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La Voie Lactée
notre Galaxie

Aperçu
La Voie lactée est la galaxie dans laquelle se situe le Système solaire, et on la désigne couramment comme la Galaxie, avec un G majuscule. Notre position en son sein nous la fait voir par la tranche sous la forme d'une large bande laiteuse, aux contours irréguliers et aux bords légèrement fendus, qu'on aperçoit dans le ciel, lorsque la nuit est sereine, appuyant toujours ses deux extrémités, telle une immense arche de matière lumineuse, sur deux points opposés de l'horizon.
Appelée Galaxie (de gala = lait) par les Grecs, via Lacta par les Romains, elle devait son origine, d'après la mythologie ancienne, à quelques gouttes de lait qu'Hercule, à qui Junon, apaisée par Minerve, avait consenti à donner le sein, en fit jaillir en la mordant. D'autres poètes font de la Voie lactée le sillage enflammé laissé par Phaéton dans sa course désordonnée à travers le ciel sur le char du Soleil, ou encore, comme Ovide, le chemin des Dieux, la voie de l'Immortalité, qui conduisait les héros au palais de Jupiter. Les Arabes lui donnaient le nom de fleuve céleste.

D'après une croyance constatée dans un grand nombre de pays, en France et en Wallonie, la Voie lactée est un chemin; comme le remarque Sébillot, des idées qui souvent touchent à la religion ou à la mythologie sont en relation avec cette partie du ciel. Son nom le plus commun dans l'Europe catholique est celui de « Chemin de Saint-Jacques », que l'on retrouve un peu partout avec la forme de langage particulière à chaque pays : dans la Flandre française c'est le « Kemin saint Jacques », li Voi sin Djâk' en Wallonie, Camin de Sant Jaque dans le Midi, Cami de San Tsaquès en Quercy, Camin de San Giachimo à Menton, le « Pas de saint Jacques » à Guernesey, le Tsemein de Sein Dzâquet dans la Tarentaise, le Hent sant Jakez en Basse-Bretagne. Dans le Morbihan, son nom de « Chemin d'Espagne » fait aussi allusion au pèlerinage de Saint-Jacques en Galice.

On avait cru dans l'Antiquité, que la voie lactée est la route des âmes qui quittent le monde; dans les légendes du Moyen âge, le chemin de Saint-Jacques fut aussi regardé comme la voie de l'éternité. C'est à cette conception que se rattachent les noms de : la Vallée de Josaphat en Ille-et-Vilaine, Traonienn Josafat, en Basse-Bretagne, où on l'appelle aussi Hent gwenn ann env, le Chemin blanc du ciel, et Hent gwenn, le chemin blanc; en Hainant, c'est le chemin dou diâl, chemin du diable. Le nom de li Tchâssèy romin-n, la chaussée romaine, qu'elle porte en Wallonie, est expliqué par une légende; le diable, ayant entrepris de la faire en une nuit, fut interrompu

Les présomptions des astronomes touchant sa véritable constitution sont longtemps, du reste, demeurées des plus vagues. Aristote la regardait encore comme un météore. Pourtant Démocrite, qui vivait quatre siècles avant notre ère, enseignait qu'elle devait être un amas d'étoiles trop petites et trop pressées pour pouvoir être discernées. Les recherches télescopiques et, principalement, les travaux de Galilée puis de William Herschel ont confirmé de tout point l'hypothèse du célèbre philosophe. Cela ne signifie pas pour autant que la structure véritable de la Galaxie ait été découverte aussi facilement. C'est seulement au XXe siècle, au prix de nombreux efforts, et de quelques controverses mémorables, connues sous le nom de Grand Débat (période comprise entre 1920 et 1935), que les astronomes ont pu reconnaître dans la Voie lactée une galaxie parmi d'autres.

Carte d'identité de notre Galaxie

La Voie lactée est une galaxie spirale barrée dont le bulbe est relativement petit et les bras très ouverts (type SBc). Sa structure exacte est en fait difficile à connaître du fait de notre position à l'intérieur du disque.

Composition
On rencontre dans la Voie lactée les deux grandes populations classiques d'étoiles, auxquelles on adjoint une population dite intermédiaire :
La population I se rencontre concentrée dans des amas ouverts et des associations OB, qui eux-mêmes se situent dans les bras spiraux.

La population intermédiaire, en fait une population I d'âge plus avancé, se situe plus dispersée sur le disque.

La population II se rencontre principalement dans le sphéroïde et le bulbe; dans le halo, elle est soit très très dispersée, soit (1% des étoiles du halo) concentrée dans des amas globulaires.

Âge
Les étoiles de population I viennent, pour certaines d'être tout juste formées (on parle alors aussi de population I extrême) et en moyenne, on pourrait donner à ces étoiles quelque chose comme 10 à 100 millions d'années. Les étoiles de la population intermédiaire ont, au plus l'âge du disque, soit environ 9 à 10 milliards d'années. Les plus vieilles étoiles (population II) datent de la formation de la Voie lactée et ont environ 12 à 13 milliards d'années.
Dimensions
Le disque stellaire, dans lequel ce concentre aussi l'essentiel de la matière interstellaire (10% de la masse lumineuse totale), a un diamètre d'environ 70 000 années-lumière; le gaz qui prolonge ce disque s'étend jusqu'à 100 000 années-lumière. La région dans laquelle circule le Système solaire se situe à environ 24 500 années-lumière du centre galactique.
Masse
Si on la compare aux autres galaxies spirales, notre Galaxie apparaît relativement grosse. Avec une masse lumineuse équivalente à 400 milliards soleils, elle est la plus massive (ci ce n'est la plus étendue) de la trentaine de galaxies que comporte le Groupe Local. Cette masse lumineuse représente cependant peu de chose en définitive, puisque la masse totale de la Voie lactée, déduite de sa courbe de rotation est dix foix supérieure. Comme les autres galaxies spirales, la Voie lactée est donc d'abord une vaste condensation de matière sombre.
Satellites
La Voie lactée est, avec la galaxie d'Andromède, l'autre poids lourd du Groupe local. Chacune est accompagnée d'un cortège de galaxies, qui sont leurs satellites. Les plus importants satellites de la Voie lactée sont le Petit et le Grand Nuage de Magellan.
Rotation La période de révolution des astres autour du centre galactique est variable selon leur distance à celui-ci. Pour le Soleil, situé à environ 24 500 années-lumière du centre galactique, la durée d'une révolution se situe autour de 230 millions d'années. Ce qui signifie que notre Système solaire, vieux de 4,6 milliards d'années, a accompli une vingtaine de tours complets depuis sa formation.
Les grandes régions de la Galaxie

On distingue dans la Voie lactée trois régions principales. Au centre, un gros renflement, le bulbe, est constitué surtout des étoiles vieilles. Celui-ci recèle dans ses tréfonds un objet compact de forte masse, qui pourrait être un trou noir géant. Le bulbe est prolongé par le disque galactique proprement dit. Là, se concentrent pratiquement tous les nuages de gaz, ainsi que les étoiles les plus jeunes. Le disque se signale aussi par la présence de quatre structures enroulées en rotation lente, les bras spiraux. Le halo, enfin, rassemble dans un espace sphérique les étoiles les plus vieilles. La plupart d'entre elles se rassemblent dans des groupes serrés et riches, les amas globulaires, dont chacun peut compter plusieurs centaines de milliers astres. Le halo contient aussi une composante de nature inconnue, indétectable directement : la matière sombre.

La ZOA - A cause des concentrations de poussières qui obscurcissent la vue, seule une petite portion, de la Voie lactée est accessible à l'observation directe dans le domaine visible du spectre. Cette petite portion permet de définir une zone proche de nous, le voisinage solaire, ainsi qu'une autre zone, difficile d'accès, la ZOA (= Zone of Avoidance), zone d'évitement ou zone aveugle, accessible seulement à des longueurs d'ondes spécifiques (certaines parties du spectre infrarouge, domaine radio, principalement). Le bulbe, le centre galactique, et une grande partie du disque de la Voie lactée se situent dans la ZOA. Mais, au-delà, une grande région de l'espace cosmique est elle aussi masquée : on y a notamment découvert ces dernières décennies des galaxies proches, appartenant au Groupe Local, et des galaxies plus lointaines semblant appartenir à cette grande structure de l'univers local connue sous le nom de Grand Attracteur (dans la directiuon de l'Hydre).

Les principales régions de la Voie lactée.
(Image reconstituée à partir des données recueillies par le satellite Cobe).

Le disque

Le disque est une structure très plate qui concentre la plupart des étoiles jeunes de la Galaxie. Le disque renferme très peu de matière sombre (moins de 10% de sa masse). Le disque ne suit pas exactement le plan équatorial de la Galaxie, il est déformé et s'en écarte parfois sensiblement. Cette inflexion, appelée warp, est expliquée par les effets de marée induits par d'autres galaxies proches, satellites de la Voie lactée, à commencer par le Grand Nuage de Magellan.

Structure verticale.
On y distingue plusieurs régions qui prennent en sandwich le plan galactique (ou tout au moins la surface médiane du disque) : 

Disque fin - Cette structure qui est celle qui est la plus proche du plan équatorial de la Galaxie a environ 1500 à 2000 années-lumière d'épaisseur. C'est la région dans laquelle se concentre l'immense majorité des étoiles jeunes, le plus souvent rassemblées en amas ouverts. C'est aussi dans cette région, mais cette fois sur seulement 100 à 200 années-lumière d'épaisseur, que se concentrent les nuages moléculaires géants, et leurs poussières.

Disque épais - Cette structure, épaisse de plus de 10 000 années-lumière, peut se comprendre comme le résultat de la dispersion progressive au fil du temps des étoiles formées dans le disque fin, qu'elle prend en sandwich. On y rencontre encore des étoiles relativement jeunes (population I), mais déjà plus évoluées, et qui ont le plus souvent perdu tout lien avec leurs origines. Notre Soleil, bien qu'il soit actuellement assez proche du plan galactique (environ 60 années-lumière au Nord de celui-ci) appartient à cette population. Le disque épais contient de l'hydrogène atomique sous forme diffuse (couche de Reynolds). Celui-ci s'étend très au-delà du disque stellaire proprement dit (diamètre de 70 000 années-lumière, tout au plus), et forme une galette de 100 000 années-lumière de diamètre environ.

On ajoutera que des naines blanches en déplacement rapide ont été identifiées ces dernières années, dont la distance est mal connue, mais que les astronomes situent soient dans le halo, soit à la périphérie du disque. Le statut et la localisation exacte de ces objets est encore discutée, mais s'il s'avère qu'elles se situent en bordure du disque, elles pourraient être les représentantes d'une composante supplémentaire : le disque extrême.
Carte de la Voie Lactée.
La Voie lactée reconstituée à l'aide des données reccueillies par le télescope spatial Spitzer.
(Vue d'artiste; source : NASA / JPL-Caltech / R. Hurt (SSC Caltech).
La barre et les bras spiraux
Notre Galaxie possède une barre et au moins quatre bras spiraux. Deux avaient été identifiés, dès 1951 par William Morgan. Mais la réalité de la structure à quatre bras a été définitivement établie, en 1976, par Yvon et Yvonne Georgelin, à l'observatoire de Marseille, à partir de l'étude de la distribution des régions HII géantes (gaz ionisé par des étoiles chaudes). La même structure est révélée par l'hydrogène neutre (raie à 21 cm). Ce schéma, qui reste la base de la compréhension actuelle de la structure du disque galactique, s'est ensuite quelque peu compliqué.

Il est apparu ainsi que la Voie lactée possède également une barre. Celle-ci prolonge le bulbe et fait encore sentir ses effets, semble-t-il, à la hauteur de l'orbite solaire. Sa partie principale cependant pourrait ne pas dépasser un rayon de 3 kiloparsecs, ou 10 000 années-lumière du centre. Distance à laquelle on identifie un bras spiral (le bras à 3 kpc), qui pourrait être plutôt un grand anneau de gaz en expansion, comme ceux que l'on observe dans les régions internes d'autres galaxies.

La barre, selon certains auteurs, donnerait naissance à deux bras spiraux principaux (le Bras interne de Norma et le Bras spiral majeur), qui la prolongeraient à chacune de ces extrémités. Et c'est seulement à partir d'une vingtaine de milliers d'années-lumière du centre que ces bras se scinderaient (l'un pour donner naissance au Bras intermédiaire, l'autre au bras externe de Persée), pour former les quatre bras traditionnellement reconnus.

Enfin, on a identifié à la périphérie du disque, d'une part une structure annulaire composée d'étoiles, et d'autre part un bras composé d'hydrogène neutre :

La première structure, connue sous le nom de Bras externe du Cygne, ou de Bras externe tout court, pourrait éventuellement se rattacher au Bras de Persée, dont il serait une émanation, le bordant sur une très grande longueur, mais il pourrait aussi correspondre plus certainement à la superposition des régions les plus extérieures des quatre bras principaux.
Quant au bras d'hydrogène, il a été identifié seulement en 2004 à la périphérie du disque galactique. Ce nouveau bras externe de la Galaxie dessine un arc d'environ 70 ° et se situe entre  60 000 et 80 000 années-lumière du centre. Cette structure, détachée très légèrement dans l'hémisphère sud de la Voie lactée se signale par une surdensité en hydrogène neutre. Son épaisseur est de l'ordre de 3000 à 5000 années-lumière sur pratiquement toute sa longueur. 
Très mal connus dans notre Galaxie, mais bien identifiés dans d'autresgalaxies spirales (un bon exemple étant ici M 83, dans l'Hydre), les bras d'hydrogène neutre qui structurent leur disque de gaz s'étendent toujours beaucoup plus loin que les bras composés d'étoiles. Celui qui vient d'être découvert dans la Voie lactée, et qui borde pratiquement le disque de gaz, semble lui aussi dans le prolongement du bras externe de Persée, à moins qu'il ne constitue une extension de celui Cygne. Reste encore à savoir quels sont ses liens exacts avec ces derniers, tant la topographie de notre Voie lactée, on le voit, reste énigmatique.

Bras observés avec une superposition
à une structure galactique théorique.
(Source : McClure-Griffiths et al., astro-ph/0404448).

A cette complication globale de la structure spirale, s'en ajoute une seconde, plus locale, et qui est une source d'ambiguités nombreuses : les bras spiraux ne sont pas identifiables dans toute leur continuité, et ne sont d'ailleurs pas nécessairement continus. On en découvre ici et là des portions, que l'on appelle aussi souvent des bras. Certaines de ces portions se présentent comme des excroissances, des éperons, des bras principaux. Si bien qu'au total, que parler d'une structure à quatre bras spiraux, consiste simplement à envisager la structure réelle de la Galaxie au travers d'une première grille de déchiffrement, qui n'en exclut pas d'autres plus fines.


Vue du disque de la Voie lactée et de ses bras.
(Source: Amherst Astronomy Association).

Les astronomes ont donné aux bras ou aux portions de bras les noms de la constellation dans laquelle ont les identifie le mieux (souvent, il s'agit de la portion qui est la plus proche de nous). Parfois des noms alternatifs existent, et un même bras, à l'image d'une longue rue, peut avoir des noms différents selon la portion considérée. Les paragraphes qui suivent sont destinés à y voir un peu plus clair.

Bras interne de Norma (Règle) - Ce bras démarre directement à l'un des extrémités de la barre (celle qui est la plus proche du Soleil), et se développe ensuite pour l'essentiel à l'opposé (par rapport à nous) du centre galactique.

Bras Ecu-Croix ou Bras intermédiaire - Ce bras, dans lequel on distingue parfois deux segments, le Bras de l'Ecu et Bras de la Croix, se déroule entre le bras interne et le bras spiral majeur, dont il pourrait être une longue émanation.

Bras spiral majeur ou Bras Sagittaire-Carène. - Ce bras est le pendant du bras interne de Norma. Il se détache de la barre à son extrémité opposée (celle qui est aussi la plus éloignée de nous), et passe dans le voisinage solaire dans les constellations de l'été boréal (hiver austral) : Sagittaire, Scorpion, Carène, etc. C'est donc ce bras que l'on distingue principalement aux saisons correspondantes sous forme de traînée laiteuse dans ces constellations. En font partie des amas ouverts tels que M 11 et M 26, tous deux dans l'Ecu, ou encore des nébuleuses brillantes du Sagittaire, telles que Trifide, et la Nébuleuse du Lagon, ou encore les beaux objets de la Carène (NGC 3372, NGC 3603, les Pléiades australes, etc).
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NGC 3372.
Région centrale de  NGC 3372
Source : The STScI Digitized Sky Surveycompositage : Imago Mundi, © 2011.
 
On peut reconnaître plusieurs segments à ce bras : le bras du Sagittaire et le bras de la Carène, mais aussi une excroissance, au bord de laquelle se situe le Soleil, le Bras local.
Le Bras local ou Éperon d'Orion - Ce bras, qui se développe pour une grande part dans le voisinage solaire, semble se détacher du bras majeur à une vingtaine de milliers d'années-lumière de nous dans une direction qui pointe vers les tréfonds du Cygne, de l'Aigle et de la Flèche. Il se déroule ensuite vers l'extérieur de la Galaxie, pour devenir le plus apparent dans la direction d'Orion, constellation de laquelle il tire l'un de ses noms (on parle aussi de bras d'Orion). C'est ce bras qui, placé pour nous à l'opposé du bras majeur, dessine pour l'essentiel le tracé de la Voie lactée dans le ciel de l'hiver boréal ou de l'été austral. En font partie, la Nébuleuse d'Orion, mais aussi les étoiles brillantes de cette constellation, ainsi que celles du Petit Chien et du Grand Chien, notamment.
Bras externe de Persée - Ce bras, dont la partie la plus proche se situe à 6400 années-lumière de nous (d'après les mesures du VLBA publiées en décembre 2005), est en quelque sorte le symétrique du Bras intermédiaire, et joue par rapport au bras majeur un rôle analogue à celui joué par le bras intermédiaire par rapport au bras interne de Norma. Il se détache du bras majeur pratiquement à l'opposé du Soleil par rapport au centre galactique, poursuit son tracé entre le bras majeur et la partie externe du bras de Norma, puis contourne l'extérieur de la Galaxie, pour venir courir, par rapport à nous, "derrière" le Bras Local. On citera parmi les objets facilement observables qui appartiennent à ce bras : l'amas double de Persée, M 52, dans Cassiopée, et plus généralement la foule d'amas ouverts situés entre ces deux extrêmes.
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Quand la Galaxie menait une vie de patachone...

L'étude des mouvements (ainsi que de diverses caractéristiques spectrales)  d'un tout premier échantillon complet de de 14 139 étoiles n'a été achvée qu'en 2004. Elle révèle le passé agité et complexe de notre Voie lactée depuis sa formation. 

Mille nuits d'observation réparties sur quinze années auront été nécessaires à trois télescopes pour déterminer le mouvement dans l'espace de ce riche échantillon d'étoiles, toutes semblables au Soleil (étoiles de la séquence principale des types F et G), et situées dans son voisinage. 

Résultat : la représentation inédite des tourments qui ont agité le disque de notre Galaxie au cours d'une histoire chaotique et turbulente, dominée par le grand brassage dû à la rotation des bras spiraux aux perturbations par les nuages moléculaires géants, mais aussi toute tissée d'explosions de supernovae, de collisions avec d'autres petites galaxies (finalement disloquées par la nôtre et absorbées), de chutes d'énormes masses de gaz (HVCs) depuis le halo...

B. Nordström, M. Mayor et al., The Geneva-Copenhagen survey of the Solar neighbourhood, Ages, metallicities, and kinematic properties of 14 000 F and G dwarfs, in Astronomy & Astrophysics, 2004.
Le bulbe
Le bulbe correspond à la région centrale et dense de la composante sphéroïdale de la Galaxie. C'est un ellipsoïde composé d'étoiles de population II (sauf dans sa région la plus centrale), dont le diamètre équatorial est d'une quinzaine de milliers d'années lumière. Placé au coeur même de la ZOA, cette région est pratiquement inaccessible à l'observation dans le domaine visible à cause de l'interception de cette lumière par les poussières concentrées à proximité du plan du disque galactique. Quelques étroites trouées existent cependant, telles la fenêtre de Baade, qui laissent en percevoir de petites portions périphériques. 
Le centre galactique*
Le centre de la Voie lactée, situé à 26 000 années-lumière du Système solaire dans la direction du Sagittaire, est, lui, enfoui au coeur du bulbe, derrière trop de poussières pour être ne serait-ce qu'entraperçu. Même à des longueurs d'onde (infrarouge, radio...) capables d'en fournir une image un certain flou demeure.

En dépit de cela, la géographie des régions centrales de notre Galaxie commence désormais à être bien connue. Sur une distance de trois ou quatre années-lumière (l'intervalle qui sépare le Soleil de l'étoile la plus proche), quantité d'arcs, de filaments, de nodules divers, et de rémanents de supernovae (SNR) sont identifiables. Ils se répartissent eux aussi le long de plan galactique.

Le centre de masse proprement dit de la Galaxie se trouve au centre de la zone brillante Sgr A, et a été baptisé Sgr A*. Les déplacements du gaz et des étoiles qui l'environnement ont permis d'y déduire la présence d'une masse considérable, concentrée dans un espace inférieur à quelques mois-lumière. Le candidat le plus communément cité est un trou noir géant de 2,6 millions de masses solaires.

Le Centre galactique abrite également deux des plus riches amas ouverts de la Voie lactée (celui des Arches et celui du Quintuplet). Chacun a une masse de l'ordre de 10 000 fois celle du Soleil. L'un et l'autre seront rapidement disloqués par les effets de marées

Le sphéroïde
Le sphéroïde ou halo stellaire, partie externe de la composante sphéroïdale de la Voie lactée, est beaucoup moins densément peuplé que le bulbe. On y rencontre ici encore des étoiles de population II, qui se signalent par des mouvements propres élevés, ainsi que des amas globulaires (1% des étoiles du halo), distribués symétriquement autour de la Voie lactée, dans un volume sensiblement sphérique de 100 000 années lumière de diamètre, environ. 
Les invités
Les galaxies cannibalisées - Le halo renferme d'autres objets, à commencer par deux galaxies naines sphéroïdales, la Naine du Sagittaire, située par rapport à nous de l'autre côté de la Galaxie, et qui s'apprête à en traverser le disque, et la Naine du Grand Chien, plus proche encore, et même cet étrange objet, nommé Complexe H, que l'on pensait être une nuage à grande vitesse (ci-dessous) situé à la périphérie de la Voie Lactée, et que l'on a reconnu en 2003 comme une petite galaxie satellite de la nôtre. Tous ces objets sont actuellement en train d'être absorbés par la Voie lactée. La gravitation de notre Galaxie les démantèle progressivement et les étoiles qui leur sont arrachées se dispersent dans le halo, mais on peu en suivre la trace sous la forme de longues traînées d'étoiles, appelées des courants fantômes. Plusieurs amas globulaires, aujourd'hui capturés par la Voie lactée semblent également avoir été arrachés à la Naine du Sagittaire (entre autres M 54). Un autre objet, souvent classé parmi les amas globulaires, semble également correspondre à la partie centrale d'une galaxie capturée et dépouillée de son disque, il s'agit d'Omega Centauri (dans la constellation du Centaure).
Les Nuages à grande vitesse - D'autres objets, enfin, dont le statut est encore discuté peuplent le halo ou sa périphérie. Il s'agit de concentrations d'hydrogène dont les vitesses sont trop importantes pour pouvoir être considérées comme relevant d'un mouvement de révolution autour de la Galaxie. Ces nuages à grande vitesse ou HVCs (= High velocity clouds) pourraient, pour certains d'entre eux, correspondre à de la matière éjectée hors de la Voie lactée par les processus violents qui s'y déroulent (explosions de supernovae). On parle alors de fontaines galactiques. Il pourrait aussi s'agir, pour certains autres, de masses gazeuses "primordiales" appartenant au Groupe Local, et qui seraient comme les résidus inutilisés de la formation des galaxies (le complexe H?). Les HVCs pourraient dans ce cas fournir l'explication d'une des énigmes des modèles de formation des galaxies, à base de matière sombre froide, et qui prévoient la formation de davantage de galaxies naines (Les galaxies elliptiques) que celles que l'on observe. On ne les observerait donc pas, parce qu'elles n'auraient pas encore eu le temps de former des étoiles, et qu'elles seraient encore à l'état de nuages...
Le sphéroïde pourrait se prolonger par une structure supplémentaire, la couronne, à laquelle on donne un diamètre de 600 000 années-lumières, et dans lequel sont donc plongées aussi six galaxies satellites de la Voie lactée, ainsi que quelques amas globulaires lointains. Cette région très étendue et aux contours mal définis occupe en fait l'espace qui est aussi dévolu à la matière sombre, ce halo sombre, qui concourt pour 9/10 à la masse de la Galaxie. 
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La débandade des Machos

Pour l'instant, personne ne sait dire de quoi est constituée exactement la matière sombre. Et comme pour compliquer encore la situation, cette obscure composante qui se pose en constituant matériel majoritaire de l'univers, pourrait relever de problématiques très différentes selon qu'on l'a considère à l'échelle des amas de galaxies et des grandes structures ou à celle des galaxies elles-mêmes.

Ainsi, pour expliquer la matière sombre galactique, celle qui est supposée peupler le halo et expliquer la courbe de rotation des galaxies spirales, les astronomes ont envisagé qu'il puisse s'agir la plupart du temps d'astres composés de matière ordinaire, mais peu lumineux, ou issus de tels astres et devenus des trous noirs. Ces objets, sont connus sous le nom de Machos (= Massive compact halo objects).

Parmi les candidats proposés, on a donc invoqué une nuée de trous noirs, reliquats présumés laissés par l'explosion des toutes premières étoiles, ou même trous noirs primordiaux formés lors du big bang; on a également envisagé qu'il puisse s'agir de naines blanches (celles qui ont été découvertes ces dernières années dans le halo, ou dans le prolongement du disque épais, que l'a mentionnées plus haut, ont entretenu cet espoir), de naines brunes, ou même de petits nuages compacts et froids.

Pour en être sûr, plusieurs programmes d'études (nommés Ogle, Macho, Eros, etc.) ont été mis sur pied à la fin des années 1990, reposant sur la recherche d'effets de microlentille gravitationnelle. Un tel phénomène, abordé dans le cadre de la théorie de la gravitation d'Einstein, correspond à l'amplification de la lumière d'une étoile attendue lorsqu'un corps compact (et indécelable directement) s'interpose dans la ligne de visée de ladite étoile.

Le sondage du halo de la Voie lactée s'est effectué en suivant, par des mesures automatiques, l'évolution d'éclat des millions d'étoiles dans les Nuages de Magellan. D'autres recherches similaires ont également été conduites en direction du bulbe galactique, du bras de Persée et même de la galaxie d'Andromède. Le bilan de tous ces travaux s'est avéré très intéressant, puisqu'en ne constatant que très peu de microlentilles, une borne supérieure à la contribution des Machos a pu être avancée. Ceux-ci ne semblent pas en mesure d'expliquer plus de dix pour cent de la masse sombre du halo. Autrement dit, l'essentiel de la matière sombre est représenté par de la matière exotique - par des particules qui n'ont jamais été détectées par les physiciens, mais dont certaines de leurs théories prévoient l'existence…

Le voisinage solaire

On désigne sous le nom de voisinage solaire la région de la Galaxie accessible à l'observation dans le domaine visible. Une définition un peu vague, mais qui correspond à une zone grossièrement sphérique, d'un diamètre d'environ 2000 à 3000 années-lumière. Dans le plan galactique l'horizon qui en marque la limite, est formé par les poussières opaques; perperpendiculairement au plan de la Voie lactée, la vue peut se prolonger quasiment indéfiniment dans l'espace intergalactique. Mais les étoiles de la galaxie deviennent rapidement assez rares, et l'on quitte très vite les populations stellaires appartenant au disque pour ne rencontrer que des étoiles du halo.


Le Voisinage solaire et la Ceinture de Gould.
La structure la plus remarquable de notre province galactique est constituée par un chapelet d'amas ouverts et d'associations stellaires (Lézard OB1, Persée OB2, etc.) qui forment une grande ellipse autour du Soleil, inclinée d'environ 18° par rapport au plan galactique, et d'un rayon moyen de l'ordre de 2000 années-lumière. L'existence de cette ceinture, déjà soupçonnée au milieu du XIXe siècle par John Herschel, a été confirmée quelques décennies plus tard par l'astronome Benjamin Gould, qui lui a donné son nom.

L'origine de cette structure pourrait se situer il y a cinq cents millions d'années, avec la traversée du bras spiral majeur par un gros nuage moléculaire. Selon ce scénario, cette traversée déstabilise le nuage et y met en branle un processus de formation stellaire, au cours duquel naissent quelques étoiles massives, qui vont bientôt exploser, déstabilisant ainsi d'autres portions de nuages autour d'elles, qui donneront naissance à quelques amas stellaires actuellement proches de nous, tels que les Pléiades (au centre d'une association très étendue qui compte aussi l'amas ouvert Melotte 20). De proche en proche de nouvelles formations stellaires ont lieu ainsi sur le périmètre d'un cercle, un peu plus grand à chaque génération. La rotation différentielle de la Galaxie déforme ce cercle et le transforme en ellipse, mais les derniers groupes d'étoiles formés continuent d'exprimer la poursuite du processus, qui consomme la matière interstellaire présente et creuse l'espace qui sépare le Bras majeur et l'Éperon d'Orion. Cette activité qui se manifeste actuellement avec une certaine vigueur dans les régions d'Orion et du Sagittaire, explique que ce soit aussi dans ces régions que l'on observe les plus belles nébuleuses diffuses.

Le Soleil, beaucoup plus vieux que cette structure n'en fait pas partie. Sa course autour de la Galaxie l'a fait aborder ce secteur il y a une vingtaine de millions d'années, et, se trouvant à peu près au centre de l'ellipse (traversant actuellement le courant d'étoiles de la Grande Ourse, tout aussi par hasard), il devrait quitter cette province dans un délai similaire.

La Bulle locale - L'histoire complexe de l'actuel voisinage solaire a impliqué l'explosion de nombreuses supernovae. Celles-ci ont soufflé dans l'espace interstellaire un gaz très dilué et très chaud (plusieurs millions de degrés) qui empli un grand volume à l'intérieur de la ceinture de Gould, et dans lequel est immergé le Système solaire. Cette cavité, aux contours eux aussi assez compliqués est appelée la Bulle locale. Ce n'est pas non plus un milieu homogène. En explosant, les supernovae repoussent aussi le gaz plus froid qui les environne, et le compriment pour former de petits nuages. Le Soleil est d'ailleurs actuellement en train de traverser un de ces petits nuages (le Nuage Local), lui-même appartenant à un petit groupe de nuages (le Duvet local...), soufflés depuis les régions actives du Centaure.


Bulle locale. Structure du milieu interstellaire
dans le voisinage solaire.
(Source : Priscilla Frisch).

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