré en son heure! Je n'ai pas violé la neuvaine des dieux dans des offrandes choisies! Je n ai pas repoussé les boeufs des propriétés divines! Je n'ai pas repoussé de dieu dans sa procession! Je suis pur! Je suis pur! Je suis pur! »Reconnue impure, l'âme est impitoyablement chassée et souffre tous les maux avant l'anéantissement final; pure, elle pénètre dans la région de la septième heure où commencent les champs d'lalou, ce paradis bizarre où les âmes ne paraissent pas jouir d'une félicité différente du bonheur terrestre, c.-à-d. d'un bonheur acheté par le travail. Elles sont tenues, en effet, de labourer la terre, labourage, il est vrai, tout mystique et dont elles se débarrassent sur une foule de serviteurs dont elles sont accompagnées. Ces serviteurs ne sont autres que ces figures de faïence représentant un Osiris armé d'un hoyau, dont nos musées regorgent, et qui étaient déposés dans la tombe par centaines. Au delà des jardins d'Ialou et du paradis vraiment terrestre, il y avait encore place pour la croyance à une immortalité éthérée; l'âme, alors plongée dans la béatitude infinie, faisait partie à tout jamais du cortège solaire ou se mêlait à la foule des divinités célestes chargées de la conservation des astres. Le
livre des Morts.
Cette énorme compilation, qui porte le titre de Permhrou, est celle que les égyptologues appellent Rituel ou Livre des Morts. Elle ne comprend pas moins de cent soixante-cinq chapitres. On en plaçait une copie plus ou moins complète sur papyrus auprès de la momie; on en copiait de longs extraits sur les parois du couloir qui mettait la chapelle funéraire en communication avec le puits et sur celles du sarcophage. On ne se borna pas à cette seule compilation. Les prêtres de certains centres crurent faire oeuvre de critique en faisant un choix dans ces fatras et en l'accompagnant de longs développements conformes aux doctrines enseignées dans leurs écoles. C'est à des travaux de ce genre que nous devons le Livre de l'Amidouaou et le Livre des Portes, manuels de géographie infernale rédigés par les prêtres de Thèbes pour guider le mort à la suite du soleil dans les régions des ténèbres. Ces sortes de livres concouraient également à la décoration de la tombe. La bibliothèque funéraire comprenait aussi des traités spéciaux tels que le Rituel de l'embaumement et le Livre de l'ouverture de la bouche qu'on ne se bornait pas à consulter pour la stricte exécution des pratiques funéraires, mais qu'on reproduisait aussi, à l'occasion, sur les murs de la chapelle ou du couloir. C'est ainsi que la tombe, avec ses décorations murales se rapportant soit à la vie du double calquée sur la vie terrestre, soit à la vie de l'âme, le tout accompagné de longs textes biographiques ou religieux, avec ses offrandes et son mobilier, avec ses momies et ses papyrus, a contribué, beaucoup plus que le temple lui-même, à la résurrection de l'ancienne Égypte. (E. Babelon).
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