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Saussure

Horace-Bénédict de Saussure est un naturaliste suisse, né à Conches, près de Genève, le 17 février 1740, mort à Genève le 22 janvier 1799. Il appartenait à une vieille famille protestante, originaire de Lorraine, où l'un de ses ancêtres, Mengin Schouel, dit de Saulxures, exerçait, au commencement du XVIe siècle, les charges de conseiller d'État et de grand fauconnier. Le fils de Mengin, Antoine, avait dû, en 1550, se réfugier en Suisse en raison de ses opinions religieuses. Il s'était fixé à Genève, et sa descendance avait occupé dans cette ville diverses fonctions publiques. Horace-Bénédict était lui-même fils de Nicolas de Saussure (1709-1790), qui s'était acquis une certaine notoriété par d'intéressants écrits sur l'agriculture, et de Renée de La Rive, femme instruite, qui prit grand soin de son éducation première. 
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Horace-Benedict de Saussure.
Horace-Bénédict de Saussure (1740-1799).

Charles Bonnet, qui était son oncle par alliance, lui inspira le goût précoce des sciences naturelles, et, dès 1762, à vingt-deux ans, il publiait un ouvrage, plein de vues nouvelles, sur l'écorce des feuilles et des pétales. La même année, il était nommé professeur de philosophie expérimentale à l'Académie de Genève. Il n'eut jamais, du reste, d'autre emploi que cette chaire, dont il resta titulaire jusqu'en 1786. Jamais aussi, par contre, il ne s'y consacra exclusivement excellent enseignant, il mettait tous ses efforts à accroître encore, par une préparation laborieuse, l'attrait puissant que son élocution charmeuse et sa logique impeccable suffisaient à assurer à ses leçons; mais il était épris, concurremment, d'un avide besoin d'observer, de trouver, qui constituait l'une des originalités de sa personnalité, et, après avoir entrepris, sous la direction de son oncle et de son ami Haller, quelques recherches de physiologie végétale, il résolut, se sentant trop à l'étroit entre les quatre murs d'un laboratoire, d'aller étudier sur les lieux mêmes, le marteau et la loupe en main, l'organisation et les manifestations de la nature. 

Ces courses, commencées en 1768, se continuèrent presque sans interruption, dans les intervalles de son enseignement, pendant vingt ans. Les Alpes, qu'il traversa quatorze fois par huit passages différents et au mur même desquelles il fit seize autres excursions, en demeurèrent jusqu'à la fin le principal théâtre. Mais il ne négligea pas pour cela le reste de l'Europe, et, tour à tour, il parcourut en détail les Vosges, le Jura, l'Auvergne, le Dauphiné, le Forez, le Vivarais, la Hollande, l'Angleterre, l'Italie, la Sicile, rapportant de partout une ample moisson de documents et d'échantillons et n'hésitant pas à gravir les sommets les plus malaisément accessibles chaque fois qu'il pensait pouvoir y effectuer quelque observation profitable au progrès des connaissances. Il fit ainsi, le second, au mois d'août 1787, l'ascension du Mont-Blanc, en compagnie de dix-huit guides, dont Jacques Balma, qui y était monté, le premier, un an auparavant.

L'année suivante, il séjourna près de trois semaines au col du Géant, à 3428 m. d'altitude, et, en 1789, il réalisa, dans le massif du Mont-Rose, une série d'expériences du plus haut intérêt pour la connaissance de la théorie de la Terre. Ce devait être, d'ailleurs, la dernière de ses courses. Une maladie à laquelle les fatigues des voyages n'étaient peut-être pas étrangères se trouva bientôt aggravée par le double chagrin qu'il ressentit des événements qui agitaient Genève et de la perte de sa fortune. En 1794, trois attaques de paralysie le frappèrent successivement et, après quatre années de pénibles souffrances, qu'une cure à Plombières ne parvint pas à enrayer, il s'éteignit, à l'âge de cinquante-neuf ans.

H.-B. de Saussure avait fondé en 1772 la Société des Arts de Genève, dont il était président, et, en 1790, l'Académie des sciences de Paris l'avait élu membre étranger. Il avait pris une part active, dans la dernière moitié de sa vie, aux délibérations du Conseil des Deux-Cents, dont il faisait partie, et à celles de l'assemblée chargée de préparer une nouvelle constitution. Lors de la réunion de Genève à la France, en 1798, Bonaparte. l'avait nommé, honoris causa, professeur d'histoire naturelle à l'École centrale du département du Léman. Il laissait deux fils, dont l'aîné Théodore devait être, comme lui, un savant illustre, et une fille, Albertine-Adrienne, qui devint Mme Necker (ci-dessous)..

Le premier travail de H.-B. de Saussure a trait à la botanique, le dernier également. Il n'a fait faire toutefois à cette science aucun progrès marquant et c'est une autre science, dont il a été, sinon le fondateur véritable, du moins l'un des plus illustres précurseurs, la géologie, qui a surtout tiré profit de ses admirables et patientes investigations. Le point de départ lui faisait défaut : la lithologie était confuse et pauvre, et c'est à peine si on se doutait avant lui qu'il y eût quelque constance dans la disposition des substances minérales. Il dut donc étudier les principales espèces, leur formation, l'ordre de leur disposition, leur degré de fusibilité.

« Il constata ensuite, dit Cuvier, que le granit est la roche primitive par excellence, celle qui sert de base à toutes les autres, qu'elle s'est formée par couches, par cristallisation dans un liquide, et que si les couches sont aujourd'hui presque toutes redressées, c'est à une révolution postérieure qu'elles doivent leur position. Il montra aussi que les couches des montagnes latérales sont toujours inclinées vers la chaîne centrale, vers la chaîne de granit, qu'elles lui présentent leurs escarpements, comme si elles s'y fussent brisées. Il reconnut que les montagnes sont d'autant plus bouleversées et que leurs couches s'éloignent d'autant plus de la ligne horizontale qu'elles remontent à une formation plus ancienne. Il fit voir qu'entre les montagnes de différents ordres il y a toujours des amas de fragments, de pierres roulées, et tous les indices de mouvements violents. Enfin il développa l'ordre admirable qui entretient et renouvelle dans les glaces des hautes montagnes les réservoirs nécessaires à la production des grands fleuves ». 
L'étude des eaux courantes et de leur action dégradante le retint aussi tout spécialement. Il mesura leur vitesse, leur température, la quantité des débris qu'elles charrient, se bornant, du reste, à peu près toujours, à des constatations ou à des déductions isolées, et se gardant, en cette matière comme en toutes autres, d'échafauder des systèmes. La physique du globe et la météorologie eurent, de leur côté, une large part dans ses préoccupations et dans ses découvertes. Il fit, tant dans son laboratoire qu'au cours de ses excursions aux hautes altitudes, un grand nombre d'observations et d'expériences sur la température, sur la composition de l'air, sur l'électricité atmosphérique, sur les ballons, etc., et comme, bien souvent, les instruments appropriés lui manquaient, il en imagina de nouveaux : l'hygromètre à cheveu, notamment, qui porte encore son nom, un électromètre à pailles et à pointe, un actinomètre, un anémomètre, un eudiomètre. Il inventa, en outre, de toutes pièces, le cyanomètre et le diaphanomètre, pour la comparaison de la couleur du ciel et de la transparence de l'air aux différentes hauteurs. (L.S.).
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Statue de Saussure à Chamonix.
Statue de H.-B. de Saussure à Chamonix.


En bibliothèque - H.-B. de Saussure a publié : Dissertatio physica de igne (Genève, 1739, in-4); Observations sur l'écorce des feuilles et des pétales (Genève, 1763, in-8); De electricitate (Genève, 1766, in-4); De aqua (Genève, 1771, in-8); Exposition abrégée de l'utilité des conducteurs électriques (Genève, 1771, in-4); Voyages dans les Alpes (Genève, 1779-1796, 4 vol. in-4; trad. allem. par Wyttenbach, Leipzig, 1781-1788), son oeuvre capitale, où le coloris et le charme de la description ne le cèdent en rien à l'intérêt scientifique et qui l'a fait surnommer « le premier peintre des Alpes »; Essai sur l'hygrométrie (Neuchâtel, 1783, in-4 ; trad. allem. par Titius, Leipzig, 1784); Voyages dans les Alpes. Partie pittoresque (Paris, 1790), etc. 

On lui doit, d'autre part, plusieurs mémoires et articles insérés dans le Journal de physique, dans le Journal des mines, dans les recueils de l'Académie de Turin, et des éloges de Seigneux, de Ch. Bonnet, du roi de Prusse. Le Muséum d'histoire naturelle de Genève conserve sa collection de géologie.

En librairie - H.B. de Saussure, Voyages dans les Alpes, Georg, 2002. - Avec femme et enfants aux volcans d'Auvergne, Zoé, 2001. - Discours préliminaire aux voyages dans les Alpes, Zoé, 1998.

R. Sigrist, Horace-Benedict de Saussure (un regard sur la Terre), Georg, 2001.

Nicolas-Théodore de Saussure est un naturaliste et chimiste suisse, fils du précédent, né à Genève le 14 octobre 1767, mort à Genève le 18 avril 1845 . Il fut dans sa jeunesse le compagnon de voyage de son père, qui l'associa à tous ses travaux, et, en 1802, il devint professeur de minéralogie et de géologie à l'Académie de Genève; mais il semble n'avoir jamais que peu ou pas enseigné et s'être de bonne heure confiné dans son laboratoire. Il était membre de la Royal Society de Londres et, depuis 1810, correspondant de l'Institut de France. Il fit partie, à plusieurs reprises, du conseil représentatif de la république de Genève, où il siégea parmi les conservateurs. 
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Nicolas-Théodore de Saussure.
Théodore de Saussure (1767-1845).

Ses premières recherches personnelles portèrent sur des questions de physique, principalement sur la densité de l'air, qu'il mesura aux différentes altitudes. Il se tourna ensuite vers la physiologie végétale et la chimie organique, et, à partir de 1795, se consacra à peu près exclusivement à ces deux sciences, mettant la seconde au service de la première et appliquant avant tout autre naturaliste la méthode vraiment expérimentale à l'étude des questions si importantes de la nutrition et de la respiration des plantes.

Il fit voir ainsi qu'il ne peut y avoir de germination dans le vide, que le volume d'oxygène absorbé est égal au volume d'acide carbonique formé ou émis pendant cette germination, que l'action de la lumière est en elle-même nulle, mais que l'acide carbonique, favorable à petite dose à la végétation quand la plante est exposée au soleil, devient mortel, en quantité même infime, dès que celle-ci est soustraite de façon constante à ses rayons, qu'enfin les parties vertes absorbent l'oxygène pendant la nuit et le restituent, le jour venu, à l'air environnant. Il éclaircit, d'autre part, plusieurs points douteux et délicats de chimie organique : composition de l'alcool et de l'éther sulfurique, décomposition et conversion de l'amidon en matière sucrée, etc.  (L. S.).



En bibliothèque. - N.-T. de Saussure n'a publié à part que ses Recherches chimiques sur la végétation (Paris, 1804), ouvrage fondamental, qui a fait date dans l'histoire de la physiologie végétale. Ses autres écrits sont épars, sous forme d'articles ou de notes, dans le Journal de physique (1789-1807), dans la Bibliothèque britannique (18061818), dans les Annales de chimie (1808-1830), dans la Bibliothèque universelle (1816-1820), dans les Mémoires de la Société de Genève (1821-1839).
Albertine-Adrienne de Saussure, dame Necker, est une femme de lettres, fille du naturaliste de Saussure, née à Genève en 1766, morte à Genève le 20 avril 1841. - Elle épousa en 1786 le botaniste Jacques Necker (fils de Louis Necker, et par conséquent neveu du célèbre ministre); dont les ouvrages sont restés manuscrits. Elle a publié une traduction du Cours de littérature dramatique de W. Schlegel (Paris et Genève, 1814, 3 vol. in-8), aux leçons duquel sa cousine, Mme de Staël, avait assisté avec une curiosité enthousiaste. 
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Albertine de Saussure (Mme Necker).
Albertine de Saussure, Mme Necker (1766-1841).

L'assertion de Barbier, que cette traduction avait été faite par Mme de Staël, sous les yeux de l'auteur, a été démentie et par le libraire-éditeur lui-même, Paschoud; et par une lettre du fils de la traductrice, en date du 12 décembre 1827, adressée à Quérard. Mme Necker a donné ensuite une Notice sur le caractère et les écrits de Mme de Staël (Paris, 1820, in-8, avec portrait) qui a d'abord paru en tête des œuvres complètes de Mme de Staël; puis l'Education progressive ou étude sur le cours de la vie (Paris, 1828-1832, 2 vol. in-8), ouvrage de morale et de pédagogie qui traite principalement de la « première enfance », de la « deuxième partie de l'enfance », de la « vie des femmes » et auquel l'Académie décerna le prix Montyon en 1832. Elle a laissé enfin une nouvelle édition des Mémoires de Mme de Staël, suivie d'ouvrages posthumes (Paris, 1844, in-12), et une nouvelle édition de Corinne ou l'Italie (Paris, 1845, in-12). (GE).

Henri de Saussure est un naturaliste, arrière-petit-fils d'Horace-Bénédict, né à Genève en 1829, mort en 1905. Il est connu par ses voyages scientifiques au Mexique et par d'intéressants travaux sur les insectes, spécialement sur les Hyménoptères.

Il a écrit : Mélanges orthoptérologiques (1863- 1878, 6 part.); la Grotte du Scé (1870); Etudes sur les orthoptères et les myriapodes, dans Mission scientifique du Mexique (1872-1874); les Explorateurs genevois des Alpes (1879); la Question du lac (1880), etc.-

Henri de Saussure.
Henri de Saussure (1829-1905).
Ferdinand de Saussure est un linguiste suisse, fils de l'entomologiste Henri de Saussure (ci-dessus). Il est né  le 26 novembre 1857 à Genève et est mort le 22 février 1913 au château de Vufflens (canton de Vaud). Il suivit les cours de l'université de Genève, puis se rendit à Leipzig et prit part anx travaux de la Société de grammaire (Grammalische Gesellschaft), dirigée par Curtius.

C'est en décembre 1878 qu'il publie son célèbre Mémoire sur le système primitif des voyelles dans les langues indo-européennes. Il suit, pendant un an, les cours à l'université de Berlin, revient à Leipzig en 1879 et y subit les épreuves du doctorat en philosophie, l'année suivante. Sa thèse est intitulée : De l'emploi du génitif absolu en sanscrit (Genève, 1881). En novembre 1881, il est chargé d'une conférence de langue gothique et de vieux-haut-allemand à l'Ecole pratique des hautes études de Paris. Pendant dix ans, il y enseigne brillamment la grammaire comparée des langues indo-européennes. Il est en même temps, de 1883 à 1891, secrétaire adjoint de la Société de linguistique de Paris. Il quitte Paris en 1891, appelé à l'université de sa ville natale comme professeur de sanscrit et de grammaire comparée. Il occupera ce poste jusqu'à sa mort.

Ferdinand de Saussure n'a pas beaucoup publié de son vivant. En dehors de son Mémoire et de sa thèse, il n'a guère publié que des articles : par exemple, un travail, d'ailleurs remarquable, sur le lituanien, dans le volume IV des lndogermnanische Forschungen. Citons aussi quelques pages Sur un point de la phonétique des consonnes en indo-européen (Mémoires de la Société de linguistique de Paris, t. VI). Mais son Mémoire a fait date dans l'histoire de la grammaire comparée indo-européenne : 

« En même temps qu'il résumait et précisait toutes les découvertes antérieures sur le vocalisme, il apportait, par une innovation capitale et vraiment décisive, un système cohérent qui embrassait tous les faits, mettait à leur véritable place les faits connus et en révélait une foule de nouveaux ». (Meillet).
Lorsque le Mémoire a paru, la grammaire comparée était en pleine crise de transformation. Le Compendium de Schleicher (4e édition, 1874) avait depuis longtemps remplacé l'ouvrage monumental de Bopp, mais commençait lui-même à vieillir. Bopp et Schleicher n'attribuaient à l'indo-européen commun (proto-indo-européen)  que les trois voyelles a, i, u. L'e et l'o des langues de l'Europe résultaient, selon eux, de la scission de l'a primitif. Mais, de 1874 à 1876, Amelung et Brugmann reconnurent que la distinction de e, o,e et a, telle qu'elle apparaît en grec, en latin et en celtique (avec confusion de o et de a en germanique et en balto-slave), représente l'état indo-européen.
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Ferdinand de Saussure.
Ferdinand de Saussure (1857-1913).

Une preuve décisive à l'appui de cette thèse fut fournie, en 1877, par Collitz et Ferdinand de Saussure. Ils firent valoir qu'à la même gutturale k du lituanien correspondait en indo-iranien tantôt un k, tantôt un tch, et que cette différence consonantique ne pouvait s'expliquer que par une différence entre les voyelles qui suivaient primitivement les gutturales. Or, cette différence n'existe plus en sanscrit, en zend et en vieux-perse, qui présentent uniformément un a. Le vocalisme du grec a donc conservé plus fidèlement la physionomie indo-européenne. En outre, Brugmann avait été amené, en 1876, à admettre l'existence, en indo-européen, d'un n et d'un m voyelles qui jouaient, en regard de n et de m consonnes, le même rôle que r voyelle sanscrit à l'égard de r consonne : c'était le début de la théorie des sonantes.

Pour l'auteur du Mémoire, l'indo-européen n'a proprement qu'une seule voyelle, qui apparaît avec les timbres e ou o, ou qui manque. Tout élément morphologique, racine ou suffixe, peut donc avoir trois formes, trois « degrés » : le degré e, le degré o et le degré zéro, ce dernier caractérisé par l'absence de la voyelle thématique e/o (comparer le, trois mots grecs PET-omai « je vole », POT-aomai, e-PTomên). Ces variations de degré constituent les alternances (apophonie). La voyelle a ne figure pas dans les alternances régulières. Les voyelles i et u sont à y (i consonne) et à w (ou consonne : w anglais) ce que r, l, m et n voyelles sont à r, l, m et n consonnes. Ces six phonèmes : y, w, r, l, m, n peuvent jouer soit le rôle de consonnes, soit celui de voyelles. Il faut donc leur donner un nom à part, et c'est celui de sonantes qui a été adopté. Le degré zéro des racines à voyelle longue est un phonème que le sanscrit reflète par un i, le grec et le latin par un a (cf. sanscrit sthitah = gr. statos = lat. status).

Voilà une nouvelle voyelle indo-européenne, de nature phonétique d'ailleurs obscure, que les uns ont appelée la voyelle indécise, les autres le schwa indo-européen (par emprunt à la grammaire sémitique), et que Brugmann, suivi par la plupart des linguistes, désigne au moyen d'un e renversé : . Comme le phonème  apparaît dans la seconde syllabe de certaines racines, Ferdinand de Saussure a supposé l'existence de racines dissyllabiques indo-européennes, contrairement à la doctrine du monosyllabisme primitif des racines, admise jusque-là par tous les linguistes. Enfin, , en se combinant avec une sonante précédente, donne des sonantes voyelles longues : comme il y a des i longs et des u longs, il y a eu en indo-européen des r, l, n, m voyelles, dont la durée était prolongée. C'est d'un n voyelle de durée longue (n + ) que procède la première syllabe du latin natus « né ». La même racine apparait sous une forme dissyllabique dans le sanscrit janitum « naître ».

Ces généralisations hardies ont d'abord surpris beaucoup de linguistes. On y voyait des constructions géométriques aussi fragiles que séduisantes. Mais, bientôt, les progrès de la grammaire comparée donnaient raison à l'auteur. La réalité des sonantes longues a été établie par une étude de Fortunatov sur le lituanien, et les travaux de Hübschmann et de Hirt sur le vocalisme « ont précisé beaucoup de détails, mais n'ont pu que confirmer dans l'ensemble la doctrine posée par F. de Saussure ». (Meillet). Le savant qui, à vingt et un ans, encore étudiant, a composé le Mémoire sur le système primitif des voyelles, a ainsi pu être appelé par Louis Havet un « linguiste génial ».

On connaît aujourd'hui sous le nom de Ferdinand de Saussure son Cours de linguistique générale. Il n'a pas réellement écrit cet ouvrage, qui, en fait, a été rédigé et publié en 1916 par deux de ces élèves, Charles Bally et Albert Séchehaye, après sa mort. Il s'agit d'une synthèse de son enseignement établie à partir de notes de cours donnés 1906-1907, 1908-1909 et 1910-1911. On y voit Saussure envisager la langue comme un système de signes (arbitraires) qui s'organise autour d'un certain nombre d'oppositions. Ainsi le linguiste oppose-t-il la langue, qui relève du collectif, du social, et la parole, qui est de l'ordre de l'individuel. Il pose aussi les distinctions du symbole et du signe et, dans le signe, l'opposition du signifié (concept, contenu) et du signifiant (image acoustique, contenant). Enfin, et surtout peut-être, Saussure, au coeur même du sstème linguistique, place l'opposition entre les notions de diachronie (comment la langue, en tant que forme, évolue) et de synchronie (comment, à un moment donné, cette forme s'organise). L'ouvrage aura une importance considérable pendant une grande partie du XXe siècle; on y trouve les fondements de ce qui sera le structuralisme. (Maurice Enoch).



En librairie. - F. de Saussure, Mémoire sur le système primitif des voyelles dans les langues indo-européennes (Éd.1879), Hachette Livre BNF, 2012. - Cours de linguistique générale, préface de Jean-Didier Urbain Payot, 2016. - Ecrits de linguistique générale, Gallimard, 2002

Claudia Mejia Quijano, Le cours d'une vie, Portrait diachronique de Ferdinand de Saussure (2 vol.), Editions Cécile Defaut, 2008. - Jacques Coursil, Valeurs pures : Le paradigme sémiotique de Ferdinand de Saussure, Lambert-Lucas, 2015. - Jean-Paul Bronckart et Ecaterina Bulea, Le projet de Ferdinand de Saussure, Librairie Droz, 2010.

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