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Clocher

Pendant les premiers siècles du christianisme, les églises n'eurent pas de clochers; et quoique l'on trouve, dès le VIe siècle, dans les basiliques de la Gaule, des tours en bois élevées au-dessus du carré du transept, toutefois c'est au VIIIe et au IXe siècles seulement que l'on rencontre en Italie des clochers proprement dits. 

Les plus anciens qui soient mentionnés à Rome sont ceux de Saint-Jean-de-Latran et de Saint-Pierre (milieu du VIIIe siècle); les plus anciens qui nous soient conservés sont ceux de Vérone et de Ravenne (IXe siècle); ce sont des constructions généralement rondes, et toujours indépendantes du bâtiment principal. 

A partir du XIe siècle les clochers se multiplièrent : non pas que les cloches, de dimension peu considérable encore, rendissent bien nécessaire la construction d'un édifice spécial; des raisons défensives firent élever beaucoup de ces tours, en particulier celles qui, comme à Poissy, à Créteil, à Saint-Savin, etc., sont placées dans l'axe de l'église et couvrent la façade de leur masse. 
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Prague : Clochers de l'église de Tyn.
Clochers de l'église Notre-Dame de Tyn, à Prague. Photo : © Angel Latorre, 2008.

Ce qui était un besoin devint bientôt une mode : chaque église voulut avoir sa tour, chaque seigneur ecclésiastique voulut, en face du donjon du château, élever un signe visible de sa puissance; et la construction d'un clocher devenant pour les monastères, les chapitres et les communes une question d'amour-propre, les architectes rivalisèrent de dispositions surprenantes et le nombre des clochers augmenta au XIIe siècle d'une manière prodigieuse.

La place de ces clochers dans le plan de l'église fut très variable; d'abord ils furent isolés et indépendants de l'édifice et ils gardèrent toujours cette place en Italie et souvent dans le midi de la France; puis ils furent placés, dans l'axe de l'église, au-dessus de la porte principale; mais bientôt, entrant dans le plan général, ils furent construits sur la façade, dans l'axe des bas-côtés ou bien sur le carré du transept, ou encore à la rencontre des transepts avec la nef, quelquefois à toutes ces places à la fois. 

En Normandie surtout, le nombre des clochers fut considérable; des églises d'importance secondaire en ont trois, les grandes cathédrales cinq; dans le domaine royal, on fit plus encore et les cathédrales comme celles de Reims et de Laon eurent sept et neuf clochers.
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Le clocher de Vernouillet.

Suivant les pays, ces clochers adoptèrent des formes très diverses. C'est dans la construction des clochers, en effet, que se donna le plus librement carrière l'imagination des artistes et qu'ils cherchèrent les combinaisons les plus ingénieuses et les plus variées. Tandis qu'en France les plus anciens clochers, ceux du Périgord et du Limousin, s'inspirent de deux types divers, celui de Saint-Front aux étages carrés en retrait, au couronnement conique posé sur un tambour formé de colonnes, et celui de Brantôme à la pyramide carrée, bientôt transformée en beffroi octogonal, les provinces de l'Est et l'école rhénane adoptent les clochers octogones depuis la base, et les architectes du domaine royal, combinant les deux styles, élèvent sur un plan carré des flèches octogonales (Poissy, Vernouillet). 
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Venise : clocher de San Barnaba.
Venise : clocher de San Giovanni dei Greci
Clochers de Venise : le clocher de style byzantin de l'église San Barnaba et, à droite, le clocher (penché) de style Renaissance de l'église San Giorgio dei Greci.

Pendant tout le cours du XIIe siècle, la fécondité d'invention des artistes est merveilleuse, et quoique beaucoup de clochers aient été achevés ou refaits bien après le reste de l'édifice, on peut suivre, par exemple à Vendôme, au vieux clocher de Chartres (1140-1170), à Senlis (commencement du XIIIe  siècle) les progrès étonnants qu'accomplit l'habileté des architectes. 

Généralement carrés à la base et formés de plusieurs étages superposés de hauteur inégale, décorés à la partie inférieure d'arcatures aveugles, ouverts aux étages supérieurs de larges fenêtres, les clochers se transforment au dernier étage en octogone, et sont couronnés par un toit en forme de pyramide carrée ou octogone, d'abord basse et trapue, mais qui est de plus en plus aiguë à partir du XIIe siècle. 
 


Clocher de la Trinité de Vendôme.

Clocher de la Cathédrale de Senlis.

Les architectes cherchent à élever des tours à la silhouette élégante et légère : ils flanquent et soutiennent par des clochetons la flèche principale; ils diminuent la nudité de cette flèche en ornant ses arêtes de crochets feuillus; ils multiplient les ouvertures sur les faces de la construction. Même soin et même variété dans l'exécution du clocher central, le plus important aux yeux des architectes romans : les églises de la Normandie en particulier portent sur la croisée, du XIIe jusqu'au XVIe siècle, des clochers en pierre gigantesques (Bayeux, Rouen, Caen), et suivant les régions ces clochers sont carrés, octogones ou ronds, couronnés par une pyramide ou une coupole ovoïde; seule, l'île-de-France renonça de bonne heure à ces clochers en pierre posés sur la croisée et y substitua des flèches en charpente recouverte de plomb. 

C'est le cas général à l'époque gothique : à partir du milieu du XIIIe siècle, les clochers principaux sont construits au nombre de deux sur la façade; leurs étages superposés sont percés de baies longues et étroites; sur leur plan carré s'élève une flèche aiguë percée à jour; des contreforts très ornés les soutiennent, des statues les décorent. La passion de la légèreté, le désir d'étonner devaient bientôt entraîner les architectes dans de dangereux excès : les clochers de Strasbourg et de Fribourg (XIVe siècle) sont couverts d'une véritable dentelle de pierre. Beaucoup de ces clochers sont d'ailleurs demeurés inachevés, le temps et l'argent ayant manqué pour les terminer selon les grandes dimensions de la conception primitive. (Ch. Diehl).
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Déols : clocher de l'ancienne église abbatiale.
Déols : clocher de l'ancienne église abbatiale.
Le clocher de l'ancienne église abbatiale de Déols (Indre). La flèche conique et les quatre lanternons le rattachent à l'architecture romane d'Aquitaine. © Photos : Serge. Jodra, 2009-2012.

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Dictionnaire Architecture, arts plastiques et arts divers
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