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![]() | Alexandre VI, a été pape de 1492 à 1503. Il se nommait Rodrigo, et était fils de Joffré Lanzol ou Lanzuoli et d'lsabelle Borgia, soeur du pape Callixte III; né en 1431, à Xativa, près de Valence, mort le 18 août 1503. On a dit qu'il portait le nom de sa mère, parce qu'il avait été adopté par son oncle maternel; des médailles frappées sous son pontificat le nomment encore Lanzuoli. Ses biographes ne sont pas d'accord sur l'emploi de sa première jeunesse : les uns affirment qu'il s'occupait de jurisprudence; les autres, qu'il était militaire; peut-être avait-il étudié le droit avant d'essayer de la profession des armes. Quoi qu'il en soit, il opta finalement pour l'Eglise, déterminé sans doute par l'accession de son oncle au siège apostolique (1455). - ![]() Le pape Alexandre VI. Dès la première année de son pontificat et par un acte audacieux de népotisme, Calixte III éleva son jeune neveu aux dignités d'archevêque de Valence et de vice-chancelier de l'Église. Une pareille élévation, moins à cause de l'irrégularité canonique qu'à cause des convoitises qu'elle excitait, exposait celui qui l'avait obtenue à des périls qui se manifestèrent après la mort de son oncle (1458), sous les pontificats de Pie II et de Paul Il. Rodrigo les traversa sans naufrage, mais non sans difficulté. Il travailla à l'élection de Sixte IV, qui le récompensa en le nommant cardinal-évêque de Porto, et il prit une part plus active encore à l'élection d'Innocent VIII, en 1484; sous ce pape, il retrouva une importance prépondérante. A cette période de sa vie se rapportent la composition et la publication de deux livres concernant l'administration ecclésiastique et la défense de la foi : Glossa e Roderici Portuensis Episcopi in regulas Cancellariae et Constitutiones Innocentis VIII de benefeciis; Rome, 1487; Clypeus defensionis fidei. Sa liaison avec Vanozza remonte vraisemblablement à 1471; il paraît certain que César Borgia, l'un des enfants qu'il eut de cette femme, naquit le 18 septembre 1475. Nous croyons devoir noter ces points, parce qu'ils constituent des points de repère au milieu des controverses confuses et passionnées qu'ont suscitées l'histoire et surtout la vie intime d'Alexandre VI. Vanozza, dont on croit avoir retrouvé le nom de famille : De Cattanei, eut cinq enfants, qu'Alexandre traita comme siens : François, qui devint duc de Candie, général de l'armée du Saint-siège Quand Innocent VIII mourut, Roderic Borgia, archevêque de Valence, vice-chancelier de l'Eglise, cardinal-évêque de Porto, possédait une parfaite connaissance des choses de Rome et une experte estimation de ce que la papauté vaudrait pour un homme tel que lui. Trouvant tous les cardinaux, à l'exception de cinq, disposés à lui vendre la tiare, il acheta leurs suffrages et fut élu pape, le 11 août 1492, et couronné le 26 du même mois. Pour s'assurer de ceux qui lui avaient servi et qui pourraient encore lui servir d'appui, il s'empressa de s'acquitter envers ses électeurs : Ascanio Sforza reçut, sinon, comme on l'a dit, quatre mules chargées d'argent, certainement, ce qui valait beaucoup plus, la dignité de vice-chancelier de l'Eglise; le cardinal Orsini eut le palais Borgia; le cardinal Colonna, l'opulente abbaye de Subiaco; et les autres, d'autres dignités, d'autres domaines et d'autres bénéfices. Dès le jour de son élection, Alexandre répandit d'abondantes largesses sur les pauvres. Comme tous les hommes vraiment habiles, qui veulent abattre les grands, il eut constamment le souci des intérêts du peuple et il le fit profiter des avantages d'une police, d'une administration et d'une justice incontestablement supérieures à celles que Rome avaient connues sous ses prédécesseurs. D'autre part, ses goûts personnels, d'accord avec sa politique, l'incitaient à protéger les arts et les lettres. Pour compensation, il exploita avec une audace insolente toutes les choses dont la papauté était la dispensatrice; il renouvela, cumula et agrandit immensément tous les moyens d'exaction fiscale pratiqués dans l'Église avant lui, et il en ajouta d'autres. En une seule fois, il offrit en vente, par placards affichés à la porte de la Chancellerie, quinze mille grâces expectatives; il s'appropria toutes les offrandes et toutes les redevances du grand jubilé qui advint sous son pontificat; il s'empara des successions des cardinaux de la Rovere, de Capoue, de Zeno, au mépris des dispositions testamentaires qu'ils avaient faites, sous motif qu'ils les avaient prises sans son consentement. De pareilles confiscations se renouvelèrent fréquemment contre d'autres testateurs plus obscurs; et on a accusé Alexandre d'avoir hâté par le poison l'ouverture de ces successions. Pour mener à fin ses entreprises sur la Romagne, il prétexta une croisade et leva sur toute la chrétienté des taxes, dont la lourdeur ressort de ce fait que, dans le seul territoire de Venise Vendit Alexander claves, altaria, Christum;Il échut à cet homme d'accomplir des actes que les plus grands papes dominateurs du Moyen âge ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Cependant, le gouvernement spirituel de l'Eglise et le règne de Dieu tenaient une place fort secondaire dans ses projets. Son principal objectif était ailleurs : en Italie ![]() ![]() ![]() - ![]() Alexandre VI. Le grand projet du pontificat d'Alexandre VI fut de renverser ces maisons, dont l'indépendance lui portait ombrage et dont les domaines lui faisaient envie, puis avec leurs dépouilles d'assurer au, Saint-siège Ces projets furent traversés par l'expédition de Charles VIII en Italie Après la retraite de Charles VIII, Alexandre poursuivit l'accomplissement de ses desseins contre les barons romains, contre les vicaires et les feudataires du Saint-Siège L'avènement de Louis XII (1498) valut à Alexandre et à son fils l'aide de la France Quand Alexandre mourut, César Borgia, à qui il avait donné, en 1504, le titre de duc de Romagne, s'était rendu maître de la plus grande partie de ce duché, du duché d'Urbino, de plusieurs villes de la marche d'Ancône On était habitué à trouver des mélodrames dans la vie d'Alexandre, on en mit un dans sa mort. Il avait, a-t-on écrit, invité à sa table dix cardinaux, suivant les uns, un seul, suivant les autres, le cardinal Adrien de Corneti, l'un des plus riches : il voulait s'en défaire par le poison; mais l'échanson ou le cuisinier présenta par mégarde au pape la coupe ou le plat préparé pour le cardinal on les cardinaux. Ces récits s'accommodent difficilement avec le Diarium de Burchard, maître des cérémonies du pape, et avec les dépêches de l'envoyé de Ferrare, qui notent minutieusement les progrès de la maladie dont Alexandre mourut. Il s'est produit pour ce pape, en sens inverse, ce qui s'était fait pour certains personnages mythologiques et dans les temps chrétiens pour certains saints. La légende de ceux-ci leur prête toutes les vertus et tous les miracles; il s'est formé sur Alexandre Borgia une légende qui lui prête tous les vices et tous les crimes. Des faits que l'histoire peut contrôler l'accusent de simonie, de corruption, de profanation, de connivences et de pactes avec les Ottomans, de parjure, d'assassinats judiciaires, de vengeances implacables et de massacres par trahison. Pour compléter la liste des forfaits, ou y a ajouté l'empoisonnement et l'inceste avec sa fille Lucrèce : ce qui présentait l'image d'un monstre-pape, merveilleusement criminel et chargé de tout ce que l'imagination peut concevoir de plus affreux. L'histoire a accepté ces données pendant plusieurs trois siècles, non seulement chez les protestants et les libres-penseurs, mais même chez les catholiques; seulement parmi ceux-ci, quelques-uns, n'osent contester ce que tout le monde admettait, en tiraient argument en faveur de la miraculeuse indestructibilité du Saint-siège, qui n'avait pas été renversé, étant occupé par un monstre pareil. Au commencement du XIXe siècle, Roscoe avait énoncé diverses réserves contre ces jugements : Vie et Pontificat de Léon X, t. I. Depuis lors, plusieurs auteurs ont entrepris la révision complète de l'histoire d'Alexandre VI; les uns, comme l'abbé Ollivier, avec les conclusions d'une apologie à outrance; les autres, présentant des explications atténuantes sur les méfaits avérés et demandant acquittement sur les questions d'empoisonnement et d'inceste. La clandestinité nécessaire aux crimes de ce genre favorise également l'accusation et la défense, les faits qu'ils supposent échappant généralement à la preuve, lorsqu'ils n'ont pas été en leur temps l'objet d'une enquête judiciaire. En ces causes obscures, le principal témoin, c'est la vraisemblance. Or, ce que l'histoire atteste sur Alexandre, en d'autres points, et l'usage très fréquent qui se faisait du poison à Rome, en ce temps-là, rendent vraisemblables les accusations d'empoisonnement. L'inceste, au contraire, semble contredit par de nombreuses probabilités : non seulement par ce que l'on sait aujourd'hui de Lucrèce Borgia, mais même par la vie et le caractère d'Alexandre, qui, bien loin d'être l'abject, hypocrite qu'on a voulu supposer, était un monsignor fort galantuomo, doué de rares séductions et faisant très cavalièrement ce que les moeurs romaines admettaient, d'ailleurs, chez les prélats, en un temps où le nom d'Innocent VIII, son prédécesseur immédiat, paraissait une ironie aux contemporains, qui lui prêtaient les uns huit, les autres seize bâtards. Aux vraisemblances résultant de l'immense facilité qu'Alexandre possédait et dont il profitait très ostensiblement, de trouver d'autres femmes que sa fille, il est juste d'ajouter celles qui ressortent de son incontestable affection pour tous les enfants que Vanozza lui avait donnés et des hauts projets qu'il conçut et réalisa pour les établir grandement. (E.-H. Vollet). |
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