| Les Anciens anciens ont donné le nom de magie à une pratique qui avait la prétention de soumettre les puissances supérieures (esprits, génies, démons) à la volonté de l'homme, et de les contraindre, soit en se les rendant favorables, soit en les conjurant, les évoquant par des paroles ou des procédés mystérieux, à exécuter des actes extraordinaires, tels que des divinations, des apparitions, des transformations, des guérisons subites, des maladies mortelles des sentiments irrésistibles d'amour ou de haine, etc. Les magiciens s'attribuaient mérite le pouvoir de commander aux éléments, d'intervertir la marche des astres et de les faire descendre sur la Terre. Les individus qui se qualifiaient ainsi réussissaient sans doute à produire des actes véritablement surprenants; mais ce n'était point, il est à peine besoin de le dire aujourd'hui, par la puissance de leurs formules ou la vertu de leurs pratiques. Les effets qui frappaient d'admiration ou de terreur les spectateurs de leurs prestiges, résultaient de moyens fort naturels qu'ils variaient suivant le plus ou le moins de crédulité de leurs contemporains. Dans les sociétés traditionnelles, et aussi bien plus souvent qu'on ne le dit dans les sociétés industrialisées et médiatiques, il n'est pas besoin d'artifices bien merveilleux pour acquérir la réputation d'un magicien redoutable. De même, le prestige que l'on attribue aux magiciens de l'Égypte, de l'Assyrie et de la Perse donnent à penser que ces imposteurs avaient des connaissances certainement très peu étendues en physique, en chimie, en physiologie ou en météorologie, mais qu'ils savaient bien plutôt tirer eux aussi admirablement parti du système de croyances, autant que du désir de croire de leurs gogos, à des phénomènes qui paraissaient extraordinaires. En général, le procédé qui a toujours le mieux réussi aux magiciens consistait à frapper l'imagination des spectateurs, de manière à déterminer chez eux des hallucinations qu'ils provoquaient aussi à l'aide de breuvages narcotiques. Au reste, beaucoup de ces prétendus magiciens étaient eux-mêmes dupes de leurs propres jongleries. C'est ainsi que l'on a vu plus d'une fois, au Moyen âge et dans les premiers temps de l'époque moderne, des individus accusés de magie, affirmer, dans les tortures et les supplices, la réalité de leur prétendu pouvoir. Les philosophes alexandrins distinguaient deux espèces de magie : la magie malfaisante, qu'ils nommaient goétie (du grec goaw, lamenter, gémir), et dont ils attribuaient les effets aux mauvais démons; et la magie bienfaisante, qu'ils appelaient théurgie (de qeos, dieu, et ergon, action), parce que, suivant eux, elle était l'oeuvre des bons génies. Les démonologues du XVIe siècle substituèrent aux mots de goétie et de théurgie ceux de magie noire et de magie blanche. Enfin, dans les temps plus modernes, la magie noire a été reléguée au pays des chimères, et l'on a appliqué le nom de magie blanche à l'art qui consiste à produire des effets merveilleux par des moyens naturels empruntés aux diverses branches des sciences physiques, à la physiologie, à la prestidigitation, etc. Quant à la magie proprement dite, on peut y établir plusieurs distinctions selon les moyens qu'elle employait ou le but qu'elle se proposait. "On a cru, dit Bergier, que par certaines formules d'invocations, per carmina, on pouvait faire agir les génies, c'est ce que l'on a nommé charmes; les attirer par des chants ou par le son des instruments de musique, ce sont les enchantements; évoquer les morts et converser avec eux, c'est la nécromancie; apprendre l'avenir et connaître les choses cachées, de là les différentes espèces de divination; envoyer des maladies ou causer du dommage à ceux auxquels on voulait nuire, ce sont les maléfices; nouer les enfants, les empêcher de croître, frapper les hommes d'impuissance, c'est la fascination; diriger les sorts bons ou mauvais, et les faire tomber sur qui l'on voulait, c'est ce que nous nommons sortilège ou sorcellerie; inspirer des passions criminelles aux personnes de l'un ou de l'autre sexe, ce sont les philtres, etc. " On attribuait souvent l'invention de la magie aux Mages ou prêtres de Zoroastre, et l'on admettait qu'elle prit naissance dans la Médie, d'où elle se répandit peu à peu en Chaldée, en Perse, en Grèce, à Rome et ailleurs. Mais les prêtres mazdéens ne firent vraisemblablement que donner à cette prétendue science une forme plus arrêtée, car les pratiques magiques existaient bien longtemps avant l'institution du mazdéisme. Quand on étudie l'histoire de l'Antiquité, ou y trouve des magiciens dans tous les temps et chez tous les peuples; seulement, le caractère de leur science varie suivant régions. Ce qui frappe encore, c'est que, dans tous les États orientaux, la magie se rattachait intimement aux croyances religieuses; aussi était-elle exclusivement pratiquée par les castes sacerdotales. Quant à l'influence que les magiciens exerçaient, même sur les gouvernements, on peut s'en faire une idée par le passage de l'Ancien Testament où il est question des luttes de Moïse avec les magiciens de Pharaon. Cette influence existait aussi en Perse. On sait aujourd'hui que les pratiques magiques existent dans toutes les cultures. Simplement la magie dont il est question ici est seulement celle qui a été connue et pratiquée traditionnellement en Occident. Et parmi les magiciens de l'Antiquité, connus dans le passé du monde occidental, ceux de la Médie et de la Perse passèrent toujours pour les plus habiles. Plusieurs d'entre eux vinrent à différentes époques, dans la Grèce et principalement en Italie, exploiter leur prétendue science, qui fut avidement accueillie par la superstition romaine. Néanmoins c'est dans les derniers temps du paganisme que la magie devint surtout florissante sous l'influence des philosophes de l'école d'Alexandrie. A l'exemple de la loi mosaïque qui avait proscrit les pratiques superstitieuses des peuples asiatiques voisins des Juifs, l'Église, par l'organe des évêques, des papes et des conciles, interdit avec une extrême sévérité toute espèce d'opération magique. En effet, toute invocation d'esprits ou de génies supposés indépendants de Dieu, et non simples exécuteurs de ses ordres, est un acte de polythéisme, parce que l'on attribue à ces prétendus génies un pouvoir qui n'appartient qu'à Dieu, et qu'on leur accorde une confiance qui n'est due qu'à Dieu. En outre, bien que les procédés par lesquels les magiciens croient ou prétendent se mettre en communication avec les esprits bons ou mauvais, soient sans efficacité et purement imaginaires, il n'en est pas moins vrai, dit Bergier, que les individus qui se disent magiciens ont le dessein ou la volonté d'avoir ce commerce, et qu'ils font tout ce qu'ils peuvent pour y réussir. Les magiciens ne manquent jamais de mêler des profanations à leurs pratiques, et leur intention est toujours plutôt de faire du mal que de faire du bien; car, pour le bien, l'invocation de Dieu est à la portée de tous. Enfin, Bayle remarque très bien que, lors même qu'un prétendu magicien ne croirait pas lui-même à la magie, c'est assez qu'il ait voulu se donner la réputation de magicien pour qu'il soit punissable. En effet, l'opinion seule que l'on a de lui suffit pour opérer les plus tristes effets sur les caractères timides et les imaginations faibles. C'est aussi principalement à cause des crimes qu'on imputait à ceux qui faisaient profession de sorcellerie, crimes parfois réels bien que dissimulés sous des pratiqués superstitieuses, que l'autorité civile au Moyen âge poursuivait avec la rigueur la plus excessive les sorciers et les magiciens de toute espèce. Mais la superstitions est contagieuse, et une foule considérables qui n'étaient coupables que du malheur d'être affectés d'hallucinations déplorables furent condamnés et punis du dernier supplice. Bien plus, comme le vulgaire attribuait aux magiciens des connaissances extraordinaires, il suffisait qu'un homme s'élevât par sa science ou par son génie au-dessus de son époque, pour qu'il fût accusé de magie. C'est ainsi qu'Albert le Grand, Gerbert, saint Thomas d'Aquin, Roger Bacon, passèrent longtemps pour des magiciens, qui devaient leur science à des moyens surnaturels et diaboliques. Aristote et Virgile furent également mis au rang des magiciens. Enfin, aujourd'hui encore suivant les peuples orientaux, Salomon et Alexandre le Grand ne devaient leur puissance qu'à l'assistance des génies qui leur étaient soumis, obéissaient à tous leurs ordres, et accomplissaient ainsi des choses impossibles aux seules forces humaines. (A19). | |