Jalons |
Les
défricheurs
A la fin du XVe
siècle et dès le commencement du XVIe,
un progrès sensible s'annonce dans l'étude de la botanique
par la publication de descriptions de plantes accompagnées de figures
gravées sur bois, tout d'abord bien défectueuses, et auxquels on rattachera
les noms de Mattioli (Matthiole),
Aloysio
Anguillara, Castor Durante, Ruel,
Brunfels,
Bock, plus tard Fuchs. Mais,
si ces auteurs témoignent déjà de l'ardeur avec laquelle on commençait
à étudier les végétaux, on ne trouve encore rien d'original dans les
ouvrages de cette époque. Ce sont tous des commentaires des auteurs anciens,
auxquels sont ajoutées quelques descriptions nouvelles.
En Italie.
La rivalité qu'entretenaient
en Italie, les universités de Padoue de Pise, de Bologne, etc. fut très
favorable au mouvement des sciences en général. Pour ce qui concerne
la botanique, on citera parmi ceux qui ont insufflé l'élan, les noms
de Brassavola, Costaeus,
Mattioli,
Anguillara, Durante et Porta
:
Brassavola
et Costea.
Antonio Brassavola
(1500
- 1570),
qui a été un savant commentateur des Anciens (1536),
a été aussi l'un des premiers à écrire sur la racine
de quinquina et le bois de gayac (De radicis chinonae, cum quaestionibus
de ligno sancto, Venise1566).
Costea (Costaeus) (mort en 1603)
pour sa part a publié à Turin
en 1578
un ouvrage intitulé De univesali stirpium natura libri duo qui
n'est pour l'essentiel qu'une paraphrase de Théophraste
et de Dioscoride.
Mattioli.
Pietro
Andrea Mattioli ou Matthiole (1500
-1577),
publie un commentaire de Dioscoride, dont
les gravures qui accompagnent le texte montrent parfois des plantes
imaginaires. La partie originale de son ouvrage comprend des renseignements
que lui a transmis Guillaume Quakelben après un voyage en Asie Mineure.
Mathiole a également bénéficié des observations de Lucas
Ghini (1500-1556),
directeur du jardin des plantes de Pise.
Aloysio
Anguillara.
Adversaire irréconciliable
de Matthiole, Aloysio Anguillara (mort en
1570),
a visité en naturaliste l'Italie, l'Illyrie ,
la Turquie, la Crète, Chypre ,
la Corse, la Sardaigne, la Suisse, les environs de Marseille. Il s'est
surtout préoccupé de la concordance des noms anciens avec les noms modernes
des plantes. On trouve le résultat de ses travaux dans le Semplici
dell' eccelente M. Anguillera, etc. (Venise,
1561).
Ses descriptions, très courtes, sont si exactes, qu'elles suffisent pour
reconnaître toutes les espèces indiquées. Il a fait connaître une vingtaine
d'espèces nouvelles.
Castor
Durante.
Castor Durante (mort
en 1590)
figure dans sont Herbario nuovo (Venise, 1584),
les principales plantes jusqu'alors connues de l'Europe, des Indes orientales
et occidentales. Son ouvrage compte 874 gravures sur bois, mais elles sont
souvent très inexactes et mal exécutées, quelquefois imaginaires.
Porta.
Porta divisa les
plantes en un certain nombre de classes fondées sur la ressemblance qu'elles
lui parurent avoir avec les parties des animaux ,
sur les rapports entre leurs moeurs et celles de l'humain, entre leurs
habitudes et les mouvements des astres, etc. Il exposa leurs propriétés
médicinales d'après certaines formes ou qualités; par exemple, pour
lui, la Scrofulaire guérirait des scrofules et des varices, parce que
ses feuilles représentent des grumeaux imitant les varices; les plantes
stériles rendraient les hommes stériles, etc. Ces idées ont eu cours
jusqu'à une époque bien peu reculée de la nôtre.
Dans la Péninsule
ibérique.
Au XVIe
siècle, c'est en Espagne et au Portugal
que parvenaient d'abord les nouvelles de l'Outre-mer, et l'on ne s'étonnera
pas de trouver dans la Péninsule ibérique
un éveil à la botanique née de la curiosité suscitée par les Grandes
découvertes. Tous les naturalistes cependant ne feront pas le voyage en
Amérique (Garcia da Orta et d'Acosta),
la plupart se contenteront de l'Europe :
Au
Portugal .
Le nom le plus connu
est celui de Juan Rodrigo de Castel-Branco (Amatus
Lusitanus), né en 1511,
qui mourra à la fin du siècle en Turquie où il avait dû se réfugier
après avoir été dénoncé à l'Inquisition
comme juif. Entre-temps, il aura voyagé en France, en Italie, en Allemagne,
en Hollande. Ses commentaires sur Dioscoride
(in Dioscoridis de materia medica libros quinque enumerationes,
Venise, 1553),
témoignent d'une grande érudition.
En
Espagne.
On doit ici citer
: Laguna, Monardès et Lorenzo Perez.
Andres Laguna (1499-1560), est comme Amatus Lusitanus un commentateur de
Dioscoride (1555).
Il eut le premier l'idée de faire graver, non plus sur bois, mais sur
cuivre, les dessins de plantes et d'animaux. Nicolas Monardès (mort en
1578)
se fit une réputation de botaniste distingué par plusieurs ouvrages,
notamment par De rosa et partibus ejus; De malis, citris, aurantiis
et limoniis (1565)
et De las drogas de las Indias (Séville, 1565),
que Clusius traduira en latin et Colin en français.
Quant à Lorenzo Perez, pharmacien de Tolède, il décrivit beaucoup de
plantes médicinales nouvelles dans son Historia theriacae (1575),
et surtout dans son De medicamentoram simplicium et compositionem delectu
hodierno apud nostros pharmacopolus extantium, etc (1590),
livres extrêmement rares.
En Angleterre.
En Angleterre, comme
dans la Péninsule ibérique, l'intérêt pour les plantes s'exprime surtout
à partir du milieu du XVIe
siècle. On peut citer Bulleyn, Maplet,
Penny, Lyte, Sherard (1545-1607),
etc. On ne s'attardera que sur deux exemples extrêmes de la manière dont
on aborde le sujet, avec d'une part Ascham, qui
reste ancré dans une conception archaïque de la botanique, et d'autre
par Turner, véritable introducteur dans les îles
Britanniques de la botanique comme science.
Ascham.
Anthony Ascham
publie un Petit Herbier (A lyttel Herbal of the properties of
herbes, etc, Londres, 1550);
il y allie la botanique et l'astrologie, essayant de montrer quelles plantes
sont sujettes à l'influence des astres, et quels sont les jours les plus
convenables pour en faire usage, suivant les constellations
du zodiaque
ou se trouve la Lune .
Turner.
William
Turner (mort en 1568) fit connaître les plantes de son pays, dans
un livre intitulé A New Herbal wherein are contayned, the names of
herbes in greek, latin, english, dutch, french, and in the potecaries and
herbories latin with their properties, etc. Il s'agissait d'une oeuvre
dont la première partie parut à Londres en 1551,
la deuxième à Cologne en 1562,
et la troisième à Londres en 1568.
Dans cet ouvrage, très important pour l'histoire de la botanique en Angleterre,
les plantes sont rangées par ordre alphabétique de noms latins. L'auteur
indique souvent les localités où elles croissent, et il s'étend sur
les caractères qui les distinguent les unes des autres. Il ajouta 90 figures
de plantes à celles qu'il avait (au nombre de 400) empruntées pour son
Herbier à la première édition (1545)
de l'ouvrage de Leonhard Fuchs. Turner est le premier
qui est donné la figure de la luzerne, qu'il nomme horned clover, à cause
de la forme cornue du fruit; on lui attribue aussi d'avoir introduit cette
plante fourragère en Angleterre.
En France.
Ruel.
Jean
Ruel (1479
- 1537)
a donné un traité intitulé De natura stirpium libri tres (Paris
1536),
magnifiquement imprimé, qui est une sorte de répertoire des connaissances
botaniques acquises jusqu'Ã la fin du XVe
siècle. Au commencement du premier livre
l'auteur traite des plantes en général, de leurs organes, de leur nutrition,
des parties qui les composent, de la différence des feuilles, des fleurs,
etc.; mais on n'y trouve aucune méthode de classification.
Les autres pages du premier livre sont consacrées aux arbres, rangés
par ordre alphabétique; les deux livres restants traitent des plantes
herbacées. Les anciens auteurs, particulièrement Théophraste,
Dioscoride et Pline, y sont habilement commentés.
Dalechamps.
Quelques années plus tard, Jacques
Dalechamps ou Dalechamp (1513-1588)
publiait une Historia generalis plantarum, in libros XVIII per certas
classes artificiose digesta, etc. (Lyon, 1587,
2 vol. in-fol.), avec 2751 gravures assez médiocres, dans laquelle il
propose une classification fondée à la fois sur l'usage, les propriétés,
la forme et l'habitat des espèces. Il retombait ainsi dans l'erreur des
devanciers de Césalpin. Cette méconnaissance
des caractères botaniques régna encore longtemps et aboutit au système
de Porta mentionné plus haut.
En Allemagne,
Hollande et Suisse.
L'Allemagne, la
Hollande et la Suisse, où les Guerres
de religion et la soif de liberté avaient mis,
au XVIe
siècle, tous les esprits en effervescence,
produisirent en même temps des naturalistes qui ont surtout été des
herborisateurs alpestres, tels Calceolarius,
Pona et Jean Fabricius, curé de Coire ,
qui le premier fit connaître la renoncule
des glaciers, mais aussi des naturalistes de premier ordre (Tragus,
Cordus,
Gessner et Dodoens).
Entre ces deux extrêmes on mentionnera les noms de Brunfels,
Fuchs, Camerarius, Tabernaemontanus,
Arétius
:
Brunfels.
Otto
Brunfels (1470-1534)
étudia par des herborisations la flore indigène d'Allemagne et la décrivit,
sans aucune méthode il est vrai, dans son ouvrage intitulé Herbarum
vivae icones ad naturae imitationem summa cum diligentia et artificio effigiatae,
etc. (Strasbourg, 1530-1536,
3 vol. in-fol.). Le tome I est une flore des environs de Strasbourg
et de la rive gauche du Rhin. On trouve dans le tome II le résumé des
descriptions données par les anciens botanistes et le tome III donne les
opinions propres à l'auteur.
Fuchs.
Léonard
Fuchs ou Fuchsius (1501-1566),
professeur à l'université de Tubingen, montra un véritable talent d'observation
par la manière dont il décrivit et figura avec fidélité environ 400
espèces indigènes dans son De historia stirpium commentarii insignes,
etc. (Bâle,
1542,
in-fol.). Dès lors, on s'attacha un peu plus à décrire les plantes que
l'on pouvait observer autour de soi.
Camerarius
et Tabernaemontanus.
Joachim Camerarius
(1534-1598)
et Théodore Tabernaemontanus (mort en 1590),
qui ont tous deux laissé des ouvrages descriptifs accompagnés de très
nombreuses figures, mais ne présentant qu'un intérêt médiocre. Tabernaemontanus,
qui avait réuni un herbier de 3000 espèces, défendait l'idée que Dieu
avait mis dans les plantes de chaque pays les vertus appropriées à la
guérison de toutes les maladies endémiques.
Aretius.
Plus intéressant est sans doute
Benedict
Aretius (1505-1578),
qui a joué en Allemagne un peu le rôle de Turner en Angleterre, en faisant
notamment connaître les plantes de l'Allemagne dans Descriptio Stochhorni
et Nessi, montium in Bernatium Helveticorum ditione, et nascentium in eis
stirpium (1561).
Les
semeurs
Parallèlement Ã
ses défrichages qui hésitent encore entre les Anciens et les Modernes,
on commence à constater au XVIe
siècle d'importantes réformes et découvertes
dans la méthode d'observation et dans la connaissance des organes végétaux.
Ces avancées sont principalement dues à Manardi;
à Valerius Cordus, et à Gessner
:
Manardi.
Giovanni
Manardi (1462
- 1536),
affirme dans ses Epistolae medicinales (Bâle, 1540),
que les naturalistes arabes n'étaient que d'ignorants compilateurs ayant
emprunté presque tout leur savoir aux Grecs - ce qui était aussi le cas
des autres Médiévaux et déjà des Romains, mais passons - et surtout,
il parle l'un des premiers, des anthères ,
de ces petits globules ou sachets, généralement jaunes, qui couronnent
les filaments de la fleur.
Tragus.
En Allemagne, quelques
années après Brunfels, Jérôme
Bock (1498?-1554),
plus connu sous le nom de Tragus, proposa une Histoire de plantes
indigènes, qui parut en 1539
Ã
Strasbourg sous le titre de New Kraeuterbuch, eut un immense succès.
On était tellement habitué à ne voir jusque là en fait de botanique
que des paraphrases de Théophraste et de Dioscoride, que le livre fut
un véritable événement. A l'ordre alphabétique jusque là utilisé
Tragus préféra la distribution des plantes selon un certain ordre et
il les divisa en :
1° herbes
sauvages à fleurs odoriférantes;
2° trèfles, gramens,
plantes fourragères et rampantes;
3° arbres et arbrisseaux.
Il commença ses descriptions
par celle de l'ortie commune, semble-t-il, et ce n'est donc pas anecdotique,
pour se moquer des botanistes que jusque là commençaient toujours par
parler des plantes les plus rares que personne n'avait jamais eu l'occasion
de voir...
Au nombre de 165,
les plantes que Bock décrit ont été observées
par lui-même et toutes dessinées d'après nature. Il s'étend peu sur
les fleurs et les fruits, mais l'aspect général des plantes et les localités
où elles se trouvent sont très bien indiqués. Propriétés et nomenclatures
sont longuement exposées. On constate aussi qu'il traite ensemble des
groupes de plantes, qu'il ne désigne pas explicitement comme tels, mais
dont on fera plus tard des familles : labiées, corymbifères, borraginées,
euphorbiacées, solanées, ombellifères ,
etc.
Cordus
Il y a eu à la
Renaissance
deux Cordus qui se sont intéressé à la botanique, Euricius Cordus (1486-1538)
et son fils Valerius Cordus (1515-1544).
Le premier, poète et botaniste, a traduit les poèmes de Nicandre
et a publié un Botanologicon seu colloquium de herbis, fait en
imitation des colloques d'Erasme, son ami, et
qui roule surtout sur la synonymie des plantes qu'on rencontre dans les
jardins et les champs. Valerius Cordus fut pour
sa part un des meilleurs botanistes de son temps.
Le point de départ
du travail de Valerius Cordus fut son souhait de réformer l'ancienne pharmaceutique
par une étude plus exacte des minéraux et des plantes indigènes, comparativement
aux notions transmises par les Anciens. Dans ce but, Cordus voyagea en
Europe de 1540
à 1544pour
recueillir des matériaux nécessaires à son étude. Il visita d'abord
la Thuringe ,
la Saxe et la Suisse saxonne, puis il passa en Italie où il mourut. Mais
ses manuscrits et ses herbiers furent recueillis ensuite publiés par Gessner
(1561).
Valerius Cordus a fait bien connaître de nombreuses plantes. Il a très
bien caractérisé en particulier les légumineuses ,
et a indique le premier la reproduction des fougères
par les spores que l'on voit à la surface inférieure des feuilles.
Gessner.
Conrad
Gessner (1516-1565),
professeur à Zurich, sa ville natale, fait époque dans l'histoire de
la botanique parce qu'il a le premier insisté sur la nécessité d'une
étude exacte de la fleur
et du fruit
(plutôt que des feuilles )
pour une classification méthodique des plantes. Ce fut une innovation
d'autant plus grande que presque tous les botanistes anciens avaient négligé
cette étude. A toute occasion il y revient. Ainsi, on lit dans sa correspondance
qu'il pria un de ses amis de lui dessiner le fruit d'une tulipe de manière
à rendre apparente la position des graines,
« car j'ai
l'habitude, expliqua-t-il, d'ajouter à mes figures de plantes toujours
celles du fruit
et des graines ,
afin qu'on puisse mieux saisir l'ensemble des caractères distinctifs.-»
Gessner fit ressortir
en même temps, par ses descriptions aussi bien que par ses dessins, que
toutes les plantes qui ont la même forme de fleurs et de fruits sont également
semblables dans leurs autres parties, qu'elles se ressemblent souvent par
leurs propriétés, et qu'en les rapprochant ont obtient des groupes naturels.
C'est ainsi qu'il fut conduit à introduire dans les sciences naturelles
les notions de genre et d'espèce, issues du vocabulaire philosophique
(scolastique) :
« Il faut,
dit-il, admettre qu'il n'y a pas de plantes qu'on ne puisse rattacher Ã
un genre et celui-ci diviser en deux ou plusieurs espèces. Les Anciens
n'ont décrit qu'une seule gentiane : moi j'en connais plus de dix espèces.-»
Il établit aussi, et
avec une rare sagacité, la différence qui existe entre la variété
et l'espèce. Gessner, enfin, est le premier à donner des noms de personnages
célèbres à des plantes inconnues des anciens (et c'est d'ailleurs ainsi
que
Linné donnera le nom de gesnériacées Ã
une famille de plantes dont le type est le genre Gesneria...). Terminons
en notant que Gessner avait eu le projet, interrompu par sa mort, de publier
une Histoire générale des plantes, pour faire pendant Ã
son Histoire des animaux, et dont il avait déjà réuni 1500 figures
de plantes. Un ouvrage qui ne sera finalement publié, par Trew, que deux
siècles plus tard (1771).
Les
moissonneurs
D'autres sont allés
encore plus loin, comme Adam Lonicer qui pourtant
divisait encore les plantes en arbres
et arbrisseaux
et plantes médicinales (1551),
mais dont le travail allait bientôt être surpassé par ceux de trois
amis, qui se communiquaient réciproquement leurs travaux : Lobel,
Clusius et Dodoens.
Ces trois là , avec le frères Bauhin et André
Césalpin, seront les vrais précurseurs de la botanique appelée Ã
se déployer au siècle suivant.
Mathias
Lobel.
Mathias Lobel
ou Lobelius (1538-1616),
parcourut en herborisant le midi de la France, une partie de l'Italie,
le Tyrol ,
la Suisse et l'Allemagne, avant de s'établir aux Pays-Bas. Dans son ouvrage,
fait en collaboration avec Pierre Pena, et intitulé
Stirpium adversaria
nova (Londres, 1570, in-4), il
divisa les plantes en sept classes :
1° Gramens;
2° Orchis;
3° Potagères;
4° Légumes;
5° Arbres et Arbrisseaux;
6° Palmiers;
7° Mousses.
Mais ce qui rendit surtout Lobel
populaire, ce furent ses Observationes sive Stirpium historiae (Anvers,
1570,
in-fol), dans lesquelles il figura 2191 plantes avec un index en sept langues.
Clusius.
Charles de l'Écluse,
en latin Clusius (1525-1609),
fit de nombreux voyages à travers l'Europe. Des tous ces voyages qu'il
occupa souvent à herboriser, il rapportera une immense érudition et d'excellents
dessins d'après nature de près de deux cents espèces de plantes, que
l'on pourra voir, avec de bonnes descriptions dans les ouvrages suivants
: Rariorum aliquot stirpium per Hispanias observatarum historiae (Anvers,
1576, in-8, 23 gravures sur bois) et
Exoticorum libri decem, quibus animalium, plantarum, aromatum, aliorumque
peregrinorum fructuum historiae describuntur
(Anvers, 1605,
in-fol.).
Clusius a aussi introduit aux Pays-Bas,
la pomme de terre ,
grâce aux échantillons qu'il avait cueillis dans le jardin de Sherard,
à Londres; Drake,
qui les avait rapportés de Virginie, les lui avait confiés...
Dodoens.
Rambert Dodoens,
plus connu sous les noms de Dodonée et Dodonoeus (1518-1586),
médecin de l'empereur Maximilien, puis professeur à Leyde, nous a laissé
un important ouvrage : Stirpium historiae Pemptades sex, sive libri
triginta (Anvers, 1583, in-folio,
avec 1303 figures sur bois), dans lequel il se montre préoccuper de chercher
un arrangement des plantes et propose sa division en six Pemptades.
Mais il n'a pas de principes bien arrêtés, et se laisse dans sa distribution
des plantes presque exclusivement guider par leur utilité économique
et médicale. C'est ainsi que les céréales
se trouvent réunies aux légumineuses, et le sarrasin vient à la suite
du froment.
L'immense majorité des plantes décrites
appartient à la flore allemande, considérée comme type de la flore d'Europe
centrale. Parmi les espèces qui s'y voient pour la première fois décrites
et dessinées, on remarque : le miroir de Vénus, la couronne impériale
(introduite dans le jardin de Maximilien II en 1576),
la tulipe sauvage, la bruyère cendrée, la fleur de Chalcédoine, la jacinthe
des bois, etc.
Les
frères Bauhin.
Avec les deux frères Jean
et Garspard Bauhin, la botanique entre dans une phase nouvelle. Jean
Bauhin, né à Bâle (1541-1616)
et fils d'un protestant français, étudia la botanique avec L. Fuchs d'abord,
puis avec G. Gessner, et enfin avec Rondelet
à Montpellier. Dans un grand ouvrage : Historia universalis plantarum
nova et absolutissima cum consensu et dissensu circa eas (Yverdun,
1660-1661,
3 vol. in-fol.), publié après sa mort par L. de Grafenried et Chabrée,
il avait réuni l'ensemble des connaissances botaniques depuis l'Antiquité
jusqu'à son époque. Ce livre ne renferme pas moins de 5000 descriptions
de plantes réparties en 40 classes et 3577 figures, mais sans arrangement
méthodique.
Gaspard Bauhin, son frère (1560-1624),
essaya de porter quelque ordre dans le chaos de la synonymie et de la nomenclature
alors usitées. Cette entreprise ne lui coûta pas moins de 40 années
de travail et fut couronnée par le succès, puisqu'il réussit à classer
les végétaux dans un ordre qui révèle un sentiment manifeste de la
méthode naturelle. Il sut désigner les plantes par des phrases courtes,
significatives, précédées de noms représentant le genre et qui ont
été pour la plupart conservés. Dans son Pinax theatri botanici, sive
index Theophrasti, Dioscoridis, Plinii et botanorum qui a saeculo scripserunt
opera, plantarum circiter sex millium ab ipsis exhibitarum nomina,
etc. (Bâle, 1594, in-4), tous les
végétaux alors connus sont divisés en 12 groupes ou classes, subdivisées
chacune en un certain nombre de sections comprenant les genres souvent
rapprochés avec une connaissance réelle des affinités. Aujourd'hui encore,
l'ouvrage de G. Bauhin est consulté avec fruit
pour l'identification des plantes décrites par les Anciens avec les espèces
actuelles.
André Césalpin.
De tous les botanistes
du XVIe
siècle, Andrea
Césalpino (1519-1603)
mérite une mention toute spéciale. Voyant la botanique livrée
à un fatras d'érudition et à une exagération des vertus médicinales
souvent fictives, Césalpin introduisit une méthodologie basée sur l'observation.
Adoptant pour commencer les vues de Conrad Gessner, Césalpin, dans son
livre intitulé De plantis libri XVI (Florence,
1583,
in-4), distribua les 840 espèces qu'il énumère en 15 classes, dont les
caractères sont réellement botaniques et réussit la première véritable
systématisation de la botanique.
L'auteur commence par examiner les différentes
parties de la plante phanérogame .
Il en montre les vaisseaux remplis d'un suc nutritif ou lactescent, et
les signale comme les analogues des vaisseaux
sanguins de l'animal. Il attribue la circulation
de la sève
à la chaleur ambiante.
« Les plantes,
dit-il, manquent de sens pour attirer de la terre et de l'air les aliments
nécessaires; ceux-ci ne s'y introduisent pas par un moyen mécanique,
ni par l'horreur du vide, ni par une force magnétique : c'est la chaleur
qui détermine cette action.-»
D'après la théorie
de Césalpin, les feuilles
naissent de l'écorce ;
leurs nervures
ont pour origine le liber .
La moelle n'a pas la même importance que l'écorce; on peut enlever la
moelle sans que la plante périsse, tandis qu'en enlevant l'écorce tout
autour de la tige, on la fait mourir. Passant ensuite à l'examen du bourgeon
et de la graine ,
il affirme que celui-ci diffère de celle-ci comme le foetus de l'oeuf
: la graine ne contient, comme l'oeuf que le principe du mouvement vital,
tandis que le germe ou le foetus
vit comme un parasite sur la mère qui le porte.
Dans l'anatomie de la fleur, Césalpin
distingua parfaitement la partie accessoire et la partie principale :
« La partie
accessoire se compose, dit-il, des folioles, les unes vertes, les autres
colorées, qui ne sont que les enveloppes des fruits
(involucra fructuum); la partie principale est situé en dedans
de ces enveloppes; elle se compose des stamina et des flocci.-»
Par stamina, il entendait non pas comme
aujourd'hui les étamines
mais les styles
qui surmontent les ovaires ,
tandis que les flocons ou flocci étaient nos étamines. Césalpin
reconnaît aussi que les deux sexes, généralement réunis dans la même
fleur ,
peuvent aussi exister sur des tiges
différentes. Mais l'idée ne lui vient pas de fonder sur cet élément
une classification.
Dans sa classification,
à l'image de ce que faisaient les Anciens ( La
botanique dans l'Antiquité ),
Césalpin
divise d'abord les plantes sur le caractère ligneux
ou herbacé
de la tige. Il fonde cette première division sur la durée vitale :
«
Les plantes à tige ligneuse vivent, dit-il, beaucoup plus longtemps que
les plantes à tige herbacée.-»
Il classe ensuite les arbres suivant la direction
de l'embryon dans la graine, et ce qu'il appelle les herbes, sur la présence
ou l'absence de graines (Mousses ,
Lichens ,
etc.), ce qui lui fournit des divisions de second ordre. Enfin la forme
du fruit ,
supère
ou infère ,
le nombre des graines ,
la présence ou l'absence d'une enveloppe
autour d'elle, le nombre et la situation des cotylédons ,
l'adhérence ou l'indépendance de l'ovaire ,
l'unité ou la pluralité des carpelles
ou des loges ,
la forme de la racine ,
etc., lui servent à définir ses 15 classes et à les subdiviser en 47
sections. C'est surtout par cette importance attribuée à la graine dans
la classification, que Césalpin apparaît comme un des précurseurs des
botanistes modernes. (P. Maury / F. Hoefer / D. V.). |