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Politien

Angelo Ambrogini, dit Ange Politien, du nom de son lieu de naissance (Poliziano), poète et humaniste italien, né à Montepulciano (Toscane) le 14 juillet 1454, mort à Florence le 24 septembre 1494.
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Ange Politien.
Ange Politien (1454-1494).

Elève, pour le latin, de Landino, pour le grec, d'Andronicos de Thessalonique et de Callistos, pour la philosophie, de Marsile Ficin et d'Argyropoulos, il était, dès l'âge de quinze ans, célèbre par son érudition et son talent poétique. Vivement recommandé à Pierre de Médicis, celui-ci le donna pour compagnon d'études à son fils Laurent, qui lui confia dans la suite l'éducation de ses fils Pierre et Jean (le futur Léon X). 

Ayant eu, au sujet de cette éducation, de violentes discussions avec la mère des deux jeunes gens, il se démit de ses fonctions; en 1480, il devint professeur d'éloquence latine et grecque au Studio de Florence et vit s'empresser autour de sa chaire les hommes les plus distingués du temps et parfois même ses anciens maîtres; prieur séculier de San Paolo, il fut nommé, en 1486, chanoine de l'église métropolitaine de Florence; il mourut assez tôt pour ne pas assister à l'exil de ses protecteurs; cette mort prématurée empêcha seule, dit-on, son élévation au cardinalat.

Il compta parmi ses protecteurs Mathias Corvin, roi de Hongrie, et Ludovic Sforza, parmi ses amis L. Pulci et Pic de la Mirandole. Il eut, en revanche, surtout vers la fin de sa vie, à se défendre contre de violentes inimitiés, notamment de la part de G. Merula, Bartolomeo Scala, Marulle, Lascaris et Sannazar.

Il faut distinguer dans Politien le savant et le poète. Le goût de l'érudition s'était éveillé chez lui dès l'âge le plus tendre : c'est à quatorze ans qu'il commença une traduction (en hexamètres latins) de l'Iliade, plus élégante que fidèle, car l'auteur, tout nourri de Virgile, y retranche de parti pris les expressions réalistes et les métaphores qu'il juge vulgaires; elle ne fut poussée que jusqu'au cinquième chant, ou du moins il ne nous en est pas resté davantage. 

Politien traduisit aussi Moschus, Callimaque et divers prosateurs grecs, dont Hérodien. Mais ses traductions ont moins d'importance que ses travaux de critique verbale : infatigable dans la recherche des manuscrits, doué d'une grande pénétration dans l'appréciation de leur valeur, d'une perspicacité prodigieuse dans l'interprétation des textes, il peut être considéré comme le véritable précurseur des philologues modernes. Parmi ses oeuvres d'érudition, il faut signaler surtout ses introductions (Praelectiones) à ses leçons académiques, fort intéressantes pour l'histoire de la critique littéraire (Lamia, Panepistemon, Praelectio in Persium, in Suetonium, in Homerum). 

L'Antiquité n'y est pas toujours parfaitement comprise : ainsi Homère y est surtout loué comme source de toute science; mais ses beautés poétiques y sont senties avec une singulivre vivacité; l'enthousiasme qu'elles provoquent chez Politien est tel que la forme poétique lui paraît seule capable de l'exprimer; quatre de ces Praenlectiones (intitulées plus tard Silvae, à l'imitation de Stace) sont en hexamètres (Manto, 1482; Rusticus, 1483; Ambra, 1485; Nutricia, 1486, introduction à l'explication des Bucoliques et des Géorgiques de Virgile, de l'Iliade et de l'Odyssée). 

Le souvenir le plus durable de ses travaux philologiques a été consigné dans ses Miscellanea (Miscellaneorum centuria prima; Florence, 1489, in-fol.), recueil de conjectures et de corrections dont un grand nombre ont été accueillies par la critique; c'est surtout la publication de ce livre qui déchaîna sur lui les attaques dont nous avons parlé plus haut. Une seconde Centuria, prête pour l'impression, ne vit jamais le jour. 

Politien fit faire aussi un grand pas aux études juridiques par sa collation du fameux manuscrit florentin des Pandectes, qu'il considérait comme l'original même de Tribonien. 

Pour clore l'énumération de ses oeuvres latines, il faut citer un récit, d'une élégante concision, de la Conjuration des Pazzi (Conjurations Pactianae commentarium, s. d 1578) et un recueil de poésies légères et de circonstance (quelques-unes sont aussi en grec). Enfin on a publié sous son nom douze livres d'Epîtres qui contiennent 141 lettres de lui et 116 de ses correspondants.

Les oeuvres en langue vernaculaire de Politien se composent de l'Orfeo, des Stanze per la Giostra et de poésies diverses. 

L'Orfeo est un drame mythologique écrit à la prière du cardinal François de Gonzague, en deux jours, au milieu du tumulte, d'une fête et représenté à Mantoue à l'occasion de l'entrée du duc Galéas Sforza (juillet 1471). Il en reste deux rédactions : la première, la plus courte, est la seule qui soit certainement authentique; la seconde, publiée en 1766 par Affo sous le titre de Orphei tragedia, paraît avoir été remaniée par A. Tebaldeo. On sait que le théâtre avait été jusqu'à cette époque exclusivement religieux l'Orfeo ouvrait donc une voie toute nouvelle. Mais la nouveauté est dans le sujet seulement, car, au point de vue de la forme, il rappelle encore absolument les Sacre Rappresentazioni : comme celles-ci, il nous offre un mélange de rythmes où domine l'octave, et l'action proprement dite y a moins de part que la narration.

Les Stanze sont un petit poème composé pour perpétuer le souvenir d'une joute où s'était distingué Julien de Médicis. Ces sortes de divertissements étant fréquents à la cour des Médicis, on a élevé des doutes sur la date du poème; il est très probable, néanmoins, qu'il a été écrit à l'occasion de la joute du 28 janvier 1475 et non de celle de 1478 en effet, il y est fait allusion à la mort d'une dame aimée de Julien, Simonetta Cattaneo, qui arriva le 26 avril 1476. On suppose de plus que c'est la mort de Julien (26 avril 1478) qui empêcha le poète d'achever son oeuvre. Le premier chant seul en est terminé; le poème s'arrête avant même d'être arrivé à la description de cette joute qui devait en former le sujet principal. L'action, comme dans l'Orfeo, est toute mythologique : au cours d'une chasse, Cupidon substitue à une biche poursuivie par Julien la jeune Simonetta, dont la beauté fait grande impression sur le cour du jeune homme, jusque-là insensible à l'amour, et il va se vanter de sa victoire auprès de sa mère. C'est une série d'épisodes, sans beaucoup de suite entre eux, presque tous imités de poètes anciens ou modernes (Claudien, Stace, Virgile, Dante et Pétrarque) que l'auteur fait habilement converger vers le panégyrique des Médicis.

Les poésies diverses (Rime) se composent de sonnets, chansons, ballades, Strambotti, Rispetti. Dans la plupart, Politien, comme l'avaient déjà fait à Venise' L. Giustiniani et, à Florence même, Pulci et Laurent de Médicis, traite des thèmes populaires; mais au lieu d'en faire, comme ses prédécesseurs, une sorte de parodie, il vise à leur conserver, sous ce vêtement plus aristocratique, leur charme naïf. Quelques-unes de ces poésies (par exemple la ballade Io mi trovai et le chant de mai Ben venga maggio) sont de petites merveilles de grâce, de fraîcheur et même de sensibilité. 

Ce qui fait la supériorité de Politien dans ces divers genres, où le fond n'est presque rien, c'est son absolue maîtrise de la forme. Il a la mesure, l'harmonie, la grâce souveraine des Anciens, ses modèles. Il en était si bien imprégné que l'imitation chez lui est toute spontanée et n'enlève rien à l'originalité de la pensée.

 « Ce n'est pas, dit Gaspary, une mosaïque où les divers éléments restent distincts, mais un tout où ils sont harmonieusement fondus; l'esprit qui l'anime est moins ancien que moderne, assez voisin de celui de Pétrarque, sauf que l'inquiète mélancolie du Canzoniere s'est transformée en une idyllique sérénité. Ce que Politien a surtout appris des Anciens, c'est à ne rien laisser dans son oeuvre qui ne soit limé, poli, marqué au coin de la plus exquise perfection artistique. La muse de Politien, c'est l'élégance ». 
(A. Jeanroy).
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