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Les religions de l'Iran ancien

L'arrière-plan des religions de l'Iran ancien est le MazdĂ©isme, la religion  d'Ahura Mazdâ (Ormazd), dont la doctrine, exprimĂ©e dans l'Avesta, texte tardif, a Ă©voluĂ©, en rĂ©alitĂ©, au fil du temps. La principale rĂ©forme du MazdĂ©isme est attribuĂ©e Ă  Zarathusthra (Zoroastre). On parle alors de Zoroastrisme. A la chute des Sassanides, l'Islam est imposĂ© Ă  la Perse, et les derniers zoroastriens restĂ©s dans le pays sont appelĂ©s Guèbres, et ceux qui ont cherchĂ© refuge en Inde sont appelĂ©s Parsis (= Perses). Le Parsisme, religion des Parsis, dernière forme en date du Zoroastrisme, a toujours des adeptes de nos jours. Deux autres religions peuvent encore ĂŞtre rattachĂ©s au fonds mazdĂ©en : le Mithriacisme et le ManichĂ©isme, qui l'un et l'autre infusèrent jusqu'en Europe, Ă  l'Ă©poque de l'Empire romain, pour le premier, et au Moyen-Ă‚ge pour le second (Cathares).

Les anciennes croyances religieuses iraniennes  sont surtout contenues dans l'Avesta et dans les livres traditionnels pehlvis, portent la marque de la religion assyro-babylonienne et celle des religions de l'Inde, dont elles sont Ă  la fois très voisines et profondĂ©ment diffĂ©rentes, parce que la religion des anciens Perses acquit de bonne heure un caractère beaucoup plus moral que mythologique. 

Aux sources de la religion avestique

Le culte du feu. 
Avant d'être considéré, en Iran, comme symbole du dieu suprême, le feu a dû être l'objet d'un culte direct, auquel participaient plus ou moins tous les Indo-Européens. On appellera les Mazdéens âtechperest, adorateurs du feu; plusieurs princes arsacides portent encore le titre de fratakâra, faiseur de feu; dans l'organisation traditionaliste des mages à l'époque sassanide, les hêrbedh, chefs du feu, occupent un rôle éminent. Deux autels du feu, peut-être fort archaïques, subsistent à Naqsh-e Rostam, et des «-places du feu » (âtech-gâh) - les pyraethées des Grecs - persistent en maintes localités. Les diverses religions iraniennes ont maintenu ce culte ancien et foncier, d'où résulta, dans tout ce qui porte la marque de l'iranisme, l'incomparable prestige de la lumière et de la pureté. Tout ce qui, dans les rites brahmaniques, concerne l'utilisation du feu, se rapporte manifestement à la même croyance indo-aryenne.

Le mythe d'Atar, le Feu, tant celui du ciel que celui qui est recélé dans le bois, n'est que l'expression de ce culte. Sans doute Atar se présente comme fils d'Ahura Mazdâ, mais la critique devine que le fils doit être plus ancien que le père. Il est bien plus que l'élément feu; personnifié, il gratifie les humains du confort, de la subsistance, de la sagesse, de la virilité, d'une noble descendance, du paradis réservé aux vertueux. Il accompagne le char du soleil. Il défend la création contre les entreprises du Mal. Un seul crime est à ses yeux inexpiable brûler ou cuire de la chair morte, insulte suprême au principe de Vie.

Le rite du haoma et l'immortalitĂ©. 
Au mĂŞme fonds indo-aryen se rattache le rite de l'haoma.  Dans l'Avesta, l'haoma est la boisson enivrante qui donne la force et la vie. A l'mage de  l'ambroisie, l'haoma donne aux dieux leur vigueur et l'immortalitĂ©; il donne la force de vaincre le dĂ©mon, et la vie Ă©ternelle au mortel qui le boit. Il correspond au soma des VĂ©das, liqueur sacrĂ©e, passant pour exalter la spiritualitĂ©, et qui s'obtenait par la macĂ©ration d'une plante pressĂ©e dans une passoire et que le prĂŞtre devait boire en cĂ©lĂ©brant la cĂ©rĂ©monie religieuse. Les incantations prononcĂ©es lors du sacrifice haomique Ă©cartent les gĂ©nies malfaisants et ouvrent le règne du bien selon le Yasna (Yasna, X, 1), l'un des livres de l'Avesta. De liqueur, le haoma est devenu, comme Soma, le nom d'un dieu qui est le roi des plantes dont il incarne en lui toutes les vertus de vie et de force :  Haoma, « Ă  la foi correcte et adversaire de la mort-», proclame ce que lui doit l'humanitĂ© mortelle : 

«-Vîvanhvat fut le premier mortel du monde corporel, qui me prépara. Le sort qui lui fut imparti, la grâce qui lui fut octroyée, furent d'avoir pour fils Yima, le Splendide, le bon pasteur, le plus glorieux de ceux qui naquirent, le seul mortel possesseur de l'oeil solaire; et, en raison de sa puissance, de rendre non mortels hommes et bêtes, exemptes de desséchement l'eau et les plantes, de sorte que l'on pût consommer des aliments soustraits à tout maléfice. Dans le royaume du potentat Yima, il n'y eut ni froid ni chaud, ni vieillesse ni mort, ni envie, oeuvre des devs (= démons). » (Yasna, IX, 4 et 5).
Les dieux archaĂŻques. 
Une des migrations indo-européennes a laissé la trace de son installation en Mésopotamie septentrionale, trace attestée par une inscription cunéiforme de Cappadoce. Dans un texte de traité, les gens de Mitani, royaume du Haut-Euphrate, s'accordant avec les Hittites, prennent à témoin, dès 1400 avant notre ère, des dieux dont la liste est entièrement indienne et partiellement iranienne : Mitra et Varuna, Indra et les Nâsatyas. Indra, si considérable dans la mythologie de l'Inde, n'est en Iran qu'un démon assez effacé, mais Mitra, sous des aspects assez différents d'ailleurs, joue un rôle important dans les deux civilisations. Associé à la déesse des eaux Anâhita, Mithra figure sur les inscriptions d'Artaxerxès Mnémon et Okhos. D'abord, selon Antoine Meillet, dieu des contrats et de l'amitié, il devint le protecteur de la vérité, l'ennemi du mensonge.

Dans la période pré-zoroastrienne, Mithra, souvent associé au suprême Ahura, est un dieu de première grandeur. Sa valeur guerrière est sans rivale. En même temps qu'il possède la force, il dispose de la connaissance, étant par essence lumière : comme tel il mène à travers l'espace le char solaire. On peut attendre de lui la victoire autant que la sagesse, mais son courroux est sans pitié pour la tromperie ou la félonie. On lui sacrifie des bestiaux et lui offre des libations de haoma, dont les humains ne peuvent avoir part que moyennant de minutieuses observances et pénitences.

Sous l'influence de l'astrologie chaldéenne, les astres font l'objet d'une particulière vénération : Hvare-Khchaêta, le Soleil brillant, char aux chevaux rapides; Mâh, la Lune; Anâhita, identifiée à la planète Vénus; Tichtriya, l'étoile Sirius. Apô, l'Eau (âpas védique), rappelle l'Apsou de Mésopotamie. La lumière, soit solaire, soit lunaire, est grandement révérée. Maints génies en participent.

Au-dessus de ces dieux, qui paraîtront désormais dii minores, va se dresser un dieu, principal sous l'action de trois influences à cet égard convergentes celle des Mages, celle des rois perses, celle de Zoroastre.

Le mazdéisme

Les Mages. 
Les Mages paraissent avoir été une corporation sacerdotale issue de certaine tribu mède adonnée à la pratique d'un rituel propre, où s'exprime un vieux culte
indo-aryen. 
La mythologie mazdéenne tardive attribue la fondation du magisme à Hom. Celui-ci, suscité par Ormazd sous le règne de Djemchid, pour annoncer la parole divine, aurait créé un corps de prêtres chargés de conserver et de propager ses dogmes. On lui donne pour symbole l'arbre de Vie, avec lequel même on l'identifie.
La fameuse révolte contre Cambyse du mage Gaumâta (Gaumatès), sosie de son frère Bardiya, donne à penser que ces prêtres soutenaient, à l'encontre de l'hégémonie perse, une vieille fidélité à l'idéal des Mèdes. Cette corporation a longtemps gardé des attaches dans la région montagneuse de l'Azerbaïdjan, où persistèrent dans une plus grande pureté les pratiques primitives.

Il y a toutefois abus, par ignorance ou préjugé, quand les auteurs grecs voient dans les Mages le clergé iranien. Ceux-ci furent investis de fonctions religieuses, mais sans monopoliser de telles attributions. Les Mages ont dû n'être qu'une secte jusqu'à ce que, sous les Sassanides, ils devinssent un sacerdoce officiel, organisateur du Mazdéisme. Sans doute étaient-ils d'abord des prêtres du feu plutôt que des zélateurs de Mazdâ.

Mazdâ, dieu de la royautĂ© perse. 
Mazdâ n'éclipsa toutes les autres divinités que parce qu'elle fut celle des Achéménides. Son triomphe mythologique ne fait que transposer dans l'abstrait la prééminence prise dans le monde iranien, aux tribus multiples, par une certaine famille de la nation perse. Le dieu des dieux, maître du ciel et créateur des êtres, s'avère comme un reflet du roi des rois, maître et administrateur de tous les peuples.

On discute sur l'Ă©tymologie de Mazdâ. La racine impliquĂ©e dans ce terme pourrait l'apparenter au sanskrit medhâ = sagesse. Mais, en 1927, Hertel  a plutĂ´t allèguĂ© une affinitĂ© avec mada = ivresse, et mastĂ®m = illumination; Mazdâ serait ainsi un dieu «-dispensateur de pouvoirs transcendants » . Louis de La VallĂ©e Poussin a rapprochĂ© de troublante façon l'expression iranienne « Ahura Mazdâ » , « le sage asura » de l' «-Assara Mazaas », dieu d'Assurbanipal (668-626), crĂ©ateur et grand parmi les dieux; il esquisse mĂŞme une confrontation entre ahura (iranien) ou asura (indien) et Assur (l'Assyrie).  Ainsi, tout au moins, se trouve Ă©tabli que le dieu des AchĂ©mĂ©nides leur avait prĂ©existĂ© et s'Ă©tait imposĂ© dĂ©jĂ  au respect d'un souverain assyrien. Dès 715, dans les inscriptions de Sargon, le terme de « mazdaka » figure deux fois dans des noms de Mèdes.

Les sculpteurs de PersĂ©polis ont reprĂ©sentĂ© la divinitĂ© protectrice de Darius sous les espèces d'un homme Ă  la barbe vĂ©nĂ©rable, de style assyrien; le corps empennĂ© d'ailes symĂ©triquement majestueuses et d'une verticale queue d'oiseau. La hiĂ©ratique sĂ©rĂ©nitĂ© de ce maĂ®tre du ciel plane Ă  travers l'atmosphère, en tĂ©moin de la valeur royale. Ahura Mazdâ, auquel ces bas-reliefs donnent une figure humaine, tient cependant de la mĂ©taphysique plus que du mythe, car l'anthropomorphisme n'est pour le dĂ©crire qu'un artifice de statuaire. Ce roi de la nature qui a tout crĂ©Ă© dĂ©passe de toutes façons l'humanitĂ©. L'acha, loi universelle, est nĂ© de lui. Ce dieu n'a aucune des faiblesses humaines, et il opère en tant qu'esprit. Les personnages cĂ©lestes qui composent son entourage, sortes d'archanges, sont des abstractions rĂ©alisĂ©es. 

Le panthéon mazdéen.
La religion mazdĂ©enne est dualiste. A la tĂŞte de son panthĂ©on se trouvent le dieu Ahura-Mazdâ, dont le nom a Ă©tĂ© contractĂ© Ă  l'Ă©poque sassanide en Ormazd, et qui est le principe du bien, et Angra Mainyu, dont le nom est devenu, par fusion, Ahriman, qui est le principe du mal. L'Ă©volution tardive de la religion mazdĂ©enne fera dĂ©couler ces deux divinitĂ©s d'un principe suprĂŞme Ă  caractère purement mĂ©taphysique, nommĂ© Zervane-AkĂ©rène,  c'est-Ă -dire le temps sans limite. 

• Zervane-AkĂ©rène Ă©tait parfois le confondu avec Ormazd lui-mĂŞme, mais il s'en distinguait souvent. C'est l'ĂŞtre irrĂ©velĂ©, sans individualitĂ©, sans succĂ©ssivitĂ©.  On ne s'Ă©tonnera pas de voir le nom de Zervane donnĂ© Ă  une antique secte parsi, de laquelle au reste nous ne connaissons pas nettement les thĂ©ories distinctives. Les mots Zervan-AkĂ©rène ne diffèrent pas du Sarvam Akhiaram hindou (le Temps sans fin).
Les Amschaspands et les autres divinités bienfaisantes.
Ahura Mazdâ (Ormazd ou encore Çpeuta-Mainyu) est le maître et le créateur du monde; il est souverain, omniscient, dieu de l'ordre; il a le Soleil pour oeil; le ciel est son vêtement, brodé d'étoiles; Atar, l'Éclair, est son Fils; Apô, les Eaux, sont ses épouses. Mais Ahura Mazdâ n'est pas le seul dieu; il n'est que le premier de sept divinités suprêmes, les Amshaspands, les six autres, règnent chacun sur une partie de la création, et semblent n'être qu'un dédoublement, une multiplication d'Ahura Mazdâ

Les Amschaspands, sont les bons génies, du premier ordre, de la religion mazdéenne, ministres d'Ahura Mazdâ. Ils étaient opposés aux Darvands ou Devs. (Les Anges).

Le nom zend primitif est Amrita-çpenta, immortels saints. Chefs de la hiérarchie céleste, Les Amschaspands qui entourent Ahura Mazdâ sont ses ministres suprêmes; sous sa loi, ils veillent à l'organisation, à la conservation, et au perfectionnement du monde. Chacun a son domaine distinct :

1° Bahman, ou Bahaman (en zend, Voha-manĂ´ = la bonne pensĂ©e, le bon coeur), est le nom parsi du premier des Amshaspands, (ou le second, si on range parmi ceux-ci Ahura-Mazdâ lui-mĂŞme).  Vohu-manĂ´ n'est Ă  l'origine qu'une abstraction morale personnifiĂ©e; C'est une des puissances du culte, la ferveur religieuse; par le dĂ©veloppement rĂ©gulier des croyances mazdĂ©ennes, le mĂŞme personnage reprĂ©sente ensuite la mĂŞme idĂ©e morale transportĂ©e dans la vie sociale : il prĂ©side Ă  la bonne harmonie, Ă  la concorde entre les humains. Plutarque le dĂ©signe comme le thĂ©os eunoias, le dieu de la bienveillance. C'est lui qui accueille les justes Ă  leur arrivĂ©e aux jardins paradisiaques, qui sont ses domaines, ses "pâturages"; peut-ĂŞtre est-ce Ă  cette mĂ©taphore que Bahman dut de rĂ©gner plus tard sur les troupeaux; cette attribution inattendue ne peut, en effet, s'expliquer logiquement. Le onzième mois et le second jour de chaque mois sont sous l'invocation de Bahman; la fleur qui lui est consacrĂ©e est le lis blanc. A l'Amshaspand Bahman s'oppose le dĂ©mon Akoman (Akem-manĂ´), le crĂ©ateur de la haine et de la guerre. (S. L.).

2° ArdibĂ©hescht (Asa Vahista), c'est-Ă -dire puretĂ© excellente. Sa fonction, lit-on dans le Petit Avesta, c'est d'ĂŞtre chantre, invocateur, louangeur, lecteur, ministre des offrandes, prĂ´neur, panĂ©gyriste du bien, agissant de façon Ă  ce que les brillantes lumières Ă©clairent, en notre louange et adoration, nous les Amshaspands [...]. Il apporte le salut avec puretĂ©, avec la loi, avec l'opĂ©ration chirurgicale, avec le remède empruntĂ© aux plantes, avec le texte saint. La maladie fuit, la mort fuit, les dĂ©mons fuient, les forces ennemies fuient. Les rejetons des serpents et ceux des loups prennent la fuite; le mĂ©pris, l'arrogance, la perturbation, la cruautĂ©, la discorde, le mauvais oeil prennent la fuite. Il terrasse un nombre incalculable de rejetons de serpents et de dĂ©mons; il terrasse la maladie, la mort, les dĂ©mons, les forces ennemies. Pour son Ă©clat et sa majestĂ©, nous louons Asa Vahista, le plus beau des Amshaspands.  Darmesteter (Journal asiatique, 1878) considĂ©rait Asa Vahista comme la personnification de l'ordre universel, et non comme la puretĂ© parfaite. Hovelacque (l'Avesta, Paris, 1880, in-8) et Harlez prĂ©tendaient au contraire que l'asa est l'observation de la loi mazdĂ©enne dans toutes ses parties et que l'asavan est I'observateur fidèle de la loi. Asa Vahista règne sur le feu, ce qui le rend supĂ©rieur aux autres Amshaspands. Sa puissance est telle qu'il lui est loisible d'interdire l'accès du paradis Ă  toute âme mazdĂ©enne, coupable ou innocente. (P.).

3° Schahriver (Khsathra-Yayria), c'est-Ă -dire roi dĂ©sirable; 

4° Sapandomad (Çpenta-ArmaĂŻti), c'est Ă -dire sainte soumise, la patronne de la terre, gĂ©nie fĂ©minin ainsi que les deux suivants; 

5° Khordad (Haurvâtat ), celle qui produit tout;

6° Amerdad (Ameretât), celle qui donna l'immortalitĂ©. 

Au-dessous d'Ahura Mazdâ et des six autres Amshaspands, la mythologie iranienne plaçait, comme divinitĂ©s bienfaisantes: Mitra, le « maĂ®tre du libre espace »; Tistrya, le dieu de l'orage; Verethraghna, le dieu de la victoire; elle connaissait en outre un grand nombre d'autres dieux de mĂŞme nature, les Izeds. 

Ahriman et les divinités malfaisantes.
De mĂŞme qu'Ahura Mazdâ est entourĂ© de six Amshaspands et d'autres divinitĂ©s bienfaisantes, Ahriman (Angra-Mainyu, et aussi aussi Ahermen ou Aherman, en pehlvi Hareman, chez les Latins et les Grecs qui ont dĂ©formĂ© Ă  leur grĂ© les noms orientaux, Areimanios, Arimannis, Arimanus, d'oĂą l'Arimane jadis employĂ© communĂ©ment par les auteurs français), le dieu malfaisant qui envahit la crĂ©ation pour en bouleverser l'ordre, et qui est conçu sous la forme d'un serpent, est accompagnĂ© de six dĂ©mons issus des tĂ©nèbres cosmiques et d'un grand nombre d'autres divinitĂ©s malfaisantes. 

• Ahriman le tĂ©nĂ©breux. - Notons que, dans le Zend-Avesta, Ahriman, pendant les trois premier Gahanbars, ne veut ni cĂ©lĂ©brer un seul midda, ni se ceindre les reins du kosti (que tout fidèle doit porter cinq ans). Dans sa lutte contre Ormazd, il suspend le cours des eaux, la croissance des arbres-: Ă©videmment il se confond ici avec son Dev chĂ©ri, Echem, ou bien avec EghĂ©tech, gĂ©nie de l'hiver qui glace les eaux captives, et qui frappe la sève d'inertie. Il sème l'erreur et l'hĂ©rĂ©sie parmi les humains; quoique nĂ© de Zervane-AkĂ©rène, et parallèle Ă  Ormazd, il n'a que des connaissances imparfaites et bornĂ©es. 

Dans la sphère intellectuelle, comme dans celle de la physique et de la morale, il est tout nuage et tout ténèbres. C'est le vice même, nous le savions; c'est la destruction et la mort; c'est aussi l'ignorance et la nuit de l'âme.

• Les incarnations et emblèmes d'Ahriman. - Ahriman n'est pas un pur esprit. Nous l'avons vu prendre la forme d'un serpent pour descendre des cieux, pour percer le noyau de la terre, pour verser les poisons sur herbes, plantes, animaux et fluides aériforines, pour cajoler les oreilles et séduire le coeur de l'homme. Le Zend le représente aussi à notre esprit avec des formes humaines : il a une longue langue; ses genoux anguleux et secs font mal voir. Il est à croire lue le fabuleux artikhore (tueur d'hommes) de Ctésias (Pline, VIII, 30), avec sa face humaine, son corps de lion, son triple rang de dents aiguës, sa queue rivale de celle du scorpion, ses yeux bleus, son pelage d'un rouge de sang, sa voix tenant à la fois de la flûte et de la trompette, et son goût pour les proies humaines, était l'emblème le plus complet et le plus frappant d'Ahriman. Malheureusement, on n'a pas trouvé dans les vestiges persépolitains aucune ugure dans laquelle on puisse , avec certitude reconnaître le Martikhore; et c'est bien à tort que Heeren, Tychsen, Rhode et Creuzer, ont pris pour lui ou pour le Monocéros les boeufs mutilés qui ornent deux à deux les faces intérieures des portails successifs du palais de Djhemchid. Est-ce Ahriman ou quelque Dev de sa suite que représente ce lion qui, dans les mêmes palais, déchire misérablement la licorne sans ailes ou l'âne sauvage (emblème d'Ormazd)?

Le griffon , les licornes ailées à tête de lion, le lion ailé et à bec de vautour, le loup à ailes, crête et queue vertébrée imitant le scorpion, nous inspirent la même incertitude. Nul doute pourtant que ce ne soient autant d'emblèmes ahrimaniques.

Il existe d'ailleurs un parallĂ©lisme entre les divinitĂ©s bienfaisantes et les divinitĂ©s malfaisantes. En effet, la crĂ©ation ahrimanienne contrarie en tout celle d'Ormazd. Ainsi aux Izeds tutĂ©laires s'oppose un mĂŞme nombre de Devs ou gĂ©nies funestes; aux Amchaspands qui sont comme les princes des Izeds, s'opposent les princes des Devs. 
• Les Izeds sont les gĂ©nies bienfaisants. Ils ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©s par Ormazd et sont au nombre de 28. Ils viennent immĂ©diatement après les  Amchaspands, auxquels ils servent de ministres.

• Les Devs ou Darvands sont, dans le Zend-Avesta les génies malfaisants, dont Ahriman est le chef. Ils accablent l'humanité d'une foule de maux, malgré les efforts des Izeds.

Le tableau qui suit déroule cet antagonisme de toutes les fonctions, de tous les lieux et du tous les instants :
 
Zervane-Akérène

Ormazd

Amchaspands
--
SĂ©roch. 
Bahman. 
Ardibéhecht.
Chahriver. Sapandomad. Khordad. 
Amerdad.

Izeds parmi lesquels 
Asman.

Aboudad duquel
KaĂŻomorts.
Gochoroun.

Tous les animaux purs.
Ahriman

Les princes des Devs 
--
Echem. 
Achinogh. 
EghĂ©tech. 
Bochasp. 
Astoniad.
Tarik. 
Tosius.

Devs, parmi lesquels
Dauzakh (l'abĂ®me personnifiĂ©). 
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Les animaux impurs.

La mythologie mazdéenne. Les quatre âges du monde.
Le plus important, on pourrait presque dire le seul mythe de la religion iranienne ancienne, c'est le double mythe d'Ahura Mazdâ et d'Ahriman.  Ce mythe consiste essentiellement dans la lutte des deux groupes d'ĂŞtres divins. Cette lutte nous apparaĂ®t sous une double forme; elle est matĂ©rielle ou spirituelle. Dans la lutte matĂ©rielle, Ahriman veut envahir le ciel; il est refoulĂ© dans l'enfer; dans la lutte spirituelle oumystique, Ahriman, principe de l'obscuritĂ©, du dĂ©sordre,du mal, est de mĂŞme refoulĂ© par Ormazd, dieu de la lumière,de l'ordre et du bien. Dans le premier cas, l'arme d'Ormazd est Atar, l'Eclair;dans le second cas, c'est la piĂ©tĂ© ou encore la prière, personnifiĂ©e sous le nom de Vohu Mano. 

On voit à l'oeuvre cet antagonisme, par exemple, dans le récit des quatre âges du monde. Douze mille ans, ou, comme s'exprime le texte sacré, douze millénaires sont donnés par Zervane Akérène à la lutte des deux puissances qui émanent de lui. Ces douze millénaires se partagent en quatre âges égaux. Pendant le premier, Ormazd est seul maître de l'univers; avec le deuxième Ahriman commence à faire sentir sa présence, mais il est encore très subordonné; au troisième, qui est la période actuelle de l'humanité, il livre bataille à son lumineux ennemi; enfin dans le quatrième, qui est l'âge à venir, il obtiendra un triomphe momentané, triomphe qui pourtant sera suivi du revers le plus complet et qui rendra au grand Ormazd la suprématie et l'empire des mondes.

Le premier âge.
Ormazd pendant les trois premiers millĂ©naires crĂ©a, selon les uns, les innombrables Fervers (archĂ©types ou prototypes du monde ) suivant les autres, la lumière, l'AIbordj (MĂ©ru parsi), Gorotman (la voĂ»te des cieux), le pont Tchnievad par lequel Albordj communique Ă  Gorotman, les trois sphères cĂ©lestes, la terre, puis le soleil qui, s'Ă©lançant de l'Albordj pour verser l'or de ses rayons sur le monde, fait le tour de la terre dans la sphère la plus sublime des cieux et le soir regagne son point de dĂ©part; puis la lune, puis les cinq moindres planètes et toute la brillante armĂ©e des Ă©toiles, sentinelles vigilantes rĂ©parties sous la voĂ»te cĂ©leste en douze bataillons et vingt-huit khordeds et dont le nombre ne va pas Ă  moins de 6 430 000 combattants. 

A cette radieuse et bienfaisante création Ahriman en oppose sur le champ une autre égale en nombre et en force, mais aussi funeste, aussi hideuse, aussi obscure que la première est utile, gracieuse , étincelante de beautés.

Le deuxième âge.
Puis vient la deuxième pĂ©riode : il veut entamer le combat, il s'Ă©lance de l'abĂ®me des tĂ©nèbres avec lequel il se confond, et se dresse orgueilleux, gigantesque, gonflĂ© de poisons contre le magnifique Ormazd; mais Ă  la vue de l'Ă©clat dont resplendit son rival, Ă  la vue des astres et des purs Fervers, il retombe dans son noir empire et reste confinĂ© pendant le reste du deuxième âge. Ormazd que laissait respirer le dĂ©sespoir d'Ahriman, continuait sa crĂ©ation bienfaisante et donnait naissance aux sept Amchaspands et aux vingt-huit Izeds, gĂ©nĂ©raux et officiers de l'armĂ©e cĂ©leste, chargĂ©s en outre de veiller sur toutes les parties du monde organique et principalement sur les humains; puis enfin produisait le grand taureau, le taureau primordial, Aboudad, en qui se rĂ©sume toute la zoologie, et en qui le dieu passionnĂ© pour le bonheur des ĂŞtres mortels a dĂ©posĂ© les germes de toute vie physique; et, après Aboudad, KaĂŻomorts, c'est-Ă -dire le premier homme. Les deux crĂ©ations, l'infernale et la cĂ©leste, sont alors complètes. 

Le troisième âge.
Soudain et au commencement du troisième âge, qui correspond au septième millénaire, Ahriman à qui sa malice profonde révèle que son temps est venu fait irruption à la tête des Devs dans l'empire d'Ormazd, mais seul il parvient au séjour qu'habite le dieu resplendissant : sa noire et livide armée demeure en arrière. Lui-même il ne peut soutenir qu'un instant l'aspect de cette auréole de gloire qui environne son émule, et redescendant sur notre globe, sous la figure d'un serpent, il s'insinue sous la croûte rigide de la terre, pénètre jusqu'au centre, vicie, altère, envenime ou ronge tout ce qu'elle contient, souille d'une fumée dévorante le fécond Aboudad, symbole visible d'Ormazd, puis quand de l'épaule droite du taureau cosmique sort l'homme Kaïomorts, ne trouvant rien à opposer à ce chef-d'oeuvre du Démiurge, il séduit, à l'aide de lait de chèvre et de fruits, le premier couple issu de la tige de Reivas, Meskhia et Meskhiane, et lui fait perdre par là les béatitudes célestes, et l'immortalité. Quatre-vingt-dix jours et quatre-vingt-dix nuits consécutives se passent ainsi en batailles sanglantes, douteuses, variées. Au bout de ce temps les Devs et leur chef audacieux sont refoulés dans les profondeurs de Douzakh. Ils reviennent à la charge au commencement du dixième millénaire, et cette fois ils obtiennent la victoire.

Le quatrième âge.
L'homme meurt, les âmes errent exilĂ©es et gĂ©missantes dans l'empire d'Ahriman. Ses immondes satellites les guettent avidement Ă  l'instant oĂą elles quittent le corps et s'apprĂŞtent Ă  passer le pont Tchinevad : lĂ  est le tribunal d'Ormazd qui a Bahman pour assesseur. Les deux juges prononcent sur le sort de l'âme voyageuse qui tantĂ´t franchit le pont sous la garde du chien Soura, pour entrer dans Gorotman, tantĂ´t au contraire reste en proie aux Devs cruels. Ainsi se passe la plus grande partie des trois millĂ©naires oĂą la gloire d'Ahriman touche Ă  son apogĂ©e. De jour en jour, les maux plus insupportables s'appesantissent sur les humains. Ils pĂ©riraient si, dĂ©finitivement, Ormazd, ouvrant son coeur Ă  la pitiĂ©, ne leur envoyait un sauveur, pour les prĂ©parer Ă  la rĂ©surrection gĂ©nĂ©rale. Puis vient l'instant de ce grand phĂ©nomène. La comète malfaisante Gourzcher, trompant la garde de la lune qui est chargĂ©e de surveiller ses mouvements, traverse l'espace et heurte la terre qui chancelle comme un homme malade, et que bientĂ´t la flamme dĂ©vorante rĂ©duit en cendres. Les montagnes liquĂ©fiĂ©es s'Ă©coulent : Les âmes passent Ă  travers les torrents de feu, et, quelles que soient leurs souillures en apparence inexpiables, y subissent une purification terrible. 

En vain alors les Devs génies et les humains que leurs crimes ont mis au rang des Devs, en vain tous les suivants d'Ahriman tentent un dernier effort contre le puissant Ormazd : la flamme en les tortitrant les épure eux-mêmes. Du sein de l'immense incendie un nouvel univers surgit, un nouveau ciel, une nouvelle terre plus pure, plais parfaite, que ne le fut jamais l'ancienne, et destinée à l'éternité. Plus d'ombre, plus de crimes, plus de mal, plus de pleurs, plus d'enfer. Ahriman lui-même se fond avec Ormazd dans l'Éternel, célèbre l'Izechné avec son ancien rival, proclame le Zend, et chante les louanges de la lumière.

Ahriman et Ormazd.
On l'a remarquĂ© plus haut, Ahriman et Ormazd ne sont pas les deux puissances suprĂŞmes de l'univers. Tous deux se jouent en Zervane (le Temps ), mais se rĂ©absorbent et se confondent dans la grande UnitĂ© Zervane-AkĂ©rène qui plane sur eux. 

Par lĂ  tombe d'elle-mĂŞme cette question en apparence importante, et qui Ă©tĂ© souvent agitĂ©e par les modernes : Ahriman et Ormazd existent-ils de toute Ă©ternitĂ©? Oui, sans doute, il existent de toute Ă©ternitĂ©, mais comme germe; comme possibilitĂ©, comme portion indistincte et inaperçue, inapercevable du grand bloc irrĂ©vĂ©lĂ© UnitĂ©-TotalitĂ© que le Zend appelle Zervane-AkĂ©rène. Non! leur existence ne date pas de toute Ă©ternitĂ©, si par existence on entend l'existence individuelle, distincte, localisĂ©e en telle ou telle partie de l'espace, en telle ou telle sĂ©rie de phĂ©nomènes. Le monde est une monade Ă  mille millions de parties. Monade, il est immobile, adĂ©quate Ă  lui-mĂŞme, Ă©ternel. ComposĂ©, il varie et se prĂŞte Ă  des myriades de formes caduques et fugitives. Que la synthèse rĂ©duise ces formes a deux, le Bien et le Mal, il est clair que le Bien et le Mal (sommes, l'un de tous les biens, l'autre de tous les maux partiels) sont fils du Temps et ont pour limite le temps. 

Un autre problème se prĂ©sente. Ormazd et Ahriman sont-ils Ă©gaux? Distinguons d'abord deux faces dans ce problème. Ormazd et Ahriman ont-ils ou non Ă  tout instant des succès Ă©gaux dans ces mondes que leur abandonne Zervane-AkĂ©rène? voilĂ  un premier sujet d'examen. Puis vient une nouvelle Ă©nigme : InĂ©gaux ou Ă©gaux pendant la lutte qu'ils ont Ă  soutenir l'un contre l'autre, Ormazd et Ahriman ont-ils une importance Ă©gale dans la thĂ©ogonie et la hiĂ©rarchie? en d'autres termes, y a-t-il parallĂ©lisme parfait entre le principe du bien et le principe fatal? A la première de ces questions , les lĂ©gendes rĂ©pondent unanimement non. Du laps de temps (12 000 annĂ©es ) pendant lequel Ormazd et Ahriman administrent, organisent ou dĂ©sorganisent le monde, moitiĂ© environ s'embellit des triomphes d'Ormazd; des crises funestes, des revers attristent la deuxième moitiĂ©. Sur l'autre point, les systèmes varient. Selon les uns Ormazd est plus grand : il est nĂ© avant lui il lui survivra il apparaĂ®t dans l'univers et règne trois mille ans avant lui; selon les autres, Ahriman se dessine sur une ligne parallèle au GĂ©nie du bien. Tous deux apparaissent en mĂŞme temps, quoiqu'ils ne se formulent pas avec une Ă©gale nettetĂ©;  le mĂ©chant ne mourra pas, seulement il se laissera battre et se convertira. (M.).

La rĂ©forme de Zoroastre. 
Spitama Zarathustra, que le Grecs nous ont fait connaître sous le nom de Zoroastre, vécut au VIIe siècle avant notre ère (entre 660 et 583, selon la tradition parsie). On lui doit d'avoir opéré, en quelque sorte, la conciliation entre la religion des Mages et celle des rois. Mais cette conciliation ne devint officielle et de caractère orthodoxe que huit siècles environ après l'époque de Zoroastre lui-même, quand fut rédigé sous sa forme actuelle l'Avesta.

La légende de Zoroastre.
Le merveilleux règne d'outre en outre dans la biographie de Zoroastre. Issu de l'haoma, il naquit parmi l'allégresse universelle, non pleurant ou criant mais riant. Pourtant l'hostilité des kavis et des karpans - prêtres hérétiques, idolâtres, fermés à la loi - devait l'entourer d'un réseau de fourberie. Quand le futur prophète désira se marier, il se soumit au choix de ses parents, mais, en bon Iranien dévot de la franchise et de la clarté, il prétendit voir avant le mariage la face de sa fiancée.

Sa vocation religieuse prĂ©sente comme une annonce ou un doublet de celle du Bouddha. A vingt ans il quitte la maison paternelle, «-cherchant l'homme le plus dĂ©sireux de droiture et le plus adonnĂ© Ă  nourrir les pauvres-». Alimenter misĂ©reux et animaux, entretenir de bois le feu, verser du jus de haoma dans de l'eau : telles s'Ă©numèrent, Ă  l'en croire, les oeuvres pies. Il demeure sept ans dans le silence, au fond d'une caverne ornĂ©e Ă  l'image du monde, sur une montagne qui nous rappelle le SinaĂŻ. 

A trente ans, il reçoit de chacun des archanges diverses révélations qui lui donnent prise sur les divers facteurs du cosmos. La première lui vient de Vohu Mano, l'esprit de sagesse, qui lui confère l'extase en présence d'Ahura Mazdâ, sur les rives de la Daiti (Azerbaïdjan); aussitôt commence une prédication errante qui le mène jusque vers Ghazni, aux confins de l'Afghanistan, sur la lisière orientale de l'Iran. Les autres révélations, obtenues en certaines régions bien spécifiées, l'initient à la façon de traiter les animaux domestiques, le feu, les métaux, la terre, l'eau, les plantes.

Le prophète connaĂ®t dĂ©sormais ce qu'il doit savoir. Angra Mainyu accourt du Nord pour le tenter, afin qu'il s'abstienne de tuer les dĂ©mons, ses crĂ©atures; il lui offre un royaume temporel; mais, armĂ© d'exorcismes, Zoroastre Ă©carte la sĂ©duction : 

Avec le mortier sacré, la coupe sacrée, la parole de Mazdâ, mon arme propre, je te vaincrai.
Au cours de la douzième année de la foi rénovée, se produit la conversion de Vichtaspa, roi de Balkh. Les conversions en Perse ne se comptent pas, mais elles s'étendent à des Hindous, à des Grecs. La science du prophète, outre son aspect rituel, enveloppe la physique, la connaissance des étoiles, celle des pierres précieuses. Par des plantes il guérit un aveugle. Mais, dans les dernières années, c'en est fait de la propagation pacifique de la foi : contre le Turc infidèle, ennemi de Vichtaspa, sévit la guerre sainte, où resplendit la vaillance d'Isfendiâr. Ici le Chah Nâmeh ajoute au ritualisme de l'Avesta la veine héroïque, et Zoroastre passe pour avoir été tué à soixante-dix-sept ans par un odieux Touranien.

La morale de Zoroastre consiste essentiellement Ă  tendre Ă  la perfection par ses pensĂ©es, ses paroles, ses actes. Après la mort, l'âme est pesĂ©e dans une balance et jugĂ©e selon ses actions. 

La mythologie de Zoroastre en fera ainsi naturellement un antagoniste d'Ahriman, dont il ne cesse de se garder des perfidies. Ahriman a vu en esprit les futures perfections de ce sage, lorsque, dans le deuxième âge, il s'est Ă©lancĂ© aux cieux. Depuis ce temps il lui a vouĂ© une haine profonde. Il essaie de ruiner son empire sur la terre; il veut le persuader de ne pas anĂ©antir la puissance ahrimanienne sur ce globe; il lui annonce que la loi de Mardeiesnan (celui qui prie Ormazd) tombera en dĂ©suĂ©tude. 
Vicissitudes du MazdĂ©isme. 
Le Mazdéisme, religion de Mazdâ, éclipsa les autres cultes iraniens. Mais ses formes ont beaucoup varié; le schéma traditionnel du dualisme iranien vulgarisé par la tradition et par les manuels d'histoire des religions, est loin de correspondre à la réalité des croyances qui s'insèrent entre Cyrus et la conquête musulmane.

Prêché par Zoroastre comme un aspect de son système, ce dualisme ne s'implanta que fort tard, sous l'action de la politique sassanide, soucieuse de renouer une tradition ancienne et indigène, à l'encontre des influences hellénistiques; il n'avait été jusque-là que l'opinion d'une secte.

Le Mazdâ des Achéménides était le dieu du roi des rois celui des Sassanides fut le dieu d'un clergé, se réclamant des Mages antiques. C'est qu'entre les deux formes du Mazdéisme - l'achéménide et la sassanide - s'était inséré l'âge arsacide, au cours duquel d'autres religions avaient accaparé les consciences.

Les religions sous les Arsacides. 
Le bilan de ces religions est extrêmement confus et obscur. Il faut y compter sans doute d'abord les croyances des Parthes (Pahlavas, d'où le nom de l'idiome pehlvi), Iraniens originaires de Scythie, auxquels appartient le fondateur de la dynastie Arsakès. Ils pratiquaient le culte des ancêtres. Ensuite le Bouddhisme, fort répandu en Bactriane et en Sérinde, et divers cultes pénétrés de philosophie abstraite, attestant des mixtures d'éléments grecs, gnostiques, iraniens, cultes dont le plus fameux fut le Mithraïsme, qui ne régna pas seulement en Asie occidentale, mais, véhiculé par les armées romaines, faillit conquérir l'Europe, où il se répandit au premier siècle avant l'ère commune.

Le Mithriacisme 

L'origine du Mithriacisme (ou Mithraïsme) remonte au Mitra indo-aryen, mais transformé par de multiples influences. Hérodote cite une déesse du ciel, et en nouveau perse, mihr veut dire " soleil ". Il y a loin de là au vieux dieu des contrats, commun à l'Inde et à l'Iran; pourtant la dualité Mithra-Ahura de l'Avesta correspond à la dualité Mitra-Varuna des Védas. Selon P. Alfaric, le Mithra du Mithriacisme ferait figure de divinité conciliatrice entre l'Ahura Mazdâ et l'Angra Mainyu de Zoroastre, car c'est le temps, marqué par les révolutions solaires, qui règle l'alternance de la lumière et des ténèbres.

La statuaire hellénistique a popularisé la scène de l'immolation d'un taureau par Mithra, coiffé du bonnet phrygien, dans une de ces grottes où se réunissaient les initiés : le dieu y accomplit un rite de fécondité de la nature, ainsi que l'attestent les végétaux de toutes sortes qui pullulent à l'entour de la blessure par laquelle s'échappe le sang de la victime.

Si éloigné que soit ce Mithriacisme du Mazdéisme zoroastrien, il garde, en commun avec lui, ses deux idées essentielles : un zèle ardent pour la pureté morale, obtenue et conservée grâce à une attitude belliqueuse, celle d'un « soldat » de la foi : d'où le prestige de ce culte sur les légions romaines; une vénération de la lumière, le seul principe « invaincu », c'est-à-dire absolu, étant le soleil (sol invictus).

Le Manichéisme

Une inspiration analogue, mais plus proche de la zoroastrienne, se rencontre dans la secte de Mani, en laquelle le Christianisme trouva une redoutable rivale - au point de la dénoncer comme une hérésie chrétienne. Mani entreprend son apostolat au début de l'ère sassanide, dès le couronnement de Sapor Ier (242 ap. JC). Originaire de Babylonie, il combine avec le dualisme mazdéen la tradition gnostique, empruntée aux Chrétiens de Jean-Baptiste, les Mandaïtes du Bas-Euphrate. Il propage les Évangiles et les épîtres de Paul, il se proclame l'ultime porte-parole de Jésus. Il fonde une Église calquée sur la hiérarchie chrétienne. Selon son enseignement, un ascétisme, plus ou moins rigoureux d'après le degré de l'initiation, convient pour qu'en l'individu le conflit de l'universel dualisme aboutisse à la victoire définitive du principe lumineux.

Les explorations russes et allemandes au XIXe siècle autour de Tourfan, ville  ouighoure du Xinjiang, en Chine, puis la dĂ©couverte par P. Pelliot d'une bibliothèque mĂ©diĂ©vale dans les grottes de Dunhuang (Touen-houang) dans la province de Gansu, Ă©galement en Chine, nous ont procurĂ© des textes manichĂ©ens : la secte nous devient accessible autrement que par les rĂ©futations de ses dĂ©tracteurs chrĂ©tiens, mazdĂ©ens ou musulmans; la preuve de son immense dĂ©veloppement rĂ©sulte de ce qu'elle a laissĂ© des traces profondes en France et en Espagne comme en Afrique et, donc aussi, jusqu'en Chine. Aucune doctrine n'a portĂ© plus loin l'esprit iranien.

Une histoire toute tissĂ©e de lĂ©gendes racontait comment la science du salut avait Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e Ă  diverses Ă©poques par le Christ, qui avait pris les apparences de la chair pour nous en dĂ©noncer la malice... Elle enseignait comment la foi dualiste, la seule vĂ©ritable, prĂŞchĂ©e en Inde par Bouddha, en Perse par Zoroastre, en Palestine par le JĂ©sus, avait Ă©tĂ© exposĂ©e enfin dans toute sa puretĂ© en Babylonie et de lĂ  dans l'univers entier par Mani, ses douze apĂ´tres et leurs nombreux disciples "(Prosper Alfaric, les Écritures manichĂ©ennes (1918). 

Abstraction faite des rĂ©vĂ©lations qu'il reçut Ă  douze et vingt-quatre ans, la vie de Mani, avec ses quarante annĂ©es d'apostolat, n'a suscite que peu de lĂ©gendes. En voici une, extraite d'un fragment de Tourfan et rapportĂ©e par P. Alfaric : 

" Mihirschah, frère de Sapor, était hostile à Mani. Dans le Paradis que tu célèbres, peut-il y avoir un jardin aussi beau que le mien? L'apôtre de la lumière lui répondit en suscitant à ses yeux son Paradis lumineux, et à cette vue le prince demeura trois heures en extase. Des livres prophétiques et apocalyptiques annonçaient quel sort serait fait aux Élus qui suivaient fidèlement les préceptes divins, aux Auditeurs qui ne les suivaient qu'à moitié, aux Pécheurs qui ne cessaient de les violer. Ils prédisaient que les premiers, une fois débarrassés de leurs liens charnels, prendraient le chemin du ciel pour rentrer dans leur bienheureuse patrie; que les seconds resteraient sur la terre pour y passer en d'autres corps; enfin que les troisièmes, esclaves de la matière, la suivraient dans l'enfer. Du jour, ajoutaient-ils, où tous les esprits qui doivent être libérés auront regagné leur premier séjour, le monde sera abandonné à lui-même par l'Ornement de splendeur qui le soutient au Nord et par Atlas qui, au Sud, le porte sur ses épaules. Alors les étoiles tomberont, les montagnes s'effondreront, tous les éléments matériels iront se rejoindre dans les abîmes ténébreux de l'enfer où ils s'embraseront comme en une immense chaudière. Et ils seront aussitôt recouverts par une pierre aussi grande que la terre, à laquelle se trouveront attachées les âmes pécheresses. Désormais le Bien et le Mal, revenus à leur premier état, demeureront séparés par une barrière infranchissable et pour toujours."
(P. M.-O., L. M.).
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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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