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Les
Autruches,
avec les Casoars, les Emeus,
les Nandous, les Aptéryx et quelques genres
actuellement éteints, tels que les Dinornis et les Aepyornis, constituent
l'ordre parfaitement tranché des Ratites (Paléognates). Ce
sont de très grands oiseaux qui mesurent
parfois plus de 2 m et demi de haut et qui pèsent jusqu'à
150 livres. Leur tête, relativement très petite, est portée
sur un cou très allongé, dont les dimensions sont en rapport
avec la hauteur des pattes. Celles-ci sont d'ailleurs très robustes
et se terminent par deux doigts seulement, dont un seul est pourvu d'un
ongle émoussé. Par ce caractère les Autruches diffèrent
des Casoars, qui ont aussi la partie antérieure du tarse garnie
de larges scutelles, mais chez lesquels le pied se termine par trois doigts
armés d'ongles robustes. Les Casoars ont d'ailleurs les ailes plus
complètement atrophiées que les Autruches, dont les rémiges,
au lieu d'être transformées en baguettes cornées, conservent
l'aspect ordinaire des plumes, mais, en raison de leur mollesse, sont complètement
impropres au vol.
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Autruche
(Struthio camelus).
Le bec des Autruches
est droit, obtus, arrondi à la pointe et fendu jusqu'au-dessous
de l'oeil. Sa longueur à peu près égale à celle
de la tête et dans la mandibule supérieure, qui est un peu
aplatie, les narines viennent s'ouvrir par deux fenêtres oblongues.
Chez les individus complètement adultes, la tête et la partie
supérieure du cou sont parsemées seulement de petites plumes
piliformes, qui laissent apercevoir la peau, colorée en rose vif,
en rose pâle ou en gris plombé, suivant les sexes et suivant
les espèces. La partie inférieure des jambes est également
dénudée, de même que le milieu de la poitrine, où
se trouve un espace calleux; mais tout le reste du corps est revêtu
de plumes lâches et crépelées, d'un noir profond chez
le mâle en plumage de noces, d'un brun noirâtre ou grisâtre
chez la femelle et chez les jeunes. Les grandes pennes des ailes et de
la queue se distinguent des autres par leur aspect floconneux et par leur
couleur : elles sont d'un blanc de neige chez le mâle adulte et d'un
blanc sale chez la femelle.
En disséquant
une Autruche on est frappé de la longueur du tube intestinal qui
vient se terminer dans un cloaque subdivisé en deux compartiments,
dont l'un remplit le rôle de réservoir urinaire. On constate
en outre qu'à la jonction des deux intestins s'implantent deux caecums
volumineux dont l'intérieur est garni d'une valvule spirale. La
langue est courte et susceptible de se recourber en cuiller à l'extrémité
pour laper le liquide nécessaire à l'organisme; le ventricule
succenturié, qui succède à un long tube oesophagien,
a ses parois criblées de pertuis correspondant à une multitude
de petites glandes et le gésier est muni de muscles puissants qui
lui permettent de triturer les substances les plus résistantes.
On a remarqué en effet que les Autruches vivant dans les jardins
zoologiques avalaient indifféremment, non seulement des matières
animales et végétales, mais encore des cailloux, des petits
morceaux de fer ou de verre, des boutons, et cela sans en être incommodées.
Comme on pouvait
s'y attendre d'après l'examen des parties extérieures de
l'aile, la charpente osseuse des membres antérieurs et les pièces
qui la supportent se trouvent singulièrement réduites chez
les Autruches; ainsi l'humérus est très faible et les os
de l'avant-bras, c.-à-d. le radius et le cubitus, équivalent
à peine en longueur au tiers de l'os du bras; le sternum est aplati,
comme chez tous les oiseaux coureurs, en un bouclier dépourvu de
carène et recouvrant incomplètement la cavité thoracique;
enfin les clavicules restent indépendantes
au lieu de se réunir sur la ligne médiane, de manière
à constituer cet os unique qu'on appelle vulgairement la fourchette.
Au contraire, la charpente du membre inférieur est très robuste,
comme chez tous les oiseaux spécialement organisés pour la
locomotion terrestre, et le bassin est assez développé pour
fournir de larges surfaces d'insertion aux muscles des pattes. Vers le
bout les lames iliaques se rejoignent et se soudent, en recouvrant les
apophyses épineuses de quelques vertèbres, et sur la ligne
médiane, par une disposition fort rare chez les oiseaux, il s'opère
une soudure entre les deux baguettes qui représentent les pubis
des mammifères. Le fémur est court, massif et en même
temps très léger, parce qu'il est creusé d'une cavité
dans laquelle l'air peut pénétrer; le tibia et le tarso-métatarsien
sont très allongés et le long de l'os canon, à côté
des deux métatarsiens qui correspondent aux deux seuls doigts qui
soient normalement développés on remarque une petite tige
représentant le doigt interne.
Les Autruches sont
douées d'une vue très perçante, mais elles ont l'ouïe
faible et manquent presque entièrement d'odorat; quant à
leur goût, il est si peu développé, qu'elles ne distinguent
pas toujours les substances nuisibles à leur santé. Par suite
de l'imperfection de leur larynx, elles ne peuvent émettre que des
sons gutturaux ou une sorte de rugissement en fermant l'entrée de
leur glotte, en gonflant leur cou et en faisant vibrer l'air contenu dans
leur trachée. Quand elles sont irritées, elles sifflent aussi
à la manière des Oies. Les Autruches,
et surtout les Autruches mâles dans la saison de reproduction, sont
d'ailleurs des oiseaux fort irascibles. Dans les jardins zoologiques on
les voit parfois se précipiter sur leurs gardiens, qu'elles cherchent
à frapper avec leurs pattes et auxquels elles peuvent infliger de
terribles blessures. A l'état sauvage, elles se nourrissent surtout
de végétaux; mais elles dévorent aussi volontiers
des insectes, des mollusques et de petits reptiles. Contrairement à
ce que l'on suppose généralement, elles n'habitent pas le
véritable désert, c. -à-d. les plaines sablonneuses
et brûlées par le soleil, mais les steppes et les oasis arrosées
par une source, et elles ne traversent les contrées arides que pour
se soustraire à quelque danger ou pour changer de cantonnement.
Leurs déplacements s'effectuent d'ailleurs avec une extrême
facilité, grâce à la puissance de leurs moyens de locomotion.
En temps ordinaire elles font déjà des pas de 1 à
2 m et quand elles sont poursuivies elles peuvent, dit-on, donner à
leurs enjambées une amplitude de 3 à 4 m. On conçoit
donc qu'elles puissent lutter de vitesse avec le meilleur cheval et que
leur chasse présente des difficultés exceptionnelles. Lorsqu'elles
courent, elles semblent à peine toucher le sol et filent comme l'éclair,
le cou étendu obliquement, les ailes soulevées et jouant
le rôle de balanciers.
Les Autruches sont
polygames et, dans la saison des amours, forment des petites troupes composées
d'un mâle et de trois ou quatre femelles. Celles-ci pondent toutes
ensemble dans le même nid, si toutefois on peut donner le nom de
nid à une simple excavation, creusée dans le sol et entourée
d'une sorte de remblai, dans laquelle sont déposés de dix
à quinze oeufs, aussi remarquables par leur aspect que par leur
volume. Ces oeufs affectent en effet une forme arrondie; ils ont une coquille
aussi polie que l'ivoire, et équivalent chacun à vingt-quatre
oeufs de poule. Loin d'être, comme on le dit trop souvent, complètement
abandonnée à l'action des rayons solaires, l'incubation se
fait dans des conditions à peu près normales. C'est seulement
sous les tropiques que les Autruches se décident à abandonner
de temps en temps leurs oeufs, qu'elles ont d'ailleurs le soin de recouvrir
de sable et de confier à la garde d'un des membres de la colonie,
et dans l'Afrique centrale les femelles et les mâles couvent presque
sans relâche et défendent le nid avec la plus grande vigilance
contre les entreprises des reptiles et des carnassiers. Les petits, qui
sortent de l'oeuf au bout de cinq ou six semaines, sont presque immédiatement
capables de pourvoir à leur subsistance. Ils sont d'abord revêtus
d'un duvet jaunâtre ou roussâtre, maculé ou rayé
de brun foncé et parsemé de tuyaux cornés, d'où
émergent des barbes et des barbules accompagnées de quelques
lames élargies en spatule. Plus tard ils prennent une livrée
grise et à trois ans ils atteignent toute leur taille et revêtent
le costume caractéristique de leur espèce.
Les Autruches, qui
constituent le genre Struthio L., habitent la plus grande partie du continent
africain et ne se rencontrent dans aucune autre partie du monde : elles
se répartissent en deux espèces, dont l'une Struthio camelus
L, est connue depuis fort longtemps, tandis que l'autre, Struthio molybdophanes,
a été décrite par Reichenow. Cette dernière,
qui se distingue par la teinte plombée des parties nues de sa tête,
de son cou et de ses pattes, habite la omalie, tandis que l'autre est beaucoup
plus largement répandue. (E. Oustalet). |
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