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La
divination
ou mantique repose sur la croyance à une révélation permanente
que les dieux font aux humains au sujet des événements
passés ou à venir. Elle régularise ces révélations en précisant les
méthodes selon lesquelles on peut interpréter la volonté des dieux ou
les interroger, les personnes et les lieux avec qui ils entrent le plus
volontiers en communication. La foi à la divination est un élément essentiel
des anciennes religions. Nul État, nul humain
presque n'aurait osé entreprendre quelque chose d'important sans consulter
les dieux. Cette croyance a fait la force principale des religions de l'antiquité
classique.
« Sans
la divination, les religions gréco-italiques, soutenues par le seul effort
de l'imagination qui les avait enfantées, se seraient de bonne heure affaissées
dans le vide de leurs doctrines; elles auraient subi le sort des théories
qui éveillent ses besoins sans les satisfaire, et qui succombent sous
le poids de leur inutilité pratique. La divination constituait le bénéfice
le plus net que pussent tirer de leur religion des peuples énergiques
et fiers comme les Grecs et les Romains. Ceux-là ne plaçaient point en
dehors de l'existence terrestre le but de la vie humaine et n'entendaient
point s'endormir dans la résignation paresseuse des races amollies qui
demandent à leurs dieux d'agir à leur place. Rien, par conséquent, ne
répondait mieux à leurs désirs qu'une source toujours ouverte de renseignements
applicables à la conduite de la vie, de conseils qui ne dégénéraient
point en ordres et ne supprimaient point l'initiative personnelle. »
(Bouché-Leclercq).
La divination repose
sur les mêmes principes que la prière; elle est comme celle-ci une demande
d'assistance adressée à la divinité, mais elle laisse une plus grande
place à l'activité humaine, car elle ne demande qu'un conseil, un renseignement
que l'humain voudra ensuite utiliser.
La divination est
un produit naturel de l'idée religieuse; elle
suppose seulement l'existence de divinités supérieures à l'humain en
intelligence, la possibilité pour l'humain d'entrer en relations avec
elles; cela étant concédé, la divination constitue le profit que le
fidèle tire de ses relations avec les dieux. Rien de plus simple que cette
conséquence et de plus conforme à l'idée que les peuples occidentaux
se font de la divinité. Au point de vue intellectuel, la divination est
une connaissance extra-rationnelle; la révélation concédée par les
dieux fait savoir des choses que l'on n'apprendrait pas par le seul effort
du raisonnement et les procédés ordinaires
de la science; on pénètre dans le domaine du surnaturel des connaissances
que l'esprit humain ne peut obtenir par ses forces propres. La divination
s'applique donc en premier lieu à l'avenir, l'avenir des individus ou
des sociétés, des êtres concrets, lequel, par la complexité du problème,
échappe à toute prévision scientifique; elle s'applique aussi au présent
et au passé dans la mesure où les procédés ordinaires d'investigation
ne peuvent suffire à les éclairer. Bien que ce second usage ait moins
frappé les philosophes, il n'est pas moins important que l'autre, et ce
serait se tromper que de réduire la divination à une science de présages.
Elle fut autant appliquée au passé qu'à l'avenir. Toute la cathartique,
la science des expiations et des purifications pour des souillures (souvent
ignorées même du coupable), concerne le passé.
-
La
Diseuse de bonne aventure, par Lucas van Leyden (XVIe
s.)
Les définitions
que nous venons de présenter visent seulement le côté intellectuel du
problème de la divination, la pénétration de la pensée divine par l'intelligence
humaine. C'est bien ainsi que les Grecs ont posé la question, et leur
mantique peut être définie une science surnaturelle. Mais chez la grande
majorité des peuples, la mantique n'est pas distinguée de la magie.
La magie, qui est l'art de produire des effets contraires aux lois de nature,
est proche parente de la divination; elle met au service de l'humain non
plus l'intelligence divine, mais la puissance divine; la distinction est
nette en théorie, mais minime dans la pratique. La divination peut être
comprise dans la magie; dans la partie qu'on appelle théurgie,
beaucoup de ces méthodes empruntent le secours de recettes ou de formules
magiques dont elles interprètent ensuite les effets. Dès que la divination
ne se borne plus à l'observation des incidents fortuits, dès qu'elle
fait intervenir la volonté humaine dans la production des signes sur lesquels
elle opère, elle confine à la magie. Dans les poèmes homériques, les
instruments magiques sont nombreux : la ceinture d'Aphrodite,
la baguette de Circé, le chant des sirènes,
etc. Toute la iatromantique, la divination appliquée à la médecine,
est une branche de la magie. Les premiers devins de la Grèce, comme Mélampus,
sont des magiciens.
Dans la période
gréco-romaine, les théurges qui extorquent aux dieux leurs secrets ne
font que répéter l'action de Ménélas contre
Protée dans l'Odyssée .
Il est donc impossible de séparer complètement la divination de la magie;
toutefois les confondre serait une erreur, et, si l'on voulait s'occuper
uniquement de la magie, on laisserait de côté toute une partie et non
la moins considérable de la science du surnaturel. Il faut maintenir la
distinction fondamentale entre la magie qui permet à l'humain, par la
vertu de certaines formules, de se subordonner les forces naturelles, et
la divination, science contemplative, qui n'empiète nullement sur la liberté
divine et se borne à mettre la pensée divine en rapport avec l'intelligence
humaine. La distinction que nous faisons est un fait historique; elle a
été commencée en Chaldée où la divination
est devenue une science analogue aux sciences naturelles dans ses méthodes
et ses prétentions; elle a été consommée en
Grèce
où l'esprit rationnel des Hellènes a porté à leur perfection les méthodes
divinatoires; les populations européennes ont toujours eu une tendance
à se contenter de la divination en écartant la magie,
et aujourd'hui encore les méthodes divinatoires attirent à ceux qui les
exercent une clientèle immense, tandis qu'il n'y a plus dans notre civilisation
que quelques traces de magie (en dehors des formules du sacrifice que les
religions se sont incorporées). Nous conserverons donc la distinction
usuelle entre la divination et la magie parce qu'elle correspond à la
réalité des faits pour les peuples de l'Occident. Pour les Orientaux,
au contraire, la magie domine.
Tentons, pour conclure
ces généralités d'en déterminer sommairement la philosophie.
La divination soulève en effet des problèmes de métaphysique
et suppose des solutions qui sont loin d'être universellement admises.
Les problèmes soulevés sont presque insolubles et les difficultés opposées
ici par la logique à la
foi
sont si graves que même l'intelligence populaire s'en est rendu compte.
A première vue il semble que la foi en l'utilité de la divination ne
soit pas plus discutable que la foi en l'utilité de la prière. La prière
vise à obtenir une intervention divine afin d'améliorer la destinée
humaine; la divination vise au même résultat; en fournissant à l'humain
des renseignements sur le passé, le présent ou l'avenir, elle doit toujours
améliorer son avenir. Mais, dès que l'on réfléchit, on s'aperçoit
que la divination comporte une antinomie. L'avenir ne peut être connu
que s'il est déterminé d'avance; or, s'il est déterminé, il ne peut
être modifié; la connaissance de l'avenir est soit impossible, soit inutile.
En présence de l'ordre de l'univers, cette idée s'impose, qu'il est régi
par des lois immuables, et c'est bien ce que suppose la science des présages;
mais par là même elle ruine son efficacité, qui ne peut subsister que
si l'avenir est indéterminé, dépendant du caprice d'êtres libres. Plus
scientifique que la magie dans ses conceptions, la divination est dans
une situation moins nette. Appliquée à la destinée humaine, elle devient
solidaire de toutes les discussions engagées sur la liberté et le déterminisme.
Elle suppose l'un et l'autre, le déterminisme en théorie, la liberté
en pratique, et par là se condamne. Nous retrouverons ces discussions
lorsque nous indiquerons l'attitude prise par les philosophes grecs envers
la mantique. Contentons-nous d'observer que celle-ci peut adopter une position
intermédiaire en considérant l'avenir comme déterminé, mais seulement
dans ses lignes générales, ce qui permet de prévoir, non pas les faits
précis qui seront plus tard, mais les conditions générales dans lesquelles
seront placés un humain ou une collectivité, et de leur indiquer ainsi
d'avance les dangers auxquels ils seront exposés, alors qu'il est encore
temps de les éviter. C'est ainsi qu'une route qui va d'un point à un
autre peut emprunter des tracés sensiblement différents, même si les
principales étapes sont déterminées d'avance. Les difficultés psychologiques
qui compliquent le problème de la liberté ne gênent pas la divination.
Il est d'ailleurs évident que celle-ci, pour être efficace, suppose la
liberté divine et la liberté humaine. (G. E.).
A
travers le temps et l'espace
L'Antiquité.
Les
Hébreux.
Il est parlé dans la Bible
de neuf espèces de divinations. La première avait lieu par l'inspection
des étoiles, des planètes et des nuées; c'est l'astrologie
judiciaire ou apotélesmatique, ce que Moïse
nomme Meonen. La seconde est désignée sous le nom de Menakhesch,
que la Vulgate et la plupart des interprètes ont rendue par augures. La
troisième y est appelée Mekascheph, que les Septante et la Vulgate
traduisent par maléfices, ou pratiques occultes et superstitieuses. La
quatrième est appelée Khabarim, enchantements.
La cinquième consistait à interroger les esprits pythons. La sixième,
que Moïse appelle Iddeoni, était proprement le sortilège et la
magie. La septième s'exécutait par l'évocation
et l'interrogation des morts; c'était par conséquent la nécromancie.
La huitième était la rhabdomancie, ou sort par la baguette ou les bâtons,
dont il est question dans Osée; à cette huitième espèce on peut rapporter
la bélomancie qu'Ezéchiel a connue. La neuvième et dernière était
l'hépatoscopie ou inspection du foie. Le même livre fait encore mention
des diseurs de bonne aventure, des interprètes
des songes, des divinations par l'eau, par le
feu, par l'air, par
le vol des oiseaux, par leur chant, par les foudres, par les éclairs,
et en général par les météores, par la terre, par des points, par des
lignes, par des serpents, etc.
Les
Grecs et les Romains.
La divination était une partie considérable
de la théologie grecque et romaine;
elle était même autorisée par les lois, particulièrement chez les Romains.
Cicéron,
dans son Traité sur la Divination, examine d'abord s'il est vrai
qu'il puisse y en avoir, et dit que les philosophes avaient à ce sujet
trois opinions. Les uns soutenaient que, dès qu'on admettait des dieux,
il fallait nécessairement admettre la divination; les autres prétendaient
qu'il pouvait y avoir des dieux sans qu'il y eût de divination; d'autres,
enfin , étaient persuadés que, quand même il n'y aurait point de dieux,
la divination pouvait exister.
Les Romains
distinguaient la divination en artificielle et en naturelle. Ils appelaient
divination artificielle, un pronostic ou une induction fondée sur des
signes extérieurs, liés avec des événements à venir; et divination
naturelle, celle, qui présageait les choses par un mouvement purement
intérieur et une impulsion de l'esprit, indépendamment d'aucun signe
extérieur. Ils subdivisaient celle-ci en deux espèces, l'innée et l'infuse.
L'innée avait pour base la supposition que l'âme, circonscrite en elle-même,
et commandant aux différents organes du corps, sans y être présente
par son étendue, avait essentiellement des notions confuses de l'avenir,
comme on s'en convainc, disaient-ils, par les songes,
les extases, et ce qui arrive à quelques malades aux approches de la mort,
et à la plupart des autres humains, lorsqu'ils sont menacés d'un péril
imminent. L'infuse était appuyée sur l'hypothèse que l'âme,
semblable à un miroir, était éclairée sur les événements qui l'intéressaient
par une lumière réfléchie de Dieu, ou des esprits.
Ils divisaient aussi la divination artificielle
en deux espèces : l'une expérimentale, tirée des causes
naturelles, telles que les prédictions que les astronomes font des éclipses,
etc., ou les jugements que portent les médecins
sur la terminaison des maladies, ou les conjectures que forment les politiques
sur les révolutions des Etats; l'autre consistant
en pratiques capricieuses, fondées sur des jugements accréditées par
la superstition. Cette dernière branche mettait en oeuvre la terre, l'eau,
l'air, le feu, les oiseaux, les entrailles
des animaux, les songes, la physionomie,
les lignes de la main, les points amenés
au hasard, les noms, les mouvements d'un anneau, d'un sas, et les ouvrages
de quelques auteurs; d'où vinrent les sorts appelés Prénestins, Virgiliens
, Homériques.
Le Moyen âge.
Au Moyen
âge, on retrouve en Orient et en Occident un grand nombre des méthodes
de divination communes dans l'Antiquité.
Chrétiens
et musulmans ont conservé pour les prophètes
le respect que leur ont transmis les juifs.
Dans l'Orient, ou la divination se complique constamment de magie,
la méthode la plus appréciée, celle qui tend à absorber toutes les
autres, est l'astrologie.
Germains,
Celtes, Latins.
En Occident, les populations
germaniques et celtiques avaient aussi
pratiqué la divination en mêlant des rites et des pratiques de conjuration.
L'extase prophétique des femmes se retrouve dans toutes ces religions
depuis la Bretagne jusqu'Ã la Scandinavie. Les Celtes et les Germains
ont interrogé les sources, le bruit du vent dans les arbres, le vol des
oiseaux, les entrailles des, victimes, les songes, Parmi les présages
fortuits, on attacha toujours une grande importance à la première rencontre
qu'on faisait en sortant de chez soi. Dans un autre ordre d'idées, le
jugement de Dieu, les ordalies se rapprochent
de la divination. Le christianisme conserva
cette pratique, bien qu'il ait pourchassé la plupart des autres qui finirent
par se confondre avec la sorcellerie. Il ne put proscrire la chiromancie
et fit usage de la stichomancie, divination par des vers ou phrases isolées
en l'appliquant à la Bible. L'astrologie
fut, en Europe comme en Asie, la méthode caractéristique de la divination
du Moyen âge. Complètement ruinée par les progrès de la science, elle
a laissé une place vide. Mais les Tsiganes ont apporté un grand renfort
à la mantique, par une série de pratiques qui se rattachent à la divination
sidérale.
Les
Slaves.
Les Slaves
avaient plusieurs modes de divination. Le premier s'exécutait de la manière
suivante : On jetait en l'air des disques de bois appelés
kroujcki,
blancs d'un côté, noirs de l'autre. Lorsque le côté blanc se trouvait
en dessus, le présage était heureux, et sinistre, si le noir prévalait.
Lorsque l'un montrait le côté blanc et l'autre le côté noir, le succès
devait être médiocre. La deuxième divination se faisait par le moyen
du cheval Swetowid. La troisième se tirait des évolutions que décrivait
le vol des oiseaux; la quatrième, des cris des animaux et de leur rencontre;
la cinquième, des ondulations de la flamme et de la fumée; la sixième,
du cours des eaux et des différentes formes que prenaient les flots et
l'écume; la septième se faisait en mêlant ensemble des branches d'osier,
et en les retirant ensuite l'une après l'autre, à un temps marqué, et
en prononçant des paroles consacrées.
Pour découvrir les voleurs, le Tchèques
employaient le moyen suivant. Ils supposaient dix directions correspondantes
aux dix doigts des mains; et après s'être enivrés de fumée de tabac,
si l'un de leurs doigts venait à trembler, ils déclaraient que le voleur
s'était dirigé de ce côté.
Les
Musulmans.
La loi musulmane
proscrivait la divination cependant la confiance qu'y avaient les peuples
était si puissamment enracinée, que Mahomet
lui-même le destructeur du culte des idoles, ne put jamais détruire les
illusions de la magie, de l'astrologie, des augures,
des songes , etc. Malgré la prohibition sévère
qu'en fait la loi, non seulement elles ont toujours régné en Arabie,
mais elles se sont encore propagées dans toutes les contrées où les
premiers Arabes musulmans ont imprimé, le sabre à la main, le caractère
de l'islam et celui de leurs superstitions.
On voit, dans l'histoire de ces peuples,
combien celles-ci ont influé sur les projets des monarques, sur les opérations
politiques , sur les révolutions des Etats, sur la destinée des nations,
comme sur le sort particulier des familles et des simples individus.
Les cheikhs, ou supérieurs des communautés
de derviches, exercent ostensiblement la divination, et ils sont à cet
égard fort accrédités auprès des grands comme auprès du simple peuple.
La divination
moderne.
La foi à la divination est encore très
vivace de nos jours, ayant survécu aussi bien que la religion à tous
les progrès des sciences. Sauf dans les cas
exceptionnels où la religion accepte des manifestations de l'extase prophétique,
dont la crédulité populaire impose l'acceptation aux chefs de l'Eglise,
elle est pratiquée seulement par des devins libres jouissant d'une considération
médiocre. Les principales méthodes sont dérivées de l'astrologie; la
plus usuelle est la cartomancie; la divination
par le marc de café, le blanc d'oeuf, etc., sont également astrologiques
dans leurs origines. L'oniromancie a conservé
de nombreux adeptes et le bagage sans cesse accru des interprétations
traditionnelles permet de consacrer aux Clefs des songes de véritables
volumes. La chiromancie est également pratiquée.
Enfin la divination ominale, l'interprétation des présages fortuits a
encore une grande action sur l'imagination populaire, et l'on sait que
dans les pays du Midi elle est encore souvent utilisée par ceux qui prennent
des numéros de loterie. Ajoutons-y les idées sur la double vue, appliquées
par les somnambules.
Divinations d'ailleurs.
Les
Chinois.
En Chine,
quand il s'agissait de fonder une ville, ou de décider quelque affaire
importante, on consultait les sorts; ce qui se fait de deux manières :
ou par une certaine plante appelée chi, ou par l'écaille de la
tortue. On ne sait pas bien comment se pratiquait dans les anciens temps
la divination par la plante chi. A l'époque moderne, on pose à droite
et à gauche un paquet de feuilles de cette plante; on récite des paroles
mystérieuses, et, en prenant une poignée de feuilles dans chaque paquet,
on augure d'après leur nombre. On prend une tige sèche de cette plante,
on la fend et on la coupe en forme de baguettes minces, d'un pied de longueur.
On devine au moyen du livre sacré, appelé Yijing .
La divination par la tortue se faisait en posant du feu sur une écaille
de tortue, et en augurant d'après la direction des stries que la chaleur
y formait. Dans le Chi-King, nous voyons l'ancien chef Tan-Fou placer
le feu sur l'écaille de la tortue; avant de se fixer avec sa tribu au
pied du mont Khi. Des officiers âgés avaient la charge d'interpréter
les songes de l'empereur. Des devins expliquaient aussi les songes des
hommes puissants. La vue d'une pie était de bon augure; il était au contraire
fâcheux de voir un corbeau noir ou un renard roux.
Lord Macartney nous apprend que, dans toutes
leurs entreprises importantes, les Chinois de l'époque impériale cherchent
à en connaître l'issue, soit en consultant leurs divinités, soit en
mettant en oeuvre différentes pratiques superstitieuses. Quelques-uns
mettent dans le creux d'un bambou plusieurs petits bâtons consacrés,
marqués et numérotés. Le consultant, à genoux devant l'autel, secoue
le bambou, jusqu'à ce qu'un des bâtons tombe à terre. On en examine
la marque, et celle qui y correspond dans un livre que le prêtre tient
ouvert, répond à la question proposée. Quelquefois les réponses se
trouvent écrites sur une feuille de papier collée dans l'intérieur du
temple. D'autres jettent en l'air un polygone de bois dont chaque face
a sa marque particulière; et quand il tombe, le signe qui se trouve au-dessus
est celui qui indique la réponse. Si cette réponse est favorable, celui
qu'elle concerne se prosterne avec reconnaissance, et entreprend avec confiance
l'affaire qui l'intéresse; sinon, il jette en l'air le même bois, une
seconde et une troisième fois, et la dernière décide irrévocablement
ce qu'il doit faire.
Les
Tibétains.
A Lhassa,
capitale du Tibet, il y a diverses méthodes
de divination. Quelquefois les lamas devinent en traçant sur une feuille
les huit figures appelées Koua et certains mots tibétains. Ils figurent
aussi ces huit koua avec des grains d'orge grise, et arrachent les fils
de différentes couleurs. Ils devinent également en comptant les grains
de leur chapelet, en traçant des raies sur la terre, ou en brûlant des
os de mouton. Quelquefois ils regardent dans une jatte d'eau et voient
ce qui doit arriver. Les femmes pratiquent également cet art. Une autre
manière de deviner consiste en ce que le devin ouvre son livre sacré,
le présente à celui qui l'interroge, et celui-ci y reconnaît clairement
le bonheur ou le malheur futur. Ce moyen de deviner a quelque analogie
avec les sorts sacrés employés en Chine.
Les
Muysca.
Chez les Muyscas, peuple du plateau de
Bogota,
en Colombie, quand un enfant venait au
monde, pour savoir s'il serait heureux ou malheureux, on prenait un peu
de coton que l'on mouillait avec du lait de la mère, et qu'on enveloppait
ensuite avec des joncs, de manière à en faire une boule, que l'on jetait
dans le fleuve. Six jeunes gens, bons nageurs, se précipitaient aussitôt
: si le courant entraînait la boule avant qu'ils pussent l'atteindre,
on croyait que l'enfant serait malheureux; dans le cas contraire, ils la
rapportaient en triomphe comme l'indice d'un bonheur certain. On célébrait
alors une fête; puis chaque jeune garçon s'approchait du nouveau-né
et lui coupait une mèche de cheveux, jusqu'à ce qu'il ne lui en restât
plus. On jetait ces cheveux dans le fleuve, et on y baignait ensuite l'enfant.
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En
librairie - Yves de Sike, Histoire
de la divination, Larousse, 2001. - Ervan Dianteill, Des dieux
et des signes, initiation, écriture et divination dans les religions afro-cubaines,
EHESS, 2001. - Collectif, Divination et rationalité en Chine ancienne,
Presses universitaires de Vincennes (Extrême Orient / Extrême occident
n° 21), 1999. - Toufic Fahd, La divination arabe, Actes Sud, 1999.
- Jean-René Jannot, Devins, dieux et démons
(regards sur la religion de l'Etrurie antique), Picard, 1998. - Christian
Guyonvarc'h,
Magie, médecine et divination chez les Celtes, Payot,
1997. - Simone Kalis et Pierre Erny, Médecine traditionnelle, religions
et divination chez les Seereer Siin du Sénégal, la connaissance de la
nuit, L'Harmattan, 1997. - Jean Nougayrol, Divination en Mésopotamie
ancienne, PUF, 1992. - Raymond Bloch, La Divination, essai sur l'avenir
et son imaginaire, Fayard, 1991. - Nicole Cazauran, Divination et
controverse religieuse en France au XVIe siècle, Rue d'Ulm, 1987.
- Collectif, Divination et rationalité, Le Seuil, 1974.
A.
Bouché-Leclercq, Histoire de la divination dans l'antiquité, rééd.
Jérôme Millon, 2003. - Cicéron,
De la divination,
Les Belles Lettres, 1992.
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