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Le Moyen Âge
L'Europe au XVe siècle
La première partie du XVe siècle finit en 1453, à la prise de Constantinople par les Turcs ottomans.

Le grand schisme domine l'histoire de tous les états chrétiens. Les conciles de Pise, de Constance et de Bâle nomment chacun à son tour un pape : le premier pour remplacer deux pontifes rivaux; le second pour appliquer les principes de réformes déjà posés et qui furent encore laissés en oubli; le troisième pour couvrir les prétentions démocratiques et révolutionnaires d'une fraction de l'Église et tenir tête au pape de Rome, qui s'appuie sur un autre concile, le concile de Florence. La condamnation des hérétiques de Bohème est l'oeuvre des pères de Constance; ceux de Florence décrètent la réconciliation des Églises latine et grecque, sans pouvoir réveiller les sympathies de l'Occident en faveur des Grecs enveloppés par les Turcs; la supériorité des conciles généraux sur les papes, proclamée à Constance et à Bâle, n'empêche pas Nicolas V, qui triomphe avec le concile de Florence, de raffermir et de propager en Italie la puissance du Saint-siège.

L'Allemagne semble avoir fait le sacrifice de ses anciennes prétentions sur la péninsule : l'empereur Robert, choisi par les électeurs ecclésiastiques; Sigismond, le second fils de Charles IV; Frédéric III, prince de la maison d'Autriche renouvelée, qui a régné depuis sans interruption, hasardent de courtes apparitions en Italie. Rome pourrait redevenir le centre de la nation italienne, soustraite à la tutelle germanique. Les empereurs songent surtout à agrandir et à faire prospérer leurs États héréditaires. Leur pouvoir impérial est trop limité par la diète, qui fait les lois, les traités, les alliances, les déclarations de guerre, exerce la haute police, et se réserve même des attributions judiciaires; les membres immédiats du corps germanique sont partagés en quatre classes : le collège des électeurs, celui des princes, le corps des villes libres et impériales, le corps de la noblesse immédiate.

Sous des empereurs faibles, sous des papes rivaux, les factions guelfe et gibeline se sont presque éteintes en Italie. A Milan, les Visconti, après avoir longtemps lutté contre Venise pour empêcher ses conquêtes en terre ferme, laissent aux Sforza, famille d'aventuriers braves et heureux, un duché encore considérable, mais difficile à garder. Les Médicis s'étudient à calmer les agitations des Florentins pour leur faire goûter tous les fruits de la liberté, du culte des lois, de l'industrie et des lettres; Pise et Livourne, au pouvoir de Florence, lui donnent les avantages des villes maritimes, sans l'exposer aux mêmes périls. Naples, qui a vu se renouveler, sous les princes de la maison de Duras, les anciennes luttes angevines, est enfin conquise par les Aragonais de Sicile : Alphonse, roi d'Aragon et des grandes îles de la Méditeranée, se rend digne de régner sur des Italiens, par la protection qu'à l'exemple du pape et des Médicis il accorde aux beaux-arts. Il domine à la fois les deux péninsules. La Navarre passe par un mariage sous l'influence de son fils dont l'ambition cause des luttes parricides. La Castille ne connaît plus que les guerres de la noblesse contre le roi. Les Portugais vont chercher sur la côte atlantique de l'Afrique des expéditions saintes et des courses d'aventures qui leur préparent un siècle de gloire et de prospérité commerciale.

Le XVe siècle s'ouvre en France par un lamentable spectacle : la démence du roi, les intrigues et les perfidies de la reine Isabeau de Bavière, les rivalités sanglantes des deux maisons d'Orléans et de Bourgogne, toutes deux d'origine royale; des massacres rendus pour des massacres au sein de Paris; l'assassinat pour l'assassinat; des provinces au pouvoir de l'Anglais Henri V de Lancaster qui n'étant pas, comme son père, obligé de donner tous ses soins à s'affermir sur un trône usurpé, avait recommencé la guerre de France. La bataille d'Azincourt est complétée par le traité de Troyes (La Guerre de cent ans). Le peuple de France, accablé de tous les fléaux, en proie aux soldats, aux seigneurs, aux impôts, à la famine, aux maladies contagieuses, n'abandonne pas le légitime successeur du roi. Charles VII recouvre le royaume grâce notamment à Jeanne d'Arc, à la bravoure de la petite noblesse, bientôt même au duc de Bourgogne, chèrement racheté au parti national, et à l'argent de Jacques Coeur, qui fut ensuite exilé et dépouillé. La France sort de ses ruines par la ferme énergie du roi, qui ne fait grâce ni aux seigneurs traîtres ou cupides, ni au dauphin ambitieux. Au moment où les Anglais sont enfin chassés de nos provinces, ils s'agitent dans leur île au sein des factions nées de l'opposition des maisons de Lancaster et d'York qui, toutes deux, descendaient d'Édouard III (La Guerre des deux roses).

Dans les États du nord, la rivalité de nations arme les Suédois contre le Danemark, auquel ils ne veulent pas rester soumis. Mais les Suédois auraient dû d'abord être unis entre eux pour échapper à la suprématie danoise. C'est plus qu'une question de suprématie qui, depuis près de deux siècles, s'agite entre les Russes et les Mongols de la grande horde; le joug pèse sur les Slaves, gardiens d'une des portes de l'Europe.

A l'extrémité orientale du monde chrétien , l'existence même des Grecs est en question-: les secours des Occidentaux, si souvent implorés, et achetés d'avance par une promesse de réunion des deux Églises, ont été moins utiles aux Paléologue que l'invasion des Turco-Mongols conduits par le terrible Tamerlan. Mais après vingt années de désastres ou d'anarchie intérieure, les ottomans reparaissent jusqu'au nord de la Thrace, sur le Danube, et en Albanie; si le Hongrois Jean Huniade et l'Albanais Scanderberg semblent invincibles, dans le port et sous les murs de Constantinople le nouveau sultan Méhémet II n'a affaire qu'à quelques milliers de Génois, et à des Grecs sans armes ou sans courage : le dernier empereur, Constantin XII, meurt du moins noblement; Constantinople devient la capitale de la puissance ottomane établie en Europe.

Quelques récits d'histoire militaire ou ecclésiastique, et des travaux d'érudition ou de grammaire ferment l'âge byzantin sous la domination des Paléologue. Gemisthe Pléthon, et surtout Bessarion, son disciple, venus à Florence pour la réconciliation des deux Églises, y apportent le goût des lettres grecques. Dans la langue latine, la théologie s'honore des noms de Pierre d'Ailly, qui a écrit sur la réforme de l'Église, et de Gerson, une des grandes lumières de l'université de Paris et du concile de Constance, défenseur des principes gallicans, l'un des auteurs présumés de l'Imitation de JésusChrist; il s'est occupé d'astrologie et a censuré le Roman de la Rose. La littérature profane est cultivée surtout par Léonard Arétin, le Pogge et Guarini de Vérone : leur latinité a de la correction et de l'élégance, et n'est pas indigne quelquefois de celle des anciens; la recherche, l'interprétation, ou la traduction des manuscrits perdus ou oubliés, des ouvrages historiques, des mémoires sur les événements publics du temps, des discours, des lettres, des satires prouvent leur goût et la fécondité de leur esprit.

La poésie italienne crée le genre fantasque et se plaît à la composition de sonnets. En France, l'historien Enguerrand de Monstrelet, moins habile et moins éclairé que Froissart, pâlit devant Alain Chartier, orateur et poète : cette bouche « de laquelle étaient issus tant de mots dorés » reçut un baiser de la dauphine Marguerite d'Écosse, belle-fille de Charles VII. Les poésies légères de Charles d'Orléans, le prisonnier d'Azincourt, ont du naturel et de la grâce, et sont empreintes d'un sentiment parfait de la mélodie; mais il paraît étranger aux fortes émotions de l'âme. Les compositions des mystères, jouées par les acteurs de la passion de Jésus; les moralités, les farces et les sotties, jouées par les clercs du palais, organisés en corporation de la basoche, et à qui l'occasion des fêtes particulières à leur profession attire un grand concours de peuple, donnent naissance au théâtre français.

La propagation des lumières va être accélérée par l'invention de l'imprimerie à caractères mobiles. Déjà au moyen de planches de bois solides, on avait représenté des mots et des lignes d'écriture sur les cartes à jouer; on avait imprimé des recueils d'images avec de courtes inscriptions, et des livrets d'église ou d'école. L'idée des types mobiles, premier germe de la typographie proprement dite, est conçue avant 1440 par Gutenberg; les caractères mobiles de fonte, inventés enfin par Gutenberg, perfectionnés par Schoeffer, sont employés pour la première fois par ces trois artistes à l'impression d'une Bible, commencée à Mayence vers 1450. Les premiers livres imprimés avec une date positive sont les psautiers de Mayence de 1457 et 1459, le traité de Durand sur les offices divins en 1459, le Catholicon, ou dictionnaire latin de Jean Balbi en 1460. En moins de vingt ans, Rome, Venise, la France, l'Angleterre et l'Espagne ont des imprimeries ; à la fin du XVe siècle, on imprimera dans deux cents villes de l'Europe. Cette découverte est dans l'histoire de la civilisation humaine et des révolutions politiques et religieuses de l'Europe le véritable point d'arrêt entre le Moyen âge et les Temps modernes.

Après la prise de Constantinople. Les débuts de la Renaissance

Constantinople prise en 1453 et l'empire grec détruit, les succès de Méhémet II sont rapides : il reste maître de l'Albanie après la mort de Scanderbeg; possesseur de la Morée et de l'Eubée, il laisse à peine quelques îles aux Vénitiens; ses armées courent sur le Danube, dans le Frioul, et occupent Otrante, la clef de l'Italie. La terreur des Occidentaux inspire bien des projets de croisade qui avortent, et des tentatives de réconciliation entre les États divisés de la péninsule qui ne mettront pas trêve à leurs rivalités. Heureusement, après Méhémet II, les séditions des janissaires et l'ambition jalouse d'un frère du nouveau sultan ralentissent les progrès des Turcs.

L'Italie donne asile aux fugitifs de Constantinople. Les Grecs enseignent leur langue aux Italiens, apportent les riches textes de leur antique littérature et dirigent les premiers efforts que l'on fait alors pour étudier et imiter ces grands modèles. Les Chalcondylas, les Lascaris, Jean Andronic et Théodore Gaza de Thessalonique, Jean Argyropyle de Constantinople, révèlent à leurs disciples de Milan, de Florence et de Rome, les auteurs classiques de l'Antiquité grecque. Ils ont des protecteurs dans le pape Nicolas V qui fonde la bibliothèque du Vatican; dans Pie II, qui avait déjà illustré comme littérateur le nom d'Aeneas Sylvius; dans les Médicis, Cosme et Laurent, auxquels Florence doit son académie et sa précieuse bibliothèque. Les platoniciens grecs prévalent en Italie : le chanoine Marcile Ficin enseigne leur doctrine à Florence, le fameux Pic de La Mirandole essaye, de concilier Platon et Aristote. Les travaux littéraires proprement dits , les études de critique, d'histoire, d'éloquence, les traductions servent mieux à polir la langue latine. Laurent Valla ouvre à Naples et à Rome des cours publics d'éloquence latine et grecque; François Filelfo est un brillant professeur d'éloquence et de philosophie à Bologne, à Florence, à Sienne et à Rome. Ange Politien, dans ses nombreuses productions, semble se rapprocher de l'ancienne langue des Romains.

Ange Politien enrichit aussi la langue italienne, qui reprend dans ses stances sa force et ses vives couleurs; le style épique lui doit un grand nombre d'expressions, de comparaisons et de tours. C'est en italien aussi que Bojardo compose, à la cour des princes d'Este, son poème de Roland amoureux. Hercule d'Este fait représenter des comédies grecques et latines traduites en italien.

Les arts du dessin touchent à leur plus grande gloire : Bramante et Michel-Ange s'annoncent, Léonard de Vinci est déjà renommé, et le jeune Raphaël s'essaye sous les yeux du Pérugin.

Les beaux-arts ne rendent pas les moeurs publiques meilleures et plus douces; il n'y eut jamais plus de perfidies, de trahisons, de meurtres et d'atroces débauches. Le règne de Ferdinand d'Aragon, fils naturel d'Alphonse, qui l'emporte sur un nouveau prétendant de la maison d'Anjou , est un fléau pour l'Italie méridionale. Jean Galéas Marie Sforza ne sait être qu'un tyran et meurt assassiné dans une église. Les Pazzi et le pape Sixte IV trament une conjuration contre les Médicis : Julien est massacré dans une église; son frère Laurent, seulement blessé, est obligé de soutenir la guerre contre le pape qui ne se trouve pas assez vengé. Alexandre VI épouvante l'Eglise et le monde par l'audace encore inouïe de ses crimes. Ludovic le More Sforza, qui appelle les Français en Italie, a recours au poison pour succéder plus tôt à son neveu, le duc de Milan.

L'Allemagne aura longtemps un empereur vaincu bien des fois par ses voisins de la Hongrie et de la Bohème, qui pénètrent jusqu'à Vienne. Le mariage de son fils Maximilien avec l'héritière des vastes états de Bourgogne et des Pays-Bas, accroît l'influence de sa maison ; mais il néglige d'assurer la paix publique de l'empire. A l'est de l'Allemagne, la Pologne fleurit sous les princes Jagellon et tient tête à l'Ordre teutonique; les Russes, avec Ivan, secouent le joug des Tartares et se civilisent. La Suède remplace le roi par un administrateur élu qui, malgré les trahisons du clergé, défend l'indépendance contre les Danois.

En Castille, le règne de Henri IV n'est qu'un long cours de troubles, de conspirations et de discordes : sa soeur Isabelle se fait déclarer héritière présomptive du trône. Isabelle et son mari, Ferdinand le Catholique, qui est l'héritier et bientôt le possesseur de l'Aragon, dépouillent les Maures du royaume de Grenade, débris de la puissance musulmane fondée depuis huit siècles, répriment la noblesse, font de milices, les hermandads ou fraternités des villes, un appui pour la royauté, et livrent les hérétiques et les juifs au tribunal sanglant des inquisiteurs.

C'est d'Isabelle que le Génois Christophe Colomb, décidé à trouver une route vers les Indes à l'ouest de l'océan Atlantique, comme les Portugais en cherchaient une en naviguant à l'est sur les côtes africaines, obtient, non sans peine, les moyens de découvrir et de donner à l'Espagne un nouveau monde. Il touche terre aux Antilles, en 1492 , quand les Portugais n'osaient encore franchir le cap des Tourmentes. Le cap des Tourmentes devient le cap de Bonne-Espérance pour Vasco de Gama qui, s'avançant hardiment à l'est, va le premier aux Indes orientales en tournant l'Afrique. Ce voyage change le commerce de l'ancien monde. Alexandrie en avait été le centre sous les Ptolémées, sous les Romains et sous les Arabes; cette ville était l'entrepôt de l'Europe et des Indes. Venise, au XVe siècle, tirait presque seule d'Alexandrie les denrées de l'Orient et du midi, et par cette industrie s'enrichissait aux dépens de l'Europe. L'expédition de Vasco de Gama détourne le cours de ces richesses : une bulle pontificale, après le premier voyage de Colomb, a partagé les Indes orientales et occidentales entre les Portugais et les Espagnols. Un Portugais, Alvarès de Cabral, touche, sans l'avoir cherchée, la côte du Brésil , et le Florentin Americo Vespucci sera le plagiaire presque inconnu de la gloire du génois Christophe Colomb.

La France et l'Angleterre laissent près d'un siècle d'avance aux Espagnols et aux Portugais dans les terres nouvelles. Sous le nom de rose blanche et de rose rouge, les factions d'York et de Lancaster déchirent la Grande-Bretagne : les batailles et les échafauds appauvrissent le sang de la noblesse; la royauté se retrouve plus forte sur ces ruines, après la chute du dernier roi de la rose blanche, le sanguinaire Glocester, Richard III. Henri VII Tudor, de la maison de Lancaster, se maintient par sa prudence et sa bravoure sur le trône où la victoire et le parlement l'ont appelé; son avarice et sa dureté n'empêchent pas les Anglais de le compter au nombre de leurs plus habiles rois. En France, sous Louis XI, la lutte est, dès le début, engagée entre le pouvoir monarchique et la noblesse. Ce prince préfère les négociations à là guerre : il aime mieux tromper que vaincre; pourvu qu'il atteigne son but, que les moyens soient injustes ou horribles, il les sait concilier avec une dévotion superstitieuse et avec le titre de roi très chrétien, qu'il a porté le premier, sans doute parce qu'il abandonna au pape Pie II la pragmatique sanction. L'orgueil des seigneurs reçoit des leçons terribles; on doit à sa fourberie et à sa froide cruauté l'affaiblissement et presque l'extinction de la tyrannie féodale. Charles le Téméraire, déjà vaincu par l'astuce du roi, est brisé par l'audace des Suisses, les alliés de Louis. La puissance royale prévaut enfin, et le bien-être des masses, le véritable bien public, n'est pas oublié. La royauté traverse une phase difficile pendant la jeunesse de Charles VIII : Anne de Beaujeu, la régente, se montre digne de son père, et triomphe de la noblesse par les armes autant que par les intrigues.

Le jeune Charles VIII jette inconsidérément la France dans des guerres de conquête. Enlever les Deux-Siciles et par suite Constantinople, ce n'est pas un rêve trop ambitieux pour un admirateur passionné de César et de Charlemagne : cependant il est heureux, après avoir célébré à Naples de faciles triomphes par des fêtes magnifiques, de s'ouvrir, par la victoire brillante de Fornoue, un retour vers ses États : Venise a noué la première ligue européenne contre la France. Le dominicain fanatique et haineux Jérôme Savonarole, qui a appelé les Français au nom de Dieu pour punir les crimes de l'Italie; qui a, par ses prédications, entraîné les Florentins à chasser les Médicis, est à la fin sacrifié à la haine d'Alexandre VI et périt dans les flammes. Louis XII cède au même entraînement que Charles VIII : l'amitié indigne des Borgia, l'occupation rapide de Milan ne lui donnent pas une force réelle en face de Ferdinand le Catholique et de Maximilien. La question italienne sera le noeud de la politique des États de l'Occident.

La France et l'Allemagne ne se ressentaient pas encore du mouvement intellectuel de l'Italie. Rien n'indique une rénovation des sciences, et Copernic, né en 1473, au delà des terres allemandes, à Thorn sur la Vistule, n'a peut-être pas conçu déjà son système du monde. La langue latine, cultivée en France, sert à Robert Gaguin à composer un sommaire de l'histoire de France; les sermonnaires mêlent des mots et des phrases d'un jargon moderne à du latin barbare, et leur ton simple et trivial rend plus accessibles au peuple leurs paroles souvent audacieuses. Jean Jouvenel des Ursins emploie la langue française à raconter le long règne de Charles VI; les mémoires d'Olivier de la Marche embrassent les règnes de Charles VII et de Louis XI. Le témoin, l'historien de cette époque est Philippe de Comines, vrai continuateur de Froissart et de Monstrelet, quoiqu'il ne leur ressemble pas : c'est l'histoire politique et réfléchie; on sent l'homme élevé aux grandes affaires.

Un recueil de Cent nouvelles nouvelles, fruit des causeries et des veillées de châteaux, est composé à la cour du duc de Bourgogne peut-être quand Louis XI, encore dauphin, y vivait retiré; on l'a quelquefois attribué à Louis XI qui n'a composé lui-même qu'un Rosier ou Épitome d'histoire. Le principal rimeur français est Villon, dont la verve souvent licencieuse ramène au naturel. Il ouvre la littérature française moderne. Entre les productions auxquelles ont pu donner naissance les représentations des mystères, des moralités et des sotties, rien n'égale la farce de Patelin, qui paraît dans sa première forme peut-être vers la fin du XVe siècle.

Le souvenir du schisme d'Avignon, le progrès des lumières accéléré par l'imprimerie, par l'émigration des Grecs en Italie et par l'administration des Médicis, enfin les découvertes de Christophe Colomb et de Vasco de Gama, préparent les grands mouvements qui doivent agiter tout le XVIe siècle. (Ch. Dreyss).

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