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Rhéa

Rhée ou Rhéa, déesse grecque qu'on identifiera en Asie Mineure avec Cybèle et qui est présentée comme l'épouse de Cronos. Elle fut mère de Zeus, Poséidon, Héphaïstos, Hestia et Déméter et parvint par une ruse à soustraire ses enfants à la mort que leur destinait Cronos. 

Hésiode la dit fille du Ciel (Ouranos) et de la Terre (Gaïa) et soeur des Titans. Orphée l'appelle fille de Protogone, c'est-à-dire du premier père. Cronos son époux, pour éluder l'oracle, qui avait annoncé qu'il serait détrôné par l'un de ses fils, dévorait ses enfants dès que Rhéa les mettait au monde; mais celle-ci, étant accouchée de Zeus, présenta à son mari une pierre emmaillotée qu'il engloutit sur-le-champ. Apollodore dit que pour sauver son enfant dont elle était enceinte, elle se retira en Crète, où elle accoucha dans un antre appelé Dicté, et donna l'enfant à nourrir aux Curètes et aux nymphes Adrasté et Ida. Les habitants de Crète, suivant Diodore, racontent que de son temps on voyait encore la maison de Rhéa entourée d'un bois sacré de cyprès, très ancien, dans le territoire de Cnossos, où les Titans avaient habité.

Elle suivit en Italie son époux, chassé du ciel, et l'aida à y faire fleurir l'agriculture et les bonnes moeurs : d'où le nom de Siècle de Rhéa donné à l'Âge d'or.

L'histoire de Rhéa et de son culte étant l'une des parties les plus difficiles et les plus conpliquées de la mythologie grecque, nous di, viserons l'article relatif à cette déesse en trois sections. Dans la première, nous traiterons en général de son culte et des traditions qui la concernent; la seconde offrira on aperçu géographique des lieux dans lesquels elle était adorée, la troisième enfin comprendra divers détails qui compléteront l'exposé de ce mythe curieux.

Traits généraux

Histoire du mythe et du culte da Rhéa.
Cette déesse est à peine mentionnée dans Homère. qui rapporte seulement qu'épouse de Cronos, et mère des Cronides, elle confia Héra enfant aux soins de l'Océan et de Téthys. La Théogonie d'Hésiode développe un peu sa légende : Fille d'Ouranos et de Gaïa, et épouse de Cronos, elle arracha Zeus à la mort en le cachant à Lyctos en Crète. Elle présents ensuite à Cronos un bétyle ou pierre enveloppée de langes, qu'il avala, croyant dévorer son enfant. 

Un savant mythologue, qui soupçonnait d'interpolation les deux passages de l'Iliade,  XV, 187; XIV, 204) où le nom de Rhéa se trouve mentionné, regarde la donnée d'Hésiode comme la plus ancienne qui nous soit parvenue sur cette déesse. Quoi qu'il en soit, l'apparition de la Crète dans ce fragment indique une époque comparativement peu reculée, où le collège sacerdotal de l'île avait déjà noué des relations avec le Nord. Nous laissons de côté l'opinion de Hoeck, qui pense qu'Hésiode ou le récit primitif auquel il s'est conformé ont emprunté cette idée d'une Rhéa théogonique aux légendes de la Cybèle asiatique, et considère en général la conception du Zeus crétois comme dérivée du culte de la Nature, prédominant en Phrygie.

Primitivement, le culte de la mère de Zeus semble avoir été fort restreint. Les Thraces méridionaux lui donnèrent une certaine extension, en identifiant Rhéa avec la déesse Cotys, analogue à Bendis et à Hécate, et avec Déméter. De plus, ces peuples, dans le pays desquels se trouvait la fameuse grotte de Zérynthium, identifièrent aussi de bonne heure cette Rhéa-Hécate avec la puissante divinité des mystère de Samothrace et de Lemnos. Ce ne fut pas là la seule cause de confusion.

Les Thraces avaient formé de bonne heure en Asie Mineure des établissements, qui conservaient des rapporte suivis avec leur pays d'origine; par ces colonies, ils apprirent à connaître le culte orgiaque d'une déesse qu'ils identifièrent encore avec Rhéa; et en cela, des Hellènes qui s'étalent établis comme eux en Asie Mineure, suivirent leur exemple, et assimilèrent à Rhéa, dont ils avaient appris le culte dans leur pays, cette déesse asiatique qui portait, à ce qu'on croit, le nom de Mà. La Rhéa première, déjà tant altérée, se compliqua encore : un élément dionysiaque s'introduisit dans son culte par l'influence thrace. Rhéa, disait-on, avait initié Dionysos aux mystères en Phrygie. On ajoutait d'autre part que Cybèle, la même qu'Hippa (Déméter changée en jument), avait mis au monde ou nourri Sabazius sur le Tmole; et on concluait de là que Déméter, Perséphone, Rhéa et Cybèle ne faisaient qu'une même divinité. Il se pourrait en outre qu'une Rhéa-Cybéle, teucrienne ou dardanienne (Adrastée), dont Dardanus institua le culte, se fût mêlée, dans les contrées asiatiques, avec une Cybèle de Pessinonte, bien postérieure. 

Ainsi, la Rhéa thrace, dont la déesse de Lemnos et de Samothrace n'était qu'une variété, négligée d'abord par les Grecs, leur revint en premier lieu avec les mystères que les Thraces leur importèrent, puis du côté de l'Asie Mineure par les relations non interrompues entre la métropole et ses colonies, et qui formèrent une Rhéa-Cybéle, composée de la Rhéa primitive et de la mère des dieux asiatiques. On peut donc, en faisant abstraction de la religion de Samothrace, considérer sous deux aspects le culte et les mystères provenant de la Thrace

a. Le culte de Zeus, tel qu'il existait en Crète. On confondit plus tard cette Rhéa crétoise avec la Grande Mère phrygienne et lydienne. De l'île le culte de Zeus gagna le Lycée en Arcadie et Olympie, suivant Hoeck. 

 b. Les mystères de Déméter à Eleusis, et, à leur imitation, dans d'autres villes. Déméter était fille de Rhéa, qui fut chargée par Zeus de la ra mener dans l'Olympe. Postérieurement, Déméter fut identifiée avec sa mère, et regardée comme déesse de la terre. Il y a plus : dans le groupe de la triple Hécate sculpté par Alcamène, con formement aux instructions mystiques des prêtres d'Eleusis, la figure qui porte une clef, et qu'on prend, dans un sens étroit, pour la déesse de la nuit, correspond aussi bien à la Perséphone infernale qu'à Rhéa, déesse de la terre.

L'introduction des mystères d'Eleusis n'eut pas lieu avant la trentième Olympiade; sur ces entrefaites on connut en Attique le poème d'Eumélus sur Cadmus, à la recherche de sa soeur Europe et propagateur du culte dionysiaque : on prit de là occasion de dire que Dionysos avait été initié par Rhéa en Phrygie. Pindare mentionne dejà le culte orgiaque de la Cybèle asiatique. Un peu après, les deux ordres de mystères commencèrent à se confondre; ainsi, Euripide donne à Déméter l'épithète de méter oreia, et lui attribue tout l'accessoire qui était auparavant l'apanage de Rhéa. D'autres fois le même auteur confond le culte de la Rhéa crétoise avec celui de la déesse phrygienne, et les orgies dionysiaques avec le culte de la Grande Mère. Plus tard, des charlatans étrangers introduisirent de nouvelles coutumes dans le culte de Rhéa; mais ils ne trouvaient accès que dans la populace. On commettrait une grave erreur et l'on admettait comme générale la confusion d'idées qui avait lieu dans les dernières classes de la société. Il faut remarquer d'ailleurs que le culte simple et naturel de la déesse de la terre ne fut nullement dépossédé par celui de la Rhéa mystique. 

Appendice
Les auteurs s'accordent assez sur la généalogie des Titans; il faut cependant noter ici que, suivant Apollonius de Rhodes et Tzetzès, Ophion et Eurynome régnaient au ciel avant Rhéa et Cronos, et furent dépossédés par eux. Dans les Orphiques, le père de la Rhéa mystique se nomme Protogone; elle a pour enfants le Ciel, la Terre, la Mer, les Vents; elle est mère des dieux et des humains. Honorée par un culte orgiaque, elle amène avec elle la paix et les richesses et relègue les calamités aux confins du monde. Le même recueil contient un hymne à la mère des dieux et un autre à la Terre (Gaïa). Orphée reconnaissait trois Curètes, gardiens de Zeus, fils de Rhéa. Avec Rhéa ou Déméter, Zeus enfanta Perséphone; il poursuivit sa mère, qui, pour lui échapper, prit la forme d'un serpent. Les légendes d'après lesquelles Dionysos-Zagreus, fils de Perséphone, aurait été protégé par les Curètes, puis déchiré par les Titans, nous ont été transmises en premier lieu par Nonnus et saint Clément. Il est probable cependant qu'elles remontent soit à Onomacrite, soit à des poésies orphiques plus anciennes, et ne sont qu'une refonte des légendes relatives à Zeus protégé par les Curètes et assailli par les Titans. Les étroites relations qui existaient entre Delphes et la Crète vulgarisèrent dans cette île la tradition de la mort de Zagreus, tradition qui, amalgamée avec la mythologie de l'Ida, fut présentée plus tard comme essentiellement crétoise.

Une légende insolite, rapportée par Diodore, donne pour filles à Ouranos et à Triée la Grande Mère (Basilée) et Rhéa (Pandore); la première épousa Hypérion et en eut le Soleil et la Lune. Cybèle donna le jour à Alcé et au roi Midas. Suivant Photius, elle fut aimée du Sangarius, qui la rendit mère de Nicée. 

Histoire géographique du culte de Rhéa

Grèce.
Suivant Démétrius de Scepsis, on ne trouvait en Crète aucune trace de ce culte; mais Strabon oppose à cette assertion des té moignages irrécusables. Les Cnossiens mon traient encore, au temps de Diodore, l'emplacement du temple où la déesse avait habité. On se servait même dans l'île des noms usuels de Cybèle et de Mère (Eusèbe, Chron. 56). Zeus était né en ce lieu ou sur le mont Dicté ou sur l'Ida. La Béotie, de son côté, réclamait le même honneur; Thèbes montrait le lieu où le fils de Cronos avait vu le jour, et un temple de la Mère Dindyménienne, qui ne s'ouvrait qu'une fois par an. La statue de la déesse était l'oeuvre de Socrate et d'Aristomène. A Delphes, on oignait quotidiennement d'huile, et l'on enveloppait de laine dans les jours de fêtes, une pierre qui n'était autre que le bétyle dévoré par Cronos. C'était sur le rocher de Pétrachos, non loin de Chéronée, que le Titan s'était laissé tromper si grossièrement. Une statue, placée dans le temple d'Héra à Platées, le représentait, au moment même où Rhéa lui offre la pierre enveloppée de bandages. 

D'après le témoignage un peu suspect de l'empereur Julien (Or. 5), ce furent les Athéniens qui mirent les premiers en honneur le culte de la déesse. Ils lui avaient élevé un temple, en commun avec Cronos, dans le Péribole de l'Olympium, et un temple spécial, dit Métroon, qui renfermait une statue de Rhéa, faite par Phidias. II y avait aussi un temple de la mère des dieux dans le bourg d'Anagyros. 

Sur un versant du Lycée, en Arcadie, siège du culte mystique de Zeus, se voyait le lieu où Rhéa s'était délivrée de son fardeau : elle avait frappé de son sceptre le rocher, qui se fendit et laissa apparaître une source. Parthasie avait aussi vu naître le dieu, et Phigalie honorait sa mère. Le mont d'Alésium, près de Mantinée, avait dit-on, pris ce nom dia ten Alen tes Rheas. Non loin de là se trouvait la source d'Arné, où Rhéa avait enfanté Poseidon, auquel on y rendait un culte mystique. A Méthydrium elle avait trompé Cronos en lui offrant le bétyle. Une tradition populaire lui attribuait enfin pour résidence le mont Thaumasion, où elle siégeait en milieu des géants, et où les Arcadiennes l'honoraient suivent des rites particuliers.

En Élide, Rhéa avait un métroon dans le bois sacré d'Apis, et Olympie montrait le rocher de Cronos. Pour rehausser l'éclat du culte de Zeus et des jeux olympiques, les Éléens rapportaient que Rhéa avait confié la garde de Zeus, amené de l'Ida dans ce pays, aux Dactyles ou Curètes, Héraclès, Paeonaeos, Epimédès, Jasius et Idas. L'Elide conserva longtemps le culte de la déesse : postérieurement au Christianisme on voit une femme du pays, qui avait reçu de Rhéa sa science prophétique, prédire l'avenir aux bergers et sur laboureurs.

Les Messéniens réclamaient pour leur pays l'honneur d'avoir vu croître Zeus; c'était sur le mont Ithome que les Curètes l'avaient amené pour le confier aux nymphes Ithome et Néda.

On trouve peu de traces du culte de Rhéa en Laconie. Pausanias nous apprend cependant, qu'outre le temple consacré à Gaïa et à Zeus Agoraeus, sur la place du marché, les Lacédémoniens avaient élevé en l'honneur de la fille de Cronos un édifice désigné par le nom de Gasepton, et qu'on montrait une vieille statue de marbre qui la représentait. 

Enfin, à Dymé en Achaïe, on voyait un temple consacré à la Mère Dindyménienne et à Atys. Quant à son culte en Thrace et à Samothrace, où elle avait pour suivants les Cabires, nous en avons dit plus haut quelques mots.

Asie.
Le culte de la Mère ldéenne et des Dactyles Idéens était très ancien sur l'Ida troyen. En Mysie, on voyait le rocher de Rhéa. A quarante stades de Lampsaque, se trouvait une colline sur laquelle était un temple de la mère des dieux. Non loin de Cyzique, elle avait fait jaillir une source

du sol : le temple qu'elle avait dans la ville fut, disait-on, fondé par les Argonautes. On y voyait une statue de la déesse (Mère Dindyménienne), apportée de Proconnèse, lorsque les Cyzicéniens soumirent cette îles; la face était d'ivoire et le torse d'or. On honorait aussi la Grande Mère à Placie et à Asporène de là ses surnoms de Placiané et d'Asporéné. Pergame rendait un culte aux Cabires. 

Les localités du mont Sipyle étaient célèbres dans toute l'Asie Mineure. On montrait sur le rocher de Coddinus la plus ancienne image de la mère des dieux; Magnésie possédait un temple en son honneur, et jurait, ainsi que Smyrne, par la fameuse déesse sipylénienne (Sipyléné). Les habitants de Metropolis en Ionie l'honoraient aussi, ainsi que l'attestent des médailles de cette ville.

En Lydie, on l'adorait à Sardes et à Mastaura. Le nom du premier roi de la contrée, Atys, était emprunté eux mythes de la religion phrygienne. Hérodote parle de Cybèle comme d'une divinité locale adorée à Sardes, et dont le temple fut brûlé dans l'incendie de la ville, auprès de laquelle on voyait la montagne de la Mère Dindyménienne. 

Les Phrygiens n'honoraient pas moins cette déesse que les autres peuples de l'Asie Mineure. Ils étaient du reste originaires de la Thrace. 

« Les Bérécynthiens, dit Strabon, peuplade phrygienne, et en général tous les Phryglens et Troyens qui habitent l'Ida honorent la déesse Rhéa et célèbrent des orgies en son honneur. » 
La musique bruyante qui accompagnait cet fêtes était de l'invention de la déesse elle-même, à laquelle on attribuait aussi quelquefois l'invention de tous les instruments à vent. Les Dactyles, originaires de l'Ida phrygien et habiles métallurgistes, étaient les serviteurs de la déesse Adrastée, qui habitait les montagnes. « Sabazius, dit Strabon, était phrygien, et fils de la Grande Mère. » 

Les lieux du territoire phrygien où les Corybantes avaient été le plus en honneur étalent ravagés, du temps de Strabon : ainsi, Corybantion près du Sminthius, Corybissa près de Scepsia, etc, Rhéa tirait de certaines montagnes de Phrygie le surnom de Lobriné. Les riverains du Peucella, descendants des Azanes arcadiens, honoraient la déesse dans une grotte qui renfermait sa statue. On trouve Cybèle figurée sur les nombreuses médailles des villes suivantes, qui appartiennent toutes à la Phrygie : Aemonia, Alzani, Ancyre, Apamée, Attoda, Cadoène, Cérétape, Cibyre, Colles, Diococlles, Dionysopolis, Eucarpia, Hiéropolis. Hyrgalèé, Julia, Laodicée, Lysias, etc. 

Le culte de la Mère Idéenne à Pessinonte en Galatie remontait a la plus haute antiquité. Midas Ier fit bâtir un temple pour renfermer sa statue, qui consistait en une pierre noire tombée du ciel. Cette image fut transportée plus tard à Rome; mais Pessinonte n'en fut pas moins toujours regardée comme le siège principal du culte de la mère des dieux, désignée à Pessinonte par le nom d'Agdistis. Le temple élevé par Midas se trouvait hors des murs , près du mont Dindymus, d'où la déesse tira son surnom de Dindyménienne. On montrait en ce lieu le tombeau d'Agdistie et d'Atys. La prétendue Bellone adorée à Comana n'était qu'une déesse cybélenne. Son temple était deservi par plus de six mille prêtres et hiérodules, gouvernés par un chef spirituel, qu'on choisissait toujours parmi les princes de la maison royale. D'après la remarque d'Arrien (Péripl. 9), la déesse du Phase offrait de grandes analogies avec Rhéa. Aussi lit-on dans Strabon (10. 477) que les Corybantes, venus de la Bactriane ou de la Colchide, furent adjoints à Rhéa par les Titans

On pense que la déesse syrienne d'Hiérapolis sur l'Euphrate n'était autre que l'épouse de Cronos. Elle était représentée avec une couronne murale et tenant un tambour; son char était traîné par des lions. Il y avait de plus des galles qui desservaient son temple. 

Égypte.
En Égypte, on identifiait avec Rhéa la mère d'Osiris. Voici le mythe que les prêtres égyptiens (hellénisés) de l'époque alexandrine racontaient à son sujet, pour faire agréer au peuple les changements qu'ils durent faire à leur année :

Rhéa, ayant eu un commerce secret avec Cronos, devint grosse; le Soleil, qui s'en aperçut, la chargea de malédictions, et prononça qu'elle ne pourrait accoucher dans aucun mois de l'année. Hermès, qui, de son côté, était amoureux de Rhéa, parvint aussi à gagner ses bonnes grâces. Elle lui fit part de l'embarras où elle se trouvait. En reconnaissance des faveurs qu'il en avait obtenues, Hermès entreprit de garantir cette déesse de la malédiction du Soleil. 

Ce fut pendant ces cinq jours que Rhéa accoucha; elle mit au monde Isis, Osiris, Horus, Typhon et Nephté. C'est ainsi que l'année égyptienne, qui n'était d'abord que de 360 jours, reçut les cinq jours complémentaires qui lui manquaient.

La souplesse d'esprit qui le caractérise lui fournit pour y parvenir un expédient très singulier. Un jour qu'il jouait aux dés avec la Lune, il lui proposa de jouer la soixante-douxième partie de chaque jour de l'année. Hermès gagna, et profitant de son gain, il en composa cinq jours qu'il ajouta aux douze mois de l'année. 

Rome.
A Rome, elle fut identifiée, à ce qu'il paraît, avec diverses déesses, telles qu'Ops, Maja, Bona Dea, Terra, Fauna, etc. Mais son culte ne commença à avoir un certain éclat que du temps d'Hannibal, quoique les Romains eussent dit la connaître auparavant. Le passage de Tite-Live (29, II), « que du temps d'Hannibal, le culte de la Mère. ldéenne fut transportéde Pessinonte à Rome», ne doit s'entendre que des formes d'un culte, étranger, qui se mêla à celui qu'on rendait à la Rhéa hellénique. Pour honorer la nouvelle déesse, on lui éleva sur le mont Palatin, un temple, interdit aux hommes, où les femmes célébraient les Mégalésies. Lucrèce donne de l'image de la déesse une description, qui la montret en tout point analogue à Rhéa; les oeuvres d'art romaines, qui représentent la mère des dieux, s'accordent aussi avec celles des Grecs. Enfin Catulle a chanté le mythe d'Atys dans une composition visiblement imitée d'un poème grec

Le culte de Cybèle prit une extension démesurée sous les successeurs de César; on voit ses saints eunuques avoir accès dans les maisons des seigneurs romains, pendant que l'Italie et la Gaule se couvrent de temples en son honneur, et que les Métragyries inondent les provinces de l'empire. Du reste, les divers ordres de mystères allèrent toujours en se rapprochant jusqu'à une entière confusion des éléments empruntée d'un côté à la Grèce, et de l'autre à l'Asie. 

Complément

Ainsi que nous l'avons vu, Rhéa, identifiée avec diverses déesses étrangères à la Grèce, portait les noms de Grande Mère, Mère des dieux, de Cybèle (Cybèlé, Cybéléis, Cybéilis, Cybélègénès,Cybéléia, Cybélla), emprunté à une montagne de Phrygie, de Basilée, de Pandore, d'Agdistis. Quant à ses épithètes Iocales, Andetréné, Asporéné, Bérécyntia, Erimo (Hécate), Cimméris, Dindyméné, Lobriné, Mère Idéenne, Mygdonis, Pessinuntia, Phasiané, Placiané, Sipyléné, l'histoire de son culte suffit pour les expliquer. On la désigne aussi, de même que Démeter, comme déesse adverse.

Les prêtres les plus célèbres du culte de Rhéa dans les pays européens étaient les Curètes. Ils étaient au nombre de neuf, et exécutaient, en frappant leurs épées sur leurs boucliers, la danse pyrrhique connue aussi sous le nom de Pryilis. Hoeck a cherché à tort dans la Phrygie l'origine de la danse des Curètes et de la musique orgiaque. Si l'on adopte l'opinion de Welcker, qui fait venir kyrbas de kourès, avec une déformation du second mot en kyras, les Corybantes, qui se prétendaient nés à Samothrace, des fils de Cybèle et de Jasion, et exécutaient pareillement une danse armée, comme ministres du culte orgiaque de Cybèle en Phrygie, laquelle les avait initiés à ses mystères, les Corybantes, disons-nous, ne sembleraient pas autres que les Curètes crétois. D'ailleurs, Ils étaient aussi au nombre de neuf.

On a aussi relié aux Curètes les Dactyles Idéens et les Cabires, Les prêtres de la Cybèle asiatique, introduits plus tard en Europe, rappelaient par leurs orgies le caractère de la déesse qu'ils servaient. Ils parcouraient les campagnes en poussant des cris sauvages, en jouant des cymbales, en sonnant de la trompe, et, au milieu de leur délire, ce frappaient avec des glaives. Ils choisissaient surtout les montagnes et les forêts pour la célébration de leurs mystères. Quant aux Métragyrtes, sans douté issus d'eux, c'étaient des moines mendiants, livrés à tous les excès. On les fustigea un jour judiciairement à Rome, pour leurs débordements. 

Nous avons touché quelques mots du culte de Cybèle à Rome. Pendant les Mégalésies, on baignait sa statue dans l'Almo , et on la promenait ensuite processionnellement. Vers le IIIe siècle, un prêtre ordinaire de Cybèle ne put être institué sans un mode particulier d'expiation, emprunté aux cérémonies chrétiennes, et qui avait lieu aussi pour consacrer une nouvelle divinité, un temple, un autel, un pontife on un prêtre. Quand il s'agissait de la consécration d'un pontife romain, on revétait des habits pontificaux celui qui avait été élu, et on le faisait descendre dans une fosse qu'on couvrait d'une planche percée de plusieurs, trous. Alors le victimaire et les autres ministres servant aux sacrifices amenaient sur la planche un taureau orné de guirlandes; et après l'avoir égorgé, ils en laissaient couler le sang par les trous sur le pontife, qui s'en frottait les yeux, le nez, les oreilles et la langue, parce qu'il croyait que cette cérémonie le purifiait de toute souillure. Ensuite on le retirait de la fosse tout dégouttant de sang, et on le saluait par cette formule : Salve, Pontifex Maxime. Il changeait d'habit, et on le reconduisait en pompe à sa maison, où la solennité se terminait par un grand repas. Cette cérémonie portait le nom de Taurobole ou de Criobole

Le lion était consacré à Cybèle, déesse de la Terre, soit parce qu'on le considérait comme le plus puissant des animaux qui se meuvent sur la terre, soit parce qu'il abondait dans les pays où elle était plus particulièrement révérée. Un mythe tout moderne rapporte cette consécration à l'aventure d'Hippomène. On lui avait aussi consacré le pin; chaque année, suivant Firmicus, dans les Mégalésies phrygiennes, on abattait un de ces arbres et on y suspendait l'image d'Atys. Chez les Grecs, c'était le chêne qui était consacré à Rhéa, ainsi que le carré et le cube et la constellation du Lion. Cette déesse avait enseigné la divination à Oenone, et l'on croyait qu'elle pouvait guérir la folie. 

On a peu de renseignements sur les images de la Cybèle asiatique; il semble qu'originairement elle fut représentée par une pierre brute. En Grèce, c'est à Phidias qu'on doit l'idéal de Rhéa. Vers la cent quinzième olympiade, Nicomaque figura cette déesse assise sur un lion. Rarement on la voit debout, si ce n'est dans quelques médailles; on ne connaît qu'une statue, conservée à Venise, où elle ait cette position. Le plus souvent elle est assise sur un trône, entre deux lions, et porte que couronne murale d'où descend un voile. La meilleure des statues que l'antiquité nous ait laissées d'elle est reproduite dans le Musée Pio-Clémentin. Diverses médailles de l'Asie Mineure, postérieures à l'ère chrétienne, repro duisent cette figuration, ou la tête seule de la mère des dieux. Un bas-relief du Musée Vettori à Rome lui donne pour attributs, outre les deux lions, un aigle et deux colombes. Habituellement, elle a un lion à sa droite, l'autre à sa gauche; d'autres fois elle est portée sur un char trainé par deux (ou quatre) de ces animaux; on bien elle chevauche sur un lion : c'est ainsi qu'elle était représentée dans le cirque de Caracalla. Rarement Atys l'accompagne. Les quatre faces de l'autel cybellio du Musée Capitolin offrent les bas-reliefs suivants : I. Rhéa étendue au sol et prise des douleurs de la maternité. Il. La déesse présentant le bétyle à Cronos. III. Assise, elle regarde Zeus enfant, allaité par des chèvres : des Curètes exécutent une pyrrhique pour amuser le dieu. IV. Les dieux rendent hommage à Zeus. - Une peinture de Pompéi représente Rhéa amenée à Cronos par une femme ailée. Une colonne de la même ville, à laquelle sont suspendues des flûtes et des cymbales, porte à son sommet trois lions. 

La représentation de Cronos et de Rhéa comme souverains des îles heureuses, où les initiés espéraient résider après leur mort paraît avoir pris naissance dans la mystagogie. 

Sur le vase de Poniatowski, reproduit par Millin, Rhéa offre une nourriture divine à un serpent. figuration symbolique qui se rapporte évidemment aux mystères d'Eleusis. Un bas-relief de l'Hiérogamie de Cadmus offre Rhèa assise au milieu des autres dieux, qui sont debout. D'autres oeuvres d'art mettent la déesse dans un rapport in time avec Dionysos. Ainsi , Euphorion parle d'une statue de Rhéa faite de bois de pampre. Quelquefois elle tient le dieu de Nysa.

Sur un bas-relief des Carrières de Paros, la Grande Mère, entourée de nymphes, est assise dans une grotte où elle reçoit les hommages d'un cortège de dévots. Elle seule est assise, ainsi que Pan et Syrinx , placés un peu plus haut sur le flanc du rocher, un autre bas-relief la montre assistant au supplice de Marsyas; un troisième, dansant avec un Corybante dans le temple d'Apollon, où l'on voit aussi Manto; un quatrième, suite devant Atys, qui lui offre un sacrifice. 

Le fameux autel du cardinal Cosi décrit par Zoéga, et fort curieux quoique d'un mauvais travail, figure la déesse dans un char tiré par deux lions; elle tient un tambour et une branche de laurier. Un pin placé devant elle couvre de ses rameaux, sur lesquels on aperçoit un coq, Atys, qui tient aussi un tambour, et auprès duquel est une houlette. Au-dedans du relief on lit cette inscription : M. D. M. I. (Matri Deum Magnae Idaeae) ET. ATTINIS. Un taureau et un bélier, symboles d'Atys et de Cybèle, occupent la face opposée de l'autel : ils sont ombragés par un pin, dont les branches supportent tout l'attirail des solennités phrygiennes, des cymbales, un syrinx, un modius, un coffret, un plat, un coq, etc. Les deux autres faces présentaient autrefois divers symboles emblématiques , une flûte double, deux torches et des cymbales, faisant allusion aux courses de la déesse; mais on ne les voit plus, l'autel ayant été gelé et enclavé dans un mur. On possède d'autres autels tauro-crioboliques analogues; un de ces monuments, trouvé à Lyon, figure le couteau destiné au sacrifice. 

Parmi les oeuvres d'art romaines relatives au culte de Cybèle, Il faut encore mentionner un autel représentant, sur trois de ses côtés, des grelots , une houlette et des flûtes : le quatrième figure l'aventure de la vestale Claudia, reproduite dans un médaillon de la première Faustine. Une pierre gravée du cabinet de Vienne montre derrière Auguste Cybèle et Neptune (Poseidon). Enfin un camée de la même collection représente l'impératrice Livie avec les attributs de la fameuse déesse. 

Quant aux représentations qui ne sont pas directement relatives à Rhéa-Cybèle, Tertullien nous apprend que Parrhasius avait peint un archi-galle. Un bas-relief, décrit par Winckelmann. figure un galle debout devant un trépied et tenant une discipline. Un de ces mêmes prêtres, dans une médaille recueillie par Eckhel, accomplit l'acte de la mutilation sur son propre individu; auprès de lui gît au sol un bonnet phrygien. (E. Jacobi, Th. Bernard).

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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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