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La Révolution française
Les guerres de la Révolution
Aperçu Causes Constituante Législative Convention Directoire
Après la proclamation de la république, en septembre 1792, la France s'est trouvée engagée avec les monarchies européennes dans une série de guerres qui se poursuivront pendant le Consulat, et qui préfiguent celles de l'Empire. Les pages générales consacrées à la Révolution exposent les arrières-plans politiques de ces conflits jusqu'en 1799. On se contentera ici d'indiquer la chronologie des opérations militaires. Des développements supplémentaires seront consacrés, dans les pages de la biographie de Napoléon Bonaparte, à la Campagne d'Italie et à la Campagne d'Egypte.

Campagne de 1792

Les opération dans le Nord et en Allemagne.
La réponse à la déclaration de Pilnitz, l'Assemblée législative ordonna la formation de quatre armées : armée du Nord avec Rochambeau, armée du Centre avec La Fayette, armée du Rhin avec Luckner, armée des Alpes avec Montesquiou. Le 20 avril 1792, elle déclara la guerre au roi de Hongrie et de Bohême, c'est-à-dire à l'Autriche, et Dumouriez, ministre des Affaires étrangères, fit aussitôt envahir la Belgique. Mais une panique arrêta l'invasion et il n'y eut plus, entre Dunkerque et Bâle, que deux armées : celle du Nord avec La Fayette, à l'abri des places frontières, et celle du Centre avec Luckner.

Les Autrichiens, pourtant en force dans les Pays-Bas, ne savent pas profiter de ce désarroi. Ils attendent l'entrée en campagne des Prussiens, commandés par Brunswick, dont l'insolent manifeste exaspéra la Révolution. Dumouriez, qui a remplacé La Fayette, voudrait reprendre aussitôt l'offensive, mais les Prussiens sont inquiétants ; maîtres de Longwy et de Verdun, ils ont franchi l'Argonne (15 septembre 1792) et ils marchent sur Parispar Châlons. Dumouriez accourt, tandis que les Autrichiens s'immobilisent devant les places fortes du Nord, dont ils font le siège. Il concentre ses forces disponibles vers Sainte-Menehould, et Brunswick, qui craint pour ses communications, vient l'attaquer à Valmy (20 septembre). Après avoir subi une canonnade, d'ailleurs peu meurtrière, et une brillante charge d'infanterie, le général prussien se retire vers la frontière, mollement poursuivi par Kellermann. Custine, successeur de Luckner, qui s'est emparé de Worms, Spire, Mayence, et qui aurait pu le mettre en danger en occupant Coblence, préfère marcher sur la riche cité de Francfort-sur-le-Mein, où il s'établit à la fin d'octobre.

Débarrassé des Prussiens, Dumouriez ramène vers le Nord les troupes qu'il en a tirées pour repousser l'invasion et se prépare à pénétrer en Belgique. Le duc de Saxe-Teschen, qui assiégeait Lille, est effrayé par les groupements des forces françaises ; il repasse la frontière et, jugeant la saison assez avancée, il prend ses quartiers d'hiver dans les Pays-Bas. Dumouriez le laisse s'y installer et, quand les troupes ennemies sont suffisamment disséminées, il entre en Belgique avec le gros de ses forces. Les Autrichiens surpris se concentrent en toute hâte : Dumouriez leur livre, à Jemmapes (6 novembre), une bataille qui les contraint à repasser la Meuse. L'armée française occupe tranquillement le pays jusqu'à ce fleuve; les Autrichiens y gardent cependant Maëstricht comme une tête de pont, que Dumouriez fait assiéger par Miranda.

Théâtres secondaires.
Tandis que Dumouriez opère en Belgique, Kellermann, à qui a été confiée la poursuite de Brunswick, a vu fondre son armée par suite des désertions ou le départ des volontaires. Il s'arrête dans la région de Sarrelouis et il est destitué pour sa mollesse. Beurnonville, qui lui succède, fait sans succès une démonstration vers Trèves et prend ses quartiers d'hiver sur la Sarre.

A la frontière du Sud-Est, Montesquiou a occupé sans résistance la Savoie, et son lieutenant Anselme le comté de Nice.

Campagne de 1793

La guerre en Belgique.
En quelques mois, la France, attaquée par des armées aguerries, a pu passer à l'offensive ; ses conquêtes sont importantes, et ses adversaires paraissent découragés. Mais dès que la Convention s'est déclarée en état de guerre avec l'Angleterre ( février 1793 ), celle-ci élargit la coalition, prodigue les subsides : sauf sur les frontières de la Suisse, la France est entourée d'ennemis; heureusement, ils ne s'entendent pas, et le duc de Saxe-Cobourg, leur généralissime, dans le Nord, a peu d'autorité. Pendant qu'ils s'attardent à faire des diversions et à soutenir les insurgés du Lyonnais et du Midi, Dumouriez a projeté d'envahir la Hollande : le duc de Saxe-Cobourg le prévient, réussit à faire lever le siège de Maëstricht, refoule Miranda et Valence jusqu'à Louvain. Dumouriez était déjà sur le Biesboch : il accourt, rallie les troupes de ses lieutenants et offre aux Autrichiens la bataille de Nerwinden (18 mars). Battu, il rend la Convention responsable de son échec, tente en vain un coup d'État et se réfugie chez l'ennemi. Cependant Custine est ramené de Francfort sur le Lauter; Mayence, assiégé par les Prussiens de Kalkreuth, capitule le 21 juillet, après une magnifique défense de Kléber et d'Aubert-Dubayet ; Lyon et la Vendée se soulèvent : la Corse, à l'instigation de Pascal Paoli, se donne aux Anglais, qui sont aussi appelés à Toulon.

Après la défection de Dumouriez et la mort de Dampierre, Custine, qui commande les forces françaises, ne peut empêcher Cobourg de prendre Valenciennes, et le tribunal révolutionnaire l'envoie à l'échafaud. La route de Paris est ouverte. Mais le général autrichien divise ses forces : il fait assiéger Dunkerque par les Anglo-Hollandais du duc d'York, tandis qu'il va lui-même prendre le Quesnoy et s'arrêter devant Maubeuge, au lieu de masquer cette place et de marcher sur Paris. Houchard, commandant en chef de l'armée du Nord, délivre d'abord Dunkerque et bat à Hondschoote (8 septembre) Freytag, qui couvre le siège, mais il laisse partir le duc d'York sans l'inquiéter. Il entre à Menin, qu'une panique lui fait perdre peu après, et, traduit devant le tribunal révolutionnaire, il est exécuté.

Jourdan, son successeur, fait surveiller le duc d'York et veut débloquer Maubeuge. Cobourg l'attend à Wattignies, où Jourdan, conseillé par Carnot, le bat après une lutte acharnée (16 septembre). Maubeuge est délivrée, mais Jourdan ,accusé de mollesse dans la poursuite des Autrichiens, est destitué.

Les deux armées prennent leurs quartiers d'hiver de part et d'autre de la Sambre. 

La guerre en Alsace et dans le Midi.
Après la prise de Mayence, Wurmser a enlevé les lignes de Wissembourg et refoulé les Français jusqu'à Strasbourg, mais l'inertie de Brunswick dans le bassin de la Moselle l'a immobilisé sur la Zorn. Sous l'impulsion de Saint-Just, Pichegru le ramène à la Sauer. Hoche, qui fait face aux Prussiens, échoue à Kaiserlautern (28-30 novembre), trompe alors Brunswick, passe les Vosges et menace d'enveloppement la droite des Autrichiens, qui reculent jusqu'à Wissembourg. Le Geisberg, clef de leur position, est pris le 26 septembre par les forces françaises réunies sous le commandement supérieur de Hoche. Les coalisés sont en plein désarroi. Wurmser doit repasser le Rhin à Philippsbourg, tandis que Brunswick se retire à Mayence. Les Francais établissent leurs quartiers d'hiver en Alsace et dans la vallée de la Moselle. A la frontière des Alpes, les troupes du roi de Sardaigne montrent peu d'activité. Sur la Méditerranée, Dugommier chasse les Anglais de Toulon (19 décembre), après un siège où le capitaine Bonaparte se fait remarquer par sa décision et son intelligente tactique. A la frontière des Pyrénées, les Espagnols ont envahi le Roussillon, mais le général Dagobert, malgré ses soixante-quinze ans, arrête leur offensive, qui ne dépasse pas Saint-Elne et la vallée du Tech.

Campagne de 1794

Quoique contenus pendant les campagne précédentes, les coalisés sont toujours menaçants, surtout en Belgique où ils ont leurs effectifs les plus considérables. Mais les réformes militaires de la Convention produisent déjà leurs effets, et les armées françaises, mieux commandées, sont plus disciplinées et plus solides.

La guerre en Belgique et en Allemagne.
Se conformant aux principes de l'époque, Cobourg ne veut pas envahir la France sans avoir d'abord pris Landrecies, qui gênerait ses communications. Dès le printemps, il assiège cette place, que Pichegru, chef de l'armée du Nord, veut secourir par une attaque de front combinée avec une manoeuvre enveloppante de sa gauche, que commande Moreau. Celui-ci, malgré quelques succès de détail, ne peut passer l'Escaut, défendu par Cobourg, et Pichegru échoue devant la Sambre; Landrecies capitule le 30 avril.

Carnot fait alors contenir les Anglo-Hollandais par l'armée du Nord et organise avec Jourdan l'armée de Sambre-et-Meuse, qui réussit à franchir la Sambre (18 juin), prend Charleroi et bat Cobourg à Fleurus (26 juin), où pour la première fois les ballons sont utilisés par les Français pour l'observation. Les Autrichiens, suivis de près par Jourdan, sont désormais séparés des Anglo- Hollandais. Clerfayt, le successeur de Cobourg, recule jusqu'à la Roër, qui est forcée à AIdenhoven (2 octobre), et les Autrichiens traversent le Rhin à Coblence (23 octobre). Maëstricht assiégé par Kléber capitule peu après, et Jourdan fait prendre les quartiers d'hiver dans les provinces conquises.

Pendant ce temps, les Anglo-Hollandais, refoulés par Pichegru au delà du Wahal, abandonnent presque sans résistance l'île de Walcheren et les ports de la côte belge. Les troupes françaises cantonnent au bord du Wahal, prêtes à pénétrer en Hollande aussitôt que gel, couvrant de glace les étangs, les canaux et les cours d'eau, privé le pays de sa meilleure défense.

Les généraux prussiens Kalkreuth et Mollendorf avaient reculé sans résister, devant Moreau dans le bassin de la Moselle, devant Michaud dans la vallée du Rhin. A la fin d'octobre, Moreau faisait sa liaison sur le fleuve avec l'armée de Sambre-et-Meuse; Michaud réoccupait sur la rive gauche toutes les villes, sauf Mayence, conquises et abandonnées l'année précédente.

La guerre sur les Alpes et les Pyrénées. 
Sur les Alpes, le général Dumas reprenait aux Sardes les cols du Petit-Saint-Bernard et du Mont-Cenis. Dans les Pyrénées, Dugommier refoulait les Espagnols par les victoires du Camp du Boulou (1ermai) et de la Montagne-Noire (17 novembre), et son armée occupait la Catalogne septentrionale.

L'armée des Pyrénées occidentales avait, elle aussi, franchi la frontière, et elle se maintenait à Fontarabie, à Saint-Sébastien, à Tolosa pendant tout l'hiver.

Campagne de 1795

La guerre de Hollande. 
Pichegru n'a pas longtemps attendu le moment de pénétrer en Hollande; dès le 28 décembre 1794, l'armée française franchit le Wahal sur les glaces. La discorde entre le stathouder et Walmoden, com mandant les Anglo-Hanovriens, facilite d'ailleurs ses opérations. Walmoden, au lieu de couvrir Amsterdam, se retire vers I'Yssel, puis sur l'Ems; le stathouder re nonce à la lutte et s'embarque pour l'Angleterre. Pichegru entre dans Amsterdam le 20 janvier et reçoit la soumission des États généraux; toute la Hollande est occupée sans résistance. Les États déposent le stathouder; la «-République batave » signe avec la France le traité de La Haye (16 mai).

La guerre en Allemagne.
Cette expédition précipite les pourparlers engagés à Bâle pour la paix. La Russie, la Prusse, l'Espagne, se retirent de la lutte. Les Autrichiens restent seuls en Allemagne contre l'armée de Pichegru et celle de Jourdan qui lui est subordonné. Leur général, Clerfayt, dispose lui aussi de deux armées en cordon sur la rive droite du Rhin, avec tête de pont à Mayence; l'une d'elles, sous Wurmser, est opposée à Pichegru.

Afin de prendre Mayence, qu'il fait assiéger, Pichegru veut éloigner les Autrichiens. Il passe le fleuve à Mannheim et Jourdan le franchit à Dusseldorf. Clerfayt recule jusqu'à Francfort, où il appelle Wurmser, et marche, toutes forces réunies, contre Jourdan, qui s'est enfoncé seul dans la vallée de la Nidda. Jourdan se retire en toute hâte sur la rive gauche du Rhin et Mayence est débloquée. Pichegru, aventuré vers Heidelberg, n'attend pas Clerfayt qui s'est retourné contre lui; il repasse le Rhin et se retranche derrière le Queisch. Mais Autrichiens et Français sont également épuisés par ces marches et contre-marches : Clerfayt offre un armistice le 21 décembre, et le Rhin sépare les quartiers d'hiver des armées en présence.

La guerre en Italie et en Espagne.
Sur la frontière du Sud-Est, les armées des Alpes et d'Italie n'ont guère livré aux Sardes que des escarmouches d'avant-postes. Au sud, l'armée des Pyrénées orientales, avec Shérer, a fait capituler Rosas (3 février) et consolidé son occupation de la Catalogne septentrionale; l'armée des Pyrénées occidentales a pénétré en Navarre et Biscaye, où Vittoria et Bilbao se sont rendus le même jour à Moncey (17 juillet).

Telle était la situation lorsque la paix de Bâle vint arrêter les hostilités (22 juillet).

Campagne de 1796-1797

Grâce aux traités de Bâle et de La Haye (1795), le Directoire à ses débuts n'a plus à combattre que l'Angleterre, l'Autriche et la Sardaigne. Mais, quoique les Autrichiens aient placé en Allemagne la plus grande partie de leurs forces avec l'archiduc Charles, le Sud-Est est exposé à une invasion que pouvaient soutenir puissamment les Anglais, auxquels leur protectorat sur la Corse, demandé par Paoli, offrait une base redoutable. Carnot, qui conserve sous le nouveau gouvernement la direction de la guerre, organise donc trois armées principales : Sambre-et-Meuse avec Jourdan, Rhin-et-Moselle avec Moreau, Italie avec Bonaparte. Jourdan et Moreau marcheront sur Vienne par les vallées du Mein et du Danube; Bonaparte s'avancera par le bassin du Pô. Une quatrième armée avec Kellermann gardera le passage des Alpes.

La guerre en Allemagne.
Pour exécuter le plan de Carnot, Jourdan détourne de Moreau l'attention de l'archiduc en commençant par sa gauche le passage du Rhin à Dusseldorf; il laisse un détachement devant Mayence, traverse le fleuve et progresse dans la vallée de la Lahn. L'archiduc, dont les événements d'Italie ont fait diminuer les troupes de presque toute l'armée de Wurmser expédiée contre Bonaparte, ne peut que laisser devant Moreau le détachement de Latour, et marche vers Jourdan. Il le bat à Wetzlar (15 juin) et l'oblige à repasser le Rhin, qu'il fait garder par son lieutenant Wartenteben. Il revient alors contre Moreau, qui a refoulé Latour jusqu'à Rastadt, éprouve un échec à Ertlingen (9 juillet) et se retire sur la rive droite du Danube, où il concentre toutes ses forces. Moreau le suit, Jourdan reprend l'offensive dans le bassin du Mein; mais les deux armées françaises, trop éloignées, ne peuvent se soutenir réciproquement. L'archiduc en profite : il contient Moreau avec Latour, fonce sur Jourdan, qu'il bat à Wurzbourg (3 septembre) et qui doit se retirer rapidement sur la rive gauche du Rhin.

Moreau,qui s'est avancé jusqu'à l'Isar, craint alors le retour offensif de l'archiduc sur ses communications. Il revient vers le Rhin, talonné par Latour, fait à travers la Forêt-Noire une retraite restée classique, échappe à l'archiduc et ramène en Alsace (26 octobre) les prisonniers et les canons enlevés aux Autrichiens; mais l'objectif de la campagne était manqué.

Au printemps de 1797, l'archiduc Charles est en Italie et Werneck le remplace; Hoche a été substitué à Jourdan et les armées françaises d'Allemagne veulent égaler l'armée d'Italie. Le 18 août, Hoche franchit le Rhin à Neuwied, où il inflige une sanglante défaite à Werneck, incapable désormais de l'arrêter; le 22, il est à Francfort. Au sud, Moreau passe le Rhin à Khel, et son avant-garde arrive sans coup férir à la Forêt-Noire. Mais l'armistice signé le 18 août à Leoben arrête les hostilités.

La guerre en Italie.
L'échec des négociations de paix avec la Sardaigne avait ranimé les hostilités au Sud-Est. Mais, malgré la victoire de Schérer à Loano (13 novembre 1795) et l'occupation de la rivière de Gênes, l'armée d'Italie se trouvait dans une précaire situation matérielle et morale quand Bonaparte en prit le commandement, le 28 mai 1796. Ses 38.000 hommes étaient menacés par les 40.000 Autrichiens de Beaulieu et les 20.000 Piémontais de Colli, qui, heureusement pour les Français, s'entendaient peu et que séparaient d'épais massifs de montagnes.

Par des feintes dont son talent militaire est coutumier, Bonaparte aggrave encore ces causes de faiblesse. Beaulieu est battu en détail, notamment à Montenotte (12 avril), à Dego (15 avril), et doit s'éloigner vers le nord-est. Colli, déjà contenu à Millesimo (14 avril), reste seul pour supporter l'offensive de Bonaparte, qui se retourne contre lui et lui fait éprouver à Mondovi (22 avril) une sérieuse défaite. Turin est découvert; le roi de Sardaigne sollicite alors un armistice à Cherasco (28 avril), préliminaire du traité de Paris (3 juin), par lequel Nice et la Savoie seront cédés à la France, et il abandonne la coalition.

Pendant ce temps, Beaulieu s'était retiré au nord du Pô pour protéger Milan. Bonaparte l'attire vers Valence et va franchir le fleuve à Plaisance (7 mai). Le général autrichien accourt trop tard pour s'a opposer; l'Adda qu'il veut défendre est forcé à Lodi (10 mai), et il recule derrière le Mincio. Mais, avant d'entreprendre contre lui de nouvelles opérations, Bonaparte préfère organiser les territoires conquis. Il entre à Milan (15 mai), donne un gouvernement provisoire à la Lombardie, lève des contributions pour aider le Directoire aux abois et met une garnison à Livourne. Il force ensuite Beaulieu à se réfugier au Tyrol après le combat de Borghetto et, tandis qu'il fait assiéger Mantoue, il signe la convention de Brescia avec le roi de Naples, l'armistice de Bologne avec le pape, qui livre Ancône, et il négocie avec les ducs de Parme et de Modène.

Mais Wurmser, qui vient d'Allemagne avec son armée, a remplacé Beaulieu. II descend du Tyrol en deux colonnes séparées par le lac de Garde, Kasdanovitch à droite, Wurmser à gauche, pour débloquer Mantoue et couper les communications de l'armée d'Italie. Bonaparte abandonne Mantoue pour écraser d'abord Kasdanovitch à Lonato (30 juillet) et à Salo (4 août); Wurmser, qui vient au secours de son lieutenant, est complètement battu à Castiglione (5 août) et doit ramener au Tyrol les débris de son armée. Bonaparte le suit, après avoir laissé devant Mantoue un nouveau corps de siège.

Or, Wurmser a promptement réorganisé ses forces. Il croit que son lieutenant Davidovitch pourra contenir les Français tandis qu'il descen dra l'Adige pour dégager Mantoue et cerner Bonaparte dans le bassin du lac de Garde. Mais Davidovitch ne résiste pas; il est battu à Roveredo (4 septembre), Vaubois occupe Trente, et Bonaparte se lance à la poursuite de Wurmser, qu'il bouscule à Primolano, puis à Bassano (8 septembre), et qui s'enferme dans Mantoue après un nouvel échec au faubourg de Saint-Georges (15 septembre). L'armée française est alors disposée de façon à couvrir au loin le siège de la place confié à la division Sérurier.

Alvinzy vient l'attaquer. Ce général, qui a concentré une armée sur les frontières de la République de Venise, dispose en outre des troupes de Davidovitch. Il vent rassembler ses forces à Vérone, où Davidovitch doit le rejoindre. Mais Bonaparte a l'avantage de la position centrale; il fait ralentir sur la Brenta la marche d'Alvinzy et court au secours de Vaubois, déjà refoulé par Davidovitch jusque vers Rivoli. Après avoir établi son lieutenant sur de solides positions, il revient contre Alvinzy qui l'attend au plateau de Caldiero. Il échoue à l'assaut du plateau, mais par une habile manoeuvre il porte le lendemain la lutte sur un terrain plus favorable. La bataille, illustrée par l'épisode du pont d'Arcole (17 novembre), dure trois jours et se termine par la défaite d'Alvinzy, qui recule vers Vicence. Davidovitch, effrayé, renonce à forcer les positions de Vaubois et se réfugie au Tyrol. Bonaparte profite alors du répit que lui laissent les Autrichiens pour calmer l'effervescence croissante en Italie centrale. Il rend Livourne au grand-duc de Toscane, fonde la République cispadane avec les légations de Bologne et de Ferrare, réunies aux duchés de Parme et de Modène, et fait surveiller les troupes pontificales par un corps d'observation ; il marche ensuite contre Alvinzy.

Celui-ci descend du Tyrol et combine ses mouvements avec Provera, qui a concentré des troupes autour de Padoue. Il est arrêté sur le plateau de Rivoli par Joubert, qui donne à Bonaparte le temps d'accourir. Alvinzy est battu (14 janvier 1797);
son armée s'enfuit vers Trente, où Joubert la poursuit. Provera, qui est sur le point de débloquer Mantoue, est à son tour cerné à la Favorite et contraint de se rendre (16 janvier). Wurmser, désormais sans espoir de secours, capitule le 2 février. Les troupes pontificales sont battues à Castelle-Bolonese et le pape signe la traité de Tolentino (19 février).

L'Autriche confie alors le sort de la campagne à l'archiduc Charles à son meilleur général, mais celui-ci n'a pas le temps de réunir les forces éparses qui sont mises trop tard à sa disposition. Il ne peut empêcher Bonaparte de franchir le Tagliamento (16 mars); il échappe à grand-peine à l'encerclement au col de Tarvis (23 mars) et, talonné, impuissant à défendre les approches de Vienne, il s'arrête au col de Seemering, où il demande une suspension d'armes que Bonaparte accorde en échange des préliminaires de Leoben (18 avril). Tandis que se prépare le traité de Campo-Formio, le vainqueur fait payer cher à Venise sa duplicité : l'aide accordée aux troupes autrichiennes, le massacre connu sous le nom de « Pâques véronaises », sont châtiés par la destitution du Sénat et la perte de l'indépendance.

Campagne d'Égypte.
Le traité de Campo-Formio laissait l'Angleterre seule contre la France : Bonaparte proposa de la contraindre à la paix en s'emparant de I'Egypte, d'où il pourrait préparer la ruine de la puissance anglaise aux Indes. Le Directoire, heureux de se débarrasser d'un général dont la supériorité l'inquiète, lui fournit tous les moyens d'aller guerroyer dans un pays d'où il ne reviendra peut-être pas.

« L'aile gauche de l'armée d'Angleterre » est constituée; sa destination réelle est tenue secrète. Elle part le 19 mai 1798 de Toulon; des savants l'accompagnent. Elle échappe aux croisières anglaises, enlève Malte au passage, débarque le 1er juillet près d'Alexandrie et s'empare de la ville. Bonaparte marche aussitôt sur Le Caire, détruit aux Pyramides (21 juillet) les Mamelouks des beys Mourad et Ibrahim, lieutenants du sultan, et entre au Caire le 23. Il fonde l'Institut d'Égypte et réforme l'administration, tandis que le général Desaix poursuit Mourad dans la Haute-Égypte. Isolé de la France par l'anéantissement de la flotte, que Nelson incendie à Aboukir (2 août), il organise sa conquête comme si elle était définitive. Mais le sultan fait lever par Djezzar-pacha une armée en Syrie pour chasser les envahisseurs, et Le Caire se révolte. Bonaparte réprime le soulèvement et marche au-devant des Turcs; il prend El-Arioh, Gaza, Jaffa (février 1799), et Djezzar s'enferme dans Saint-Jean d'Acre, que défend Philippeaux et que ravitaille l'escadre anglaise de Sidney Smith. La ville résiste victorieusement, quoique Kléber ait dispersé au mont Thabor (16 avril) une armée de secours. Il faut rentrer en Égypte, car l'insurrection couve au Caire et Sidney Smith a débarqué 18 000 janissaires à Aboukir. Bonaparte les attaque avec 6000 hommes et les détruit (25 juillet). Smith lui fait alors connaître, pour le décourager, les succès de la coalition et les embarras intérieurs du Directoire. Son retour en France lui parait opportun ; il s'embarque secrètement le 22 août et laisse le commandement de l'armée à Kléber.

Or, l'Égypte était menacée de toutes parts. Smith transportait un corps turc à Damiette, le grand vizir arrivait de Syrie avec une puissante armée. Kléber fait face au danger. Il inflige au grand vizir le désastre d'Héliopolis (19 mars 1800), tandis que son lieutenant écrase les Turcs débarqués à Damiette. Le Caire révolté est repris, mais un fanatique assassine Kléber le 14 juin.

Menou, qui le remplace, veut repousser une nouvelle armée turque amenée par lord Keith. Il est battu à Canope (24 mars 1801) et cerné dans Alexandrie. Le grand vizir avec de grandes forces envahit le delta; Mourad, revenu de Haute-Égypte, assiège Le Caire dont le défenseur, Belliard, capitule avec 14000 hommes (25 juin). La capitulation de Belliard entraîne celle de Menou (20 septembre) et les débris de l'armée d'Égypte sont transportés en France. Malte même, défendue pendant deux ans par le général Vaubois, se rendait le 4 septembre aux Anglais.
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Kléber et Desaix, vus par Ad. Thiers

« Avec Kléber, l'armée avait perdu un général, et la colonie un fondateur, qu'aucun des officiers restés en Egypte ne pouvait remplacer. Avec Kléber, l'Egypte était perdue pour la France! Un seul homme pouvait l'égaler, le surpasser même dans le gouvernement de l'Egypte, c'était celui qui, trois mois auparavant, s'était embarqué dans le port d'Alexandrie pour, se rendre en Italie, et qui tombait à Marengo, le même jour, presque au même instant où Kléber succombait au Caire c'était Desaix! Tous deux étaient morts le 14 juin 1800, pour l'accomplissement des vastes desseins du général Bonaparte. Singulière destinée de ces deux hommes, toujours placés à côté l'un de l'autre pendant la vie, rapprochés encore au jour de leur mort, et pourtant si différents par tous les traits de l'âme et du corps!

Kléber était le plus bel homme de l'armée. Sa grande taille, sa noble figure où respirait toute la fierté de son âme, sa bravoure à la fois audacieuse et calme, son intelligence prompte et sûre, en faisaient sur les champs de bataille le plus imposant des capitaines. Son esprit était brillant, original, mais inculte. Il lisait sans cesse, et exclusivement, Plutarque et Quinte-Curce : il y cherchait l'aliment des grandes âmes, l'histoire des héros de l'antiquité. Il était capricieux, indocile et frondeur. On avait dit de lui qu'il ne voulait ni commander ni obéir, et c'était vrai. Il obéit sous le général Bonaparte, mais en murmurant; il commanda quelquefois, mais sous le nom d'autrui, le général Jourdan, par exemple, prenant par une sorte d'inspiration le commandement au milieu du feu, l'exerçant en homme de guerre supérieur, et, après la victoire, rentrant dans son rôle de lieutenant, qu'il préférait à tout autre. Kléber était licencieux dans ses moeurs et son langage, mais intègre, désintéressé, comme on l'était alors; car la conquête du monde n'avait pas encore corrompu les caractères.

Desaix était presque en tout le contraire. Simple, timide, même un peu gauche, la figure toujours cachée sous une ample chevelure, il n'avait point l'extérieur militaire. Mais, héroïque au feu, bon avec les soldats, modeste avec ses camarades, généreux avec les vaincus, il était adoré de l'armée et des peuples conquis par nos armes. Son esprit solide et profondément cultivé, son intelligence de la guerre, son application à ses devoirs, son désintéressement, en faisaient un modèle accompli de toutes les vertus guerrières; et tandis que Kléber, indocile, insoumis, ne pouvait supporter aucun commandement, Desaix était obéissant comme s'il n'avait pas su commander. Sous des dehors sauvages, il cachait une âme vive et très susceptible d'exaltation. Quoique élevé à la sévère école de l'armée du Rhin, il s'était enthousiasmé pour les campagnes d'Italie, et avait voulu voir de ses yeux les champs de bataille de Castiglione, d'Arcole et de Rivoli. Il parcourait ces champs, théâtres d'une immortelle gloire, lorsqu'il rencontra, sans le chercher, le général en chef de l'armée d'Italie, et se prit pour lui d'un attachement passionné. Quel plus bel hommage que l'amitié d'un tel homme? Le général Bonaparte en fut vivement touché. Il estimait Kléber pour ses grandes qualités militaires, mais ne plaçait personne, ni pour les talents, ni pour le caractère, à côté de Desaix. Il l'aimait d'ailleurs : entouré de compagnons d'armes qui ne lui avaient point encore pardonné son élévation, tout en affectant pour lui une soumission empressée, il chérissait dans Desaix un dévouement pur, désintéressé, fondé sur une admiration profonde. Toutefois, gardant pour lui seul le secret de ses préférences, feignant d'ignorer les fautes de Kléber, il traita pareillement Kléber et Desaix, et voulut confondre dans les mêmes honneurs deux hommes que la fortune avait confondus dans une même destinée.  »
 

(A. Thiers, Histoire du Consulat, liv. Ve).

Campagne de 1799

Pendant que ses meilleures troupes guerroyaient en Égypte, le Directoire contenait non sans peine en Allemagne, en Suisse, en Italie et en Hollande, la deuxième coalition organisée par l'Angleterre.

La guerre en Alemagne et en Suisse.
Contre l'armée de l'archiduc Charles rassemblée en Bavière et les corps de Hotze et de Bellegarde dans le Vorarlberg et le Tyrol, que viendra renforcer l'armée russe de Korsakov, le Directoire ne dispose effectivement que des armées du Danube avec Jourdan et d'Helvétie avec Masséna, sous les ordres de Jourdan. Selon le plan imposé, Masséna marche d'abord vers le Tyrol pour séparer les Autrichiens et faciliter l'offensive de Jourdan, mais l'insurrection des cantons suisses fait échouer ce projet. Masséna se replie vers Zurich. D'autre part, an, qui s'avance entre le lac de Constance et le Danube, est battu par l'archiduc à Pfullendorf (20 mars) et à Stokach (25 mars), et doit reculer jusqu'à la Forêt-Noire. L'archiduc se retourne alors contre Masséna, auquel il livre la bataille indécise de Zurich (27 mars). Il est obligé d'attendre l'arrivée de Korsakov pour recommencer la lutte, et Masséna, qui se retranche sur l'Albis, fait occuper par Lecourbe le Saint-Gothard pour rétablir ses communications avec l'armée d'Italie.

Or, cette armée avait éprouvé revers sur revers. Mais les désaccords entre ses adversaires les Autrichiens de Mélas et les Russes de Souvarov sont si graves que, malgré les triomphes de Souvarov, les alliés envoient les Russes en Suisse et réservent aux Autrichiens l'Allemagne et l'Italie. Souvarov passe donc en Suisse, refoule péniblement Lecourbe jusqu'à Altorf, et il compte prendre à revers Masséna, attaqué par Korsakov, que l'archiduc fait soutenir par Hotze. Mais Masséna n'a pas
attendu l'attaque. Il a bousculé Korsakov à Zurich après une bataille de trois jours (24-26 septembre), empêchant sa jonction avec Hotze, que Soult rejetait dans le Vorarlberg. 

Souvarov, isolé, en danger d'être cerné, s'échappe à grand-peine à travers les Alpes de Glaris. Il arrive à Coire, furieux contre les Autrichiens qu'il rend responsables du désastre, et rentre en Russie. Le tsar le disgracie, mais se retire de la lutte; les Autrichiens qui avaient conquis l'Italie s'arrêtent au pied des Alpes et des Apennins, car ils craignent la descente de l'armée d'Helvétie sur leur flanc droit ou leurs lignes de communication.

La guerre en Italie.
Des territoires ou des alliances acquis par Bonaparte pendant la campagne de 1796-1797, il ne restait en effet plus rien. Dès le début des hostilités, l'insurrection, soutenue par un corps russe, avait chassé de Naples Macdonald, dont l'armée était revenue péniblement vers le nord de l'Italie pour se joindre à l'armée de Schérer. Or, celui-ci, battu à Magnano (5 avril) en voulant passer l'Adige, s'était retiré derrière l'Adda pour résister aux Autrichiens de Mélas renforcés par les Russes de Souvarov, qui dirigeait les opérations. Souvarov Justifie d'ailleurs la réputation qu'il devait à ses victoires sur les Polonais et les Turcs. Il bouscule Schérer à Cassano (22 avril) et, tandis que Moreau, successeur de Schérer, va s'établir entre le Pô et le Tanaro pour attendre l'armée de Naples, il se jette sur Macdonald, qu'il écrase sur les bords de la Trebbie après une bataille de trois jours (7-9 juin). Joubert, qui remplace Moreau accusé d'inertie, prend l'offensive; il est battu et tué à Novi (15 août), et Moreau rassemble les débris des deux armées aux environs de Gênes. Il ne peut secourir Tortone, et Coni, la dernière place possédée par les Français au nord de l'Apennin, est assiégée à son tour. C'est alors que Souvarov passe en Suisse avec ses Russes, Mélas continue le siège; il prend Coni après avoir battu à Génola (14 novembre) Championnet, qui succède à Moreau envoyé en Allemagne, et qui tentait de débloquer la ville L'armée d'Italie est acculée à la rivière de Gênes, et l'armée des grandes Alpes, en formation, se tient sur la défensive pour garder les cols de la frontière.

La guerre en Hollande.
Les alliés avaient espéré, un instant, obtenir en Hollande des succès aussi grands. Le duc d'York, avec une armée de 45.000 Anglo-Russes, débarquait au Helder le 28 août. Brune, commandant de l'armée de Hollande, battu à Zyp (10 septembre) s'était retiré vers Kastricum tandis que les partisans du stathouder agitaient la population. Mais il reçoit des renforts, reprend l'offensive, bat le duc d'York à Kastricum et le refoule jusqu'au Helder. Pour ne pas être jeté à la mer, le duc signe la convention d'Alkmaar (18 octobre), qui interdit à l'Angleterre la coopération de ses troupes sur le continent, et il se rembarque après avoir rendu ses prisonniers.

Ainsi, au moment où Bonaparte revient d'Egypte, et à la veille de Brumaire, I'Italie est perdue, sauf la rivière de Gênes; mais les armées françaises ont victorieusement défendu la Suisse, le Rhin, la Hollande, et le tsar, le plus puissant des coalisés sur le continent a fait défection.

L'Autriche est maintenant la seule adversaire de la France sur terre. Elle a deux fortes armées, l'une en Allemagne avec Kray, l'autre en Italie avec Mélas. Cette guerre se poursuivra sous le consulat, tandis que sur mer et aux Antilles, les Français continueront de se confronter aux Anglais.



Jean Gouellain, Quand la Révolution partit en guerre, La Bruyère, 2007.
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