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Loup

Peu d'animaux sont aussi connus, au moins de nom, que le loup. Tous les naturalistes grecs et latins en ont fait mention de leur temps; le loup était aux yeux du vulgaire un monstre, un fantôme, comme le loup-garou l'a été dans les légendes populaires. On en parle dans l'histoire; les mythes les plus anciens en font mention; il joue son rôle dans les traditions les plus reculées, et dans presque tous les contes du coin du feu.

En Egypte.
De tous les Egyptiens, les habitants de Lycopolis (Assiout) et du nome Lycopolite étaient les seuls qui se permissent de manger de la chair de brebis et de mouton; aussi avaient-ils beaucoup de respect pour les loups; ce que signifie le nom que les Grecs leur ont donné (lycos = loup). Elien rapporte même que, dans toute l'étendue de leur district, ils avaient eu soin d'arracher une plante du genre des aconits, connue sous le nom vulgaire d'étrangle-loup, de peur qu'il n'en arrivât quelque accident funeste à l'animal objet de leur vénération. Il est bon d'observer que le loup d'Egypte n'était autre que le chacal noir, emblème ordinaire d'Anubis; c'est pourquoi ce dieu était ordinairement représenté avec une tête de loup ou de chacal. De plus, Osiris, qui avait souvent échappé aux poursuites de Typhon en prenant la figure de divers animaux, paraît avoir affectionné particulièrement la forme du loup, car il se métamorphosait souvent en cet animal.

En Grèce.
On sait que les Grecs avaient un Apollon Lycius. Certains auteurs prétendent que ce surnom lui fut donné à Sicyone, depuis que l'oracle du dieu avait indiqué aux Sicyoniens le moyens de se délivrer des loups qui ravageaient leurs troupeaux. D'autres veulent, avec pausanias, qu'un voleur, ayant dérobé l'argent du temple de Delphes, alla le cacher dans le bosquet le plus épais du Parnasse, et y fut tué la nuit suivante par un loup, qui le mit en pièces pendant son sommeil. Ce même animal entra ensuite dans la ville et la fit retentir de ses hurlements, ce qu'il continua les nuits suivantes; on le suivit enfin, et l'on retrouva l'argent sacré, que l'on reporta dans le temple. D'autres auteurs enfin disent qu'Apollon fut surnomé Lycoctone, tueur de loups, parce que le Soleil, à son lever, tue la nuit. On pourrait ajouter l'opinion de ceux qui prétendent que cet animal est consacré à Apollon, à cause de sa vue pénétrante. A peine cette opinion arbitraire fut-elle reçue, que les Grecs et le Egyptiens principalement, dans des temps moins anciens, s'efforcèrent de trouver de plus en plus de traits, de ressemblance entre le Soleil et le loup toutes les qualités des animaux. C'est ainsi que l'on voit sur une médaille de Trajan un Harpocrate monté sur un loup, pour désigner le cours rapide du Soleil autour de la Terre.

A Rome et ailleurs.
Les Romains figuraient le loup comme gardien sur un grand nombre de monuments; cet usage est à mettre en rapport avec l'idée de faire du loup une divinité tutélaire, et c'est sous ce rapport qu'on le voit rapproché d'Horus et d'Harpocrate. Mais surtout, et avant tout, à Rome, le loup est une louve. C'est la louve qui fut la nourrice de Rémus et Romulus dans la légende de la fondation de la ville. 
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Paris : sculpture de la louve romaine (5e arrondissement).
La louve romaine allaitant Rémus et Romulus. Sculpture du square Paul-Painlevé, à Paris.
© Photo : Serge Jodra, 2009.

Chez les Scandinaves, Loki, le Satan du Nord, avait pour fils le loup Fenrir. Les légendes chrétiennes font du loup un emblème du démon

Le loup-garou.
Le lien de parenté du loup et de l'humain institué déjà dans les mythes égyptiens ou dans celui de la fondation de Rome peut être rapproché de celui qu'introduit le thème du loup-garou (du teuton gar, tout à fait; ulf, loup). Au Moyen âge, on donnait le nom de loup-garou à un homme que l'on supposait posséder le pouvoir de se métamorphoser en loup; mais ce qui paraît plus étrange, c'est que certains individus croyaient avoir réellement cette puissance. 

L'existence et les méfaits des loups-garous sont affirmés par un arrêt rendu en 1574 par la cour souveraine du parlement de Dole

« en la cause de messire Henry Camus, docteur ès droit, conseiller du roy en ladite cour et son procureur en icelle, impétreur et demandeur en matière d'homicide commis aux personnes de plusieurs enfants, dévorement de la chair d'iceux, sous forme de loup-garou, d'une part; et Gilles Garnier, natif de Lyon, défendeur, d'autre part  ». 
Cet arrêt condamne Gilles Carnier à être brûlé pour 
« tost après le jour de faicte Saint-Michel dernier, luy estant en forme de loup-garou, avoir prins une jeune fille d'environ dix on douze ans, en une vigne près le bois de la Serre, au lieu dict ès Georges, vignoble de Chastenoy, près Dole, un quart de lieue, et illec l'avoir tuée et occise, tant avec ses mains semblant pattes, qu'avec ses dents, et après l'avoir traînée avec lesdictes mains et dents, jusques auprès dudiet bois de la Serre, l'avoir dépouillée et mangée pour tant de la chair des cuisses et bras d'icelle; et, non content de ce, en avoir porté à Appoline, sa femme, en l'hermitage de Saint-Bonnat, près Amanges, et laquelle luy et sadicte femme faisoyent leur résidence ». 
Suit l'énumération de trois autres meurtres commis sur des filles ou garçons, « dont estant, comme il le confessait luy-même, en forme de loup, il dévoroit ensuite la chair ».

L'arrêt publié à Sens en 1514 a été réimprimé en partie dans le tome VIII des Archives curieuses de l'Histoire de France (1re série). Il y est accompagné d'une lettre de l'éditeur, Daniel d'Ange, au doyen de l'église de Sens. Dans cette lettre se trouve le commentaire suivant : 
« Gilles Garnier, lycophile, ainsi l'appellerai-je, estant hermite, prist depuis femme, et n'ayant de quoi sustenter sa famille, tomba, comme est la coustame des mal-appris, en défiance et tel désespoir, que errant par les bois et désertz en cet estat, il fut rencontré d'un fantôme en figure d'homme, qui lui promit monts et miracles, et, entre aultres choses, de lui enseigner à bon compte la façon de devenir, quand il le voudroit, loup, lion ou léopard à son choix; et pour ce que le loup est une beste plus mondanisée par deça que ces aultres espèces d'animaux, il aima mieux estre déguisé en icelle, comme de faict il fut, moyennant un onguent dont il se frottait à ceste fin, comme depuis il a confessé avant que mourir avec recognoissance de ses péchés. » 
Ce témoignage est tout à fait conforme à la doctrine de l'Eglise sur la perversité et la puissance de Satan, ainsi qu'à la procédure relative aux sorciers. Garantie par ces autorités, la croyance aux loups-garous florissait encore dans plusieurs de nos provinces, il y a soixante ans. Etant enfant, l'auteur de la présente notice ne passait qu'avec une profonde terreur auprès d'un vieux berger appelé Jacques Matifas et d'une vieille mendiante appelée Catherine Rousse; car il était notoire pour tous que le vieux avait puissance de se changer en loup, et la vieille en chatte. Ils sont morts depuis longtemps et ne paraissent point avoir eu de successeurs. Il ya bien longtemps, maintenant, qu'il n'y a plus de loups-garous dans le canton : beaucoup de choses cessent d'exister dès qu'on cesse d'y croire. (E.-H. Vollet).
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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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