.
-

Le Mazdéisme

Mazdéisme (du zend mazda, loi suprême), nom donné à la religion des anciens Perses, contenue dans le Zend-Avesta. Son nom signifie proprement culte d'Ormuzd. En Europe on l'a appellée communément magisme, et l'on a nommés mages ses prêtres.

Cette religion paraît remonter à l'époque la plus reculée; les Perses parlent de quatre grandes dynasties qui successivement régnèrent sur leurs ancêtres, et sous lesquelles les hommes, étroitement unis à Dieu, ne reconnaissaient qu'une seule divinité, ne suivaient qu'une seule loi. Mais cette religion simple embrassa bientôt l'adoration des corps célestes; et des hommages publics, assujettis à des cérémonies et à des rites multipliés, furent adressés aux génies planétaires. Le désordre s'empara des actions humaines.

Enfin parut la dynastie des Pischdadiens, ou des premiers distributeurs de la justice. Kayoumors, le chef de cette lignée royale, entreprit de mettre un terme au désordre. Il tira de l'oubli les règles de l'équité et voulut qu'elles fussent observées. Beaucoup d'hommes et de génies pervers s'insurgèrent contre lui, mais il les défit et consolida son empire. Houscheng, son petit-fils, qui lui succéda, pratiqua la justice, et institua le culte du feu. Vint ensuite le prince Tahmouras, qui, dit-on, fit la guerre aux devs ou esprits malfaisants, les chassa du milieu des humains et les relégua dans les flots de la mer et dans les solitudes des montagnes; on ajoute qu'il fut le premier qui se livra à la pratique de la magie et des enchantements, science qu'il avait apprise d'un dev tombé en son pouvoir. L'idolâlrie fleurit de nouveau sous Djemschid, son successeur, prince auparavant vertueux, mais qui se laissa séduire par le mal.

Au commencement de chaque mois, Djemschid rendait la justice à ses sujets; et 700 ans se passèrent ainsi, sans que ce prince eût eu à supporter la moindre maladie et le moindre sujet d'affliction. Un jour, qu'il était seul dans son palais, Ahrimane, l'esprit des ténèbres, entra par la fenêtre et lui dit : 

"Je suis un génie, venu du ciel pour te donner des conseils, Sache donc que tu te trompes, lorsque tu t'imagines n'être qu'un homme. Les hommes tombent malades; ils éprouvent des chagrins et des traverses, et sont soumis à la mort. Tu es exempt de tous ces maux, parce que tu es dieu. Apprends que tu étais d'abord dans le ciel, et que le soleil, la lune et les étoiles étaient sous, ton obéissance. Tu descendis sur la terre pour rendre la justice aux humains et remonter ensuite an ciel, la première demeure. Mais tu as oublié ce que tu es. Moi, qui suis un génie qu'aucun homme ne pourrait voir face à face sans mourir, je viens te rappeler ton essence. Fais-toi donc connaître aux humains. Ordonne-leur de t'adorer, et que tous ceux qui refuseront de se prosterner devant toi soient condamnés aux flammes. "
Djemschid suivit le conseil d'Ahriman, et fit périr un grand nombre de personnes qui refusaient de reconnaître sa divinité. Il envoya ensuite cinq lieutenants, qui parcoururent tout l'univers avec d'innombrables armées. Chacun de ces lieutenants avait une image de Djemschid devant laquelle tes hommes etaient tenus de se prosterner ; et il disait : Cette image est votre dieu; adorez-la, autrement vous périrez par le feu. Beaucoup d'hommes commirent le mal et se livrèrent à l'idolâtrie par la crainte de la mort. Ces actes impies éloignèrent de Djemschid le coeur de ses sujets. 

Ce prince fut attaqué par Dhohac ou Zohac, qui le vainquit, le poursuivit de contrée en contrée et enfin le mit à mort. Djemschid fut d'abord condamné pour ses crimes aux flammes de l'enfer; mais Ormuzd, l'esprit de lumière, lui pardonna ensuite, à la prière de Zoroastre.

C'est sous le règne de Djemschid, qu'Ormuzd, le bon principe, envoya parmi les Perses le grand prophète Hom, l'arbre de la connaissance de la vie, la source de toute bénédiction, pareil au Thot de l'Egypte, au Bouddha de l'Inde, et dont le nom rappelle le trigramme sacré des hindouistes, aum (om). Ce prophète, disent les tradilions des Perses, est le fondateur du mazdéisme. On l'avait surnommé Zaéré, couleur d'or, et cette épithète l'a fait confondre avec le véritable Zoroastre, de beaucoup postérieur, et qui s'appelle en zend, ou ancien persan, Zéréthoschtro. Hom, dit un historien, élève des Hindous, peut-être Indien lui-même, apporta en Perse les lumières qu'il avait puisées sur les rives du Gange. 

A partir de ce moment, la Perse eut des docteurs, des moghs ou mages, conservateurs et maîtres de la loi révélée par Hom, et qu'Hérodote nous présente comme une tribu particulière, semblable aux lévites d'Israël et aux Chaldéens d'Assyrie. Dans le nouveau culte, on n'érigeait aux dieux ni statues, ni temples, ni autels; on offrait les sacrifices à ciel découvert, presque toujours au sommet des montagnes, et l'on voit en effet Khosroès ou Cyrus s'acquitter de ce devoir en rase campagne. C'est vraisemblablement sur l'avis et à la sollicitation des mages que Bahman ou Xerxès brûla tous les temples de la Grèce, regardant comme chose injurieuse à la Divinité de la renfermer dans des murailles, elle à qui tout est ouvert, et dont l'univers entier doit être considéré comme la maison et le sanctuaire. 

Enfin parut Zoroastre, le dernier réformateur du mazdéisme, à une époque qui n'est pas exactement déterminée, mais qui paraît devoir être circonscrite vers la fin du VIe siècle av. J.-C. Il s'annonça, comme un prophète envoyé par Ormuzd pour corriger les moeurs et rétablir la foi. Il ne manqua pas de rattacher sa mission, ses enseignements, tout son caractère, à des noms autrefois révérés par les peuples de la Perse, et de se présenter comme l'interprète et le continuateur de Honscheng, de Djemschid et de Hom. Des débris épars de l'ancienne loi, il forma un corps de doctrine qui devint bientôt le code religieux des Perses, des Assyriens, des Parthes, des Bactriens, des Mèdes, des Corasmiens et des Saïques, et, qui pénétra ensuite en Judée, en Grèce et dans tout l'empire romain. Il fit aussi élever des temples pour y adorer et pour y conserver, avec le soin le plus attentif, le feu sacré qu'il prétendait avoir rapporté du ciel avecce le Zend-Avesta, livre divin dont l'Eternel l'avait chargé de répandre la connaissance. 

Il fit adopter sa réforme par le souverain, qui ne tarda pas à l'imposer à la plus grande partie de ses sujets. Satisfait d'avoir ainsi conduit son oeuvre à bonne fin, il prit le titre de Mobed des Mobeds, c'est-à-dire de pontife suprême, et appliqua tous ses efforts à propager l'exercice de son culte.

Suivant sa doctrine, le premier de tous les êtres est Zérouané-Akéréné, le temps sans bornes, à qui l'on donne ce nom parce qu'on ne saurait lui assigner aucune origine. Il est tellement enveloppé dans sa gloire; sa nature et ses attributs sont si peu accessibles à l'intelligence humaine, qu'il faut se borner à lui payer le tribut d'une silencieuse vénération. De cette divinité suprême est primitivement émané Zéronané, le temps, la longue période, ou année du monde, équivalant à 12,000 révolutions complètes du soleil. C'est dans le sein de ce second être que repose l'ensemble de l'univers. De l'Éternel est également émanée la lumière pure, et de celle-ci le roi de lumière, Ormuzd, qui est aussi Honover, le verbe, la volonté divine. Cette parole mystérieuse est le fondement de toute existence, la source de tout bien. La loi de Zoroastre en est comme le corps, et c'est pour cette raison qu'on la nomme Zend-Avesta, la parole vivante. Quoiqu'il n'occupât que le quatrième rang dans la hiérarchie divine, Ormuzd était appelé le premier-né des êtres. Il est le principe des principes, la substance des substances, le dispensateur du savoir c'est lui qui vivifie et nourrit toutes choses.

Par opposition nécessaire, indispensable à la lumière, à Ormuzd, naquirent les ténèbres ou Ahrimane, le second-né de l'Eternel, le mauvais principe, la source de toute impureté, de tout vice, de tout mal. Emané, comme Ormuzd, de la lumière primitive, et non moins pur que lui, mais ambitieux et plein d'orgueil, Ahrimane était devenu jaloux du premier-né. Sa haine et son orgueil l'avaient fait condamner par l'Etre suprême à habiter, pendant une période de douze mille ans, les espaces que n'éclaire aucun rayon de lumière, le noir empire des ténèbres.

Au moyen de la parole, Honover, Ormuzd fabriqua l'univers. D'abord il créa à soit image six génies, qui entourent son trône, qui sont ses organes auprès des esprits inférieurs et auprès des humains, qui lui en transmettent les prières, obtiennent pour eux sa faveur et leur servent eux-mêmes de modèles de pureté et de perfection. Ces esprits forment, avec Ormuzd leur chef, les Amschaspands. Il créa ensuite les génies des deux sexes, nommés Izeds, au nombre de vingt-huit, qui, de concert avec lui et avec les Amschaspands, veillent au bonheur, à la pureté et à la conservation du monde, dont ils sont les gouverneurs ; président aux éléments, aux astres, aux mois, aux jours et aux divisions du jour. Ormuzd donna encore naissance aux gahs, izeds surnuméraires qui commandent aux jours épagomènes et aux cinq parties de la journée; enfin aux férouers, prototypes et modèles de tous les êtres, idées que le premier-né du temps sans borne consulte toujours avant de procéder à la formation des choses.

Ormuzd, continuant son oeuvre, édifia la voûte des cieux, et la terre sur laquelle elle repose. Il fit la haute montagne Albordj, qui a sa base sur notre globe, et dont le sommet, traversant toutes les sphères célestes, s'élève jusqu'à la lumière primitive. C'est sur cette montagne qu'il a fixé sa demeure. Au-dessous de son trône, il créa le soleil, la lune, les étoiles et la multitude des étoiles fixes. N'oublions pas de mentionner la création du taureau primordial, qui renfermait en lui les germes de tous les animaux et de tous les végétaux.

Pendant qu'Ormuzd créait et disposait ainsi les choses pures, Ahrimane de son côté ne demeurait pas oisif, et donnait l'existence à une foule d'êtres malfaisants comme lui. Aux sept Amschaspands, il opposa sept Darvends ou archi-Devs, destinés à paralyser leurs efforts pour le bien et à y substituer le mal. Pour résister aux Izeds et aux Férouers, il produisit l'immense cohorte des Devs, qu'il chargea de répandre dans le monde les douleurs physiques et morales, la fausseté, la calomnie, l'ivresse, les maladies, la pauvreté. Il y eut en outre des génies d'un ordre inférieur, subordonnés aux Darvands et aux Devs, et qui exécutaient aveuglément leurs ordres.

Ces deux créations avaient duré 6000 ans; à savoir 3000 ans pendant lesquels Ormuzd travailla seul, et 3000 ans pendant lesquels il fut traversé par Ahrimane. Alors ce dernier, avec tous les esprits impurs, fit invasion dans l'empire de la lumière, et parvint jusque dans les cieux; puis il s'élança sur la terre sous la forme d'un serpent, pénétra jusqu'au centre de notre globe, et s'insinua dans tout ce qu'il contenait : dans le taureau primordial, où étaient déposés les germes de toute vie organique, qu'il altéra; dans le feu, ce symbole visible d'Ormuzd, qu'il souilla par le contact de la fumée de la terre. Le taureau frappé par Ahrimane donna naissance aux êtres terrestres; l'homme sortit de ses épaules, les animaux durent la vie à sa semence, et toutes les plantes germèrent du reste de son corps. Cette nouvelle création avait encore eu lieu sous les auspices d'Ormuzd, ce qui augmenta la rage d'Ahrimane; celui-ci mit tout en oeuvre pour séduire l'homme et le corrompre; il y réussit. 

Enfin la lutte d'Ahrimane avec Ormuzd doit durer 6000 ans, espace de temps égal à la durée de la création. A la fin du monde Ahrimane sera définitivement vaincu par son céleste compétiteur; la terre sera régénérée, les ténèbres disparaîtront, et avec elles la douleur, les tourments et l'enfer. Ormuzd régnera seul, et le chef des démons, entouré des innombrables légions des Devs, offrira en commun avec lui un sacrifice éternel à l'Etre suprême et infini. 

Les points essentiels de la doctrine des mages se réduisaient à ceci : Confesser Ormuzd, le roi du monde, dans la pureté de son coeur; célébrer les oeuvres de ce dieu suprême; reconnaître Zoroastre comme prophète; détruire le royaume d'Ahrimane. De là découlaient les préceptes religieux et moraux. En commençant sa journée, le fidèle devait tourner ses pensées vers Ormuzd; il devait l'aimer, lui rendre hommage et le servir. Il était tenu d'être probe, charitable; de mépriser les voluptés corporelles; d'éviter le faste et l'orgueil, le vice sous toutes ses formes, et surtout le mensonge, un des plus grands péchés dont l'humain puisse se rendre coupable.

Il lui était prescrit d'oublier les injures et de ne s'en pas venger : d'honorer la mémoire des auteurs de ses jours et de ses autres parents. Le soir, avant de céder au sommeil, il fallait qu'il se livrât à un rigoureux examen de conscience, et qu'il se repentit des fautes qu'il avait eu la faiblesse ou le malheur de commettre. Il lui était commandé de voir dans le prêtre le représentant d'Ormuzd sur la terre, de suivre ses conseils, d'obéir à ses décisions, et de lui payer fidèlement la dîme de ses revenus. Il était obligé de prier, soit pour obtenir la force de persévérer dans le bien, soit pour se faire absoudre de ses égarements. Il avait pour devoir de laver ses souillures par des ablutions, et de se confesser, ou devant le mage ou près de quelque laïque renommé pour sa vertu, ou, à défaut de l'un et de l'autre, en présence du soleil. 

Le jeûne et les macérations lui étaient interdits; il devait au contraire se nourrir convenablement, et entretenir par ce moyen la vigueur de son corps : cette précaution rendait son âme assez forte pour résister aux suggestions des génies de ténèbres. D'ailleurs, est-il dit, l'humain qui n'éprouve aucun besoin lit la parole divine avec plus d'attention et a plus de courage pour faire les bonnes oeuvres. C'est par une raison analogue qu'il était ordonné au Perse de détruire les insectes, les reptiles et les bêtes venimeuses et malfaisantes. Le mariage n'était pas une obligation moins impérieuse pour lui, Celui qui n'est pas marié, dit la loi, est au-dessous de tout. L'union la plus méritoire est celle qui avait lieu entre parents. C'était un crime d'empêcher une fille de se marier. Celle qui, par sa faute, était encore vierge à l'âge de dix-huit ans, et qui mourait dans cet état de péché, était vouée aux tourments de l'enfer jusqu'à la résurrection. (A. Bertrand / B. Clavel).

.


Dictionnaire Religions, mythes, symboles
A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z
[Aide][Recherche sur Internet]

© Serge Jodra, 2004 - 2012. - Reproduction interdite.