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Les
Antilopes
constituent un groupe de Mammifères'
Ruminants,
rangés parmi les Bovidés. Ce groupe renferme
actuellement un peu plus d'une vingtaine de genres et plus de 100 espèces,
toutes de l'ancien continent. Les caractères qui le définissent sont
assez peu précis : on a souvent dit, depuis Pallas,
que l'on range dans le groupe des Antilopes les Ruminants à cornes persistances
(cornes à étui ou cornes creuses, qui ne se laissent classer exactement
ni avec les Boeufs, ni avec les Chèvres, ni avec
les Moutons.
-
Gazelles
de Thomson, dans le parc national Masai Mara, au Kenya.
Les cornes, de forme
très variable suivant les genres, ressemblent, par leur constitution et
leur mode de développement, aux cornes des Chèvres
et des moutons domestiques : l'axe osseux est plein et compact, comme dans
ces deux genres, avec une seule excavation celluleuse à la base, et non
entièrement celluleux comme celui des Boeufs, des Mouflons et des Bouquetins,
qui diffèrent, sous ce rapport, des types domestiques. Les dents
ont la même formule que chez ces derniers, et plusieurs genres d'Antilopes
présentent même, aux molaires, la colonnette
accessoire que l'on considère comme caractéristique du genre Boeuf. Il
existe souvent des larmiers comme chez
les Cerfs.
La taille des Antilopes
n'est pas moins variable que leurs formes : les plus grandes atteignent
les dimensions du cheval tandis que les plus
petites ne dépassent pas celles des Chevrotains ou du Lièvre.
La plupart sont entre ces deux extrêmes, c.-à -d. qu'elles ont la taille
de la Chèvre ou du Mouton. Toutes vivent en troupes plus ou moins nombreuses
sous la conduite d'un vieux mâle. La femelle est, dans certains genres,
dépourvue de cornes; dans d'autres elle en porte qui sont d ordinaire
plus courtes et plus grêles que celles du mâle.
Les moeurs et l'habitat
diffèrent beaucoup suivant les genres : les unes préférant les déserts
ou steppes, les autres les vastes prairies
couvertes de hautes
herbes, d'autres ne s'éloignant
pas des fleuves et des lacs
qu'elles traversent volontiers à la nage, d'autres encore ne quittant
jamais les montagnes et les rochers; un petit
nombre enfin se trouvant dans les forêts.
La distribution géographique
est fort remarquable : toutes sont propres à l'ancien Continent, et plus
spécialement aux régions chaudes de l'Afrique
et de l'Asie; mais le centre de dispersion du groupe,
au moins à l'époque actuelle, semble être l'Afrique, au Sud du Sahara
(sous-région éthiopienne), plus des quatre cinquièmes des espèces étant
propres à cette sous-région. Le dernier cinquième est formé d'espèces
qui habitent l'Asie, au sud de l'Himalaya (sous-région
orientale) et le nord de l'Afrique. A l'époque
tertiaire, ce pays a été habité par un beaucoup plus grand nombre
d'espèces. Quant aux Antilopes signalées en Amérique,
on a montré qu'elles doivent former une famille bien distincte (Antilocapres).
Dans tous les pays
qu'elles habitent, les Antilopes sont recherchées pour la qualité de
leur chair, et l'humain les chasse activement comme un gibier abondant
et relativement de grande taille. La plupart des espèces vivent très
bien et se reproduisent même assez facilement dans nos jardins zoologiques.
Classification
des Antilopes.
Les différences
que l'on remarque non seulement sous le rapport des formes extérieures,
mais encore sous celui des caractères ostéologiques, entre les divers
genres d'Antilopes, sont telles que les naturalistes (V. Brooke, par ex.),
ont été conduits à introduire un certain nombre de sous-familles (Alcelaphinae,
Oryginae, Gazellinae, etc.), d'une valeur égale
à celles des Bovinae et Caprinae,
déjà admises antérieurement pour les Boeufs, Chèvres et Moutons. Le
tableau suivant résume la classification actuelle des Antilopes :
Antilopinés
Antilopes
vraies |
Antilope
: Antilope cervicapre = Antilope indienne
Gazelle:
Gazelle de Grant, de Thomson, de Speke, de Rhim = Leptocère, Dama, Korin,
Dorcas, etc.
Antidorcas
: Gazelle à poche dorsale = Springbok
Saïga
Ammodorcas
: Dibatag = Antilope de Clarke
Litocranius
: Gazelle de Waller = Antilope girafe = Gérenuk
Pantholops
: Antilope tibétaine = Chiru |
Alcelaphinés |
Connochaetes
: Gnou
Alcelaphus
: Bubale
Damaliscus
: Damalisque (Topi, Irola)
Impala
(parfois rangés dans une sous-famille distincte, celle des Aepycérotinés). |
Hippotraginés |
Cob(
(parfois considérés comme une sous-famille distincte, celle des Reduncinés)
Kobus
: Cob à croissant = Antilope Sing-Sing; Cob
de Buffon, Cob de Lechwe, Lechwe du Nil, Puku;
Redunca
: Grand Cob, Cob de montagne, Cob des roseaux
Pelea
: Chevreuil-bouc = Rhebuck
Hippotragus
: Antilope des sables, Antilope rouanne
Oryx
: Oryx de Libye, Gemsbok, Oryx blanc, Oryx beisa, etc.
Addax
: Antilope à nez tacheté |
Néotraginés
Antilopes
naines |
Madoqua
(Dik-dik), Ourébi (Bleebok), Raphicerus
(Steenboks),
Oréotragues (Sassa),
Dorcatragus (Antilope beira) |
Cephalophinés |
Céphalophes
: Sylvicapra = Céphalophe
de forêt, Cephalophus =
Céphalophe commun |
Parmi
les Bovinés
(deux
tribus)
|
Tragélaphinés(Elands,
Koudous,
Guibs) et Bosélaphinés (Nilgauts,
Tétracères). |
Alcelaphinés
Les Bubales (Alcelaphus),
qu'il ne faut pas confondre avec le genre Bubalus ou Buffle d'Asie,
sont de grandes Antilopes remarquables par leur dos déclive qui rappelle
un peu celui de la Girafe, leur tête
très longue et leurs cornes à double courbure
en forme de fourche lyrée, annelées à la base, sans arêtes, existant
dans les deux sexes. Ils forment le genre Alcelaphus de Blainville ou Acronotus
Smith, dont le type (Al. bubalis) est la plus grande Antilope de l'Algérie.
C'est la vache de Barbarie, de Perrault, espèce qui s'étend du Maroc
à l'Egypte : elle est facile à domestiquer et
s'acclimate bien en Europe. Cette espèce trouve
son équivalent dans l'Afrique australe avec
le Caama, Bubale roux, ou Hartebeest, qui forme des troupes nombreuses
que l'on chasse à cheval, car sa course est rapide. D'autres espèces
distinguées sous les noms de Al. tora (Sclater), du pays des Bogos ; Al.
lelwel (Heuglin), de l'Afrique orientale; Al. Cokii (Gunther), du même
pays, ne sont peut-être que des variétés des précédentes qui se trouvent
toutes deux dans la région du haut Nil.
-
Un
Impala, en Ouganda. Images : The World Factbook.
Un genre assez différent,
mais qui appartient encore au groupe des Antilopes à formes lourdes, est
celui des Gnous (Catoblepas Smith ou Connochaetes
Lichtenstein), dont les cornes en croissant, larges à leur base et dirigées
en avant, rappellent celles des Buffles et existent dans les deux sexes
: le mufle est large et nu, le cou muni d'un
fanon comme chez les Boeufs : l'encolure arquée, la crinière courte,
la croupe arrondie, la queue longue et terminée par un bouquet rappellent
les chevaux. On en connaît deux espèces : le C. gnu et le C. gorgon (ou
taurina), qui vivent dans le sud de l'Afrique
en troupes nombreuses, qui se mêlent volontiers à celles des
Zèbres
et des Autruches et voyagent avec elles. Le
pelage est d'un gris plus ou moins noirâtre,
plus clair et zébré de raies bleuâtres dans la seconde espèce qui se
retrouve en Ethiopie.
Hippotraginés
Les Oryx sont des
Antilopes très différentes des précédentes par leurs longues cornes
en forme de sabre, parallèles, droites ou faiblement recourbées en arrière,
annelées et sans arêtes, développées dans les deux sexes. Ces Antilopes
atteignent ou dépassent la taille du Cerf, et
leur pelage est blanc ou d'un fauve très clair, relevé par des taches
régulières, brunes, à la tête et au bas des
jambes. Les Oryx ont été connus des anciens,
et l'on suppose qu'ils ont servi de modèle pour l'animal fabuleux que
l'on désigne sous le nom de Licorne. En effet, sur les monuments
de l'ancienne Egypte
on voit des Oryx figurés de profil avec une seule corne visible, l'autre
étant cachée par la première. Ces animaux habitent les plaines arides
de l'Afrique, qu'ils parcourent par petites troupes,
défiant à la course les meilleurs chevaux : lorsqu'ils sont forcés,
ils font tête aux carnivores et à l'humain lui-même et les blessures
de leurs longues cornes sont aussi dangereuses que celles d'une lance.
On en distingue plusieurs espèces : l'O. leucoryx, qui vit dans la Nubie
et le Sennaar et se retrouve en Sénégambie; c'est l'espèce que les anciens
ont connue; l'O. capensis ou Antilope Oryx de Pallas, dont Buffon a parlé
sous le nom de Pasan et dont l'O. gazella des auteurs ne diffère pas,
habite le Sud de l'Afrique; l'O. Beisa (Rüppel) est du Kodorfan et de
la Somalie; enfin l'O. Beatrix (Sclater) vit dans le Sud-Est de l'Arabie,
mais ne s'étend pas, comme on l'a prétendu, jusqu'en Syrie et en Iran.
Les Addax forment
un petit genre voisin des Oryx par les formes et les moeurs, mais dont
les cornes sont un peu tordues en spirale; le type est l'A. nasomaculatus
ou Abou-Addas d'Algérie, qui habite, en troupes
nombreuses, du Sahara oriental à la Haute-Egypte
et au Dongola. Elle forme le passage des Oryx aux Gazelles.
Les Egocères ou
Antilopes chevalines (Aegoceros, Leucophaeus ou Hippotragus) sont de belles
espèces de la taille du Cerf, à cornes robustes, recourbées en arrière
et fortement annelées comme celles du Bouquetin. Le type est l'Antilope
bleue du Sénégal (A. equina Geoff.), dont la couleur est d'un gris fauve
nuancé de cannelle et de blanc. C'est la Vache brune du Sénégal; elle
habite toute la côte ouest d'Afrique, vivant par petites troupes, de préférence
dans les endroits entrecoupés de collines. Elle est remplacée dans l'Afrique
australe par le Blaubock ou Antilope noire (Aegoc. niger d'Harris), qui
est d'un brun bai foncé avec les parties inférieures blanchâtres, et
porte une crinière plus développée que l'espèce précédente. Elle
s'étend jusque dans le Mozambique et le Kordofan. Une troisième espèce
(Ae. Bakeri Heuglin) a été observée dans le Sennaar oriental et le Fazoglou.
Les Sings-Sings
ou Antilopes aquatiques (Kobus et Adenota Gray, Hydrotragus Fitzinger),
ainsi nommées parce qu'elles ne s'éloignent guère des cours d'eau et
se jettent volontiers à la nage quand elles sont poursuivies, diffèrent
des Egocères par leurs cornes dont la pointe est recourbée en avant,
ce qui indique un passage vers les Gazelles
: elles ont du reste la même taille et les mêmes proportions. Le type
est l'Antilope ellipsiprymna, brune avec une tache blanche ovale sur chaque
fesse, qui habite le bord de la plupart des rivières dans l'Afrique australe.
L'Antilope onctueuse
(Ant. onctuosa) la remplace au Sénégal : c'est une des Antilopes qui
est appelée en Guinée Kob (Cob ou Cobe), mais non le Koba de Buffon.
L'Antilope defassa de Ruppel, d'Abyssinie et des rives du Nil
Blanc, n'en est probablement qu'une variété locale. Le naturaliste voyageur
Heuglin a décrit les Kobus Kul, K. Wuil et K. megaceros (ou K. Maria Gray),
qui sont du haut Nil. Le K. leucotis (Licht. et Peters) est du Sennaar
et s'étend à l'E. jusqu'au Bahr-el-Ghazal. L'Antilope Lechwé (Adenota
lechwe Gray) est encore une espèce aquatique, que Livingstoneavait
rencontrée en grand nombre sur le bord des fleuves
et des lacs de l'Afrique centrale : au Nord, elle
s'étend jusqu'au fleuve Zonga et au Nil Blanc. Le K. megaceros de Heuglin
n'en diffère peut-être pas. Le K. Wardoni, découvert par Sélous (1881),
est des régions centrales de l'Afrique australe.
Certaines espèces,
de taille un peu plus forte, forment le passage des Gazelles aux Céphalophes.
Le genre Redunca ou Éleotragus, que l'on range aujourd'hui parmi les Cobs,
comprend des espèces dont les cornes sont à concavité antérieure :
Redunca du Sénégal, le Nagor de Buffon; R. bohor d'Abyssinie; l'Antilope
Delalande (R. eleotragus) ou Kleine Rietbok, qui vit dans les endroits
marécageux de l'Afrique australe. Le genre Peba a les cornes droites et
parallèles et ne renferme qu'une espèce (P. capreolus), le Reh Bok, Ã
pelage laineux et roussâtre. Le genre Terpone (Gray) rappelle par ses
formes lourdes l'Anoa, et a pour type l'A. longiceps du Gabon et de Liberia.
D'autres espèces, plus petites, ont des moeurs différentes : elles se
plaisent dans les rochers comme le Chamois, et forment les genres Oreotragus
et Scopophorus : tels sont le Stein-Bok (A. tragulus Forster), l'Ourébi
(A. scoparia), l'A. saltatrix de l'Afrique australe, l'A. hastata (Peters)
du Mozambique, et l'A. montana d'Abyssinie et du Sénégal.
Antilopinés.
Le groupe des Gazelles
ou Antilopes proprement dites comprend les nombreuses espèces de taille
moyenne, aux formes sveltes et aux cornes à double courbure plus ou moins
lyrées, dont les genres peuvent être considérés comme propres à la
fois à l'Asie et à l'Afrique,
bien qu'aucune espèce ne soit commune à ces deux régions. On peut restreindre
le nom d'Antilopes aux espèces de la taille du Daim
ou environ, qui forment pour les modernes les genres Aepyceros, avec deux
espèces : Aep. malampus, qui s'étend du haut Nil à la Caffrerie et Aep.
Petersi (du Bocage) d'Angola; Antilope (propr. dite), ou Cervicapra de
quelques auteurs, qui ne comprend qu'une seule espèce asiatique (A. bezoertica),
le Harna des Hindous, à cornes spiralées comme celles des Addax, et qui
habite les plaines du N. de l'Inde.
Les genres Antidorcas,
Litocranius, Saïga, Leptoceros, etc., peuvent être réunis sans inconvénient
au genre Gazella, dont le type est la Gazelle des Arabes (Gazella dorcas),
animal plus petit que notre Chevreuil, qui
vit dans le Nord de l'Afrique par troupes nombreuses que l'on chasse Ã
cheval à l'aide du Faucon ou du Guépard. Cette espèce, ou des variétés
peu différentes, se retrouvent en Arabie et en Palestine (G. arabica),
au Sénégal (G. Kevella), dans le pays des Bogos (G. melanura). D'autres
espèces, plus grandes, sont : le Nanguer du Sénégal (Ani. Dama), le
Mhorr (A. Mhorr) du Maroc, les Ant. Soemmeringii et Gazella isabelle d'Abyssine;
le Koba de Buffon (A. senegalensis), représenté dans l'Afrique australe
par les A. lunata, A. pygarga, A. albifrons, A. Spekei, etc.
Les espèces asiatiques
du genre Gazelle diffèrent peu des espèces
africaines : telles sont le Chikara des auteurs (Gazella Bennetti), dont
la femelle a de petites cornes lisses plus grêles que celles du mâle:
elle habite l'Inde, moins la côte de Malabar; la G. fuscifrons habite
le désert de Jalk entre le Seistan et le Beloutchistan; la G. picticauda
est des hauts plateaux du Ladakh;
enfin la G, subgutturosa se trouve depuis l'Iran
et l'Afghanistan jusqu'au Yarkand.
Une espèce très
intéressante d'Afrique du Sud est l'Antidorcas (Springbock, Gazelle Ã
poche dorsale ou Antilope euchore), de la taille d'un Chevreuil, qui forme
dans l'Afrique australe des troupes immenses de dix à cinquante mille
individus, que la sécheresse des pâturages et la disette qui en résulte
forcent à des migrations continuelles. Partout où ils passent, semblables
à des nuages de sauterelles, ces animaux dévorent toute espèce de végétation
et ne laissent pas un brin d'herbe derrière eux.
Il nous reste Ã
parler de certains types, propres au massif central montagneux de l'Asie,
et qui par les formes et les moeurs s'éloignent des autres Antilopes,
pour se rapprocher des Chèvres. Le genre Pantholops comprend une seule
espèce, le Chiru du Népal et du Tibet
(Pantholops Hodgsonii), dont les cornes sont longues, grêles et annelées,
un peu lyrées comme dans les Gazelles. La taille et les proportions rappellent
le Chamois d'Europe.
Cet animal vit par petites troupes dans les plaines découvertes du Tibet
et du Ladakh.
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Le Chiru
et le secret de la licorne
Ce que les auteurs
anciens et ceux du Moyen âge ont rapporté de la licorne, a fait penser
aux naturalistes modernes, ou du moins à la plupart, qu'il devait être
rangé parmi les êtres fabuleux; mais encore au XIXe siècle, quelques
auteurs croyaient encore à l'existence de cet animal, qu'ils ont confondu
(par on ne sait quel aveuglement du discernement) avec l'Antilope du Tibet
ou Chiru (Pantholops Hodgsonii). Voici, par exemple, ce qu'en dit
le missionnaire .Régis Évariste Huc (1813-1860), après son voyage en
Tartarie et au Tibet :
« On trouve la licorne
représentée, écrit le Père Huc, parmi les sculptures et les peintures
des temples bouddhiques. En Chine même, on la voit souvent dans les paysages
qui décorent les auberges des, provinces septentrionales. Les habitants
d'Atdza parlaient de cet animal sans y attacher une plus grande importance
qu'aux autres espèces d'antilopes qui abondent dans leurs montagnes. Nous
n'avons pas eu la bonne fortune d'apercevoir le licorne durant nos voyages
dans le haute Asie; mais tout ce qu'on nous en a dit, ne fait que confirmer
les détails curieux que M. Klaproth a publiés sur ce sujet dans le nouveau
Journal asiatique. Nous avons pensé qu'il ne serait pas hors de
propos de citer ici une note intéressante que cet orientaliste, d'une
immense érudition, a ajoutée à la traduction de l'itinéraire de Lou-hoa-tchtou
:
«
La licorne du Tibet s'appelle, dans la langue de ce pays throu, en mongol
kéré, et en chinois, tao-kio-cheou, c'est-à -dire l'animal à une corne
ou kio-touan, corne droite. Les Mongols coufondent quelquefois la licorne
avec le rhinocéros, nommé en mandchou, bodi gourgou, et en sanscrit khadga,
en appelant ce dernier également kéré.
La licorne se trouve
mentionnée pour la première fois chez les Chinois, dans un de leurs ouvrages
qui traite de l'histoire des deux premiers siècles de notre ère. Il est
dit que le cheval sauvage, l'argali et le kio-touan sont des animaux étrangers
à la Chine, qu'ils vivent dans la Tartarie, et qu'on se servait des cornes
du dernier pour faire les arcs appelés arcs de licorne,
Les historiens chinois,
mahométans et mongols, rapportent unanimement la tradi tion suivante,
relative à un fait qui eut lieu en 1224, quand Tchinggiskhan se préparait
à aller attaquer l'Hindoustan. Ce conquérant ayant soumis le Tibet, dit
l'histoire mongole, se mit en marche pour pénétrer dans l'Enedkek (l'Inde).
Comme il gravissait. le mont Djaddnaring, il vit venir à sa rencontre
une bête fauve, de l'espèce appelée sérou, qui n'a qu'une corne sur
le sommet de la tête; cette bête se mit trois fois à genoux devant le
monarque, comme pour lui témoigner son respect. Tout le monde étant étonné
de cet événement, le monarque s'écria : l'empire de l'Hindoustan est,
à ce qu'on assure, le pà ays où naquirent les majestueux Bouddhas et
Boddhisatvas, ainsi que les puissants Bogdas, ou princes de l'antiquité;
qui peut donc signifier que cette bête, privée de parole, me salue comme
un homme? Après ces paroles, il retourna dans sa patrie. »
Quoique ce fait soit
fabuleux, il ne démontre pas moins l'existence d'un animal à une seule
corne dans les hautes montagnes du Tibet. Il y a aussi, dans ce pays, des
lieux qui tirent leur nom du grand nombre de ces animaux qui y vivent par
troupeaux, tels que le canton de Sérou-Driong, c'est-à -dire village de
le rive des licornes, situé dans la partie orientale de la province de
Khan, vers la frontière de la Chine.
Un manuscrit tibétain,
que le major Lattre a eu l'occasion d'examiner, appelle la licorne tsopo
à une corne. Une corne de cet animal fut envoyée à Calcutta : elle avait
cinquante centimètres de longueur, et onze centimètres de circonférence;
depuis la racine elle allait en diminuant, et se terminait en pointe. Elle
était presque droite, noire, un peu aplatie des deux côtés; elle avait
quinze anneaux, mais ils n'é taient proéminents que d'un côté.
M. Hodgson, résident
anglais dans le Népal, est enfin parvenu à se procurer une licorne, et
a fixé indubitablement la question relative à l'existence de cette espère
d'antilope, appelée tchirou dans le Tibet mériidional qui confine
au Népal. C'est le même que le sérou, prononcé autrement suivant les
dialectes différents du Nord et du Midi.
La peau et la corne,
envoyées à Calcutta par M. Hodgson, appartenaient à une licorne morte
dans la ménagerie du radjah du Népal. Elle avait été présentée Ã
ce prince par le lama de Digourtchi (Jikazze), qui l'aimait beaucoup. Les
gens qui amenèrent l'animai au Népal informèrent M. Hodgon, que le tchirou
se plaisait principalement dans la belle vallée ou plaine de Tingri, située
dans la partie méridionale de la province tibélaine de Tsang, et qui
est arrosée par l'Arroun. Pour se rendre du Népal dans cette vallée,
on passe le défilé de Konti ou Nia lam. Les Népaliens appellent la vallée
de l'Arroun Tingri-Meidam, de la ville de Tingri, qui s'y trouve sur la
gauche de cette rivière; elle est remplie de couches de sel, autour desquelles
les tchirous se rassemblent en troupeaux. On décrit ces animaux comme
extrêmement farouches, quand ils sont à l'état sauvage; ils ne se laissent
approcher par personne et s'enfuient au moindre bruit. Si on les attaque,
ils résistent courageusement. Le mâle et la femelle ont en général
la mêque apparence.
La forme du tchirou
est gracieuse, comme celle de toutes les autres antilopes; il a aussi les
yeux incomparables des animaux de cette espèce. Se couleur est rougeâtre
comme celle du faon, à la partie supérieure du corps, et blanche à l'inférieure.
Ses caractères distinctifs sont : d'abord, une corne noire, longue et
pointue, ayant trois légères courbures, avec des anneaux circulaires
vers la base; ces anneaux sont plus saillants sur le devant que sur le
derrière de la corne; puis deux touffes de crin qui sortent du côté
extérieur de chaque narine; beaucoup de soie entoure le nez et la bouche,
et donne à la tête de l'animal une apparence lourde. Le poil du tchiron
est dur, et paraît creux comme celui de tous les animaux qui habitent
au nord de l'Himalaya, et que M. Hodbson a eu l'occasion d'examiner. Ce
poil a environ cinq centimètres de longueur; il est si touffu qu'il présente
au toucher comme une masse solide. Audessous du poil, le corps du tchirou
est couvert d'un duvet très fin et très doux, comme presque tous les
quadrupèdes qui habitent les hautes régions des monts Himalaya , et spécialement
comme les chèvres dites de Cachemire.
Le docteur Abel a
proposé de donner au tchirou le nom systématique d'Antilope hodgsonii,
d'après celui du savant qui a mis son existence hors de doute. » |
Cephalophinés
Des espèces de
plus petite taille encore que les Gazelles constituent le groupe des Céphalophes
(Cephalophus), propre à l'Afrique. Ce sont des
Antilopes à formes moins élégantes que les Gazelles, et dont le port
et les dimensions rappellent les Chevrotains sud-asiatiques et les Agoutis
américains. Plusieurs atteignent à peine la taille d'un lièvre.
Leurs cornes sont
droites, pointues, à anneaux ou arête spirale peu marqués et souvent
presque lisses. Dans le genre Cephalophus proprement dit ou Grimmia (Laurillard),
elles sont si courtes qu'elles sont en partie cachées par une touffe de
poils, en forme de huppe, que l'animal porte sur le front entre les deux
oreilles : c'est de là que vient le nom du genre.
Ces animaux vivent généralement par couples dans les forêts
et les halliers de l'Afrique australe. On en connaît une trentaine d'espèces
: C. sylvicultrix, natalensis, monticola, nigrifrons, Maxwellii, Ogilbyi,
coronatus, badius, aureus, leucogaster, etc.
Ces deux dernières
sont du Gabon. L'espèce la plus anciennement connue est le G. grimmia
de Pallas, la Grimme de Buffon, qui est fauve avec une ligne dorsale noire
et habite la Guinée. En Afrique du Sud, on appelle ces Antilopes Buschbock
(chèvres de buissons). Parmi les autres espèces, nous indiquerons les
C. callipygus (Peters), C. Anchietae et G. ruficrista (du Bocage) d'Angola,
C. doria ou zebra (Jentink, d'après Gray), qui habite Libéria, et n'a
longtemps été connue que par des peaux défigurées. Les genres ou sous-genres
Sylvicapra, Quadriscope, Sylvicultrix, etc., des auteurs, ne diffèrent
pas du précédent.
Néotraginés
Les Néotraginés
sont de petites espèces à cornes droites munies, à la base, d'une arête
spirale. Le nez de ces petites Antilopes est busqué comme celui du Saiga.
On range dans cette tribu les genres Madoqua (Dik-dik), Ourébi (Bleebok),
Raphicerus (Steenboks), Oréotragues (Sassa), Dorcatragus (Antilope beira).
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Oréotrague
(Sassa).
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Tétracère
(Tchikara).
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Boselaphinés.
Les Bosélaphinés,
comme les précédents, sont une tribu de Bovinés. Parmi eux, les Oréas
ou Cannas (Boselaphus Smith) rappellent les Boeufs
par leur taille et leurs formes allongées, mais ont des membres
beaucoup plus élancés. Leurs cornes, dans les deux sexes, sont droites,
dirigées en arrière et portent un bourrelet en spirale comme si elles
avaient été tordues sur elles-mêmes : le cou porte un fanon semblable
à celui des Boeufs.
En Asie,
un groupe de Boselaphinés est représenté par une petite espèce très
intéressante, car elle porte quatre cornes. C'est le genre Tétracère
(Tetracerus Leach), qui a pour type le Tchickara, animal de la taille de
la Gazelle d'Algérie. Le mâle seul porte des
cornes : il est de couleur baie, blanchâtre en dessous. On trouve cette
espèce dans les jungles de bambous et dans les forêts, par paires, dans
toute
Inde,
mais pas au Sri Lanka et en Birmanie.
Le véritable nom local est Chousingha, Chowsingha ou Chowka.
Une autre espèce
de très grande taille, la plus grande de toutes les Antilopes asiatiques,
a des cornes de forme semblable mais au nombre de deux seulement comme
dans le reste du groupe. Elle constitue le genre Boselaphus, dont on ne
connaît qu'une seule espèce. C'est le Nilgaut
de l'Inde (B. tragocamelus), espèce de la taille du Cheval, dont le mâle
seul porte deux cornes courtes, lisses, un peu recourbées en avant. Le
train de derrière est moins élevé que celui de devant, comme chez le
Bubale. Le mâle est, d'un gris bleuâtre, la femelle d'un jaune fauve
et plus petite que le mâle. On trouve cet animal dans toute l'Inde au
Sud de l'Himalaya : il se plaît dans les plaines
et les jungles peu épaisses, et sa course est rapide. On le voit souvent
dans les jardins zoologiques d'Europe où il se reproduit facilement, et
c'est une des espèces dont l'acclimatation semble le plus facile.
Tragélaphinés.
Les Tragélaphinés
sont une tribu de Bovinés. Le type en est l'Eland
du Cap (Taurotragus oryx, Antilope oreas Pallas), qui habite toute l'Afrique
centrale et méridionale; le Taurotragus Derbyanus (Gray) en diffère par
les rayures blanches qui ornent son pelage et n'en est peut-être qu'une
variété : il en est de même du T. gigas (Heuglin) dont ce dernier voyageur
a rapporté les cornes colossales du Nil Blanc. Une
quatrième espèce, découverte par Livingstone dans la région du
Zambèze, a été décrite par Sclater (T. Livingstoni), et le genre existe
aussi au Sénégal. Ces animaux vivent en troupeaux
nombreux dans les plaines de l'Afrique australe, mais sont devenus très
rares en Afrique du Sud, par suite de la chasse acharnée que leur ont
faite les premiers colons. Leur chair, surtout celle des jeunes, est excellente.
C'est une des espèces qui paraissent s'acclimater le mieux au climat de
l'Europe.
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Eland
du Cap (Taurotragus oryx).
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Guib
harnaché (Tragelaphus scriptus).
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Les Tragélaphes
proprement dits (Tragelaphus scriptus = Guib harnaché, et Tragelaphus
spekii (ou Sitatunga) = Guib d'eau) sont des Antilopes plus petites, ayant
à peu près la taille du Daim, avec des cornes
en spirale plus allongée, simplement tordues sur elles-mêmes et non en
tire-bouchon. Le pelage est d'un fauve plus ou moins marron avec des rayures
et des taches blanches irrégulières - sur les flancs : tel est le Guib
harnaché, qui habite le Sénégal et vit par troupes dans les forêts
et les plaines. Les autres espèces ou sous-espèces ont été décrites
sous les noms suivants : Tr. euryceros, de Guinée; Tr. Angasli, de Natal;
Tr. Spekii (Sclater), des marais qui entourent
le
lac Victoria-Nyanza. Ces espèces sont
plus grandes que le Guib harnaché. Des espèces plus petites sont les
suivantes : Tr. decula d'Abyssinie; Tr. sylvaticus de Cafrerie; Tr. gratus
de Sénégambie.
Les Strepsicères,
ou Antilopes à cornes en spirales, renferment plusieurs genres : le genre
Tragelaphus ou Strepsicerus (Smith) a pour type le Condoma de Buffon, le
Koudou des Boërs (Tragelaphus strepsiceros).
C'est un bel animal de la taille du Cheval, avec les formes élégantes
du Cerf. Le mâle porte une paire de cornes magnifiques,
contournées en tire-bouchon, qui manquent à la femelle. Son pelage
est fauve, relevé sur les flancs de zébrures blanches. C'est une des
rares espèces qui préfèrent les forêts aux plaines : ses cornes robustes
lui servent à se frayer un chemin à travers les halliers. Elle habite
l'Afrique australe et remonte jusqu'en Ethiopie et en Somalie. Le St. imberbis
de Blyth et de Sclater n'est probablement qu'une variété de petite taille.
Antilopes fossiles.
Les Antilopes remplacent,
dans la région éthiopienne, à la fois les Cerfs
et les Bouquetins qui font complètement défaut à toute l'Afrique
au sud du Sahara, fait d'autant plus intéressant
que l'Amérique méridionale, sous la même
latitude, possède plusieurs espèces du genre Cerf. A l'époque Miocène,
les Antilopes ont été très nombreuses en Europe,
ce qui semble indiquer que le climat de ce pays se rapprochait beaucoup
de celui de l'Afrique australe à l'époque actuelle. Les Antilopes ont
été, selon toutes probabilités, les premiers Ruminants
pourvus de cornes : les Cerfs ont apparu plus tard, et les premiers représentants
de cette dernière famille avaient des cornes moins compliquées qu'Ã
l'époque actuelle, moins souvent caduques, et se rapprochant sans doute
de celles de l'Antilocapra d'Amérique (Gaudry).
Les plus anciennes Antilopes signalées en France
appartiennent aux gisements de Sansan et de Simorre (Gers) : telles sont
les Antilope clavata (ou sansaniensis), A. martiana (Lartet) et l'A. cristata
(Biedermann), de Suisse, dont les cornes étaient
petites. Il faut arriver aux époques Miocène supérieure ou Pliocène
pour trouver des Antilopes à grandes cornes comparables à celles des
grandes espèces africaines de l'époque actuelle. Telles sont les A. recticornis
de Montpellier; A. boodon d'Espagne; les Palaeoreas
Lindermeyeri, Palaeotragus Roueni, Tragoceros Amalthea et T. Valenciennesi,
Palaeoryx Pallasii, Gazella deperdita, Antidorcas Rothit, de Pikermi, en
Grèce,
et du Sud de l'Europe; Hippotragus Frasii, Ant. Jaegeri, etc., d'Allemagne.
On en a trouvé plus au Nord encore, en Angleterre
: Gazella anglica (Newton), du Pliocène de Norfolk. Les espèces découvertes
par Thomas dans le Pliocène d'Algérie indiquent
une faune beaucoup plus variée qu'à l'époque actuelle et comparable
à celle de l'Afrique australe : Palaeoreas Gaudryi, Antilope Tournoueri,
Gazella atlantica, etc. A la même époque vivaient en Italie les A. Massoni
de Forsyth Major et Palaeoryx Meneghinii de Rutimeyer.
En Asie,
le gisement des monts Siwaliks a fourni les espèces suivantes, qui indiquent
un mélange des formes asiatiques et africaines, ces dernières aujourd'hui
éteintes ou ayant émigré dans la région éthiopienne : Oreas latidens,
Palaeoryx sp., Portax namadicus, Gazella porrecticornis, Antilope sivalensis
et A. patulicarnis, Alcelaphus palaeindicus.
Quant aux espèces
d'Antilopes signalées dans les deux Amériques, elles appartiennent plutôt
au groupe des Antilocapres, ou au genre
Dicrocerus qui s'en rapproche beaucoup. Tel est le genre Cosoryx (Leidy)
de l'Amérique du Nord,
l'Antilope maquinensis de Lund et le genre Leptotherium, du même auteur,
ainsi que les Antilope argentina et Platatherium magnum d'Ameghino et H.
Gervais, tous du Miocène de l'Amérique méridionale.
(E. Trouessart). |
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