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Au départ, Cybèle est la déesse phrygienne de la Terre. Cette divinité est une de celles sur lesquelles on a les données les plus vagues et les plus discordantes. Les Grecs l'identifiaient à Rhéa, fille du Ciel et de la Terre, épouse de Cronos et mère des dieux. Les anciens la confondaient également avec Ops, Vesta, Tellus, Déméter; ils l'appelaient aussi la Bonne Déesse. Elle avait pour prêtres les Cabires, les Curètes, les Corybantes, les Dactyles, les Galles; ils célébraient ses fêtes et ses mystères par mille contorsions et en faisant un grand bruit avec des cymbales et des instruments de toute espèce. Son vrai nom était, suivant Strabon, Agdestis, qui , dans les meilleurs manuscrits de ce géographe, et dans Hésychius, est écrit Agdistis; mais sur une inscription publiée par Spon, dans ses Mélanges d'antiquité, on lit Aggistis, ou plutôt Angistis, Anghistis, Anghestis. Dans l'Epitome de Strabon, et dans quelques manuscrits de cet auteur, ce nom est écrit Aiestis, Agestis, Aggistis. Strabon ajoute que souvent ou désignais cette déesse par le nom des lieux dans lesquels elle était singulièrement honorée. De là viennent les noms de Dyndimène, d'Idéenne, de Sipyline, de Pessinontienne. Elle était encore honorée à Métropolis, dont le nom signifie ville de la mère, et non mère des villes; sur les collines Arctos et Lobinos, qui sont des croupes du mont Dindyme, près de Cyzique, en Galatie , et dans tant d'autres endroits, que la Phrygie pouvait passer pour être tout entière consacrée à la mère des dieux. Suivant d'autres mythologues, Cybèle et Agdestis seraient deux personnages différents; voici le mythe rapporté par Arnobe, qui l'a extrait de la Mythologie des gentils : « Sur les frontières de la Phrygie, était un grand rocher nommé Agdus, qui fournit des pierres à Deucalion et à Pyrrha pour réparer le genre humain. De ce rocher naquirent Cybèle , mère des dieux, et Agdestis, qui était hermaphrodite. Ce dernier, qui était d'une force prodigieuse, ayant entrepris de faire la guerre au dieu Bacchus , trouva le moyen de priver ce redoutable ennemi du sexe d'où il tirait toute sa force. Le sang qui sortit de sa blessure fit éclore un grenadier dont les beaux fruits tentèrent la fille du roi Sangarius, nommée Nana. Elle en cueillit un, et le mit dans son sein; mais la vertu singulière de ce fruit la rendit enceinte; et son père, indigné, la renferma dans une prison, résolu de l'y laisser mourir de faim; mais Cybèle prit soin de la nourrir par le moyen de quelques fruits qu'elle lui apporta. Nana ayant accouché d'un fils dans la prison, le roi Sangarius le fit exposer; mais l'enfant fut enlevé et nourri secrètement par un certain Phorhus, qui le nomma Atys. Etants devenu grand , ce jeune homme charma par sa beauté Cybèle et Agdestis, qui en devinrent amoureux. Midas, roi de Phrygie, charmé de la figure aimable d'Atys, voulut le donner pour époux à sa fille; mais, craignant quelque désordre, il fit fermer, le jour des noces, les portes de la ville. Cependant ces précautions furent inutiles. Cybèle, jalouse de voir son cher Atys épouser une autre femme, enleva les murailles et les tours de la ville, et parut avec cette énorme coiffure à la porte du palais royal. Agdestis arriva en même temps, et répandit l'alarme et la consternation parmi les conviés. Le malheureux époux se réfugia sous un pin; et maudissant le fatal instrument de la passion qu'il inspirait, il se mutila lui-même impitoyablement, et mourut aussitôt après de la blessure qu'il s'était faite. Son épouse, désespérée, se donna la mort; Cybèle et Agdestis éclatèrent on regrets superflus sur le tombeau de leur cher Atys, en l'honneur duquel ou érigea un temple magnifique dans Pessinonte. »Ce récit est ainsi réformé par Eusèbe : « Cybèle , dit ce dernier, fille de Méon, roi de Phrygie, amoureuse d'un jeune homme nommé Atys, étant devenue enceinte, son père, pour la punir, fit mourir son amant. La jeune princesse, désespérée, parcourait longtemps les montagnes et les forêts de la Phrygie, cherchant quelque remède à ses chagrins, et mourut enfin de douleur. Après sa mort, une peste violente ravagea toute la Phrygie. L'oracle, ayant été consulté sur les causes de ce fléau , répondit que la peste ne cesserait d'affliger les Phrygiens qu'après que Cybèle aurait été mise au rang des divinités, et que le corps d'Atys aurait été honorablement enterré dans le temple de Cybèle; ce qui fut exécuté . »Suivant une autre version, Cybèle n'aurait put réussir à plaire à un jeune berger phrygien, nommé Atys , dont elle était devenue amoureuse. Pour se venger de ses mépris, elle lui inspira une fureur soudaine, dans les accès de laquelle il se mutila lui-même. D'autres veulent qu'Atys ait été un jeune homme consacré au culte de Cybèle, et obligé de garder la virginité; mais que la déesse, l'ayant surpris avec la nymphe Sangaride, lui inspira, pour le punir, une rage si violente, qu'il se mutila, et allait même se tuer, si la déesse ne l'eût promptement métamorphosé en pin. C'est en mémoire de cet événement que les prêtres de Cybèle se mutilaient eux-mêmes, et s'habillaient en femmes. Cette déesse avait deux sortes de simulacres : l'un naturel, l'autre artificiel. Celui-ci la représentait comme une femme avancée en âge, robuste et puissante, assise, la tête couronnée de tours, tenant dans une main, ou des épis de millet, ou des têtes de pavot, de l'autre un tambour. Elle avait un habillement de différentes couleurs et chargé de fleurs. Son char était traîné par des lions. A ce simulacre on joignait un jeune homme: c'était Atys. Un bonnet pointu à la phrygienne, et une double ceinture sur la robe; des flûtes et des attabales, sorte d'instrument qu'il tenait d'une main; une houlette ou une crosse qu'il portait dans l'autre, étaient ses vêtements, ses ornements et ses attributs. Ordinairenent on mettait un pin auprès de la statue d'Atys. Le simulacre naturel de la déesse phrygienne était une petite pierre noire, raboteuse, de forme irrégulière, et qui, au milieu de ces irrégularités, présentait une apparence de bouche (ou plus certainement de sexe féminin); c'était par conséquent une de ces petites pierres noires dont les bords sont anguleux ou inégaux, au milieu desquelles se voit un sillon bien marqué, et que les naturalistes ont nommées hystérolithes. Le culte de Cybèle passa de la Phrygie dans l'île de Crète, et de là dans la Grèce; mais il fut inconnu en Italie jusqu'au temps d'Hannibal. A cette époque, les Romains, ayant consulté les livres sibyllins, y trouvèrent un vers qui les avertissait de chercher leur mère. Le sénat, ne pouvant expliquer le sens de cet avertissement, envoya interroger l'oracle d'Apollon, qui répondit : Allez chercher la grande mère des dieux, que vous trouverez sur la cime du mont Ida. On dépêcha aussitôt des députés à Attale, roi de Pergame, qui d'abord voulut s'opposer à cet enlèvement, mais le simulacre de la déesse, qui n'était qu'une grosse pierre que l'on croyait tombée du ciel, déclara lui-même qu'il voulait être transporté à Rome, digne séjour de tous les dieux. Attale ne résista plus, et Cybèle fut conduite à Rome avec grande pompe, et introduite par le jeune P. Scipion, considéré comme l'homme le plus moral de la ville. L'entrée du simulacre fut signalée, dit-on, par un prodige. Le vaisseau qui portait la déesse remontait le Tibre, et était sur le point d'aborder à Rome, lorsqu'il s'arrêta tout à coup, et quelques efforts que l'on fit, on ne put réussir à le faire avancer. Cybèle sur son trône. Art romain. Musée national de Naples. La vestale Claudia, soupçonnée d'avoir violé son voeu de virginité, attacha sa ceinture au vaisseau, et l'amena aisément dans le port, venant à bout à elle seule de ce que n'avaient pu faire des milliers d'hommes. Le simulacre fut placé dans le temple de la victoire sur le mont Palatin, et considéré comme le palladium de la ville; on institua en son honneur une fête, avec des combats simulés. Le culte de cette déesse s'introduisit chez les Gaulois, après que ceux-ci eurent été subjugués par les Romains. On a déterré à Paris une statue de Cybèle, dont la tête est couronnée d'une espèce de temple hexagonal. « Cybèle, dit Saint-Foix, était en grande vénération dans les Gaules. Dès qu'on craignait pour la récolte, on mettait sa statue sur un char traîné par des boeufs; on la promenait autour des champs et des vignes. Le peuple précédait le char en chantant et en dansant ; les principaux magistrats le suivaient pieds nus. »Le jeune Symphorien et plusieurs autres chrétiens furent mis à mort, à Autun et ailleurs, pour n'avoir pas voulu prendre part à ce rituel. Mais ce n'était pas parmi les Gaulois que l'on choisissait les prêtres de Cybèle; aucun d'eux n'eût voulu se soumettre a l'humiliante condition qu'exigeait cette dignité : c'était de Phrygie qu'on faisait venir ces prêtres dégradés de leur sexe. (A19).
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